PROPOSITION DE

LOI SUR LA RESPONSABILITÉ EN MATIÈRE
DE GESTION DES POLITIQUES

 

 

 

DOCUMENT DE DISCUSSION

PRÉPARÉ PAR LA COMMISSION CRIE-NASKAPIE

 

 

 

Richard Saunders, président
Robert Kanatewat, commissaire
Philip Awashish, commissaire

 

 

 

Le 30 mars 2001

 

  CONTEXTE

  Dans son Rapport 2000, la Commission crie-naskapie parlait de la nécessité d'une responsabilité accrue en matière de gestion des politiques au sein de la fonction publique fédérale, en soulignant que si les mécanismes de responsabilisation financière sont nombreux et de plus en plus efficaces, il n'y a pas d'outils analogues pour la gestion des politiques. Le Vérificateur général arrive à peu près aux mêmes conclusions dans son rapport intitulé Le point sur une décennie au service du Parlement. La recommandation 6 du Rapport 2000 de la Commission fait la suggestion suivante :
 

« 6. Le gouvernement du Canada devrait déposer à la Chambre des communes et au Sénat une « loi sur la responsabilité en matière de gestion des politiques », assurant ainsi que les décisions politiques prises par le Cabinet et les ministres sont mises en oeuvre comme prévu et en temps opportun. La conformité à cette législation devrait être scrutée régulièrement par un organisme central ainsi que par un comité parlementaire. »1
Cette recommandation se fonde sur les observations de la Commission, au cours des nombreuses années d'efforts des ministres pour appliquer la lettre et l'esprit de la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie James et du Nord québécois, de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, de la Convention du Nord-Est québécois et de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Pour ne donner qu'un exemple, les ministres ont indiqué leur intention d'appliquer intégralement ces engagements. Pourtant, on en est encore au même point. Dans un autre exemple, donné plus bas, l'engagement d'un ministre a été clairement répudié. S'appuyant sur les faits présentés aux audiences spéciales sur la mise en application de la convention, la Commission fait observer, dans ses rapports 1998 et 2000, ce qui suit :

« On s'entend en général pour dire que, sauf quelques exceptions, les ministres prennent ou semblent prendre des décisions que les fonctionnaires mettent en oeuvre en partie ou pas du tout. » 2

« Cela signifie que, sauf si les hauts fonctionnaires sont d'accord avec la décision d'un ministre, les chances qu'elle soit mise en oeuvre sont fort minces. » 3

« Tout comme il y a des exigences légales en matière de responsabilité financière, il devrait y en avoir en matière de responsabilité politique. » 4

  Au Canada, les gouvernements sont régis par un système qui intègre bon nombre de principes du droit constitutionnel britannique, certaines innovations constitutionnelles américaines importantes et, dans une large mesure, le pragmatisme constitutionnel des Canadiens. S'il est vrai que les élus doivent représenter la population et que les fonctionnaires doivent acquitter correctement leurs fonctions, tous doivent comprendre leurs rôles respectifs, déterminés par nos valeurs fondamentales et nos idéaux en matière de gestion et dont témoignent le droit constitutionnel et administratif, et y réfléchir périodiquement. Avant d'aborder le rôle des fonctionnaires, peut-être devrait-on examiner brièvement les grands principes constitutionnels auxquels doivent se conformer ceux qui ont pour fonction de servir le public.

LE CONSTITUTIONNALISME ET LA PRIMAUTÉ DU DROIT

Le double concept du constitutionnalisme et de la règle de droit constitue un bon point de départ pour toute discussion quant à la façon dont les gouvernements, au Canada, doivent assumer leurs responsabilités. Les constitutionnalistes et les politicologues ont cherché pendant des années à définir ces termes avec précision. En fait, il s'agit moins de termes que de concepts suivant l'évolution du droit dans une démocratie moderne comme la nôtre. Sans doute le meilleur avis juridique quant à leur signification a-t-il été exprimé par la Cour suprême du Canada, en 1998, en rapport avec la sécession du Québec :

Selon les principes du constitutionnalisme, les initiatives des gouvernements doivent être conformes à la Constitution, alors que la primauté du droit veut que celles-ci soient conformes au droit, dont la Constitution.5

Il y a, bien sûr, beaucoup sur l'application de ces principes, notamment aux individus et aux minorités, mais en ce qui concerne le rôle et les responsabilités du gouvernement, cette définition laconique et contemporaine est utile et tout à fait pertinente, d'autant plus qu'elle est de source autorisée.

