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CREDITS

Rédacteurs

Richard Saunders, Président
Philip Awashish, Commissaire

Mise en page at conception

gordongroup

Impression

Trico Evolution

Traduction

wedo (CILFO) translation inc. (Français)
George Guanish (Naskapie)
Bill Jancewicz (Naskapie)
Louise Blacksmith (Crie)

Photographie

Robert Chitty
Commission Crie-Naskapie
Malcolm Clark

Contact

Commission Crie-Naskapie
222, rue Queen, bureau 305
Ottawa (Ontario) K1P 5V9
téléphone : 613-234-4288
télécopieur : 613-234-8102
sans frais : 1-888-236-6603
www.creenaskapicommission.net

REMERCIEMENTS

La Commission désire remercier les nombreuses personnes et organisations qui ont contribué à la préparation du présent rapport. Premièrement, nous désirons remercier tous ceux qui ont fait des présentations orales et écrites au cours des audiences spéciales sur la mise en oeuvre qui ont eu lieu à Montréal les 5, 6 et 7 février 2018 ainsi qu’à Ottawa le 24 février 2018. Des aînés, des chefs, des représentants des jeunes et d’autres intervenants ont fourni des informations très utiles sans lesquelles le présent rapport n’aurait pu être produit. Et cette année, pour la première fois, nous avons entendu une présentation des représentants de la collectivité MoCreebec qui vise, avec l’appui du gouvernement de la Nation crie, d’être incluse dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

Et nous reconnaissons et remercions aussi le Canada, représenté par le ministère des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord qui a aussi fait une présentation au cours des audiences spéciales sur la mise en oeuvre.

Les commissaires désirent aussi remercier Brian Shawana, notre directeur général et Sandra Masson, notre adjointe exécutive pour leur excellent travail pour soutenir la préparation du rapport ainsi que leurs efforts très professionnels au nom de la Commission tout au long de l’année.

Richard Saunders
Président

Richard Saunders détient des diplômes universitaires en sciences politiques et en administration publique de l'Université Carleton.
Il a travaillé pour l'Assemblée des Premières nations, la Indian Association of Alberta, le gouvernement fédéral, ainsi que les gouvernements de l'Ontario et de l'Alberta. Au cours des trois dernières années, il a agi comme directeur des négociations pour le gouvernement de la Nouvelle Écosse, qui a récemment signé une entente cadre avec les chefs Mi'kmag et le gouvernement fédéral. Richard a été membre de la commission Crie-Naskapie
pendant trois mandats consécutifs, de 1986 à 1992; il en est le président depuis 1997.

Philip Awashish
Commissiaire

Philip Awashish a été l'un des négociateurs cris en chef
représentant la Nation crie d'Eeyou Istchee lors des négociations qui ont mené à la signature de la Convention de la Baie James et
du Nord québécois. Pendant une période de 40 ans, il a occupé divers postes de direction au sein de la Nation crie d'Eeyou Istchee, par exemple ceux de chef principal et de vice-président du Grand Conseil des Cris (du Québec) et de l'Administration régionale crie, de chef et conseiller de la Nation crie de Mistissini et a été membre de divers organismes et comités créés par la Convention de la Baie James et du Nord québécois. En 2009, Philip Awashish a reçu un doctorat honorifique en droit de l'université McMaster pour son travail sur les droits autochtones, la gouvernance et le droit Eeyou.

Robert Kanatewat
Commissiaire

Robert Kanatewat, un Eeyou de Chisasibi, a joué un rôle-clé dans la promotion de la sensibilisation aux droits des Eeyous à titre de membre exécutif de la Confédération des Indiens du Québec à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Il a été le principal demandeur dans l'affaire Kanatewat c. Société
de développement de la Baie James, lorsque la nation crie a décidé de s'opposer à l'aménagement hydro- électrique initial d'Eeyou Istchee.
En sa qualité de cadre principal, il a participé aux négociations menant à l'exécution de la Convention de
la Baie James et du Nord québécois. Pendant de nombreuses années, il a servi les Eeyous d'Istchee comme chef exécutif du Grand Conseil des Cris (du Québec), chef de la nation crie de Chisasibi et dirigeant de diverses entreprises commerciales. À l'exception d'un mandat, Robert Kanatewat est membre de la commission Crie-Naskapie depuis 1986.

 

Le 31 août 2018

L’honorable Carolyn Bennett c.p., M.D., députée,
Ministre des Relations Couronne-Autochtones, Édifices du Parlement
Ottawa, Ontario K1A 0H4

Madame la ministre,

Les commissaires ont le plaisir de soumettre en pièce jointe le Rapport 2018 de la Commission
Crie-Naskapie en français, en anglais, en cri et en naskapi conformément aux articles 165. (1) (a) et 171. (1) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. C’est le seizième et dernier rapport bisannuel de la Commission.

C’est donc probablement le moment choisi pour noter que ces rapports étaient les seuls rapports qui, en vertu de la loi, devaient être déposés au Parlement dans une langue autochtone. La disposition législative était le seul et unique exemple de la reconnaissance des langues autochtones dans l’histoire du Canada. Maintenant, ce précédent est chose du passé.

Les rapports bisannuels représentaient aussi la possibilité et la responsabilité de présenter un rapport de façon officielle au ministre et au Parlement sur la mise en oeuvre de la législation sur l’autonomie gouvernementale (Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec) et les conventions. Cette fonction ne sera plus assumée en relation avec les conventions et les nouvelles lois.

Tout comme l’étaient les quinze rapports précédents, le présent rapport est basé sur les idées, suggestions et préoccupations soulevées par les aînés, les chefs et les représentants des jeunes au cours d’une série d’audiences spéciales sur la mise en oeuvre qui ont eu lieu à Montréal les 5, 6 et 7 février 2018 et à Ottawa le 24 février 2018. Représenté par des responsables du ministère, le Canada a aussi fourni des intrants utiles au cours de ces audiences. Nous avons aussi reçu des représentations écrites au cours du processus. Enfin, les commissaires ont aussi tenu compte des enjeux soulevés lors de leur étude des réclamations présentées en vertu de l’article 165. (1) (b) de la Loi depuis notre dernier rapport en 2016, ainsi qu’au cours des discussions informelles avec une variété de personnes et d’intervenants.

Au cours des trente-deux dernières années, la Commission s’est penchée sur un certain nombre de problèmes récurrents et de thèmes communs. Dans la mesure où il s’agit du rapport final qui sera déposé au Parlement et renvoyé aux comités permanents, nous avons profité de la possibilité de présenter des observations utiles, on l’espère, sur certains de ces enjeux et thèmes.

