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ᒪᓯᓇᐦᐄᑲᓐ ᐸᒋᔅᑎᓂᑲᓅᐦᒡ ᐄᓅ-ᓇᔅᑳᐲ
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2022
ᒪᓯᓇᐦᐄᑲᓐ ᐸᒋᔅᑎᓂᑲᓅᐦᒡ ᐄᓅ-ᓇᔅᑳᐲ
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Report of the Cree-Naskapi Commission
Rapport de la Commission Crie-Naskapie
Territoire de la
Crie-Naskapie
Rédacteurs
Richard Saunders, Président
Philip Awashish, Commissaire
Mise en page at conception
gordongroup
Impression
Gilmore Printing Limited
Traduction
wedo (CILFO) translation inc. (Français)
George Guanish (Naskapie)
Ernest Hester (Crie)
Photographie
Robert Chitty
Contactez nous
Commision de la Crie-Naskapie
222, rue Queen, suite 305
Ottawa (Ontario) K1P 5V9
téléphone : 613-234-4288
télécopieur : 613-234-8102
sans-frais : 1-888-236-6603
www.creenaskapicommission.net
Crédits
Les commissaires tiennent à reconnaître et à remercier tous ceux qui ont contribué au contenu
du Rapport 2022 de la Commission Crie-Naskapie. Cela comprend les aînés, les chefs et les chefs
des Conseils des jeunes qui ont pris le temps d’orir leurs suggestions et leurs idées lors des
audiences spéciales sur la mise en œuvre tenues plus tôt cette année. Les nombreuses personnes
qui ont présenté des observations au cours de l’année 2021 nous ont également fait part de
nombreuses préoccupations spéciques qui ont été très utiles pour comprendre les enjeux
plus généraux.
Les commissaires souhaitent également remercier notre directeur général, Brian Shawana,
pour ses conseils toujours éclairés et ables, ainsi que pour son professionnalisme habituel
dans la gestion quotidienne des opérations de la Commission.
Enn, un grand merci à Sandra Masson, notre adjointe exécutive, pour l’excellent travail qu’elle
a accompli en s’acquittant d’un large éventail de responsabilités administratives, en particulier
pendant une période dicile.
Remerciements
Richard Saunders, Président
Richard Saunders détient des diplômes universitaires en sciences politiques
et en administration publique de l’Université Carleton. Il a travaillé pour
l’Assemblée des Premières nations, la Indian Association of Alberta, le
gouvernement fédéral, ainsi que les gouvernements de l’Ontario et de
l’Alberta. Au cours des trois dernières années, il a agi comme directeur des
négociations pour le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, qui a récemment
signé une entente-cadre avec les chefs Mi’kmag et le gouvernement fédéral.
Richard a été membre de la Commission Crie-Naskapie pendant trois
mandat consécutifs, de 1986 à 1992; il en est le président depuis 1997.
Philip Awashish, Commissaire
Philip Awashish a été l’un des négociateurs cris en chef représentant la
Nation crie d’Eeyou Istchee lors des négociations qui ont mené à la
signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. Pendant une
période de 40 ans, il a occupé divers postes de direction au sein de la Nation
crie d’Eeyou Istchee, par exemple ceux de chef principal et de vice-président
du Grand Conseil des Cris (du Québec) et de l’Administration régionale
crie, de chef et conseiller de la Nation crie de Mistissini et a été membre
de divers organismes et comités créés par la Convention de la Baie-James et du
Nord québécois. En 2009, Philip Awashish a reçu un doctorat honorique en
droit de l’université McMaster pour son travail sur les droits autochtones,
la gouvernance et le droit Eeyou.
Robert Kanatewat, Commissaire
Robert Kanatewat, un Eeyou de Chisasibi, a joué un rôle-clé dans la
promotion de la sensibilisation aux droits des Eeyous à titre de membre
exécutif de la Confédération des Indiens du Québec à la n des années
1960 et au début des années 1970. Il a été le principal demandeur dans l’aaire
Kanatewat c. Société de développement de la Baie-James, lorsque la nation crie a
décidé de s’opposer à l’aménagement hydroélectrique initial d’Eeyou Istchee.
En sa qualité de cadre principal, il a participé aux négociations menant à
l’exécution de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. Pendant de
nombreuses années, il a servi les Eeyous d’Istchee comme chef exécutif du
Grand Conseil des Cris (du Québec), chef de la nation crie de Chisasibi et
dirigeant de diverses entreprises commerciales. À l’exception d’un mandat,
Robert Kanatewat est membre de la commission Crie-Naskapie depuis 1986.
Juin 2022
À : Membres de la Nation crie d’Eeyou Istchee et de la Nation naskapie de Kawawachikamach
La Commission Crie-Naskapie a le plaisir de soumettre son rapport annuel 2022 aux membres de la
Nation crie d’Eeyou Istchee et de la Nation naskapie de Kawawachikamach.
Ce rapport est le reet des idées, des préoccupations et des suggestions soulevées au cours de la dernière
année dans les nombreuses réclamations déposées par les bénéciaires cris et naskapis en vertu des
dispositions de la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie. Les aînés, les chefs et les chefs des
Conseils de jeunes de nombreuses collectivités ont également fourni des renseignements précieux
lors des audiences spéciales sur la mise en œuvre que la Commission a tenues plus tôt cette année.
Les commissaires tiennent à remercier tous ceux qui ont contribué à donner leur point de vue sur les
nombreuses questions qui constituent la base du présent rapport.
La pandémie de COVID-19 a rendu impossible la tenue de réunions, d’audiences et de consultations en
personne au cours des deux dernières années. Cette situation semble prendre n et nous nous réjouissons
d’avoir la possibilité d’être présents dans les communautés au cours des prochains mois. Nous remercions
tout le monde pour sa patience à l’égard des courriels, des conférences téléphoniques, etc., qui ont été
nécessaires pendant cette période dicile.
Nous encourageons tout le monde à continuer de faire part à la Commission leurs commentaires et
suggestions an de nous permettre de nous acquitter de nos responsabilités le plus ecacement possible.
Sincèrement,
COMMISSION CRIE-NASKAPIE
Richard Saunders Philip Awashish Robert Kanatewat
Président Commissaire Commissaire
47
MESSAGE DU PRÉSIDENT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
CHAPITRE 1
Introduction et Contexte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
CHAPITRE 2
Préoccupations et problèmes de la Nation eeyoue d’Eeyou Istchee
et de la Nation naskapie de Kawawachikamach . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
CHAPITRE 3
Gouvernance eeyoue, droit coutumier et Eeyou Eedouwun . . . . . . . . . . . 72
CHAPITRE 4
Recommandations de la Commission Crie-Naskapie . . . . . . . . . . . . . . . 84
Table des matières
MESSAGE DU PRÉSIDENT 49
MESSAGE DU
MESSAGE DU
PRÉSIDENT
Note sur l’impact continuel de la COVID-19
La COVID-19 a eu des répercussions sur la façon dont toutes les organisations, y compris la
Commission Crie-Naskapie, ont accompli leur travail au cours des deux dernières années.
Comme tout le monde, nous avons l’espoir que cette période di cile est presque terminée. Les
autorités de santé publique ont certainement levé certaines restrictions et un retour à la normale
semble probable dans les mois à venir.
L’impact le plus di cile des restrictions en matière de santé publique est peut-être le fait que nous
n’avons pas été en mesure d’organiser des réunions, des préauditions, des audiences en personne,
etc. De plus, nous n’avons pas pu visiter les communautés cries et naskapie et participer à des
réunions, à des consultations, à des séances d’orientation, etc., nous avons dû mener la plupart de
ces activités de façon virtuelle. Étant donné que de nombreux aînés et d’autres personnes n’ont pas
accès aux communications en ligne, comme Zoom, etc., nous avons organisé des audiences et des
rencontres à l’aide de conférences téléphoniques. Cela ne remplace pas les rencontres en personne.
Cependant, nous avons été surpris de constater que, dans la plupart des cas, il était possible de
tenir des réunions assez e caces à l’aide de cette formule. En tout état de cause, nous sommes
optimistes quant à la possibilité de nous rencontrer en personne dans les mois à venir.
semble probable dans les mois à venir.
L’impact le plus di cile des restrictions en matière de santé publique est peut-être le fait que nous
n’avons pas été en mesure d’organiser des réunions, des préauditions, des audiences en personne,
etc. De plus, nous n’avons pas pu visiter les communautés cries et naskapie et participer à des
réunions, à des consultations, à des séances d’orientation, etc., nous avons dû mener la plupart de
ces activités de façon virtuelle. Étant donné que de nombreux aînés et d’autres personnes n’ont pas
accès aux communications en ligne, comme Zoom, etc., nous avons organisé des audiences et des
rencontres à l’aide de conférences téléphoniques. Cela ne remplace pas les rencontres en personne.
Cependant, nous avons été surpris de constater que, dans la plupart des cas, il était possible de
tenir des réunions assez e caces à l’aide de cette formule. En tout état de cause, nous sommes
optimistes quant à la possibilité de nous rencontrer en personne dans les mois à venir.
50 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
Principaux enjeux identifiés au cours de lannée écoulée
Au cours de la dernière année, la Commission a porté les questions à notre attention de trois manières
principales.
La première source d’intrant était formée des nombreuses questions spéciques individuelles soulevées
dans les « réclamations » déposées conformément à l’article 165 (1) (a) et (b) de la Loi. Ces questions
individuelles sont traitées principalement au cas par cas. Lorsqu’un grand nombre d’observations portent
sur une question similaire, la Commission les aborde souvent dans un document de travail qui est
largement diusé et disponible sur notre site Web. Normalement, nous présentons également le sujet dans
notre rapport annuel.
Une deuxième source importante comprenait les questions soulevées lors des audiences annuelles
spéciales sur la mise en œuvre. Ces audiences donnent l’occasion aux chefs, aux aînés, aux chefs des
Conseils de jeunes, aux Canadiens et à d’autres personnes d’informer directement les commissaires des
questions sur lesquelles il serait utile de se pencher.
La troisième façon utilisée par la Commission pour prendre connaissance des questions jugées
importantes est lorsque les bénéciaires cris ou naskapis s’adressent directement à la Commission pour
lui faire part de leurs préoccupations et suggestions générales.
Au cours de la dernière année, les parties prenantes nous ont fait part des questions importantes
suivantes :
des suggestions fréquentes pour accroître et renforcer le rôle des aînés dans le domaine de la
gouvernance,
une suggestion tout aussi répandue pour assurer l’importance et la reconnaissance du droit et
des coutumes traditionnels, y compris dans les lois ocielles sur la gouvernance, etc.,
de plus nombreuses demandes voulant des lois sur l’éthique et les conits d’intérêts là où elles
n’existent pas encore,
de plus nombreuses demandes visant une plus grande transparence, l’accès aux processus de
prise de décision et l’accès aux procès-verbaux, etc., des organismes ociels,
une préoccupation constante quant à la nécessité de revoir les exigences en matière de quorum
pour les réunions communautaires, les réunions du Conseil, les référendums, etc.,
des suggestions sur la nécessité d’améliorer les procédures d’élection, les procédures de mise en
candidature, les procédures de réunion et les questions connexes,
des suggestions sur des séances d’orientation plus complètes visant à donner un aperçu
aux chefs et aux conseils, au personnel chargé de la gouvernance et aux membres de la
communauté, an d’inclure de l’information sur la Convention de la Baie-James et du Nord
québécois, la Convention du Nord-Est québécois, la Constitution crie, la Loi sur les Naskapis et la
Commission Crie-Naskapie, la Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la Nation crie d’Eeyou
Istchee et d’autres ententes et lois importantes,
des suggestions visant des séances d’orientation sur les mandats, les rôles et les activités des
divers organismes cris et naskapis, etc. Par exemple, le gouvernement de la Nation crie, la
Société de développement des Naskapis, la Commission scolaire crie, le Conseil cri de la santé
et des services sociaux, la Commission Crie-Naskapie, etc.
Tout cela suggère que la Commission devra évoluer pour répondre aux attentes changeantes, et ce, de
plusieurs façons, notamment en procédant aux activités énumérées ci-dessous.
La priorité absolue de la Commission doit être de s’acquitter de ses fonctions telles qu’elles
sont énoncées dans la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie.
De plus en plus, la Commission doit jouer ce qu’on a appelé un « rôle d’ombudsman », c’est-à-
dire trouver des solutions aux préoccupations des bénéciaires qui sont sérieuses mais qui ne se
prêtent pas à une enquête ocielle en vertu de la Loi ou à un renvoi à un autre organisme.