La simple existence de ces principes de même que leur application périodique par les tribunaux ne garantissent pas, toutefois, leur respect dans les activités quotidiennes de la fonction publique. De fait, face aux droits des peuples autochtones du Canada, les gouvernements se sont toujours montrés réticents à les reconnaître, à les affirmer et les appliquer, et ce depuis les tout débuts de notre histoire jusqu'à aujourd'hui. L'actuel ministre des Affaires indiennes, l'Honorable Robert Nault, déclarait, en décembre 1999, devant l'Assemblée des chefs des Premières que :

« Les Autochtones doivent sans cesse aller devant les tribunaux pour obtenir la reconnaissance de leurs droits même les plus fondamentaux, alors que les gouvernements les ont combattus de toutes les façons possibles. »6

Selon la Cour suprême du Canada, même lorsque la Constitution protège expressément les droits des indiens, les gouvernements doivent être contraints par les juges de les respecter.

... le développement de la Baie James par Hydro-Québec a été entrepris, à l'origine, sans égard aux droits des Indiens vivant sur le territoire, même s'ils étaient expressément protégés par un instrument constitutionnel... 7
Il a fallu plusieurs décisions judiciaires, notamment celle du juge Calder, de la Cour suprême, en 1973, pour que le gouvernement réévalue sa position. 8

Même si les Canadiens aiment bien que la Cour suprême ait le pouvoir de contraindre les gouvernements à respecter les droits constitutionnels, cela ne devrait pas être nécessaire, sauf dans des cas spéciaux. La compréhension et le respect du double principe du constitutionalisme et de la primauté du droit doivent faire partie intégrante de l'éthique des fonctionnaires et des élus. Le respect du droit ne doit pas se limiter aux juges, mais s'étendre à l'ensemble des élus et des fonctionnaires fédéraux et provinciaux responsables de l'administration publique.

LA SOUVERAINETÉ DU PARLEMENT

Parmi les grands principes de gestion publique au Canada, il y a celui de la souveraineté du Parlement. Ce principe, né en Grande-Bretagne après des siècles de lutte, établit de façon définitive que c'est le Parlement, et en particulier la Chambre des communes, et non le roi ou ses ministres, qui adopte les lois du pays. Lorsqu'ils appliquent les lois, les ministres sont responsables devant le Parlement. Ils sont également responsables devant celui-ci des décisions politiques ainsi que des tâches administratives des fonctionnaires. Rares étaient les fonctionnaires qui avaient préséances sur un ministre et aucun n'échappait à l'autorité du Parlement. Ce sont là des principes qui prévalent encore au Canada. Ils ont évolué et sont circonscrits par la Constitution, qui limite la souveraineté du Parlement, notamment en attribuant des pouvoirs aux provinces et en protégeant certains droits et libertés en vertu de la Charte ainsi que les droits des Autochtones et ceux visés dans les traités. Malgré cela, le Parlement détient incontestablement sur le plan juridique et pour le public le droit souverain d'adopter des lois à l'intérieur des limites fixées et de soumettre le gouvernement et les fonctionnaires à un contrôle juridique absolu. Ce contrôle appartient au Cabinet et ses ministres (en accord avec la Chambre des communes). En ce qui concerne, en théorie, la politique des Affaires indiennes, ce principe est clairement énoncé à l'article 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867, qui reconnaît, en ce qui a trait aux Indiens et aux terres réservées aux Indiens, une compétence exclusive au Parlement, lequel délègue l'exercice quotidien de cette responsabilité en vertu de l'article 4 de la Loi sur les Affaires indiennes et du Nord :

« 4. Les pouvoirs et fonctions du ministre s'étendent d'une façon générale à tous les domaines de compétence du Parlement non attribués de droit à d'autres ministères ou organismes fédéraux et liés aux affaires indiennes. »9

La lecture de ce qui précède et la reconnaissance de l'autorité du Parlement quant aux affaires indiennes permettent de supposer que le ministre a toute l'autorité nécessaire pour donner des orientations politiques à ses fonctionnaires et peut s'attendre de leur part au respect intégral des ses orientations légitimes, en temps opportun et au mieux de leurs compétences. L'exercice quotidien de ce contrôle démocratique dans les activités du ministère des Affaires indiennes et du Nord est plus problématique.