Bien sûr, vous savez que les personnes qui soulèvent des préoccupations ou présentent des idées au cours de nos audiences s’attendent à ce que le rapport serve à porter ces préoccupations et idées à l’attention des décideurs comme vous-même et d’autres intervenants qui peuvent les aborder. À cet égard, nous sommes impatients d’avoir l’occasion, le plus tôt possible, de discuter de certains de ces dossiers avec vous.

Les engagements forts et favorables visant à améliorer les relations avec les peuples autochtones et à aborder leurs problèmes spécifiques faits par le premier ministre et réitérés par les ministres Philpott, Wilson-Raybould, vous-même et autres ont créé des attentes de bonne foi visant à ce que des changements positifs se produisent. Toutes les parties, y compris nous tous, impliqués d’une façon quelconque, devons travailler ensemble pour assurer que le changement surviendra. La Commission sera très disposée à aider en tout temps, le cas échéant.

Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à nos demandes.

Nous vous prions d’accepter nos salutations distinguées.

COMMISSAIRES DE LA COMMISSION CRIE-NASKAPIE

TABLE DES MATIÈRES

MESSAGE DU PRÉSIDENT

Le présent Rapport est le dernier des 16 rapports biennaux de la Commission Crie-Naskapie qui ont été préparés aux deux ans depuis 1986. Conformément à l’article 171 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, ces rapports ont été préparés sur la mise en oeuvre de cette Loi et des affaires connexes aux fins de présentation au ministre et de dépôt dans les deux chambres du Parlement où ils étaient renvoyés aux comités permanents. Ils étaient aussi présentés à chaque Première nation crie et naskapie. Cette Loi, contrairement aux autres lois fédérales, exigeait que les rapports soient préparés en anglais, en français, en cri et en naskapi. C’était la première et seule fois où une loi exigeait que des documents soient déposés au Parlement dans une langue autochtone. Ce précédent seul et unique est maintenant révolu.

Comme partie intégrante du processus de reconnaissance législative accrue du droit inhérent
d’autonomie gouvernementale de la Nation crie d’Eeyou Istchee, une nouvelle loi, la Loi sur
l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee, a récemment été adoptée et est entrée en vigueur le 29 mars 2018. Parmi autres choses, cette Loi donne force de loi à l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et à la Constitution crie. Les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec qui ont trait à la Nation naskapie de Kawawachikamach ainsi que des modalités modifiées concernantla Commission font partie de la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie. Le nouveau rôle de la Commission sera essentiellement celui d’ombudsman et ne prévoit plus de mécanisme d’établissement de rapports à l’intention du Parlement ou autres pour qu’ils soient consignés publiquement. La nouvelle Loi précise :

« 165 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la Commission a pour mission :

(a) relativement aux bénéficiaires naskapis, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de la présente loi, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cette loi;

(b) relativement aux bénéficiaires cris, au sens du paragraphe 2(2) de la Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de l’accord, au sens du paragraphe 2(1) de cette loi, et de la constitution crie, au sens de ce paragraphe, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cet accord ou de cette constitution. »1

Au cours des mois à venir, la Commission rencontrera le gouvernement de la Nation crie, les Premières nations cries à titre individuel, la Nation naskapie de Kawawachikamach, le Canada et d’autres intervenants pour discuter du rôle révisé de la Commission et de ses responsabilités.

En ce qui a trait au présent Rapport, il souligne les problèmes et préoccupations soulevés par les chefs et les conseils, les aînés, et les représentants des Jeunes au cours des audiences spéciales sur la mise en œuvre réalisée par la Commission à Montréal et à Ottawa en février 2018. Dans le rapport, une partie de l’intrant est aussi liée à des dossiers importants soulevés au cours des représentations soumises depuis le dernier rapport en 2016. Un ensemble de recommandations de la Commission ainsi que la réponse du Canada aux recommandations présentées en 2016 font aussi partie du rapport. Cette approche poursuit la pratique utilisée dans nos rapports précédents.

Étant donné que le présent rapport est le rapport final qui sera déposé au Parlement et qui sera consigné dans les dossiers publics, nous avons décidé d’ajouter des discussions au sujet d’enjeux plus larges qui selon nous, en nous basant sur notre expérience des 32 dernières années, méritent d’être considérées, non seulement dans les Nations cries et naskapies, mais aussi par les intervenants impliqués dans l’élaboration de politiques et l’autonomie gouvernementales de façon plus générale.

Nations autochtones et autonomie gouvernementale

De plus en plus, depuis que les droits autochtones et issus des traités ont été « reconnus et confirmés » dans les amendements constitutionnels de 1982, il y a eu une reconnaissance parallèle voulant que les Premières nations soient en fait des nations et qu’elles aient tant le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale qu’à une « relation de nation à nation » avec le Canada. Le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, la relation de nation à nation et la relation de gouvernement à gouvernement ont été adoptés comme politiques par les gouvernements de toutes les couleurs politiques et ont été soutenus rigoureusement récemment par le gouvernement actuel. Ces concepts sont aussi appuyés méthodiquement par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, que le gouvernement est engagé à mettre en œuvre.

Au cours d’un discours prononcé à l’Assemblée extraordinaire des Chefs de l’Assemblée des Premières Nations le 6 décembre 2016, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré ce qui
suit :

« Aucune relation n’est plus importante pour moi – et pour le Canada – que celle que nous entretenons avec les Premières Nations, la Nation métisse et les Inuits.

« Le temps est venu de nouer des relations renouvelées, de nation à nation, avec les populations des Premières Nations : des relations fondées sur la compréhension que les droits des Premières Nations, garantis par la Constitution, sont une obligation sacrée que nous faisons progresser. Cette obligation est fondée sur le respect, la coopération et le partenariat; elle est guidée par l’esprit et l’intention des relations découlant des traités et s’inscrit dans le respect des droits, des traités et des champs de compétence inhérents, ainsi que dans les décisions de nos tribunaux. » 2

Cette politique que le premier ministre a résumée, il l’a répétée à un certain nombre de reprises et elle a aussi été précisée par le ministre des Relations Couronne-Autochtones, le ministre de la Justice et autres. La façon dont ces politiques seront appliquées en pratique déterminera la mesure dans laquelle le gouvernement actuel réalisera un changement positif sur le plan de l’autonomie gouvernementale autochtone.