Après la n de la pandémie, la Commission devra rencontrer les communautés pour écouter
les suggestions et les préoccupations, et expliquer son mandat et les responsabilités qui y sont
liées.
La Commission doit consulter tous les bénéciaires intéressés, y compris les aînés, les chefs
et les conseils, les chefs des Conseils de jeunes et d’autres parties prenantes, sur les moyens
d’améliorer son utilité pour les nations cries et naskapie.
La Commission doit porter à l’attention des gouvernements cris et du gouvernement naskapi
les questions qui ont été fréquemment soulevées auprès d’elle, mais qui ne relèvent pas de
son mandat et que les gouvernements cris et le gouvernement naskapi pourraient vouloir
considérer comme des questions de politique ou d’élaboration de lois. (Des exemples actuels
de ces questions comprennent la possibilité d’adopter des dispositions dans la Constitution
crie et la future Constitution naskapie pour garantir le rôle des aînés dans le domaine de
la gouvernance ainsi que pour reconnaître et donner eet au rôle du droit traditionnel et
coutumier cri et naskapi).
NOTE
Les rapports précédents de la Commission crie-naskapie comprenaient un chapitre sur la réponse du Canada aux recommandations formulées par la
Commission et portant sur les responsabilités du gouvernement fédéral. Cette année, nous avons invité Relations Couronne-Autochtones et Aaires du
Nord Canada à fournir ses réponses en vue de leur inclusion dans le présent rapport. Le ministère n’a pas répondu et le chapitre ne gure donc pas dans
notre rapport.
MESSAGE DU PRÉSIDENT 51
52 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
La Convention de la Baie-James et du Nord québécois est née de l’opposition initiale des Eeyous à un projet
de développement hydroélectrique à Eeyou Istchee. En avril 1971, le Québec et Hydro-Québec avaient
annoncé le premier grand projet de développement hydroélectrique sans consulter les Eeyous, qui
seraient profondément touchés par le projet proposé. Par un processus de traité, le litige initié par les
Eeyous a abouti à un règlement négocié.
Tout au long des années 1970, les négociations qui ont mené à la signature de la Convention de la
Baie-James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois ont été une rare occasion pour les
peuples cris et naskapis, respectivement, d’obtenir la reconnaissance de droits, de garanties et d’avantages
particuliers pour leurs sociétés distinctes et de redé nir les relations avec le Canada et le Québec. Ces
négociations et les conventions subséquentes se sont également avérées un moyen de réaliser, dans une
certaine mesure, leur vision de l’autonomie gouvernementale pour leur peuple, leurs communautés et
leurs terres, tout en étant toutefois limitée par le contexte politique et juridique des années 1970.
Le 11 novembre 1975, la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) a été signée par
le Grand Conseil des Cris (du Québec), la Northern Quebec Inuit Association, le gouvernement
du Canada, le gouvernement du Québec et certaines sociétés d’État comme Hydro-Québec.
La Convention du Nord-Est québécois (CNEQ) a été signée le 31 janvier 1978 par la bande des Naskapis
de Sche erville, le Grand Conseil des Cris (du Québec), la Northern Quebec Inuit Association,
le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et certaines sociétés d’État comme
Hydro-Québec.
Le chapitre 9 (Administration locale sur les terres de catégorie 1A) de la Convention de la Baie-James et
du Nord québécois précise : « il sera recommandé au Parlement d’adopter une loi spéciale concernant le
gouvernement local des Cris de la Baie James sur les terres de catégorie 1A qui leur sont allouées. »
1
Le chapitre 7 (Administration locale sur les terres de catégorie 1A-N) de la Convention du Nord-Ouest
québécois prévoit des mesures similaires concernant l’administration locale des Naskapis du Québec sur
les terres de catégorie 1A-N qui leur sont allouées.
CHAPITRE UN
INTRODUCTION ET CONTEXTE
Par conséquent, aux termes du chapitre 9 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et
du chapitre 7 de la Convention du Nord-Est québécois, les Premières nations cries et naskapies et le
gouvernement du Canada ont discuté des modalités et des dispositions de la législation spéciale
concernant l’administration locale pour les Cris de la Baie James et les Naskapis du Québec. Cette loi
spéciale - la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec - a été adoptée par le Parlement et sanctionnée
le 14 juin 1984.
La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit « un régime d’administration locale organisé et ecace,
ainsi que l’administration, la régie et le contrôle par les bandes cries et la bande naskapie respectivement
des terres des catégories 1A et 1A-N, ainsi que la protection des droits individuels et collectifs prévus
aux Conventions. »
2
Par conséquent, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec de 1984 est la première loi au Canada à
reconnaître dans une certaine mesure l’autonomie gouvernementale des Autochtones. Elle redénit
la relation entre le gouvernement du Canada et les peuples cris et naskapis.
Sauf aux ns de déterminer lesquels des bénéciaires cris et naskapis sont des « Indiens » au sens de
la Loi sur les Indiens, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec remplace la Loi sur les Indiens qui ne
s’applique pas aux Premières nations cries et naskapies, et la Loi sur les Indiens ne s’applique pas non
plus aux terres de catégorie 1A ou 1A-N des bandes cries et de la bande naskapie respectivement.
INTRODUCTION ET CONTEXTE 53
54 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
À l’exception de la partie XII (Dispositions relatives à l’établissement, aux fonctions et au fonctionnement
de la Commission Crie-Naskapie) de la loi, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est entrée en
vigueur le 3 juillet 1984.
La partie XII de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec concernant l’établissement, les fonctions et le
fonctionnement de la Commission Crie-Naskapie est entrée en vigueur le 1
er
décembre 1984.
La Commission Crie-Naskapie établie par l’article 158 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a
pour mission de « préparer des rapports sur l’application de la présente loi et les adresser au ministre;
celui-ci les fera déposer devant chaque chambre du Parlement. »
3,4
La Commission rend également compte de la mise en œuvre de la CBJNQ et de la CNEQ, car des
sections particulières de ces conventions traitent des pouvoirs et des fonctions des gouvernements locaux
des Premières nations cries et naskapies. La Commission fait rapport sur la mise en œuvre de
ces conventions en vertu de l’alinéa 21(j) de la Loi, qui stipule qu’une des missions d’une bande est
« d’exercer les pouvoirs et fonctions que les lois fédérales ou leurs règlements ainsi que les Conventions
lui confèrent ou conféraient à la bande antérieure. »
5
Le projet de loi C-28, Loi modiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, a été déposé à la
Chambre des communes le 27 avril 2009. La législation vise à mettre en œuvre les engagements du
Canada en vertu des conventions visant à résoudre les problèmes de longue date de la Convention de la
Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) de 1975. En particulier, la législation modie la Loi sur les Cris et
les Naskapis du Québec en ce qui concerne les bandes cries et les terres de catégorie 1A :
a) pour conférer à l’Administration régionale crie des attributions supplémentaires, notamment
des pouvoirs réglementaires; et
b) pour reconnaître les Cris d’Oujé-Bougoumou en tant que bande distincte et administration
locale aux termes de cette loi.
Le 13 juin 2013, le gouvernement du Québec a promulgué et adopté le projet de loi 42 - Loi établissant
le gouvernement régional de la Baie James Eeyou Istchee et apportant certaines modications législatives
concernant le gouvernement de la Nation crie.
La Loi sur l’administration régionale crie est modiée par le projet de loi 42 pour que l’Administration
régionale crie devienne en date du 1
er
janvier 2014, le Gouvernement de la Nation crie. De plus le
titre de la Loi sur l’administration régionale crie est modié pour devenir la Loi sur le Gouvernement de la
Nation crie. La Loi est aussi modiée davantage en remplaçant « Administration régionale crie » là où
ce terme apparaît dans la loi par le terme « Gouvernement de la Nation crie ».
De plus, la mise de côté des terres de catégorie 1A au prot de la Nation crie d’Oujé-Bougoumou a
déclenché l’entrée en vigueur des modications particulières à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec
qui ont incorporé la Nation crie d’Oujé-Bougoumou dans la loi. Cette étape historique a été franchie
le 15 mai 2014.
6
Le 21 février 2008, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee)/Administration régionale crie et le
gouvernement du Canada ont signé l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada
et les Cris d’Eeyou Istchee.
Les représentants de l’Administration régionale crie (devenue le gouvernement de la Nation crie le
1
er
janvier 2014) et le gouvernement du Canada ont réalisé des progrès positifs pour atteindre l’objectif
du chapitre 3 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou
Istchee. En particulier, un processus de négociation a été mis en place pour discuter d’une entente de
gouvernance de la Nation crie sur les terres de catégorie 1A et d’une constitution crie.
À l’automne 2016, les représentants cris et fédéraux ont nalisé leurs discussions et ont conclu une
Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et
la Constitution crie.
Le 18 juillet 2017, l’ancien Grand Chef Matthew Coon Come et la ministre Carolyn Bennett des
Relations Couronne-Autochtones et Aaires du Nord ont signé l’Entente sur la gouvernance de la Nation
crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada.
L’Entente sur la gouvernance a pour objectif de rendre plus ecaces les pouvoirs et procédures de
gouvernance existants sur les terres de catégorie 1A en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord
québécois et de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Les dispositions concernant la gouvernance
locale et régionale des Cris sur les terres de catégorie 1A seront transférées de la Loi sur les Cris et les
Naskapis du Québec à l’Entente sur la gouvernance et à la Constitution crie.
En vertu du chapitre 33 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les
Cris d’Eeyou Istchee, le Canada s’est engagé à recommander au Parlement la législation sur la gouvernance
qui prévoit ce qui suit :
a) que l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du
Canada soit approuvé, mis en vigueur, déclaré valide et ait force de loi; et
b) que la Constitution crie soit mise en vigueur et ait force de loi;
c) qu’une loi crie faite conformément à la présente Entente et à la Constitution crie ait force de loi;
et
d) les modications corrélatives à ses lois, en particulier la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec,
an d’assurer leur cohérence avec la présente Entente.
Le 14 février 2018, la ministre de Relations Couronne-Autochtones et Aaires du Nord Canada
a déposé à la Chambre des communes du Canada le projet de loi C-70 qui est la législation sur la
gouvernance envisagée par l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le
gouvernement du Canada. Le projet de loi C-70 donne eet à l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie
entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada. Il modie la Loi sur les Cris et les Naskapis du
Québec pour faire en sorte que la Loi ne s’applique plus aux Cris d’Eeyou Istchee et pour apporter des
changements à certains aspects de la mission de la Commission Crie-Naskapie an de tenir compte de
l’Entente. Il apporte également des modications corrélatives à d’autres lois.
En vertu du chapitre 26 (Commission Crie-Naskapie) de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le
gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee, la « Commission Crie-Naskapie fait enquête, à l’égard
des Cris, sur toute représentation qui lui est soumise relativement à la mise en œuvre de la présente
Entente et de la Constitution crie, y compris les représentations relatives à l’exercice ou au non-exercice
d’un pouvoir en vertu de la présente Entente ou de la Constitution crie et à l’accomplissement ou au
non-exercice d’un devoir en vertu de la présente Entente ou de la Constitution crie, le tout conformément
INTRODUCTION ET CONTEXTE 55
56 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
aux dispositions du paragraphe 165(2) à l’article 170 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, telle
qu’elle se lisait immédiatement avant la Date d’entrée en vigueur, avec les modications qui peuvent être
requises eu égard aux dispositions de la présente Entente ».
7
Une fois l’Entente approuvée, mise en vigueur, déclarée valide et ayant force de loi, en vertu de la Loi
sur la gouvernance (projet de loi C-70), la Commission Crie-Naskapie ne préparera plus et ne soumettra
plus au ministre les rapports biennaux sur la mise en œuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec
conformément au paragraphe 171(1) de ladite loi.
Le 27 mars 2018, le projet de loi C-70 : Loi portant mise en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de
la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, modiant la Loi sur les Cris et les
Naskapis du Québec et apportant des modications connexes et corrélatives à d’autres lois a franchi la
dernière étape ou la troisième lecture au Sénat.
Par conséquent, dès l’entrée en vigueur du projet de loi C-70, le titre intégral de la Loi sur les Cris et les
Naskapis du Québec est remplacé par le suivant : Loi concernant certaines dispositions de la Convention du
Nord-Est québécois relatives principalement au gouvernement local naskapi et au régime foncier des terres
de catégorie 1A-N et concernant la Commission Crie-Naskapie. Il est possible de faire référence à cette
loi en utilisant son titre abrégé Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie.