Le Vérificateur général a souligné récemment, en février 2001, la nécessité pour le gouvernement de se conformer aux lois adoptées par le Parlement :

« Le Parlement doit pouvoir également déterminer si le gouvernement applique et respecte les lois qu'il adopte. »10

L'OBLIGATION DE MISE EN OEUVRE FIDÈLE

Son excellence le gouverneur général en conseil, fort de la confiance qu'il a dans la loyauté, l'intégrité et la capacité de (nom), le (la) nomme au poste de (nom du poste).11

Ce libellé, encore en vigueur, illustre la formule traditionnelle qui sert depuis longtemps à nommer les hauts fonctionnaires à un poste. Si à l'aube du XXIe siècle, il peut sembler emprunté et archaïque, son optimisme donne un aperçu de l'idéal qui anime la fonction publique, à savoir que l'on doit pouvoir compter sur les fonctionnaires pour appliquer fidèlement les politiques et les décisions légitimes des élus, qui ont pour mandat d'exécuter les volontés du Parlement, donc de l'électorat canadien.

Le respect intégral ou partiel de l'obligation de mise en oeuvre fidèle pose un défi important au gouvernement, car il suppose des améliorations quant au fonctionnement de notre démocratie. Aussi important ce problème soit-il, il faut par ailleurs être conscient que la vaste majorité des fonctionnaires se conforment chaque jour à cette obligation. Toutefois, cela ne doit pas occulter la nécessité de règles claires et autorisées concernant la responsabilité de suivre la Constitution, d'appliquer les lois et de mettre en oeuvre les décisions politiques légitimes au mieux des capacités de chacun. (Même si cela semble inutilement spécifique, la foncière honnêteté de la majorité des fonctionnaires n'a pas empêché l'adoption de la Loi sur la gestion des finances publiques.) La gestion des politiques est aussi importante que celle des finances.

Les exemples récents ci-dessous se rapportent au ministère des Affaires indiennes et du Nord. À noter, toutefois, qu'il s'agit d'un vieux problème présent dans bon nombre de ministères et d'organismes du gouvernement. Parlant de l'habitude du gouvernement à procéder à des réorganisations répétées, Peter Aucoin, le respecté spécialiste universitaire des questions d'administration publique, écrivait, en 1979, que :

...ces réorganisations ont été justifiées en grande partie par la tentative explicite des élus politiques de réduire le pouvoir acquis par les fonctionnaires au cours des dernières décennies en ce qui concerne l'adoption de politiques, mais aussi leur négation au moment de leur élaboration et de leur mise en oeuvre. 12

On fait souvent observer, entre autres, qu'il s'agit là d'un problème endémique, inhérent aux faiblesses de la nature humaine, et inévitable. Pourtant, cela ne justifie pas le fait de ne pas en être informé ou l'absence de mesures pour en limiter la portée. Dans certains secteurs du ministère des Affaires indiennes et du Nord, la Commission estime que ce problème rend inefficaces bon nombre d'initiatives politiques et paralyse parfois les tentatives des ministres d'améliorer la vie quotidienne des collectivités dans les Premières nations. L'expérience des Cris et des Naskapis de la Baie James en donne plusieurs exemples, d'autant plus qu'il est possible, parfois, d'embrouiller les questions en raison de la complexité du contexte juridique et politique. Ce problème ne fait que renforcer la nécessité de règles claires et pertinentes. L'un des exemples récents depuis l'adoption de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec remonte à 1986, lorsqu'un sous-ministre adjoint des Affaires indiennes a soutenu, devant la Commission crie-naskapie, que le gouvernement n'était pas lié par une entente que le ministre a signé en sachant que les fonctionnaires ne l'approuvaient pas. Celui-ci avait fait valoir que le ministre n'avait pas l'autorisation du Conseil du Trésor, une lacune qui lui a permis d'invoquer l'invalidité non pas de l'entente au complet, mais de seulement les éléments avec lesquels il n'était pas d'accord. Même si le Ministère a surtout prétexté son incapacité à obtenir les autorisations internes nécessaires, l'entente publique signée par le ministre concluait en ces termes :