Le concept de la nation, lorsqu’il signifie contrôle efficace par un peuple de ses affaires internes, comporte plus que seulement des mots respectueux et des interactions cordiales. Les gouvernements fédéral et provincial doivent, en pratique et législativement, libérer une partie de la compétence qu’ils ont exercée dans les collectivités des Premières nations (surtout par l’entremise de la Loi sur les Indiens) depuis avant la Confédération. Cela devra signifier que

dans certains cas, les droits, traités et règlements des revendications territoriales devront être interprétés par les tribunaux pour identifier les domaines spécifiques de contrôle que les gouvernements devront laisser aller. Dans plusieurs autres cas, ce sera un processus négocié étape par étape pour identifier les domaines pour lesquels les Premières nations exerceront leur compétence d’autonomie gouvernementale, et déterminer la façon dont le processus se déroulera et la façon dont il sera financé.

L’évolution de l’autonomie gouvernementale dans la Nation crie d’Eeyou Istchee fournit certains des meilleurs exemples de ce qui peut être accompli. Le traité original, la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi de 1975, a permis une réduction substantielle du contrôle de tous les jours que le Canada exerçait sur les affaires internes de la Nation crie. Une étape précoce du processus a été le remplacement de la Loi sur les Indiens dans la mesure où elle s’appliquait aux Cris et aux Naskapis par la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Au fil du temps, les Cris ont négocié l’exercice plus grand de leur droit inhérent à l’autonomie gouvernementale. La « Paix des braves » avec le Québec et l’Entente sur la nouvelle relation avec le Canada sont des exemples importants de cette évolution. Des amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec de 2008 ont poursuivi l’évolution.

En juillet 2018, le gouvernement de la Nation crie et le Canada ont signé l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie d’Eeyou Istchee. Comme nous l’avons noté plus haut, cette entente fournit un nouveau rôle à la Commission Crie-Naskapie. Mais surtout, elle reconnaît un exercice élargi du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale de la Nation crie d’Eeyou Istchee. Le chapitre 3 présente une discussion plus détaillée du processus utilisé pour en venir à ceci.

Un problème de mise en œuvre de la politique

Dans son rapport de 1998, la Commission a identifié ce qu’elle a nommé « impotence ministérielle ». Nous avons aussi discuté du problème en fournissant des détails lors de notre témoignage devant le comité des Affaires autochtones de la Chambre des communes le 24 avril 2001. En fait, nous avons communiqué notre préoccupation sur le fait que fréquemment, les changements apportés aux politiques et les autres décisions qui sont prises ou semblent être prises par les ministres ne sont pas mis en œuvre en pratique. Ce manque de gouvernance entraîne peu de conséquences et peu d’imputabilité. Étant donné que le gouvernement actuel a pris un nombre inhabituellement important d’engagements, il sera important de voir que des progrès concrets seront réalisés avant que d’autres considérations mettent en veilleuse efficacement les changements aux politiques autochtones. L’Accord de Kelowna qui a signalé un changement pratique positif a été le résultat d’une consultation et d’un processus de planification remarquables entre les Autochtones, le fédéral et les provinces, mais il n’a pas été suivi pendant le mandat du gouvernement qui y avait consenti et il a été ultimement abandonné par l’administration subséquente.

Bien sûr, il y a plusieurs autres raisons pour lesquelles les gouvernements ont échoué si fréquemment dans la prestation de changements prévus des politiques. Une des raisons les plus évidentes est que les ministres des Affaires indiennes/autochtones/indigènes ne sont habituellement pas en poste assez longtemps pour effectuer des changements cohérents et soutenus. Par exemple, pendant les 32 ans de fonctionnement de la Commission Crie-Naskapie, il y a eu au moins 16 ministres! Pour souligner l’étendue extraordinaire de ce problème, voici une liste des ministres concernés : Crombie, McKnight, Cadieux, Siddon, Browes, Irwin, Stewart, Nault, Mitchell, Scott, Prentice, Strahl, Duncan, Valcourt et Bennett/Philpot.

Le fait que l’un de ces ministres ait pu réaliser quoi que ce soit mérite d’être souligné. Le fait que les tentatives de changement perdent le dynamisme aussitôt que les ministres ne sont plus en poste n’est guère surprenant. Lorsque la « bonne idée du jour » disparaît avec le « ministre du jour », la bureaucratie n’a peu de choix que de retourner à « l’approche habituelle ».

Lorsqu’on regarde les figures similaires pour les soi-disant « grands » ministères comme Finances, Justice, Affaires mondiales, etc., les nominations indiquent que des mandats beaucoup plus longs sont la norme. Les premiers ministres doivent envisager le ministère des Affaires autochtones comme « grand » ministère et assurer un degré plus grand de continuité, de mémoire d’entreprise et d’atteinte des buts à long terme, qui seraient tous facilités par des mandats plus longs des ministres.

L’autonomie gouvernementale et l’étendue du pouvoir législatif

L’idée de l’autonomie gouvernementale autochtone englobe nécessairement le besoin de disposer de pouvoirs adéquats pour adopter des lois pour tous les aspects des affaires internes d’une nation. En général, à l’heure actuelle, les gouvernements des Premières nations à travers le Canada adoptent des « règlements administratifs ». Grâce à la législation récente, le droit des Cris d’adopter des « lois » est reconnu. Une Première nation autonome doit pouvoir adopter des lois pour l’ensemble complet des affaires internes qui n’ont pas d’impact considérable sur les fonctions légitimes des autres juridictions. Tout organe autre que le gouvernement autochtone lui-même qui assume des fonctions de gouvernance interne doit être assujetti au pouvoir législatif global de ce gouvernement autochtone. L’existence de plus d’un centre d’autorité de gouvernance dans une entité de la taille d’une Première nation entraîne fréquemment des désaccords et réduit l’exercice de l’autonomie gouvernementale réelle. Ainsi, une Première nation autonome devrait pouvoir adopter des lois en ce qui a trait à la langue, à la culture, à l’éducation, à la santé, au logement, aux routes, etc. Bien sûr, une Première nation peut décider du fonctionnement d’un système d’éducation ou de santé administré sur une base quotidienne par un conseil spécialisé, mais il est important que le gouvernement lui-même ait le pouvoir d’adopter une Loi sur la santé communautaire ou une Loi sur l’éducation.