Conformément à l’article 165 (1) de la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie, les fonctions de
la Commission Crie-Naskapie sont décrites comme suit :
« 165 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la Commission a pour mission :
a) relativement aux bénéciaires naskapis, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont
présentées concernant l’application de la présente loi, notamment l’exercice ou le défaut
d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cette loi;
b) relativement aux bénéciaires cris, au sens du paragraphe 2(2) de la Loi sur l’accord
concernant la gouvernance de la Nation crie d’Eeyou Istchee, d’enquêter sur les réclamations
qui lui sont présentées concernant l’application de l’accord, au sens du paragraphe 2(1) de
cette loi, et de la constitution crie, au sens de ce paragraphe, notamment l’exercice ou le
défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cet accord ou de
cette constitution. »
Toutefois, les dispositions transitoires de la loi prévoient ce qui suit :
« Rapport de la Commission Crie-Naskapie au Parlement
124 (1) La Commission Crie-Naskapie peut établir, pour la période commençant à la
date suivant la n de la période visée par le Rapport 2016 de la Commission Crie-Naskapie et
se terminant à la date d’entrée en vigueur de l’article 98, un dernier rapport, en français, en
anglais, en cri et en naskapi, sur l’application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.
Elle adresse le rapport au ministre des Aaires indiennes et du Nord canadien et celui-ci
le fait déposer devant chaque chambre du Parlement dans les dix premiers jours de séance
suivant sa réception.
Diffusion du rapport
(2) Dès le dépôt du rapport devant le Parlement, le ministre en adresse le texte au Gouvernement de la
Nation crie, à la Société de développement des Naskapis, au conseil de chaque Première nation crie et
au conseil de la bande naskapie. »
Toutefois, les dispositions transitoires de la Loi prévoient les éléments ci-après.
En résumé et pour des raisons de clarté, le projet de loi C-70 n’abroge ni ne remplace la Loi sur les Cris
et les Naskapis du Québec. Il utilise une autre technique pour traiter de cette loi.
La partie 1 édicte la Loi sur l’Accord de gouvernance de la Nation crie d’Eeyou Istchee. Cette loi :
1) donne eet et force de loi à l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie d’Eeyou Istchee et
à la Constitution crie, qui remplacent la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec pour les Cris, les
Premières nations cries et les terres de catégorie 1A ; et
2) donne force de loi aux lois adoptées par les Premières nations cries et le Gouvernement de la
Nation crie en vertu de l’Entente sur la gouvernance et de la Constitution crie.
La partie 2 traite de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Cette loi n’est pas abrogée, mais son titre
est remplacé par le nouveau titre abrégé, Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie.
INTRODUCTION ET CONTEXTE 57
58 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
La partie 2 modi e également de nombreux articles de cette loi a n de supprimer les références aux Cris
et de faire en sorte que la loi modi ée ne s’applique qu’aux Naskapis.
La partie 2 conserve également la Commission Crie-Naskapie, tout en modi ant ses fonctions de
manière à éliminer le rapport au Parlement et à maintenir sa fonction « d’ombudsman » qui consiste à
enquêter sur les représentations des béné ciaires cris ou naskapis.
Le projet de loi C-70 est entré en vigueur le 29 mars 2018.
La Commission a tenu des audiences spéciales sur la mise en œuvre a n de préparer son rapport biennal
de 2018.
Le 26 octobre 2018, le rapport biennal 2018 de la Commission Crie-Naskapie a été déposé au
Parlement. Conformément à l’article 98 de la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie, le
rapport de 2018 est le dernier rapport biennal de la Commission Crie-Naskapie. Par conséquent, et
après la préparation et la présentation de seize (16) rapports biennaux par la Commission Crie-Naskapie
conformément au paragraphe 165 (1) et à l’article 171 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, le
devoir de la Commission de faire rapport au Parlement tous les deux ans sur la mise en application de la
Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et sur les questions connexes est maintenant terminé.
Depuis l’arrêt des rapports au ministre pour dépôt au Parlement, la Commission Crie-Naskapie prépare
des rapports annuels réguliers, principalement à des  ns de reddition de comptes et d’information auprès
des collectivités cries et naskapies. Le premier rapport annuel de la Commission a été préparé et publié
en 2021. Des copies de ces rapports peuvent également être mises à la disposition du ministre.
Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur les Naskapis et la Commission crie-naskapie, la Commission
soumet son deuxième rapport annuel, le Rapport annuel 2022.
NOTES DE LA FIN
1 Convention de la Baie-James et du Nord québécois – Édition 2006, Les Publications du Québec, Chapitre 9 (Administration locale sur les terres de
catégorie 1A), paragraphe 9.0.1, p. 172
2 Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, S. C. 1984. ch. 18, Préambule
3 Ibid., paragraphe 171 (1)
4 Ibid.
5 Ibid., chapitre 21 (j)
6 Nation crie d’Oujé-Bougoumou : Présentation aux commissaires de la Commission Crie-Naskapie – Audiences spéciales sur la mise en œuvre –
Montréal, 9 février 2016. Page 3
7 Paragraphe 26.1 du chapitre 26 (Commission Crie-Naskapie) de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le
gouvernement du Canada
8 Paragraphe 165 (1) de la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie
INTRODUCTION ET CONTEXTE 59
60 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
En février et mars 2022, la Commission Crie-Naskapie a tenu des audiences spéciales sur la mise
en œuvre a n de permettre aux représentants du gouvernement cri, naskapi et fédéral de faire des
présentations à la Commission en préparation de son présent rapport. Ces audiences ont été menées
à l’aide de conférences téléphoniques. Toutefois, seules certaines Premières nations cries et la Nation
naskapie de Kawawachikamach ont présenté des observations. Les représentants de Relations Couronne-
Autochtones et A aires du Nord Canada n’ont pas répondu à l’invitation de la Commission. Le présent
chapitre décrit les principales préoccupations et questions soulevées par les représentants des Cris et des
Naskapis et par la Commission.
Nation crie de Chisasibi
Le 21 février 2022, la chef Daisy House, l’aîné (ancien chef) Roderick Pachanos et la chef du Conseil des
jeunes Corria Napash se sont adressés aux commissaires par l’entremise d’une conférence téléphonique.
La chef Daisy House a expliqué que la question du « Bloc D » était en grande partie résolue, c’est-à-dire
que le Québec avait adopté son décret et qu’il attendait toujours que le Canada fasse de même. Elle a
également indiqué que Chisasibi prévoyait une célébration pour le 25 août.
La chef House a déclaré qu’aucun progrès n’avait été réalisé sur la question du corridor de 500 pieds. Elle
a parlé avec le sous-ministre provincial et il ne veut pas reconnaître que la région est sous le contrôle de
la Nation crie de Chisasibi. La chef a dit qu’ils pourraient devoir revenir au statut des terres de 1975.
La chef House estime qu’il aurait dû y avoir davantage de consultations au niveau communautaire avant
l’approbation de l’Entente de gouvernance et de la Constitution.
La chef estime également que, trop souvent, ce sont des personnes de l’extérieur (conseillers et
consultants) qui prennent les décisions qui sont ensuite rati ées, mais que les aînés, les dirigeants et les
membres de la communauté n’ont que très peu d’in uence réelle. Bon nombre de ces personnes de
l’extérieur ne sont pas en mesure de s’identi er aux Cris ou de respecter leur dignité.
La chef a également précisé que l’utilisation de mots cris dans les lois, les documents et les rapports
aiderait à transmettre l’esprit et l’intention voulus.
CHAPITRE DEUX
PRÉOCCUPATIONS ET PROBLÈMES
DE LA NATION EEYOUE D’EEYOU
ISTCHEE ET DE LA NATION NASKAPIE
DE KAWAWACHIKAMACH
La chef House estime que l’orientation et la formation des chefs et des conseils, des agents électoraux
et d’autres personnes sont essentielles. Cela devrait inclure tout; sur la CBJNQ, les autres ententes, la
Constitution crie, le gouvernement de la Nation crie, et la Commission Crie-Naskapie.
L’aîné Roderick Pachano (ancien chef) croit que le gouvernement de la Nation crie devrait élaborer des
stratégies à court, moyen et long terme.
L’aîné est aussi d’avis qu’il est nécessaire d’avoir des « versions vulgarisées » de l’Entente de gouvernance,
des Constitutions cries et d’autres documents. Il croit que des séances d’orientation en personne sont
nécessaires dans les communautés, non seulement en ce qui a trait aux documents de base, mais aussi sur
les mandats, les rôles et les activités de divers organismes comme le gouvernement de la Nation crie,
la Commission scolaire crie, le Conseil cri de la santé et des services sociaux, et la Commission
Crie-Naskapie. M. Pachano croit également que la Constitution crie devrait inclure un langage inspirant
sur ses origines, ses buts et ses objectifs. Il dit qu’il y a un manque de compréhension, surtout au sein
du gouvernement de la Nation crie, du but de la CBJNQ de protéger le mode de vie des Cris et non
seulement la chasse, la pêche et le trappage. La CBJNQ visait à garantir le maintien du mode de vie des
Cris. Il a l’impression que le personnel du gouvernement de la Nation crie pense qu’il sait tout ce qu’il
doit savoir. En réalité, les aînés doivent participer davantage et jouer un rôle beaucoup plus important
dans la transmission de l’histoire, de la culture et de la façon de faire des Cris.
PRÉOCCUPATIONS ET PROBLÈMES DE LA NATION EEYOUE D’EEYOU ISTCHEE
ET DE LA NATION NASKAPIE DE KAWAWACHIKAMACH 61
62 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
La chef du Conseil des jeunes Corria Napash a expliqué qu’elle venait de commencer son mandat de
chef du Conseil des jeunes et qu’elle voyait cette audience surtout comme une expérience d’apprentissage.
Elle est fortement en faveur d’un rôle plus important pour les aînés dans le domaine de la gouvernance
crie en raison de leur connaissance des méthodes traditionnelles cries et de leur expérience. Elle a
remercié tout particulièrement Roderick et Robert.
La chef House a ajouté que les formules utilisées par le gouvernement de la Nation crie et d’autres
entités étaient parfois injustes pour les membres de la communauté de Chisasibi. Elle pense
particulièrement au nancement en vertu de l’Entente concernant une nouvelle relation. La formule
n’est pas claire. Elle estime également que les rôles du gouvernement de la Nation crie, du Québec
et du Canada ne sont pas clairs. Elle dit que ce manque de clarté s’applique surtout au système
d’enregistrement des terres et au régime de gestion environnementale.
En ce qui concerne le besoin de lois sur les conits d’intérêts et l’éthique, la Chef pense que les règles
ont été élaborées par des avocats du sud en utilisant des modèles adaptés à Montréal, etc. Ces règles
ne sont pas appropriées et les communautés elles-mêmes devraient élaborer ces règles/lois avec la
participation des aînés, des membres de la communauté, etc. En bref, « une taille universelle unique
ne convient pas à tous ».
Nation crie d’Eastmain
Le 24 février 2022, le chef Kenneth Cheezo et le représentant des jeunes Denis Moses se sont adressés
aux commissaires.
Le chef Cheezo a déclaré que la communauté d’Eastmain est satisfaite de l’état actuel de la gouvernance,
mais que le conseil est ouvert aux préoccupations des aînés et des jeunes. Le chef et le représentant des
jeunes ont ensuite soulevé des questions concernant la langue et la culture cries. Le chef a déclaré que
la communauté et l’école travaillaient ensemble pour promouvoir la langue et la culture cries. Dans
les écoles, l’utilisation de la langue crie est obligatoire. Cependant, les parents et les individus doivent
s’impliquer davantage dans l’enseignement et l’utilisation de la langue crie.
Le chef Cheezo a déclaré que le conseil et lui-même travaillent à résoudre les questions relatives à
l’économie locale et au logement. Il s’est dit préoccupé par les arriérés de paiements de loyer des maisons.
Il est d’avis que tout le monde a la responsabilité de payer le loyer pour permettre à la communauté
d’aller de l’avant en fournissant plus de logements là où ils sont nécessaires.
Nation crie de Washaw Sibi
Le 24 février 2022, la chef Annie Mapachee Salt a soumis une lettre à la Commission Crie-Naskapie.