« L'entente acceptée par le groupe de travail est conforme au document du Cabinet (1984) en ce qui concerne la loi proposée et la présentation au Conseil du Trésor pertinente. »13

« À noter que les représentants des Cris et des Naskapis ont considéré les délibérations comme des négociations et que la décision du Cabinet ratifie les principaux points convenus. » 14

À la signature de l'entente, le 9 août 1984, le ministre des Affaires indiennes a déclaré :

« Je suis présent officiellement ici, aujourd'hui, afin de présider le geste final du gouvernement fédéral pour instaurer le principe de la responsabilité financière, en vertu de la Loi sur les Cris et les Naskapis. » 15

Voici les propos échangés par le grand chef Billy Diamond et le ministre juste avant la signature de l'entente :

Le chef Diamond - Je voulais seulement soulever, poser, une dernière question. 16

***

« ...le sous-ministre a refusé de signer le protocole d'entente de financement. Le ministre va-t-il le signer maintenant et engager le gouvernement fédéral à respecter les chiffres convenus lors des négociations ? » 17

Le ministre des Affaires indiennes - Je m'attendais à cette question chef Diamond. Montrez-moi le document et je vais le signer.18

N'importe quel observateur raisonnable à cette cérémonie aurait cru en la signature d'une entente ayant force exécutoire. Mais personne de raisonnable n'aurait songé à demander : « Monsieur le ministre, vos fonctionnaires ont-ils obtenus les autorisations internes nécessaires ? Comment être sûr que vos fonctionnaires ne répudieront pas les éléments de l'entente avec lesquels ils ne sont pas d'accord, une fois que vous serez parti ? »

Manifestement, il faut trouver une façon d'éviter que les mesures adoptées par le Parlement et les décisions du Cabinet ne soient renversées par les fonctionnaires en désaccord avec celles-ci.

Par ailleurs, les fonctionnaires, qui ne sont pas élus, exercent un pouvoir discrétionnaire pour bon nombre d'aspects de la mise en oeuvre des politiques. Actuellement, il y a trois façons d'exercer un contrôle démocratique sur la bureaucratie : par les comités parlementaires, par les rapports du vérificateur général et par les lois régissant la liberté d'information. Ce sont des mécanismes utiles que l'on doit conserver, même si l'on doit réformer les comités parlementaires et les rendre plus efficaces. À notre avis, une loi sur la responsabilité en matière de gestion des politiques serait la meilleure façon d'assurer la responsabilisation politique des fonctionnaires.

L'intérêt public doit passer, comme nous l'avons suggéré, par l'adoption d'une loi faisant une distinction entre le principe traditionnel de la « responsabilité ministérielle » et la mise à jour du principe de la responsabilité des hauts fonctionnaires. Dans son rapport du 27 février 2001, le vérificateur général du Canada, M. Denis Desautels, écrivait :

« Dans tous les gouvernements modelés sur celui de Westminster, les ministres sont responsables envers le Parlement de l'état de leur ministère. Cependant, contrairement à d'autres pays, le Canada n'a jamais mis à jour cette doctrine pour établir une distinction entre la responsabilité du ministre envers le public et celle des hauts fonctionnaires. » 19

RESPONSABILITÉ ET DEVOIR DE CONSEIL

Si les fonctionnaires doivent mettre en oeuvre fidèlement les décisions politiques légitimes, ils doivent également pouvoir conseiller honnêtement, sans crainte ou sans complaisance. Les ministres doivent être informés de toutes les possibilités, bien documentées et exposées de façon objective, pour prendre les meilleures décisions possibles. Bien entendu, cela est impossible si les fonctionnaires se croient obligés de leur présenter seulement des solutions acceptables. Les fonctionnaires doivent avoir l'intégrité et la protection juridique nécessaires pour donner des conseils complets et pertinents en toute franchise. Ils doivent être tenus, de façon positive, de donner des conseils :

1.conformes à la Constitution de même qu'au précédents législatifs et juridiques,
2.fondés sur une recherche compétente et complète,
3.en temps opportuns,
4.cernant toutes les possibilités (et non seulement la solution qu'il préfère),
5.tenant compte de l'ensemble des incidences financières.