Le problème de ressourcement de l’autonomie gouvernementale

L’autonomie gouvernementale coûte de l’argent. Un des obstacles à l’autonomie gouvernementale est le fait que les Premières nations, en général, sont entièrement dépendantes du gouvernement fédéral pour les programmes, les services et le financement qui sont, pour les autres Canadiens, financés par le fédéral et les gouvernements provinciaux et municipaux. Le fait de se fier à un niveau unique de gouvernement sert à regrouper les coûts et les font sembler plus élevés qu’ils le sont en réalité. C’est particulièrement problématique parce qu’un grand écart existe entre le financement à la disposition des membres des Premières nations et les autres Canadiens.

Au cours des dernières années, une réaction fédérale à cette pression financière est de s’attendre à ce que la Première nation individuelle identifie et fasse une meilleure utilisation de ce qui est appelé ses « propres sources de revenus » (PSR). Dans plusieurs cas, le but est de simplement plafonner ou réduire les obligations et/ou dépenses fédérales. Cette rationalisation des coupures de dépenses dans des secteurs qui sont déjà sous-financés ne peut pas être acceptée.

Le gouvernement fédéral actuel a annoncé la suppression du plafond de croissance de 2 % sur les dépenses des programmes autochtones. De plus, il a affirmé qu’il dépenserait de très grandes sommes pour s’attaquer aux besoins en matière d’éducation et de formation, de logement, de systèmes d’eau potable et d’autres infrastructures ainsi qu’aux langues autochtones et la préservation et le développement de la culture. La surveillance

de la réalisation ponctuelle des buts spécifiques dans ces domaines sera cruciale. La plus grande partie du travail dans ce domaine doit être réalisée pendant que le gouvernement qui a pris ces engagements est encore concentré sur leur réalisation.

Malgré ces améliorations promises, les représentants du gouvernement continuent de mettre
de la pression pour le plus grand avancement et l’utilisation des « propres sources de revenus »
par les Premières nations. Si une définition équitable et plus raisonnable des PSR ainsi que
la compréhension axée sur les droits des sources adéquates de PSR pouvaient être trouvées,
le concept pourrait être viable et un système négocié pourrait être mis en place.

Clairement, il est à la fois dysfonctionnel et source de conflit qu’un ordre de gouvernement soit presque entièrement dépendant d’un autre pour ses coûts de fonctionnement et ses services les plus fondamentaux. Cette dysfonction et ces conflits sont intensifiés lorsqu’une partie affirme que ses droits ne sont pas respectés alors que l’autre partie nie le fait que des droits sont en jeu.

À long terme, ce qui est essentiel en termes de ressourcement financier, c’est pour les Premières nations d’avoir leurs « propres sources de revenus » pour les coûts fondamentaux de leurs opérations gouvernementales ainsi que pour la plus grande partie du financement de leurs services de base. Toutefois, il est crucial de redéfinir « propres sources de revenus » en tant que concept plus large et très différent de celui qui est présenté par le gouvernement fédéral depuis un certain temps. Les obligations continuelles de la Couronne en vertu des modalités des traités et accords doivent avoir effet dans la lettre, l’esprit et l’intention par l’entremise d’un partage significatif des revenus générés par l’exploitation des territoires traditionnels. Une proportion négociée de ces revenus pourrait être transférée de façon permanente aux Premières nations. Ceci assurerait une plus grande indépendance des Premières nations en mettant en pratique la promesse de traité de partager les terres et les ressources qui les avaient fait vivre pendant des milliers d’années. Cela éliminerait un des obstacles les plus résistants au respect mutuel, à la réconciliation et à la collaboration entre les peuples autochtones et le gouvernement du Canada.

Un exemple peut servir à illustrer ce point. Dans le cas des traités Robinson-Supérieur et Robinson-Huron, une promesse faite veut que si les revenus produits dans le territoire augmentent, la rente annuelle versée soit augmentée. Depuis que les traités ont été signés en 1850, le montant de recettes produites par l’exploitation minière, la foresterie, les ventes de terres, etc., a augmenté énormément. La rente de 4 $ par habitant par année n’a pas été changée depuis 160 ans. C’est donc dire que l’entente de partage de la terre et des ressources n’est pas respectée. Des négociations de bonne foi de toutes les possibilités pour les Premières nations et le gouvernement de réellement partager les produits des terres traditionnelles, selon la lettre, l’esprit et l’intention des traités et des ententes sont probablement la seule alternative à la méfiance, à la dépendance à long terme, aux litiges et à la confrontation. De petits pas sont pris dans cette direction par l’entremise de propositions visant le partage des revenus des ressources, des ententes sur les répercussions et les avantages, etc. Une discussion beaucoup plus large est nécessaire. Dans cette discussion, l’expérience des Cris sera inestimable. Même si le processus est encore en cours, les Cris ont déjà établi des arrangements pour améliorer leur contrôle et leurs avantages liés aux parties de leur territoire traditionnel qui sont partagées.

Au-delà des occasions de PSR généralement possibles sur les terres de la « Couronne », c.-à-d. revenus basés sur les ressources, bien sûr il a des questions à savoir si des sources de revenus comparables existent en relation aux territoires traditionnels dans des régions qui sont maintenant la propriété de tiers. Cette question doit certainement englober des recherches détaillées, mais certaines des possibilités évidentes sont soulevées lorsqu’on pose la question suivante : « Quels revenus est-ce que la Couronne reçoit des terres occupées par des tierces parties dans le territoire traditionnel? » Au cours des discussions à ce sujet, il sera important d’assurer que les droits et intérêts des tiers seront respectés.

Tout ceci mène à la question à savoir quels revenus peuvent être étudiés lorsque l’exploitation des ressources n’existe à peu près pas. Ceci soulève à nouveau la question suivante : quel revenu est-ce que le territoire traditionnel produit pour la Couronne? Il y a plusieurs possibilités : par exemple, les taxes provinciales sur le transfert des terres perçues chaque fois qu’une propriété est vendue, l’usage d’emprises pour les lignes de transmission et de distribution d’électricité, les autoroutes, les lignes ferroviaires, les gazoducs et les oléoducs, les utilisations des terres de la Couronne (parcs, bases militaires, aéroports, espaces urbains, etc.) et l’utilisation des ressources résiduelles comme les sablières et les gravières, etc. La liste est presque infinie. Il est aussi raisonnable d’élargir la base de terres des Premières nations lorsque des propriétaires tiers sont librement disposés à vendre à la valeur du marché. Dans de tels cas, le gouvernement rachèterait la terre en question. Ceci a déjà servi à produire quelques « réserves urbaines » qui peuvent obtenir leurs « propres sources de revenus » à long terme pour la Première nation concernée.