La chef Mapachee Salt déclare que la lettre est un mémoire de la Nation crie de Washaw Sibi aux ns
des présentes audiences de la Commission. Elle décrit l’état actuel de la Nation crie de Washaw Sibi en
ce qui a trait à ses tentatives d’atteindre son objectif d’obtenir la reconnaissance ocielle en tant que
dixième communauté crie et l’établissement subséquent de son nouveau village.
La Nation crie de Washaw Sibi a connu des retards inattendus dans la sélection d’un site pour son
futur village.
Les dirigeants de Washaw Sibi ont tenté de tenir compte du large éventail d’intérêts et d’intervenants
qui seraient touchés par l’établissement d’une nouvelle communauté crie dans la région.
La Nation crie de Washaw Sibi a sérieusement envisagé les possibilités et sites suivants pour son
nouveau village :
1) la ville d’Amos;
2) une fusion avec la Première nation Abitibiwinni; et
3) divers sites dans le territoire d’Eeyou Istchee.
À la lumière des préoccupations et des dés liés à ces sites possibles, les membres de la Nation crie de
Washaw Sibi ont conrmé leur préférence pour un site pour leur futur village situé au sud de Matagami
et sur un terrain de trappage entretenu historiquement par un maître de trappage cri. Bien que le
maître de trappage ait accepté de rendre ce site disponible pour la construction d’un nouveau village, les
dirigeants de Washaw Sibi sont en pourparlers avec les dirigeants de la Nation algonquine an de dissiper
toute inquiétude ou opposition à l’égard de ce site comme nouveau village cri.
La Nation crie de Washaw Sibi a entrepris plusieurs évaluations techniques préliminaires du site pour
conrmer la faisabilité technique du site à des ns de construction. Les résultats de ces évaluations
préliminaires indiquent que le site convient à ces ns.
L’intention de la Nation crie de Washaw Sibi est de faire désigner les terres du site du village comme
terres de catégorie I au sens de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ). En tant que
terre de catégorie I, le nouveau village serait en mesure de recevoir des programmes et des services de la
même manière que les autres communautés cries.
Pour aider à mener cette entreprise à bien, la Nation crie de Washaw Sibi a demandé à diverses
communautés cries de s’engager à accepter le transfert d’une très petite partie de leurs terres de catégorie
I comme attribution à la nouvelle communauté de Washaw Sibi.
La Nation crie de Washaw Sibi sera bientôt en mesure d’entreprendre des discussions de fond avec
le Québec et le Canada en vue de réserver le site privilégié pour Washaw Sibi et de faire reconnaître
Washaw Sibi comme communauté crie en vertu de la CBJNQ et de l’incorporer pleinement à la
CBJNQ.
La Nation crie de Washaw Sibi continue de bénécier du soutien généreux du gouvernement de la
Nation crie en ce qui a trait à sa tentative d’obtenir un nouveau village et de l’incorporer à la Convention
de la Baie-James et du Nord québécois.
Eeyouds de MoCreebec
Le 25 février 2022, le chef Allan Jolly a fait une présentation à la Commission.
Il a déclaré que les Eeyouds de MoCreebec faisaient des progrès dans leur programme de création de leur
nouvelle communauté. Il a dit que la Convention de la Baie-James et du Nord québécois ne s’applique pas en
Ontario. Par conséquent, la communauté de MoCreebec devra développer une approche appropriée avec
PRÉOCCUPATIONS ET PROBLÈMES DE LA NATION EEYOUE D’EEYOU ISTCHEE
ET DE LA NATION NASKAPIE DE KAWAWACHIKAMACH 63
64 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
le gouvernement de l’Ontario et le gouvernement fédéral. La communauté de MoCreebec espère mettre
en place une table de négociations et de discussions avec l’Ontario. Le chef se sent plus sûr d’impliquer
aussi éventuellement le gouvernement fédéral.
Le chef Jolly a mentionné que la Nation crie d’Eeyou Istchee reconnaît les Eeyouds de MoCreebec
comme la onzième (11
e
) communauté. Il considère que cette reconnaissance est importante, car les
Eeyouds de MoCreebec font partie des Eeyous d’Eeyou Istchee.
Le chef Jolly arme que les Eeyouds de MoCreebec ont voté très majoritairement en faveur de
l’établissement sur un site choisi. Il arme que les Eeyouds de MoCreebec et le gouvernement de
la Nation crie travaillent ensemble, vont de l’avant et sont prêts à discuter avec le gouvernement
fédéral. Il espère que le gouvernement du Canada reconnaîtra les Eeyouds de MoCreebec comme une
communauté crie au sens de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois.
Nation crie de Nemaska
Le 1
er
mars 2022, en s’adressant à la Commission, le chef Clarence Jolly a exprimé les préoccupations
suivantes au sujet de certaines dispositions de la Loi concernant l’Accord de gouvernance de la Nation crie
d’Eeyou Istchee et la Constitution de la Nation crie d’Eeyou Istchee :
1) Lors des élections générales pour le chef, le chef adjoint et le conseil, chaque candidat au
poste de chef devrait avoir un colistier qui serait désigné comme chef adjoint. Un tel système
permettrait d’éviter les conits entre les titulaires de ces deux postes et favoriserait le travail en
commun vers des objectifs communs.
2) Les exigences actuelles en matière de quorums concernant l’approbation des lois et des
résolutions devraient être revues et modiées an d’assurer l’ecacité en comportant des
exigences réalistes en matière de quorums.
3) La procédure relative aux résolutions, directives et décisions doit être plus ecace. Il est parfois
dicile d’organiser une réunion du Conseil dans un court délai pour une question urgente.
Il faudrait établir un système ociel de prise de décision ecace, comme par exemple,
l’obtention des signatures nécessaires des membres du Conseil sans réunion ocielle.
4) L’exigence spécique de résidence des électeurs devrait être revue car certains électeurs ne
résident pas dans la communauté.
5) La procédure de prise de décision par le chef et le conseil devrait être revue. Les exigences
actuelles concernant les quorums, la règle de la majorité et le vote par présence doivent être
revues. Nous devons envisager la prise de décision par consensus.
6) Un autre organe d’autorité plutôt qu’un tribunal de common law devrait être envisagé pour
les contestations.
7) Toute incohérence entre une loi du gouvernement de la Nation crie et du gouvernement de
la Première nation crie devrait être examinée par les gouvernements cris concernés plutôt que
de faire prévaloir la loi du gouvernement de la Nation crie.
Le chef Jolly a mentionné que des séances de formation pour les chefs et les membres du conseil
nouvellement élus seraient bénéques. Ces séances de formation seraient axées sur la Loi concernant
l’Accord de gouvernance de la Nation crie d’Eeyou Istchee et la Constitution de la Nation crie d’Eeyou Istchee.
Le Chef Jolly a souligné l’importance des aînés en tant que gardiens de l’histoire et leur rôle pour assurer
la continuité de « l’Eeyou Eedouwun ». Il a également déclaré que le droit coutumier eeyou serait utile
pour résoudre les conits et déterminer « l’Eeyou Eedouwun ».
Nation crie de Mistissini
Le 3 mars 2022, le chef Thomas Neeposh s’est adressé à la Commission et a soulevé les préoccupations
suivantes :
1) La Constitution de la Nation crie d’Eeyou Istchee doit être révisée et mise à jour.
2) La Nation crie de Washaw Sibi a demandé à chaque communauté un kilomètre carré de
terrain pour établir sa nouvelle communauté.
3) « L’Eeyou Eedouwun », comme la langue, le droit coutumier, les pratiques et les principes,
doivent être poursuivis et maintenus.
4) Comme les Eenous/Eeyous d’Eeyou Istchee ont conclu des accords avec les gouvernements,
les droits et les responsabilités doivent être maintenus et respectés.
5) Les activités forestières commerciales constituent maintenant un problème important.
6) Le consentement des Cris est requis pour le développement des ressources naturelles dans
le territoire d’Eeyou Istchee.
7) L’attribution de terres à la Commission scolaire crie et au Conseil cri de la santé doit être
traitée de façon appropriée, conformément au cadre juridique actuel et aux besoins de
ces institutions.
PRÉOCCUPATIONS ET PROBLÈMES DE LA NATION EEYOUE D’EEYOU ISTCHEE
ET DE LA NATION NASKAPIE DE KAWAWACHIKAMACH 65
66 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
Le chef Neeposh a déclaré que la Nation crie de Mistissini, agissant par l’intermédiaire de son Conseil,
considérait, consultait et travaillait sur les questions importantes suivantes :
1) La Constitution de la Nation crie de Mistissini;
2) La Loi sur le lac Mistassini (qui reconnaît le lac Mistassini comme une entité vivante et une
personne morale ayant des droits et protégée par la loi actuelle).
En conclusion de sa présentation, le chef Neeposh a parlé de la nécessité d’un mécanisme ecace pour la
résolution des diérends concernant les territoires de chasse familiaux traditionnels (terrains de trappage).
Il a déclaré que la Nation crie de Mistissini aura sa propre loi concernant un mécanisme de règlement
des diérends relatifs aux territoires de chasse familiaux traditionnels (terrains de trappage). Le chef
considère que les aînés auront un rôle fondamental dans la détermination, l’établissement et la mise en
œuvre d’un tel mécanisme.
Nation naskapie de Kawawachikamach
Le 23 mars 2022, la chef Theresa Chemaganish s’est adressée à la Commission.
La chef Chemaganish a commencé sa discussion par des questions sur le rôle et le but de la Commission
Crie-Naskapie. Le président de la Commission a expliqué le contexte et le mandat de la Commission.
La chef a fait des commentaires au sujet d’un membre du Conseil dont la conduite était perturbatrice
lors des réunions du Conseil.
La chef Chemaganish a ensuite fait référence à un mémoire daté du 23 mars 2022 et préparé par la
Nation naskapie de Kawawachikamach. La Nation a soumis le mémoire à la Commission dans le cadre
de ses présentes audiences.
La présentation comprend des résumés des points suivants de la Nation naskapie de Kawawachikamach :
les négociations avec le Canada relatives à son autonomie gouvernementale, la mise à jour de sa règle
administrative sur les élections et l’état de la mise en œuvre de son nouveau Code d’éthique.
En 2019, la Nation naskapie de Kawawachikamach et le gouvernement du Canada ont formé une table
de discussion sur la reconnaissance des droits autochtones et l’autodétermination an d’examiner le
régime de gouvernance actuel établi par la Convention du Nord-Est québécois et d’explorer le parcours vers
l’autodétermination de la Nation naskapie.
En août 2020, les Naskapis et le Canada ont signé un protocole d’entente sur l’avancement de la
réconciliation et de l’autodétermination. Le protocole d’entente décrit les sujets à négocier entre le
Canada et les Naskapis. Ces sujets comprennent l’élaboration de la Constitution naskapie, la justice, la
santé et les services sociaux, l’éducation et les services à la petite enfance, l’environnement, la gestion de
la faune, la gouvernance régionale, les terres et le logement.
À l’heure actuelle, les Naskapis de Kawawachikamach et le Canada sont en train de négocier une entente
d’autonomie gouvernementale pour remplacer le régime de gouvernance actuel des Naskapis en vertu
de la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie et de la Constitution naskapie sous la juridiction
unique des Naskapis.
La chef Chemaganish a ajouté que les Inuits du Nord québécois participeraient aux discussions sur
l’autonomie gouvernementale.
Au cours des deux prochaines années, la Nation naskapie prévoit faire participer les membres naskapis à
un processus inclusif d’élaboration de la Constitution.
Les Naskapis prévoient que leur constitution comprendra des dispositions concernant l’élection du chef et
du conseil. Les Naskapis prévoient moderniser la règle administrative actuelle des Naskapis sur les élections.
En septembre 2021, le Conseil des Naskapis de Kawawachikamach a approuvé un document intitulé
Nation naskapie de Kawawachikamach : Code d’éthique et de valeurs. Le code s’applique aux membres
du Conseil et aux employés de la Nation naskapie de Kawawachikamach.
Récemment, le Conseil a examiné le code et a supprimé les dispositions qui s’appliquaient aux membres
du Conseil. Le code sera ociellement approuvé en tant que code d’éthique et de valeurs pour les
employés de la Nation naskapie de Kawawachikamach. Le Conseil a également adopté un règlement sur
le code d’éthique qui s’applique aux membres du Conseil : ce code est maintenant en vigueur.