Des incitatifs et des protections doivent accroître la possibilité de récompenser et non de pénaliser le conseiller. Voici les éléments que devrait comporter ce système :

1.                 Des normes de recrutement élevées pour les fonctionnaires
2.                 Des salaires et des avantages concurrentiels
3.                 Une inamobibilité relative
4.                 Un code de déontologie et une commission d'éthique
5.                 Une reconnaissance du service méritoire

Lorsqu'un conseil est donné, les fonctionnaires doivent respecter les décisions légitimes et les exécuter au mieux de leurs compétences, quel que soit leur avis quant à sa sagesse. Les fonctionnaires incapables de le faire en toute bonne conscience doivent présenter leur démission. Il ne doit pas non plus être possible d'implanter ou pas une politique ou une décision légitime.

Toute loi sur la responsabilité politique doit également protéger les dénonciateurs. Les fonctionnaires qui sont au courant d'activités illégales ou d'écarts graves au sein du gouvernement ont le devoir de bien gérer le problème. En tant qu'employés de la fonction publique, ils doivent être conscients de leurs obligations qui, en de rares occasions, l'emportent sur leur loyauté envers un ministre ou même un gouvernement. Comme pour d'autres emplois, une protection adéquate est nécessaire à l'exécution des fonctions sans crainte de perdre son emploi, de nuire à son avancement professionnel ou d'avoir à mal exécuter ses fonctions.

ÉLÉMENTS DE L'ÉVENTUELLE LOI

La rédaction de la loi sur la responsabilité en matière de gestion des politiques devra suivre une vaste revue quant à la nature et à la portée de la responsabilité politique dont nous avons parlé. Cette revue s'attachera à l'ensemble des ministères et des organismes fédéraux. L'analyse se fondera sur l'examen complet de nombreuses décisions de politique importantes du Cabinet et des ministres, l'examen de la documentation sur leur mise en oeuvre, des entrevues approfondies avec d'anciens ministres et avec des fonctionnaires exerçant un rôle de chien de garde, notamment des hauts fonctionnaires du Bureau du vérificateur général, des universitaires et des groupes de défense de l'intérêt public.

L'examen sera confié à un organisme indépendant autorisé à faire une enquête publique pour obtenir, par exemple, des preuves documentaires et des témoignages. Cet organisme comptera trois membres : un ancien ministre qui s'intéresse à l'administration publique et compétent dans ce domaine, un universitaire réputé et un représentant du public qui s'intéresse à cette question et a de l'expérience.

Sans se risquer à présumer des conclusions et des recommandations de cet examen, on peut néanmoins s'attendre à ce qu'elles suggèrent des façons d'accroître la responsabilité politique, de prévoir les conséquences juridiques de la non-conformité aux décisions légitimes et offrir une protection adéquate aux fonctionnaires qui ont des motifs raisonnables de croire au caractère illégitime d'une décision ou qu'il y a de sérieux écarts.

Voici des exemples de dispositions propres à loi sur la responsabilité en matière de gestion des politiques :

1 Un article prévoyant que les fonctionnaires doivent défendre et faire respecter la Constitution du Canada, les lois et les règlements fédéraux et provinciaux de même que les décisions des tribunaux.
2 Un article disposant que les ministères et les organismes fédéraux doivent se conformer aux principes de la justice naturelle et au devoir d'équité.
3 Un article exigeant le respect des décrets en conseils, des décisions politiques légitimes, des ordonnances et des décisions ministérielles ainsi que des directives légitimes en matière d'administration publique.
4. Un article dit « de protection des dénonciateurs » établissant le droit et le devoir des fonctionnaires de signaler à la Commission fédérale d'éthique :
a) les violations des lois et règlements fédéraux,
b) le refus ou le défaut de se conformer aux obligations en vertu de la loi,
c) les conflits d'intérêts,
d) l'exercice du pouvoir discrétionnaire de mauvaise foi, de façon malicieuse ou à des fins impropres,
e) le refus ou le défaut de se conformer aux politiques et aux directives ou aux décisions ministérielles légitimes et de les appliquer,
f) les détournements de fonds ou de ressources.
Ces rapports ne doivent avoir lieu qu'en cas de motifs raisonnables ou probables. De plus, le dénonciateur doit être protégé contre les réactions aux mesures prises ou aux faits signalés, sauf s'il s'avère qu'il était de mauvaise foi.
5. Créer une commission fédérale d'éthique ayant un pouvoir d'enquête, présidé par un commissaire nommé par un comité constitué du juge en chef de la Cour suprême ainsi que du président et du président suppléant de la Chambre des communes. Cette commission, qui remplacera l'actuel conseil d'éthique, devra présentera un rapport trimestriel à la Chambre des communes et écouter les représentations du public ou des fonctionnaires actuels ou passés. Les auteurs d'un rapport à la commission ne seront pas passibles de pénalités, sauf s'il est prouvé qu'ils ont agi de mauvaise foi ou par malice. La commission déterminera si les représentations qui lui sont faites sont fondées sur des motifs raisonnables et probables.