En évaluant toutes ces possibilités, on peut validement se demander si l’impact financier sur le gouvernement serait économiquement (ou politiquement) possible. Le fait est qu’étant donné la base de population relativement petite de la Première nation qui servirait à guider tout calcul de partage équitable et étant donné l’étendue à laquelle les paiements de transfert actuels pourraient se stabiliser ou baisser, l’impact financier net sur le gouvernement serait relativement petit. La contribution accrue potentielle que les Premières nations viables pourraient contribuer à l’économie globale améliorerait la position fiscale des gouvernements au fil du temps.

Il semble clair que si les Premières nations veulent être indépendantes du point de vue financier et si, en vertu des droits autochtones et issus des traités, on leur garantit l’habileté de se soutenir elles-mêmes à partir d’une portion des recettes de leurs terres traditionnelles, alors, elles doivent avoir soit la propriété directe des terres où elles sont disponibles ou une portion raisonnable des revenus de la Couronne provenant de ces terres. Les revenus des Premières nations provenant de ces sources ne devraient pas être considérés transferts fédéraux ou provinciaux, mais plutôt comme propres sources de revenus qui peuvent de plus en plus libérer les Premières nations de la dépendance des gouvernements. Des mécanismes devront être établis pour assurer que les revenus identifiés seront versés directement à la Première nation concernée sans être canalisés à travers les processus budgétaires du gouvernement fédéral, provincial ou territorial.

Autonomie gouvernementale et règlement des différends internes

En première instance à tout le moins, l’habileté de régler les différends internes est un élément essentiel de l’autonomie gouvernementale. Trop souvent, lorsqu’un différend sérieux se produit dans une collectivité des Premières nations, l’affaire est rapidement soumise à un organe non autochtone (habituellement un tribunal) aux fins de règlement. La Commission est d’avis que c’est un obstacle sérieux à la vraie autonomie gouvernementale et a donc inclus une discussion complète sur l’enjeu dans le chapitre 5.

Quelle est la voie de l’avenir pour la Commission Crie-Naskapie?

En date du 29 mars 2018, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a été modifiée et renommée, pour les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie, la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie. Pour les Cris, la Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee a remplacé la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec en ce qui touche la plupart des modalités et la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie en ce qui a trait aux responsabilités de la Commission. Comme nous l’avons noté précédemment, la Loi confie le mandat à la Commission d’agir comme ombudsman en ce qui a trait aux pouvoirs et fonctions exercés par les gouvernements cris et naskapis. Dans le cas des Naskapis, cela correspond au gouvernement de la Nation naskapie de Kawawachikamach. Les pouvoirs et fonctions en question sont ceux prévus dans la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie. Dans le cas des Cris, cela correspond au gouvernement de la Nation crie ainsi qu’à l’administration locale de chaque Nation crie. Aussi en ce qui a trait aux Cris, les pouvoirs et fonctions sont ceux prévus dans la Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee ainsi que dans la Constitution crie.

Comme c’est le cas pour tout changement législatif, il sera nécessaire de discuter avec les gouvernements cris et naskapis, ainsi que le Canada pour déterminer la façon dont la Commission assumera ses responsabilités en pratique. Certains ajustements seront nécessaires et la Commission discutera de ceci de façon prioritaire au cours des mois à venir.

Un certain nombre d’enjeux exigeront un grand niveau de consensus. Du point de vue de la Commission, ce sont, mais sans toutefois s’y limiter, les suivants :

• atteindre un équilibre convenu mutuellement entre l’indépendance nécessaire de la Commission et un niveau approprié d’imputabilité;

• réviser le processus et les niveaux de financement de la Commission;

• réviser le besoin et la nature d’autres changements législatifs (le cas échéant) nécessaires pour améliorer l’efficacité de la Commission.

Bien sûr, d’autres enjeux seront soulevés par les peuples cris et naskapis et ils devront être abordés alors que la Commission poursuivra son travail pour planifier ses activités dans le cadre de son mandat modifié.

NOTES DE LA FIN

  1. Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie, article 165 (1) (a) et (b).
  2. Canada, premier ministre Justin Trudeau, Discours prononcé à l’Assemblée extraordinaire des Chefs de l’Assemblée des Premières Nations, le 6 décembre 2016. Le texte complet est publié à l’adresse suivante : http://pm.gc.ca/fra/nouvelles/discours.

Introduction et contexte

Pour les peuples cris et naskapis, aucun principe de l’histoire et des relations autochtones n’est plus fondamental que le droit des peuples à l’autonomie gouvernementale et de gouverner leurs territoires conformément à leurs traditions, valeurs, buts et aspirations. Plus particulièrement, la reconnaissance mutuelle de la coexistence et de l’autonomie gouvernementale des peuples est fondamentale pour toutes les relations continues avec le Canada et le Québec.

Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Convention du Nord-Est québécois ont été une occasion spéciale pour les Cris et les Naskapis respectivement, d’obtenir la reconnaissance de droits particuliers, garanties et avantages pour leurs sociétés distinctes. Ces négociations et les conventions subséquentes ont aussi permis d’atteindre, dans une certaine mesure, la vision d’autonomie gouvernementale pour leurs peuples, collectivités et terres, malgré les contraintes imposées par l’environnement politique
et juridique des années 1970.

La Convention de la Baie-James et du Nord québécoi a été conclue après une opposition initiale des Eeyous au développement hydroélectrique proposé à Eeyou Istchee. En avril 1971, le Québec et Hydro-Québec avaient annoncé le premier projet majeur de développement hydroélectrique sans avoir consulté les Eeyous qui seraient profondément touchés par le projet proposé. Grâce à un processus de négociation de traité, le litige amorcé par les Eeyous s’est terminé par un règlement négocié sur les droits des Eeyous et le développement des ressources naturelles à Eeyou Istchee. Les Eeyous ont opté pour le processus de négociation de traité afin de protéger les droits des Eeyous et redéfinir les relations avec le Canada et le Québec.

Le 15 novembre 1974, l’accord de principe signé par des représentants des Cris, du Canada, du Québec et de certaines sociétés d’État, prévoyait le transfert aux Cris, de 2158 milles carrés de terres de réserves (terres de la catégorie I), desquelles 1274 milles carrés devaient être administrés en vertu de la Loi sur les Indiens. De plus, l’article 16 de l’entente de principe précisait que les « Conseils de bande auront certains pouvoirs … en plus de ceux prévus à l’heure actuelle par la Loi sur les Indiens ».

Toutefois, dans le cadre des négociations menant à l’entente finale qui est la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, le leadership cri a rejeté le système restrictif et supervisé de gouvernement local imposé aux bandes cries par la Loi sur les Indiens.