En conclusion, la chef Theresa Chemaganish a mentionné que la participation des aînés à leurs réunions
serait nécessaire. Elle a également déclaré que le Conseil travaillait à la mise en place d’un Conseil local
des jeunes.
Gouvernance: Enjeux spécifiques
À son niveau le plus fondamental, la « gouvernance » implique l’application des valeurs, croyances
et principes de base des nations cries et naskapie à la façon dont elles exercent leur droit à
l’autodétermination - la façon dont elles gouvernent leurs communautés et leurs nations. Ces principes
fondamentaux ont été examinés en relation avec les Eeyous d’Eeyou Istchee dans le chapitre intitulé
Gouvernance eeyoue, droit coutumier et « Eeyou Eedouwun ».
Outre les grandes questions fondamentales de gouvernance, la Commission traite régulièrement
d’activités et d’opérations plus spéciques qui donnent lieu à des « réclamations » au sens de l’article
165 (1) (b) de la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie. Pour traiter ces réclamations, il est
nécessaire de les considérer non seulement en fonction de la législation, mais aussi d’une manière qui est
conforme et respectueuse des valeurs, des coutumes et des traditions des Cris et des Naskapis.
En plus des questions soulevées par les bénéciaires individuels dans leurs réclamations en vertu de la
loi, les aînés, les chefs, les représentants des jeunes et d’autres intervenants ont soulevé de nombreuses
questions de gouvernance spéciques au cours des audiences spéciales de la Commission sur la mise en
œuvre. Beaucoup d’autres sont identiés au cours de discussions informelles.
Les principales questions spéciques de ce type sont celles énumérées ci-dessous.
L’aspect pratique des exigences actuelles en matière de quorums de tous types
Cette question touche les réunions communautaires, les réunions du Conseil, les réunions d’autres
organes décisionnels ainsi que les divers types de référendums. Dans certains cas, les quorums existants
sont souvent jugés exiger un nombre de votes trop élevé, notamment pour les questions de routine.
PRÉOCCUPATIONS ET PROBLÈMES DE LA NATION EEYOUE D’EEYOU ISTCHEE
ET DE LA NATION NASKAPIE DE KAWAWACHIKAMACH 67
68 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
Les communautés doivent déterminer quelles sont les questions de routine qui peuvent être approuvées
par des quorums un peu plus petits et quelles sont les questions qui doivent continuer à nécessiter un
mandat très fort.
Les lois actuelles régissant les procédures électorales
En ce qui a trait à cette question, le besoin se situe principalement au niveau des procédures de
traitement des candidatures et des appels à de nouvelles élections non prévues. Un dirigeant a également
suggéré un processus dans le cadre duquel les candidats au poste de chef et les candidats au poste de chef
adjoint pourraient utiliser un système de « colistier » an d’éviter tout conit entre les deux. Dans tous
les cas, les communautés peuvent souhaiter adopter des lois qui reètent leurs propres valeurs, leurs lois
traditionnelles et coutumières et leurs préférences actuelles.
La nécessité de lois sur l’éthique pour le chef et le conseil ainsi que le personnel
Dans ce cas, les collectivités doivent disposer de lois sur l’éthique qui dénissent clairement les normes
éthiques qu’elles attendent de leurs représentants élus et nommés dans l’exercice de leurs fonctions et
de leurs pouvoirs.
La nécessité de lois sur les conflits d’intérêts
Outre les lois générales sur l’éthique, il est nécessaire de disposer de lois plus spéciques sur les conits
d’intérêts. Ces lois doivent exprimer le consensus de la communauté sur la dénition et l’applicabilité
des conits d’intérêts, ainsi que les conséquences pour les contrevenants. En ce qui concerne les
gouvernements non autochtones, certaines lois assez communes ont été élaborées. Même si leur contenu
est généralement bon pour le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et municipaux,
ces dernières ne conviennent pas exactement aux collectivités cries et naskapie qui doivent établir des
lois qui tiennent compte de leurs propres valeurs, de la petite taille des collectivités, de leur expérience
et d’autres considérations locales.
La nécessité de la transparence dans la prise de décision
Les communautés doivent dénir si elles souhaitent que la prise de décision par le Conseil ou par
d’autres organes soit ouverte comme la règle normale, avec des séances à huis clos uniquement pour des
questions très limitées, par exemple les questions de ressources humaines, ou si elles souhaitent laisser
la question à la discrétion du Conseil. Un autre aspect de la transparence est que les procès-verbaux
complets des réunions doivent être facilement accessibles par les membres de la communauté.
La nécessité de lois claires et complètes régissant les réunions communautaires
Il doit y avoir des lois consensuelles pour la convocation des réunions des membres, les quorums requis,
la conduite de ces réunions ainsi que le pouvoir de décision de ces réunions.
La nécessité de lois reconnaissant le rôle des aînés dans le domaine de la gouvernance
Les aînés sont largement respectés pour leur sagesse, leurs connaissances et leur expérience.
Traditionnellement, on leur demandait souvent leur avis avant de prendre des décisions importantes.
Aujourd’hui, dans le fonctionnement quotidien des chefs et des conseils, leur contribution est trop
souvent négligée. Certaines communautés ont déjà des mécanismes pour les inclure, mais il serait bon
que les communautés envisagent des exigences plus ocielles pour la participation des aînés dans de
nombreux domaines du processus décisionnel. Dans la plupart des audiences spéciales sur la mise en
œuvre, on a informé la Commission qu’il s’agissait d’un domaine qui devait être abor.
Conclusion
Sur bon nombre de ces questions, la plupart des communautés possèdent déjà des lois, tandis que d’autres
n’en ont pas. Toutes les communautés bénécieraient d’un examen ouvert impliquant la participation
et l’apport de la communauté, en plus de lois nouvelles et/ou actualisées qui, nous l’espérons, seraient
ratiées par les membres de la communauté. Cela aurait pour eet de clarier les règles, d’assurer la
responsabilité et de réduire l’insatisfaction des individus vis-à-vis des processus de gouvernance en place.
Même si ces questions de gouvernance ont été identiées comme pouvant être traitées par le biais de lois
au niveau de la communauté, il faudrait peut-être envisager d’incorporer certaines d’entre elles dans des
« constitutions » au niveau local ou, dans certains cas, dans la Constitution crie ou dans un futur document
similaire de la Nation naskapie de Kawawachikamach.
PRÉOCCUPATIONS ET PROBLÈMES DE LA NATION EEYOUE D’EEYOU ISTCHEE
ET DE LA NATION NASKAPIE DE KAWAWACHIKAMACH 69
70 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
Questions relatives aux terres
Tout au long de leur longue histoire, qui remonte à des milliers d’années, les nations cries et naskapie ont
toujours considéré leur territoire, son utilisation et sa protection comme essentiels à leurs valeurs, à leurs
cultures, à leurs économies et à leur mode de vie tout entier. L’intendance du territoire, y compris sa
gouvernance, sa gestion et l’utilisation durable de toutes ses ressources, est considérée comme un devoir
des individus, des familles et des dirigeants.
Un nombre important de réclamations reçues par la Commission Crie-Naskapie au cours de ses trente-
six années d’existence ont porté sur des questions relatives à la terre et des questions liées aux terres. Ces
questions se classent dans les grandes catégories énumérées ci-après.
Des questions individuelles et familiales concernant les territoires de chasse, les lignes de piégeage, le rôle
du maître de trappe et les questions connexes.
Des questions relatives aux terres communautaires spéciques telles que le transfert du « Bloc D »
de terres de l’aéroport à la Nation crie de Chisasibi, le problème du « corridor » sur les deux côtés de
la route et les dicultés qu’ils posent pour l’utilisation par de nombreuses communautés de leurs terres
de catégorie 1 adjacentes.
Les transferts de terres des communautés cries en vue d’établir de nouvelles communautés cries et
l’impossibilité de procéder à d’autres transferts de terres de communautés établies et en croissance.
La nécessité de s’assurer que l’accès et l’utilisation des terres des catégories 2 et 3 par les non-bénéciaires
n’interfèrent pas avec leur utilisation par les bénéciaires et leurs gouvernements.
La question plus large et à long terme de l’inadéquation des terres de catégorie 1, sur la base de la
population de 1975, pour une population actuelle dont la taille a triplé et qui continue de croître à un
rythme très élevé. La question pourrait inclure l’habilitation des communautés cries et naskapie à annexer
les terres adjacentes au besoin, tout comme les communautés en croissance dans le reste du Canada le
font depuis des générations.
Les questions plus larges et à long terme sont de nature hautement politique et il n’est pas appropr
pour la Commission de s’y intéresser. Elles ont toutefois une incidence sur certaines questions précises
aujourd’hui et en auront de plus en plus à l’avenir.
PRÉOCCUPATIONS ET PROBLÈMES DE LA NATION EEYOUE D’EEYOU ISTCHEE
ET DE LA NATION NASKAPIE DE KAWAWACHIKAMACH 71
72 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
CHAPITRE TROIS
GOUVERNANCE EEYOUE, DROIT
COUTUMIER ET EEYOU EEDOUWUN
Introduction et Contexte
La Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) de 1975 est née des actions politiques et
juridiques des Eeyous d’Eeyou Istchee, au début des années 1970, pour protéger les droits des Eeyous et
a n de s’opposer et de mettre  n à la construction du projet de développement hydroélectrique de la
Baie-James, dont la construction a été annoncée le 30 avril 1971 par le premier ministre Robert Bourassa
du gouvernement du Québec à Eeyou Istchee sans consultation, consentement et accommodement
avec lesdits Eeyous. Le gouvernement du Québec, Hydro-Québec et, dans une certaine mesure, le
gouvernement du Canada ont ignoré et nié les droits, les intérêts et les préoccupations des Eeyous dont
les terres et le mode de vie seraient gravement touchés par ce gigantesque projet de développement
hydroélectrique.
La CBJNQ est un traité moderne et les droits qui y sont énoncés sont reconnus et protégés en vertu
du paragraphe 35(3) de la Loi constitutionnelle de 1982. La CBJNQ est également un accord sur les
revendications territoriales ainsi qu’un règlement à l’amiable du con it entre les revendications et les
droits des Eeyous d’Eeyou Istchee et des Inuits du Nord québécois sur leurs territoires historiques et
traditionnels avec le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec. Dans le cadre de ce
règlement, la CBJNQ autorise la construction, l’exploitation et l’entretien d’un projet modi é connu
sous le nom de Le Complexe La Grande (1975) dans le territoire d’Eeyou Istchee.
Les Eeyous d’Eeyou Istchee ont choisi la voie du processus de traité pour entamer l’édi cation et la
construction de la nation, obtenir la reconnaissance, la protection et la continuité des droits des Eeyous
tels que la chasse et la pêche et l’autonomie gouvernementale, l’utilisation et la protection du territoire
d’Eeyou Istchee et a n de redé nir les relations avec le Canada et le Québec.
Dans une décision rendue en 2010, la Cour suprême du Canada a déclaré que la Convention de la
Baie-James et du Nord québécois a le statut constitutionnel de traité moderne aux  ns de l’article 35 (3) d
e la Loi constitutionnelle de 1982.
Les droits eeyous en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et de la Convention de la
Baie-James et du Nord québécois doivent être dé nis en tenant compte de la perspective eeyoue. C’est la
GOUVERNANCE EEYOUE, DROIT COUTUMIER ET EEYOU EEDOUWUN 73
nature et la portée des pratiques et traditions coutumières spéciques des Eeyous d’Eeyou Istchee qui
dénissent les droits. En particulier, les droits eeyous doivent être dénis, dans une large mesure, en
référence à « l’Eeyou Eedouwun » tels que le droit coutumier ou les pratiques, coutumes et traditions
eeyoues. Dans le cadre de la CBJNQ, « l’Eeyou Eedouwun » avait pour but de revitaliser et de réarmer
la continuité des institutions traditionnelles, des systèmes de croyance et du droit coutumier eeyou de
manière à maintenir leur évolution et leur pertinence pour la vie et la société eeyoues contemporaines.
Donc, après 1975, grâce à la mise en œuvre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, les
Eeyous d’Eeyou Istchee ont entamé le processus de reconstruction et d’édication de la Nation eeyoue,
ainsi que l’établissement et le maintien de relations et la réconciliation avec la société, les industries et
les gouvernements contemporains.
La reconstruction et l’édication de la Nation eeyoue, qui impliquent, dans une grande mesure,
l’établissement, la reconquête et le maintien de « l’Eeyou Eedouwun », constituent l’esprit et l’intention
de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois.
Pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, entre autres objectifs, le processus d’édication de la nation, de
construction de la nation et de réconciliation consiste à honorer les obligations découlant des traités,
à exercer l’autonomie gouvernementale, à maintenir et à développer la culture et l’identité, à soutenir
les institutions d’autonomie gouvernementale, à bâtir des communautés viables et à soutenir les
74 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
modes traditionnels et alternatifs de développement économique, à participer de façon signicative à
l’exploitation des ressources et, par conséquent, à déterminer ce qui constitue le mode de vie actuel des
Eeyous et donc « l’Eeyou Eedouwun ». Il s’agit d’établir et de maintenir des institutions d’autogestion et
de développement économique culturellement appropriées aux Eeyous et ecaces pour relever les dés
et répondre aux besoins de la nation.
L’exercice du droit à l’autonomie gouvernementale est une façon fondamentale utilisée par les Eeyous
d’Eeyou Istchee pour commencer à reconstruire et à bâtir la Nation eeyoue.
Gouvernance eeyoue
Les Eeyous d’Eeyou Istchee sont une nation autochtone souveraine ayant le droit inhérent de se
gouverner et de gouverner ses territoires.
Pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, il n’y a pas de principe plus fondamental dans l’histoire et les relations
eeyoues que le droit d’un peuple à se gouverner et à gouverner ses territoires conformément à ses
traditions, ses valeurs, ses objectifs et ses aspirations. Pour les Eeyous, l’autogouvernance est fondamentale
et constitue donc un « Eedouwun Eeyou ».
Le droit à l’autonomie gouvernementale des Eeyous d’Eeyou Istchee remonte à aussi loin que
la mémoire et l’histoire orale peuvent remonter. Les sources ultimes de leur droit à l’autonomie
gouvernementale sont leur « autochtonicité », leur inhérence et leur souveraineté. Historiquement, les
Eeyous étaient un peuple autonome lorsque les Européens sont arrivés sur les rives d’Eeyou Istchee.
Ainsi, le droit à l’autonomie gouvernementale est un droit inhérent.
Le droit inhérent des Eeyous à se gouverner eux-mêmes découle également de leur structure
socio-économique et politique et de « l’Eeyou Eedouwun » comme la culture, les traditions, l’histoire
et la philosophie.
Cependant, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont accepté la nécessité de partager le pouvoir avec le Canada
et le Québec. En retour, les Eeyous ont demandé au Canada et au Québec d’accepter que le droit à
l’autonomie gouvernementale des Eeyous n’est pas, et ne pourra jamais être, un cadeau du Canada et
du Québec. En ce qui concerne les Eeyous, le droit des Eeyous à se gouverner eux-mêmes ne peut être
créé ni accordé par les gouvernements du Canada et du Québec. Ce droit est inhérent au peuple et à la
Nation eeyoue et a été exercé pendant des siècles. C’est un droit auquel les Eeyous n’ont jamais renoncé
et ils souhaitent continuer à l’exercer pour reconstruire et édier leur nation.
Par conséquent, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont négocié la reconnaissance, la protection et la continuité
de leurs droits, y compris le droit à l’autonomie gouvernementale, dans le traité moderne connu sous
le nom de Convention de la Baie James et du Nord québécois. La reconnaissance, la protection et la
continuité des droits des Eeyous, qui sont plus anciens que le Canada et le Québec, constituent une
partie importante et fondamentale de l’entente conclue entre les Eeyous d’Eeyou Istchee, le Canada
et le Québec dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécois.
En particulier, la reconnaissance mutuelle des peuples coexistants et autonomes est fondamentale dans
toute relation continue avec le Canada et le Québec.
Les Eeyous ont exercé et continueront d’exercer leur droit à l’autodétermination, qui est désigné par
l’expression « Weesou-way-tah-moo-wun » dans la langue des Eeyous d’Eeyou Istchee. Les mots « Eeyou
Weesou-way-tah-moo-wun » se rendent par « détermination par les Eeyous » ou autodétermination des
Eeyous, ce qui correspond au pouvoir de choisir en matière d’action.
L’autonomie gouvernementale est l’une des voies que les Eeyous ont empruntées pour mettre en
œuvre le droit à l’autodétermination. L’autonomie gouvernementale découle de l’exercice du droit à
l’autodétermination. Dans son sens le plus fondamental, l’autonomie gouvernementale est la capacité
d’évaluer et de satisfaire ses besoins sans inuence, permission ou restriction extérieure. Les Eeyous
ont armé et continueront d’exercer leur droit inhérent à l’autodétermination découlant de leur
statut de peuple distinct ou souverain. Ce droit leur permet de déterminer leurs propres arrangements
gouvernementaux et le caractère de leurs relations avec le Canada et le Québec.
L’exercice et la pratique de « l’Eeyou Tapay-tah-jeh-souwin » (gouvernance eeyoue) et du leadership
eeyou ont évolué à partir de l’exercice de « l’Eeyou Weesou-way-tah-moo-wun » ou autodétermination
eeyoue. En particulier, les Eeyous, dans leurs relations avec les gouvernements non eeyous, ont développé
et mis en œuvre une approche préconisant « simplement le faire » dans l’évolution de la gouvernance.
Dans certains cas, les Eeyous ont établi et déterminé leurs relations avec les gouvernements non eeyous
par le biais d’arrangements et d’accords conventionnels avec les gouvernements non eeyous. À cet égard,
GOUVERNANCE EEYOUE, DROIT COUTUMIER ET EEYOU EEDOUWUN 75
76 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
« l’Eeyou Tapay-tah-jeh-souwin » (gouvernance eeyoue) n’est pas quelque chose qui se produira
dans l’avenir. C’est quelque chose qui s’est produit, qui se produit et qui continuera de se produire
conformément à la loi, aux droits et aux aspirations des Eeyous.
En résumé, la signication et la pratique de la gouvernance eeyoue ont évolué et ont été et continuent
d’être redénies par les Eeyous sur la base des droits, des libertés, des valeurs, de la culture, des lois et
coutumes traditionnelles et de la lettre et de l’esprit de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois
et de ses conventions complémentaires.
La lettre et l’esprit de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et de ses conventions
complémentaires exigent que le Canada et le Québec respectent le droit inhérent de la Nation eeyoue
de gouverner ses propres aaires et territoires. Ce principe implique, bien entendu, le droit de la Nation
eeyoue d’établir des relations intergouvernementales avec le Canada et le Québec, d’obtenir les avantages
de ces accords et d’assumer les responsabilités et le fardeau de l’autonomie gouvernementale.
À cet égard, la Nation eeyoue a armé et exercé son droit à l’autodétermination et a conclu un traité
moderne (Convention de la Baie-James et du Nord québécois) et des accords complémentaires avec le Canada
et le Québec. En concluant de tels accords de nation à nation avec les Eeyous, le Canada et le Québec
ont déjà reconnu leur statut de nation autonome.
L’armation de leur droit inhérent à l’autodétermination découlant de leur statut de peuples distincts
ou souverains donne aux Eeyous le droit de déterminer leur propre avenir au sein du Canada et de se
gouverner eux-mêmes dans le cadre d’institutions de leur choix et de leur conception.
Pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, la CBJNQ avait pour but d’assurer le partage des pouvoirs et des
responsabilités dans la gouvernance d’Eeyou Istchee.
La vision de la Nation eeyoue en matière de gouvernance eeyoue est une vision dans laquelle les Eeyous
sont libres de déterminer la forme d’organisation politique et de gouvernement qui leur convient. Pour
réaliser cette vision, les Eeyous doivent avoir à leur disposition des outils leur permettant de réussir à
constituer et à gérer des gouvernements ecaces.
Le parcours vers une autonomie complète et ecace n’est pas terminé. Une gouvernance ecace exige
des structures locales et régionales ou nationales qui sont conformes à la culture, au patrimoine et à
« l’Eeyou Eedouwun » et qui, en même temps, englobent un nombre susant de personnes qualiées
pour exercer la pleine autorité d’une gouvernance ecace.
Les Eeyous ont une relation spirituelle particulière avec leur terre ... Eeyou Istchee. Les Eeyous
considèrent également leur culture, leur langue et leurs traditions comme fondamentales et centrales à
leur identité collective et individuelle. Par conséquent, la vision eeyoue de l’autonomie gouvernementale
englobe deux objectifs distincts mais liés. Le premier implique une plus grande autorité sur le territoire
d’Eeyou Istchee et ses habitants, que ce territoire soit exclusivement eeyou ou partagé avec d’autres.
Le second implique un plus grand contrôle sur les questions qui touchent les Eeyous en question :
leur culture, leur identité et leur bien-être collectif.
Par conséquent, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont choisi et adopté les principales voies et dispositions
suivantes pour la gouvernance d’Eeyou Istchee :
a) système traditionnel eeyou de gouvernance et d’autorité (Indoh-hoh Ouje-Maaou) pour
chaque Indoh-hoh Istchee (territoires de chasse eeyous);
b) gouvernement local (gouvernement de la Première nation crie par le chef et le conseil) qui
implique une grande mesure d’autorité eeyoue sur une base territoriale exclusive (terres de
catégorie 1A et 1B);
c) gouvernement de la Nation eeyoue (crie) qui implique une grande mesure d’autorité
eeyoue sur une base territoriale exclusive (terres de catégorie 1A) et non exclusive
(terres de catégorie 2); et
d) gouvernement public (gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James) qui permet une
participation importante des Eeyous à la prise de décisions concernant les terres partagées
(terres de catégorie 3) et les ressources.
La gouvernance eeyoue est le processus par lequel les Eeyous prennent des décisions qui orientent
leurs eorts collectifs. Une gouvernance ecace ne se limite pas à l’accomplissement du travail. Cela
est particulièrement vrai pour les Eeyous, car les valeurs jouent généralement un rôle important dans la
détermination de l’objectif organisationnel et du style de fonctionnement. Le processus et les principes
qui soutiennent la gouvernance et la guident sont aussi importants que le produit nal. Toutefois, la
gouvernance ecace ne se limite pas à « prendre le contrôle » des aaires eeyoues et des questions
telles que le développement économique, communautaire et social. Une gouvernance bonne et ecace
consiste à la fois à atteindre les résultats souhaités et à les atteindre de la bonne manière, laquelle est
largement façonnée par les normes et valeurs culturelles des Eeyous d’Eeyou Istchee.
La gouvernance eeyoue a évolué de façon spectaculaire au cours des quatre (4) dernières décennies,
principalement en réponse aux changements fondamentaux du paysage politique, social et économique
d’Eeyou Istchee. Cette évolution de la gouvernance eeyoue est coutumière et naturelle, car le pouvoir
politique est universel et inhérent à la nature humaine. Après tout, l’autodétermination des Eeyous est
le pouvoir de choix en action. Dans certains cas, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont adopté une approche
« simplement le faire ».
La gouvernance eeyoue est également la pratique et l’exercice de l’intendance, de la tutelle et de
la garde d’Eeyou Istchee. Pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, le parcours vers la pleine gouvernance
eeyoue commence et se termine avec et au sein des autorités historiques et traditionnelles du pouvoir
d’autonomie – les gens de la terre.
Ce qui est plus important encore pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, c’est l’origine, l’exercice, l’évolution
et la continuité du droit à l’autonomie gouvernementale, « l’Eeyou Eedouwun ».
« L’Eeyou Eedouwun »
Tout au long des consultations avec les communautés eeyoues sur la construction et l’opposition au
projet de développement hydroélectrique de la Baie-James, des procédures judiciaires subséquentes
pour arrêter le projet et des négociations qui ont mené à la signature de la Convention de la Baie-James
et du Nord québécois, les aînés des communautés eeyoues ont parlé du besoin essentiel et de l’importance
fondamentale de « l’Eeyou Eedouwun » pour les Eeyous d’Eeyou Istchee.
GOUVERNANCE EEYOUE, DROIT COUTUMIER ET EEYOU EEDOUWUN 77
78 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
L’Eeyou Eedouwun dont les aînés ont parlé est centré sur la terre natale des Eeyous - Eeyou Istchee - qui
comprend les « Eeyou Indoh-hoh Istchee » (territoires de chasse familiaux traditionnels et historiques).