Les conclusions de la commission devront être présentées aux auteurs des représentations, au ministre intéressé et au Premier ministre, accompagnées de la plainte ainsi que des résultats de l'examen de la commission et de ses recommandations. Le commissaire gardera confidentiels les détails dont la divulgation risque de causer un grave préjudice à l'intérêt public ou de nuire à l'administration de la justice.

6. La commission fédérale d'éthique pourra également recommander des pénalités, telles une réprimande, une suspension, une rétrogradation et un renvoi. Si les recommandations de la commission visent un ministre, un sous-ministre ou bien le directeur ou le directeur adjoint d'un organisme fédéral, le nom de l'intéressé, les recommandations et les motifs doivent figurer dans son rapport à la Chambre des communes.
7. La loi devra comporter des indemnités afin de protéger le commissaire, les auteurs des représentations et les témoins qui ont agi de bonne foi et sans intention malicieuse.
8. On chargera un comité de gestion des politiques, sous la direction du président du Conseil privé, de suivre la mise en oeuvre des obligations législatives ainsi que des décisions politiques et des directives du Cabinet ou des ministres. Les fonctionnaires qui violent les articles 1, 2 ou 3 seront passibles de pénalités, telles une réprimande, une suspension, une rétrogradation ou un renvoi. Les dispositions actuelles du Code criminel concernant l'abus de confiance du public ou autre s'appliquent également s'il y a lieu.
9. La Loi sur la fonction publique, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et d'autres lois devront faire l'objet d'un examen pour déterminer les modifications consécutives nécessaires.

NOTES EN FIN DE DOCUMENT

1 Commission crie-naskapie, Rapport 2000 de la Commission crie-naskapie, p. 10.
2 Commission crie-naskapie, Rapport 1998 de la Commission crie-naskapie, p.7.
3 Ibid., p. 7
4 Commission crie-naskapie, Rapport 2000 de la Commission crie-naskapie, p. IX.
5 Cour suprême du Canada, séance du Québec, 1998 (pas de rapport), paragraphe 72.
6 Honorable Robert Nault, CP, député. Notes d'allocution prononcée devant la Confédération des chefs de l'Assemblée des Premières nations, à Ottawa, le 9 décembre 1999.
7 Cour suprême du Canada, affaire Sparrow [1990], 3 C.N.L.R., p. 177.
8 Ibid., p. 177
9 Lois sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord.
10 Vérificateur général du Canada, Le point sur une décennie au service du Parlement, Ottawa, 2001, paragraphe 10.
11 Libellé des certificats confirmant les nominations de nombreux hauts fonctionnaires en vertu d'un décret en conseil.
12 Aucoin, P., dans Public Policy in Canada: Organization, Process and Management. (Doern & Aucoin, Eds.) Gage, Toronto, 1979, p. 23.
13 Commission crie-naskapie, transcription de témoignage aux audiences tenues à Hull (Québec), le 30 octobre 1986, p. 3 à 38.
14 Protocole d'entente sur les principaux points convenus par le groupe de mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (selon l'annexe A du Rapport 1986 de la Commission crie-naskapie. P. VIII).
15 Ibid., p. VIII
16 Transcription des propos de la bande vidéo enregistrée à la signature du protocole d'entente, le 7 août 1984 (annexe B du Rapport 1986 de la Commission crie-naskapie. P. IX).
17 Ibid., p. XI - XII.
18 Ibid., p. XI.
19 Vérificateur général du Canada, Le point sur une décennie au service du Parlement, Ottawa, 2001, paragraphe 307.