On November 11, 1975, the James Bay and Northern Quebec Agreement (JBNQA) was signed by the Grand Council of the Crees (of Quebec), Northern Quebec Inuit Association, Government of Canada, Government of Quebec and certain crown corporations such as Hydro-Quebec.

Le 11 novembre 1975, le Grand Conseil des Cris (du Québec), l’Association des Inuits du Nouveau-Québec, le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et certaines sociétés de la Couronne comme Hydro-Québec ont signé la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi (CBJNQ).

Dans une décision rendue le 14 mai 2010, la Cour suprême du Canada a déterminé ce qui suit :

« La Convention, qui constitue à la fois un accord sur les droits de peuples autochtones et un accord intergouvernemental, crée un régime complet et détaillé pour l’administration du territoire de la Baie-James … La Convention, à laquelle les parties ont clairement voulu conférer force de loi, revêt un caractère supralégislatif. Elle n’est entrée en vigueur et n’a lié les parties qu’après l’adoption des lois provinciale et fédérale l’approuvant et lui confèrent force obligatoire. Elle renferme une disposition qui prévoit clairement qu’en cas de conflit, elle a prépondérance sur les autres lois fédérales et provinciales d’application générale. Les lois provinciale et fédérale approuvant la Convention confirment toutes les deux sa prépondérance. La Convention bénéficie par ailleurs de la protection constitutionnelle et peut être considérée comme un traité moderne aux fins du paragraphe 35 (3) de la Loi constitutionnelle de 1982. » 1

La Cour suprême indique clairement que la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi a « un statut constitutionnel parce qu’elle se qualifie comme traité moderne aux fins du paragraphe 35 (3) de la Loi constitutionnelle de 1982 ».

La Convention du Nord-Est québécois (CNEQ) a été signée le 31 janvier 1978 par les Naskapis de la bande de Schefferville, le Grand Conseil des Cris (du Québec), l’Association des Inuits du Nouveau-Québec, le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et certaines sociétés d’État comme Hydro-Québec.

Le chapitre 9 (Administration locale sur les terres de la catégorie IA) de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi précise ce qui suit : « il est recommandé au Parlement d’adopter une législation spéciale concernant une administration locale pour les Cris de la Baie-James sur les terres de la catégorie IA qui leur sont attribuées ».2

Le chapitre 7 (Administration locale sur les terres de la catégorie IA-N) de la Convention du Nord-Est québécois prévoit des mesures semblables relatives à l’administration locale des Naskapis du Québec sur les terres de la catégorie IA-N qui leur sont attribuées.

Par conséquent, conformément au chapitre 9 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et au chapitre 7 de la Convention du Nord-Est québécois, les Premières nations cries et naskapies et le gouvernement du Canada ont discuté des modalités et conditions de la loi spéciale concernant l’administration locale pour les Cris de la Baie-James et les Naskapis du Québec. Cette loi spéciale, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a été adoptée par le Parlement et a reçu la sanction royale le 14 juin 1984.

Le 9 août 1984, les représentants des Cris et des Naskapis et du gouvernement du Canada en sont arrivés à un accord sur les répercussions et les impacts de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, dans le Protocole d’entente sur les principaux points convenus par le Groupe de travail sur la mise en œuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Ce Protocole d’entente précise ce qui suit :

« La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est la pierre angulaire de la réalisation du plein potentiel de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Convention du Nord-Est québécois. Les nouvelles structures qui ont été créées par les ententes visaient à faire l’interface avec les gouvernements locaux adéquatement constitués. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est aussi la base qui servira à redéfinir la relation avec le gouvernement fédéral. Par l’entremise de la nouvelle Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les Cris et les Naskapis pourront aller au-delà des restrictions inhérentes contenues dans la Loi sur les Indiens et assumer par ce moyen le plein contrôle de l’administration de leurs communautés et la gestion des terres des catégories IA et IA-N. »3

Par conséquent, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit « pour les Cris et les Naskapis, un régime d’administration locale organisé et efficace, ainsi que l’administration, la régie et le contrôle par les bandes cries et la bande naskapie des terres des catégories IA et IA-N, ainsi que la protection des droits individuels et collectifs prévus aux Conventions. »4

Ainsi, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec de 1984, est la première loi au Canada qui fournit une certaine reconnaissance de l’autonomie gouvernementale autochtone. Elle redéfinit la relation entre le gouvernement du Canada et les peuples cris et naskapis.

Sauf aux fins de déterminer les bénéficiaires cris et naskapis qui sont « Indiens » dans le sens de la Loi sur les Indiens, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec remplace la Loi sur les Indiens qui ne s’applique pas aux Premières nations cries et naskapies. La Loi sur les Indiens ne s’applique pas non plus aux terres de la catégorie IA ou IA-N, ni aux affaires qui ont trait aux terres de ces catégories pour les bandes cries et la bande naskapie respectivement.

Le projet de loi C-28, une Loi modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, a été déposé à la Chambre des communes le 27 avril 2009. Cette mesure législative a pour objet de mettre en œuvre les engagements du Canada contenus dans les ententes visant à régler des problèmes de longue date découlant de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi (CBJNQ). Plus particulièrement, la législation modifie la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec en ce qui a trait aux bandes cries et aux terres de la catégorie IA,

a) pour octroyer à l’Administration régionale crie des pouvoirs et responsabilités supplémentaires, notamment en matière de réglementation; et

b) pour remédier à la non-inclusion des Cris d’Oujé-Bougoumou comme bande distincte et administration locale en vertu de la Loi.

Dans le paragraphe 2 (1) de la Loi modifiée, « Administration régionale crie » correspond à l’Administration régionale crie établie par la Loi sur l’Administration régionale crie (Québec).5

Le 13 juin 2013, le gouvernement du Québec a adopté et promulgué le projet de loi 42, la Loi instituant le Gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James et apportant certaines modifications législatives concernant le Gouvernement de la nation crie.

Le projet de loi 42 modifie la Loi sur l’Administration régionale crie de façon à ce que le nom
de l’Administration régionale crie soit changé à compter du 1er janvier 2014 à Gouvernement
de la nation crie. De plus, le titre de la Loi sur l’Administration régionale crie est modifié à Loi
sur le Gouvernement de la nation crie. La Loi est aussi modifiée par le remplacement du terme
« Administration régionale crie » partout où il apparaît dans la Loi par « Gouvernement de la nation crie ».

En conséquence, toutes les références à l’Administration régionale crie dans la Loi modifiée sur les Cris et les Naskapis du Québec doivent être interprétées comme correspondant au « Gouvernement de la nation crie ».