Les aînés ont parlé de la terre natale des Eeyous comme d’un vaste territoire peuplé d’animaux, de
poissons, d’oiseaux, de forêts, de rivières et de lacs où la chasse et la pêche sont des composantes
essentielles de la vie et de la culture des Eeyous/Eenous. Pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, la chasse et la
pêche sont bien plus que la poursuite du poisson et du gibier. La présence de la nature partout apporte
de grandes bénédictions au peuple. Par conséquent, la présence des Eeyous sur la terre de leurs ancêtres
est essentielle à leur bien-être mental, physique et spirituel. Les aînés appellent ce bien-être holistique
« miiyoupimaatsiiwin ». Par conséquent, selon les aînés, les Eeyous entretiennent un lien étroit avec
leur terre – ses eaux, ses forêts, ses plantes, ses animaux, ses poissons, son esprit – et ce que le peuple est
devenu en conséquence – cela fait partie de la nature des Eeyous.
Selon les aînés, la centralité d’Eeyou Istchee constitue le fondement de l’existence, de l’individu, de la
famille, de la nation, de la communauté, de la gouvernance, des territoires de chasse familiaux, de la
langue, du droit eeyou/eenou, de la culture, du savoir traditionnel, de la sagesse culturelle, de l’éducation
et des enseignements, des valeurs, des traditions et des coutumes, des droits, de l’identité, de l’histoire, de
l’économie, de la philosophie, des croyances, de la morale, des attitudes, de la spiritualité, du bien-être
et de la santé, de la vision du monde et du mode de vie des Eeyous. Par conséquent, ce lien étroit avec
Eeyou Istchee fait des Eeyous ... un peuple distinct.
Les questions mentionnées plus haut constituent les principaux éléments de « l’Eeyou Eedouwun » dont
les aînés d’Eeyou Istchee ont parlé lors des consultations avec les communautés eeyoues/eenoues sur la
construction du projet de développement hydroélectrique de la Baie-James et l’opposition à ce projet,
les procédures judiciaires subséquentes pour arrêter le projet et les négociations qui ont mené à la
signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois.
Les aînés ont dénitivement guidé les auteurs du traité (chefs et négociateurs eeyous/eenous) dans
l’élaboration du traité moderne connu sous le nom de Convention de la Baie-James et du Nord québécois
et dans la reconnaissance, la protection et la continuité des droits eeyous et « l’Eeyou Eedouwun ».
Comme indiqué, le droit coutumier eeyou est constitué de « l’Eedouwun » comme les pratiques,
coutumes et traditions eeyoues. La nature et la portée de ces pratiques, coutumes et traditions dénissent
les droits eeyous.
Par conséquent, dans une large mesure, la lettre et l’esprit de la Convention de la Baie-James et du Nord
québécois consistent à préserver, maintenir et poursuivre « l’Eedouwun ». La préservation, le maintien et la
continuité de « l’Eeyou Eedouwun » sont fondamentaux et essentiels dans le processus de reconstruction
et d’édication d’une nation. À la suite de certaines relations dévastatrices avec les nouveaux arrivants, les
gouvernements et les industries non autochtones, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont dû bâtir leur nation et,
dans certains cas, reconstruire leur nation.
Droit coutumier eeyou
Les Eeyous d’Eeyou Istchee ont une tradition juridique qui existait avant l’arrivée des Européens dans
l’Eeyou Istchee. Cette tradition juridique du droit coutumier eeyou continue de fonctionner dans la
société eeyoue à travers ses actions, ses enseignements, ses hypothèses, ses prémisses et sa philosophie.
De cette manière, l’Eeyou Eedouwun dénit la manière eeyoue de faire et d’être et inclut la capacité
eeyoue de faire; autrement dit, les droits dans le milieu eeyou. Le droit coutumier eeyou est fondé sur
de nombreuses sources, considérées comme divines, naturelles et coutumières. La source perçue du droit
aecte les règles selon lesquelles il peut être élaboré, divulgué et appliqué. Le droit eeyou est basé sur la
transmission orale. Toutefois, récemment, certains gouvernements des Premières nations cries ont rédigé
et adopté le droit eeyou, comme la Loi sur la chasse crie.
Les tribunaux ont reconnu le maintien du droit coutumier après l’armation de la souveraineté
de la Couronne.
Le droit eeyou est l’ensemble des lois inhérentes à Eeyou Istchee. Il s’agit d’un ensemble de lois
transmises de génération en génération. Le droit eeyou manifeste les valeurs communes de la société
eeyoue. Pour les Eeyous, la loi, la coutume et la tradition eeyoues ne consistent pas en des principes,
pratiques et institutions statiques datant d’un passé lointain. Elles constituent un ensemble évolutif de
modes de vie qui s’adapte aux situations changeantes et intègre facilement de nouvelles attitudes et
pratiques. Par conséquent, le droit eeyou n’est pas un ensemble statique de lois, mais un ensemble
évolutif de principes et de normes de vie dans la société eeyoue.
Les Eeyous, comme les autres peuples contemporains, remanient constamment leurs institutions pour
faire face aux nouvelles circonstances et exigences. Ce faisant, ils empruntent et adaptent librement les
traits culturels qu’ils trouvent utiles et attrayants. À cet égard, le droit eeyou peut être considéré comme
un processus continu de tentative de résolution des problèmes d’une société en mutation, plutôt que
GOUVERNANCE EEYOUE, DROIT COUTUMIER ET EEYOU EEDOUWUN 79
80 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
comme un ensemble de règles. Ce n’est pas la reproduction irrééchie de pratiques dépassées qui rend
une loi eeyoue ecace et une tradition vigoureuse, mais un lien fort avec le passé vivant, en particulier
un lien fort et vivant avec la terre – Eeyou Istchee.
En résumé, le droit eeyou est :
a) conventionnel, coutumier et non écrit;
b) incarné dans les traditions orales et les observances communautaires;
c) transmis d’une génération à l’autre;
d) un ensemble évolutif de principes et de normes de la vie eeyoue;
e) axé sur les valeurs et les principes fondamentaux eeyous et manifeste par la suite la valeur
commune de la société eeyoue.
Conclusion
Pour les Eeyous, la CBJNQ est une charte des droits permettant aux Eeyous de continuer à utiliser,
à occuper et à gouverner Eeyou Istchee. Les droits des Eeyous à leur terre natale, Eeyou Istchee, sont
reconnus et protégés par la CBJNQ.
Quels sont le statut, la nature et la portée de ces droits eeyous?
La Cour suprême a décrit les droits autochtones comme étant « sui generis », un terme juridique
décrivant la relation entre le gouvernement du Canada et les peuples autochtones du Canada en ce qui
concerne le titre autochtone, les droits et les traités. Ces droits et ces relations sont « uniques », « d’un
genre particulier » ou « de leur propre catégorie ». Cela est dû à la fois à la place unique qu’occupent ces
droits et ces relations dans le droit canadien et à la source de ces droits, puisque les peuples autochtones
occupaient le Canada avant l’arrivée des Européens.
Les Eeyous d’Eeyou Istchee, par le biais de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, ont mis n à
l’application de la Loi sur les Indiens pour les Eeyous et leurs terres communautaires, ce qui constitue une
réalisation majeure et signicative. La Loi sur les Indiens permettait au gouvernement fédéral de dominer
et de contrôler la vie et les aaires des Premières nations du Canada, y compris les Eeyous d’Eeyou
Istchee. La Loi sur les Indiens a permis au gouvernement fédéral d’établir et de mettre en œuvre le système
des pensionnats indiens et également de créer et d’imposer le système de gouvernement local qui était
supervisé et contrôlé par le gouvernement fédéral. Par conséquent, la Loi sur les Indiens a constitué
l’obstacle le plus sérieux à l’exercice du droit à l’autodétermination des Eeyous. La Loi ne reconnaissait
pas l’existence et l’application des lois coutumières eeyoues. En assurant l’élimination de l’application de
la Loi sur les Indiens aux Eeyous et aux terres communautaires eeyoues, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont
éradiqué l’autorité fédérale en vertu de la Loi sur les Indiens sur le peuple eeyou, les terres communautaires
eeyoues et les gouvernements des Premières nations eeyoues.
Dans une décision rendue en 2010, la Cour suprême du Canada a déclaré que la Convention de la
Baie-James et du Nord québécois a le statut constitutionnel de traité moderne aux ns de l’article
35 (3) de la Loi constitutionnelle de 1982.
Les droits eeyous en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et de la Convention de la Baie-
James et du Nord québécois doivent être dénis en tenant compte de la perspective eeyoue. C’est la nature
et la portée des pratiques et traditions coutumières spéciques des Eeyous d’Eeyou Istchee qui dénissent
les droits. En particulier, les droits eeyous doivent être dénis, dans une grande mesure, en référence
à « l’Eeyou Eedouwun » comme le droit coutumier ou les pratiques, coutumes et traditions eeyoues.
« L’Eeyou Eedouwun » de la CBJNQ avait pour but de revitaliser et de réarmer la continuité des
institutions traditionnelles, des systèmes de croyance et du droit coutumier eeyou de manière à maintenir
leur évolution et leur pertinence pour la vie et la société eeyoues contemporaines.
À titre d’exemple, l’article 24 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois reconnaît le droit de
chaque Eeyou d’Eeyou Istchee de chasser, de pêcher et de piéger toute espèce de faune sauvage à tout
moment de l’année. Ce droit est déni plus précisément en tenant compte du respect par « l’Eeyou
Eedouwun » des coutumes, traditions et pratiques dans la conduite et la poursuite de la chasse, de la
pêche et du piégeage et des activités connexes. Par conséquent, de nouvelles lois habilitantes ont été
adoptées et les lois existantes ont été modiées par le Canada et le Québec an d’assurer la conformité
avec les droits des Eeyous d’Eeyou Istchee. Essentiellement, les Eeyous d’Eeyou Istchee se sont engagés
dans l’exercice de modication ou de suppression des lois injustes du Québec et du Canada qui
constituaient la négation des droits des Eeyous. (Avant 1975, le Canada et le Québec appliquaient
et faisaient appliquer aux Eeyous des lois et des règlements sur la chasse et la pêche sportives qui ne
GOUVERNANCE EEYOUE, DROIT COUTUMIER ET EEYOU EEDOUWUN 81
82 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
permettaient pas la chasse et la pêche à tout moment de l’année. Par conséquent, les Eeyous n’étaient pas
autorisés à chasser l’orignal et l’oie conformément à leurs activités traditionnelles et saisonnières. Certains
chasseurs eeyous ont été poursuivis par des agents de conservation et de police pour avoir prétendument
pratiqué la chasse et la pêche illégales dans le territoire d’Eeyou Istchee).
De plus, le chapitre 24 de la CBJNQ reconnaît l’existence et la continuité du système traditionnel
« Eeyou Eedouwun » de gouvernance et de gestion des « Eeyou Indoh-hoh Istchee » (territoires de
chasse traditionnels des familles) par les « Eeyou Indoh-hoh Ouje-Maaou » (maîtres de trappe).
Autre exemple, l’article 9 (Administration locale des terres de catégorie 1A) de la Convention de la
Baie-James et du Nord québécois prévoit une législation spéciale concernant l’administration locale des
Cris de la Baie-James sur les terres de catégorie 1A.
Cet article 9 continue de stipuler qu’une telle législation doit contenir les dispositions suivantes : chaque
bande aura la possibilité d’élire ou de nommer son chef et ses conseillers selon la coutume de la bande
ou « l’Eeyou Eedouwun »... Ces coutumes de la bande seront énoncées dans les règlements administratifs
de la bande ...
Par conséquent, l’article 9 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois prévoit l’incorporation de
la coutume eeyoue dans les élections locales du gouvernement de la Nation crie. En particulier, chaque
Première nation crie a la possibilité d’élire ou de nommer son chef et ses conseillers selon la coutume
eeyoue. (Cette coutume eeyoue doit être énoncée dans les règlements ou les lois du gouvernement de
la Première nation crie). Par conséquent, les Eeyous d’Eeyou Istchee n’ont pas à suivre les procédures
d’élection actuelles de la bande telles que prescrites par les lois actuelles sur les élections de la bande si
ces procédures d’élection de la bande posent problème. Les Eeyous d’Eeyou Istchee ont la possibilité de
choisir le droit coutumier pour l’élection ou la nomination de leur chef et de leurs conseillers.
Selon la Cour suprême dans l’aaire R. c. Van der Peet : « Le dé de la dénition des droits autochtones
découle du fait qu’il s’agit de droits propres à la rencontre de deux cultures juridiques très diérentes;
par conséquent, il y aura toujours une question sur la culture juridique qui doit fournir le point
d’observation à partir duquel les droits doivent être dénis... une conception moralement et
politiquement défendable des droits incorporera les deux perspectives juridiques. »
Pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, leurs traditions juridiques constituent une partie fondamentale de
« l’Eeyou Eedouwun » qui dénit leurs droits, y compris le droit eeyou à l’autonomie gouvernementale.
Par conséquent, les Eeyous d’Eeyou Istchee doivent revoir et modier leur traité, les accords subséquents
et la législation habilitante an de reconnaître l’existence et la continuité de « l’Eeyou Eedouwun » et
de la tradition juridique eeyoue, y compris le droit coutumier, dans l’exercice du droit eeyou à
l’autonomie gouvernementale.
GOUVERNANCE EEYOUE, DROIT COUTUMIER ET EEYOU EEDOUWUN 83
84 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
Après avoir examiné et analysé les présentations, les soumissions et les commentaires des représentants
de la Nation crie d’Eeyou Istchee, de la Première nation naskapie de Kawawachikamach et de la
Commission, la Commission Crie-Naskapie présente les recommandations suivantes :
Gouvernance
1. La Nation crie d’Eeyou Istchee devrait examiner et modi er ses lois et sa constitution a n de
reconnaître l’existence, l’application et la continuité de « l’Eeyou Eedouwun » et et du droit
coutumier eeyou dans l’exercice de l’autonomie gouvernementale eeyoue.
2. Le gouvernement de la Nation crie, le gouvernement du Canada et le gouvernement du
Québec devraient revoir le chapitre 9 (Administration locale sur les terres de la catégorie 1A)
de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, les ententes concernant une nouvelle
relation et les ententes sur la gouvernance a n d’assurer l’atteinte des objectifs suivants :
a) reconnaissance implicite du droit inhérent des Eeyous à l’autonomie gouvernementale; et
b) reconnaissance de l’existence, de l’application et de la continuité de « l’Eeyou Eedouwum »
et du droit coutumier eeyou dans l’exercice de l’autonomie gouvernementale eeyoue.
3. La Nation crie d’Eeyou Istchee devrait examiner l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie
entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, sa législation habilitante
et la Constitution de la Nation crie d’Eeyou Istchee pour :
a) examiner les dispositions actuelles relatives au quorum pour la tenue de réunions valides
et le vote, y compris les référendums pour l’approbation de certaines questions, a n d’en
assurer l’adéquation, la pertinence et l’e cacité;
b) déterminer un système e cace pour la prise de décision sur les questions urgentes telles
que l’obtention des signatures nécessaires des membres du Conseil lorsqu’une réunion
du Conseil est di cile à tenir dans un court délai;
CHAPITRE QUATRE
RECOMMANDATIONS DE LA
COMMISSION CRIE-NASKAPIE
c) viser les lois actuelles relatives aux procédures électorales, notamment en ce qui
concerne les nominations et les appels à de nouvelles élections non planiées;
d) viser et/ou adopter de nouvelles lois pour clarier la procédure de convocation et de
tenue des réunions des membres, la conduite de ces réunions ainsi que les pouvoirs de
décision de ces réunions;
e) réviser ses lois actuelles ou adopter de nouvelles lois an de se conformer et de reéter
les valeurs, les principes, les traditions et le droit coutumier des Cris;
f) viser et mettre à jour la Constitution de la Nation crie d’Eeyou Istchee;
g) inclure la lettre et l’esprit de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois dans la
Constitution;
h) modier la Constitution de la Nation crie d’Eeyou Istchee an qu’elle honore le passé
des Eeyous/Eenous, respecte le présent et guide l’avenir du peuple.
4. Le gouvernement de la Nation crie et les gouvernements des Premières nations cries devraient
élaborer, adopter et mettre en œuvre les lois suivantes d’une manière qui convient aux intérêts
et au peuple cris :
a) Règles sur les conits d’intérêts
b) Code d’éthique pour le Chef et le Conseil
c) Code d’éthique pour le personnel des gouvernements cris.
5. Des séances de formation et d’orientation devraient être préparées et mises en œuvre pour
les chefs et les membres du Conseil nouvellement élus. Ces séances devraient être axées sur la
Convention de la Baie-James et du Nord québécois, lEntente sur la gouvernance de la Nation crie entre
les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, sa loi habilitante et la Constitution de la
Nation crie d’Eeyou Istchee.
RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION CRIE-NASKAPIE 85
86 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
Importance et rôle des aînés
6. Le gouvernement de la Nation crie et les gouvernements des Premières nations cries, en
collaboration avec les conseils des aînés locaux et régionaux, devraient déterminer les moyens
qui permettront, de manière positive et signicative, aux aînés d’Eeyou Istchee de participer au
processus de prise de décision, d’édication et de reconstruction de la nation an de réclamer
et de restaurer la gouvernance, la culture, la langue, le mode de vie et les autres formes de
« l’Eeyou /Eenou Eedouwun » de manière à développer et à soutenir une société eeyoue/
eenoue qui fonctionne – économiquement, socialement, culturellement et politiquement.
7. Le Conseil du gouvernement de la Nation crie devrait adopter une résolution dans le but
d’initier un processus de modication de la Constitution de la Nation crie d’Eeyou Istchee
an d’atteindre les objectifs suivants.
a) Reconnaître le rôle essentiel des aînés dans la poursuite, la réalisation et le maintien du
« miiyoupimaatsiiwin » (bien-être de l’esprit, du corps et de l’âme).
b) Reconnaître que les aînés de l’Eeyou/Eenou Istchee sont la pierre angulaire de la culture
eeyoue/eenoue en tant que gardiens et enseignants de « l’Eeyou/Eenou Eedouwun »
tels que le savoir traditionnel, la culture et la langue.
c) Reconnaître l’importance et le rôle essentiel des aînés dans l’édication de la Nation
eeyoue/eenoue an de soutenir l’autodétermination, la gouvernance et le bien-être
des Eeyous/Eenous.
d) Permettre aux conseils des aînés de conseiller les gouvernements et les institutions
eeyous/eenous sur la législation et les politiques relatives à la langue, à la culture et
au bien-être.
e) Faire participer les aînés à l’élaboration, à l’établissement et à la mise en œuvre d’un
mécanisme de règlement des diérends concernant l’Indoh-hoh Istchee (territoire
traditionnel de chasse familiale).
Nation crie de Chisasibi
8. La Nation crie de Chisasibi et le gouvernement de la Nation crie devraient soumettre la
question du corridor de 500 pieds de chaque côté de la route pour discussion et résolution au
Comité de liaison permanent qui a été établi en vertu du chapitre 11 de l’Entente concernant
une nouvelle relation entre le Gouvernement du Québec et les Cris du Québec, d’agir à titre
de forum privilégié entre les Cris et le Québec an de trouver des solutions mutuellement
acceptables aux diérends découlant de l’interprétation ou de la mise en œuvre de la présente
Entente ou de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois lorsque les mécanismes qui y
sont prévus ne permettent pas de régler le diérend à la satisfaction des parties.
9. Avant l’approbation et la signature d’ententes qui ont des répercussions sur la Nation crie
d’Eeyou Istchee et les communautés cries, le gouvernement de la Nation crie devrait mener
des consultations complètes et intensives auprès des communautés cries.
10. Lors de la prise de décisions qui aectent les membres et la communauté, les aînés, les
dirigeants et les membres de la communauté devraient être pleinement consultés et autorisés
à participer de façon signicative au processus de dénition et de promotion des intérêts des
membres de la communauté.
11. Lors des assemblées générales, les mots cris contenus dans les lois, les documents et les rapports
devraient être utilisés pour favoriser la compréhension de la lettre et de la signication de
ces questions.
12. Le gouvernement de la Nation crie devrait élaborer des stratégies à court, moyen et long
terme pour le progrès, l’amélioration et la planication globale des objectifs et des projets.
13. Le gouvernement de la Nation crie devrait produire des « versions vulgarisées » des ententes
de gouvernance, de la constitution crie et d’autres documents connexes et importants pour
que les membres comprennent ces documents et les gouvernements cris. De plus, des séances
d’orientation en personne devraient être organisées et porter sur les mandats, les rôles et les
activités de divers organismes comme le gouvernement de la Nation crie, la Commission
scolaire crie, le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James
et la Commission Crie-Naskapie.
14. Le gouvernement de la Nation crie et les gouvernements des Premières nations cries devraient
revoir la formule actuelle de distribution des fonds en vertu de l’Entente concernant une
nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec an d’assurer
la clarté et l’équité pour les communautés cries.
Nation crie d’Eastmain
15. Le gouvernement de la Première nation crie d’Eastmain devrait travailler en collaboration avec
la Commission scolaire crie pour encourager et permettre la participation des parents et des
individus à l’utilisation de la langue crie.
16. Le gouvernement de la Première nation crie d’Eastmain et le gouvernement de la Nation
crie devraient établir et mettre en œuvre des mesures ecaces pour la perception du loyer
des logements an de prévenir les arriérés de loyer.
Nation crie de Washaw Sibi
17. La Nation crie de Washaw Sibi et le gouvernement de la Nation crie devraient continuer
à poursuivre ensemble l’objectif d’obtenir un nouveau village pour Washaw Sibi avec leurs
propres terres de la catégorie 1A au sens de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois.
18. La Nation crie de Washaw Sibi et le gouvernement de la Nation crie devraient inviter le
Canada et le Québec à participer aux discussions sur l’établissement d’un nouveau village
pour Washaw Sibi avec ses terres de la catégorie I en vertu de la Convention de la Baie-James
et du Nord québécois.
MoCreebec Eeyoud
19. Les Eeyouds de MoCreebec et le gouvernement de la Nation crie devraient continuer de
travailler ensemble an de poursuivre l’objectif d’obtenir un nouveau village et d’être reconnus
comme une communauté crie au sens de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois
pour les Eeyouds de MoCreebec.
RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION CRIE-NASKAPIE 87
88 RAPPORT DE LA COMMISSION CRIENASKAPIE 2022
Nation crie de Nemaska
20. La Nation crie de Nemaska devrait revoir sa loi électorale an de déterminer les exigences de
résidence de ses électeurs.
21. La Nation crie de Nemaska devrait revoir sa procédure d’élection pour les postes de chef et de
chef adjoint. À titre d’exemple, on recommande que lors des élections générales pour le chef et
le chef adjoint, chaque candidat au poste de chef ait un colistier qui serait désigné comme chef
adjoint. Un tel système permettrait d’éviter les conits entre ces deux postes et favoriserait la
collaboration pour atteindre des objectifs communs.
22. La Nation crie de Nemaska et le gouvernement de la Nation crie devraient examiner et
modier l’article 8.14 (1) de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou
Istchee et le gouvernement du Canada et sa loi habilitante. (L’article 8.14 (1) dudit Accord se lit
comme suit : « Les dispositions des Lois du gouvernement de la Nation crie relatives aux
matières prévues aux articles 8.9 à 8.12 l’emportent sur les dispositions incompatibles des
Lois d’une Première nation crie. » (Les autres gouvernements de la
Première nation crie doivent participer à cet exercice.)
Nation crie de Mistissini
23. Le gouvernement de la Nation crie, la Nation crie de Mistissini et la Commission scolaire
crie devraient collaborer pour assurer le maintien et la continuité de la langue crie, du droit
coutumier et de « l’Eeyou Eedouwun ».
24. Les gouvernements cris et les institutions publiques telles que la Commission scolaire crie et le
Conseil cri de la santé devraient déterminer la façon la plus ecace d’attribuer des terres à ces
institutions, conformément au régime actuel et aux besoins de ces institutions.
25. De concert avec la participation des aînés, la Nation crie de Mistissini devrait déterminer par
la loi un mécanisme ecace de résolution des diérends concernant la famille traditionnelle
relatifs à « l’Indoh-hoh Istchee » (territoires de chasse).
Nation naskapie de Kawawachikamach
26. La Nation naskapie de Kawawachikamach et le Canada devraient naliser une entente sur
l’autonomie gouvernementale an de remplacer le régime de gouvernance actuel des Naskapis
en vertu de la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie et de la Constitution naskapie,
sous la seule juridiction des Naskapis.
27. La Nation naskapie de Kawawachikamach devrait inclure et moderniser ses lois électorales
dans sa Constitution.
28. La Nation naskapie de Kawawachikamach devrait naliser, approuver et appliquer le Code
d’éthique et de valeurs pour les employés de la Nation naskapie de Kawawachikamach.
RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION CRIE-NASKAPIE 89