À l’exception de la Partie XII (dispositions concernant l’établissement, les tâches et le fonctionnement de la Commission Crie-Naskapie) de la Loi, la Loi sur les Cris et les Naskapis
du Québec est entrée en vigueur le 3 juillet 1984.

La Partie XII de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec sur l’établissement, les mandats et le fonctionnement de la Commission Crie-Naskapie est entrée en vigueur le 1er décembre 1984.

De plus, la mise de côté de terres de la catégorie IA pour la Nation crie d’Oujé-Bougoumou a entraîné l’entrée en vigueur de modifications particulières à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec qui ont servi à intégrer la Nation crie d’Oujé-Bouboumou dans la Loi. Ce jalon historique a été franchi le 15 mai 2014.6

Constituée conformément à l’article 158 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, la Commission Crie-Naskapie a pour mission « dans les deux ans … d’établir un rapport sur l’application de la présente loi »7 et de le présenter au ministre qui « le fait déposer devant chaque chambre du Parlement ».8

La Commission fait aussi des rapports sur la mise en œuvre de la CBJNQ et de la CNEQ étant donné que des articles précis de ces conventions abordent les pouvoirs et responsabilités des administrations locales des Premières nations cries et naskapies. La Commission présente des rapports sur la mise en œuvre de ces ententes en vertu de l’alinéa 21(j) de la Loi qui stipule qu’une des missions de la bande est « d’exercer les pouvoirs et fonctions que les lois fédérales ou leurs règlements ainsi que les conventions lui confèrent ou conféraient à la bande antérieure (de la Loi sur les Indiens). »9

Le 21 février 2008, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee)/Administration régionale crie et le gouvernement du Canada ont signé l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee.

Les représentants de l’Administration régionale crie (devenue le Gouvernement de la Nation crie le 1er janvier 2014) et du gouvernement du Canada ont réalisé des progrès positifs pour respecter les objets du Chapitre 3 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee. Plus particulièrement, un processus de négociations a été établi pour discuter d’une Entente sur la gouvernance de la Nation crie sur les terres de la catégorie IA et d’une Constitution crie.

À l’automne 2016, les Cris et les représentants du fédéral ont mis la touche finale à leurs discussions et ont conclu une Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et la Constitution crie.

Le 18 juillet 2017, l’ancien grand chef Matthew Coon Come Ph.D. et la ministre Carolyn Bennett de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada ont signé l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada.

L’Entente sur la gouvernance a l’objectif de rendre plus efficients les pouvoirs et procédures actuels de gouvernance sur les terres de la catégorie IA en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Les arrangements au sujet de la gouvernance crie locale et régionale sur les terres de la catégorie IA seront transférés de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec à l’Entente sur la gouvernance et la Constitution crie.

En vertu du Chapitre 33 de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, le Canada a entrepris de recommander au Parlement une loi sur la gouvernance qui prévoit ce qui suit :

a) l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada est approuvée, mise en vigueur, déclarée valide et a force de loi;

b) la Constitution crie est mise en vigueur et a force de loi;

c) une Loi crie adoptée conformément à la présente entente et à la Constitution crie a force de loi; et

d) des modifications corrélatives à ses lois, en particulier la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, afin d’assurer leur cohérence avec la présente Entente.

Le 14 février 2018, la ministre de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada a déposé à la Chambre des communes le projet de loi C-70 qui est la mesure législative envisagée dans l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada. Le projet de loi C-70 donne effet à l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada. Il amende la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec pour assurer que la Loi ne s’applique plus aux Cris d’Eeyou Istchee et que des changements sont apportés à certains des aspects du mandat de la Commission Crie-Naskapie pour qu’elle tienne compte de l’Entente. Il fait aussi des modifications corrélatives à d’autres lois.

Conformément au Chapitre 26 (Commission Crie-Naskapie) de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, « La Commission crie naskapie a pour mission, relativement aux Cris, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de la présente Entente et de la Constitution crie, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de la présente Entente ou de la Constitution crie, le tout applicable conformément aux dispositions du paragraphe 165(2) à l’article 170 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec dans sa version immédiatement avant la Date d’entrée en vigueur ainsi que tout ajustement approprié, compte tenu des dispositions de la présente Entente ».10

Lorsque l’Entente sera approuvée, prendra effet, sera déclarée valide et qu’elle aura force de loi, en vertu d’une législation sur la gouvernance (projet de loi C-70), la Commission Crie-Naskapie ne préparera plus et ne soumettra plus au ministre des rapports bisannuels sur la mise en œuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, conformément au paragraphe 171(1) de ladite Loi.

« Durant la période d’élaboration de la Loi sur la gouvernance, les Parties examinent, en collaboration avec la Nation Naskapie de Kawawachikamach, le rôle de la Commission crie naskapie prévue à la Partie XII de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec dans sa version immédiatement avant la Date d’entrée en vigueur compte tenu, entre autres, de la nécessité d’éviter les chevauchements avec les mécanismes ou les organismes prévus à la présente Entente... ».11

Le 27 mars 2018, le projet de loi C-70 : Loi portant mise en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois a été adopté à sa dernière étape, en troisième lecture au Sénat.

Par conséquent, lors de l’entrée en vigueur du projet de loi C-70, le long titre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est remplacé par : Loi concernant diverses dispositions de la Convention du Nord-Est québécois relatives essentiellement à l’administration locale des Naskapis et au régime des terres de catégorie IA-N et concernant la Commission Crie-Naskapie. Le titre abrégé de cette loi est Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie.

L’article 165 (1) de la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie décrit les devoirs de la Commission Crie-Naskapie :

165 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la Commission a pour mission :

(a) relativement aux bénéficiaires naskapis, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de la présente loi, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cette loi;

(b) relativement aux bénéficiaires cris, au sens du paragraphe 2(2) de la Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de l’accord, au sens du paragraphe 2(1) de cette loi, et de la Constitution crie, au sens de ce paragraphe, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cet accord ou de cette constitution.

En outre, l’article 98 de la Loi abroge l’article 171 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. (L’article 171 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec décrit le mandat de la Commission Crie-Naskapie de préparer et de soumettre un rapport bisannuel au Ministre qui le fait déposer devant chaque Chambre du Parlement.)

Toutefois, les dispositions transitoires de la Loi prévoient ce qui suit :

« Rapport de la Commission Crie-Naskapie au Parlement

124 (1) La Commission Crie-Naskapie peut établir, pour la période commençant à la date suivant la fin de la période visée par le Rapport 2016 de la Commission Crie-Naskapie et se terminant à la date d’entrée en vigueur de l’article 98, un dernier rapport, en français, en anglais, en cri et en naskapi, sur l’application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Elle adresse le rapport au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et celui-ci le fait déposer devant chaque chambre du Parlement dans les dix premiers jours de séance suivant sa réception.

Diffusion du rapport

(2) Dès le dépôt du rapport devant le Parlement, le ministre en adresse le texte au Gouvernement de la nation crie, à la Société de développement des Naskapis, au conseil de chaque première nation crie et au conseil de la bande naskapie. »12

En résumé et aux fins de clarté, le projet de loi C-70 n’abroge pas ni ne remplace la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Il utilise une technique différente pour gérer cette Loi.

La Partie 1 décrète la Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee. Cette Loi :

1) porte mise en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de la nation crie et la Constitution crie, qui remplace la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec pour les Cris, les Premières nations cries et les terres de la catégorie IA; et

2) porte mise en vigueur des lois adoptées par les Premières nations cries et le gouvernement de la Nation crie en vertu de l’Entente sur la gouvernance et la Constitution crie.

La Partie 2 traite de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Cette Loi n’est pas abrogée,
mais son titre est remplacé par un nouveau titre abrégé, la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie.

La Partie 2 apporte aussi des modifications à de nombreux articles de cette Loi pour supprimer les références aux Cris et pour assurer que la Loi modifiée s’applique seulement aux Naskapis.

La Partie 2 assure aussi le maintien de la Commission Crie-Naskapie tout en modifiant son mandat de façon à éliminer le rapport au Parlement et en poursuivant sa fonction « d’ombudsman » liée aux enquêtes sur les réclamations des bénéficiaires cris ou naskapis.

Le projet de loi C-70 entre en vigueur au moment de la sanction royale. Le 29 mars 2018, ce projet de loi a reçu la sanction royale.

La Commission a organisé des audiences spéciales sur la mise en œuvre afin de préparer le rapport actuel. Ces audiences, qui se sont déroulées à Montréal les 5, 6 et 24 février 2018, ont permis aux représentants des Nations cries et naskapies et au gouvernement du Canada d’exprimer leurs préoccupations et de présenter leurs problèmes. Les constatations et le ton du Rapport de la Commission sont basés sur la compréhension et l’analyse par la Commission, des problèmes et préoccupations soulevés au cours de ces audiences.

Le présent rapport est le seizième (16e) rapport bisannuel présenté au ministre conformément au paragraphe 165 (1) et conformément au paragraphe 98 de la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie. Le présent rapport est le dernier rapport bisannuel de la Commission Crie-Naskapie.

Le chapitre 2 du présent rapport décrit, de façon générale, comment les Eeyous d’Eeyou Istchee ont rebâti leur Nation par l’entremise de la bonne mise en œuvre de leur traité des jours modernes connu sous le nom de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

Le chapitre 3 du présent rapport présente un bref aperçu de l’évolution de la gouvernance eeyoue dans le territoire historique et traditionnel d’Eeyou.

Le chapitre 4 présente un bref aperçu de l’histoire de la Commission Crie-Naskapie depuis sa création en 1984. La Commission Crie-Naskapie avait le mandat de voir au règlement des différends de 1986 à 2018. Le chapitre 5 décrit la base de son rôle actuel et à venir dans le cadre du règlement des différends.

Depuis sa réponse au Rapport 2002 de la Commission, le ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada continue de fournir une présentation détaillée pour répondre aux recommandations de la Commission. Les réponses du ministère représentent une approche complètement différente de ses relations avec la Commission. Il semble que le ministère désire améliorer ses relations avec la Commission de même qu’avec les communautés cries et naskapies. Ces réponses d’Affaires autochtones et du Nord Canada sont utiles étant donné que la responsabilité du ministre de présenter des rapports sur la mise en œuvre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Convention du Nord-Est québécois a pris fin en 1999. (En vertu de la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie-James et du Nord québécois, entre 1978 et 1998, le ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada devait présenter un rapport sur la mise en œuvre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Convention du Nord-Est québécois à la Chambre des Communes.) Par conséquent, la Commission rapporte les réponses du ministère et transmet ses commentaires dans ses rapports biennaux.

Le chapitre 6 du Rapport fournit les réponses du ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada aux recommandations de la Commission présentées dans son Rapport 2016. De cette manière, les Nations cries et naskapies sont au courant des réponses du ministère relatives à leurs problèmes et inquiétudes spécifiques.

Le chapitre 7 (Préoccupations et problèmes de la Nation eeyoue (Cris) et de la Nation naskapie de Kawawachikamach) du présent rapport souligne les problèmes et préoccupations des Nations cries et naskapies tels qu’ils ont été exprimés au cours des audiences spéciales de la Commission sur la mise en œuvre.

Les chapitres 8 et 9 du présent rapport présentent les recommandations et les conclusions de la Commission respectivement. Dans le rapport, les recommandations et les conclusions de la Commission découlent de son étude et analyse des enjeux et préoccupations soulevés au cours
des audiences spéciales sur la mise en œuvre et les mémoires présentés.

NOTES DE LA FIN

  1. Québec (Procureur général) c. Moses, 2010 CSC 17 [2010] 1 RCS 557
  2. Convention de la Baie-James et du Nord québécoi – Édition 2006, les Publications du Québec, chapitre 9 (Administration locale sur les terres de la catégorie IA), paragraphe 9.0.1, p. 17
  3. Protocole d’entente sur les principaux points convenus par le Groupe de travail sur la mise en œuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, 9 août 1984, p.1
  4. Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, S.C. 1984. ch. 18, Préambule
  5. Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, S.C. 1984. ch. 18, Interprétation
  6. Nation crie d’Oujé-Bougoumou : Présentation aux commissaires de la Commission Crie-Naskapie – Audiences spéciales sur la mise en œuvre – Montréal, 9 février 2016, page 3
  7. Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, S.C. 1984, ch. 18, article 165 (1) (a)
  8. Ibid., article 171 (1)
  9. Ibid., article 21 (j)
  10. Article 26.1 du Chapitre 26 (Commission Crie-Naskapie) de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada
  11. Article 26.2 du Chapitre 26 (Commission Crie-Naskapie) de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada
  12. Dispositions transitoires des alinéas (1) et (2) de l’article 124 du projet de loi C-70: Loi portant mise en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois

Reconstruction de la Nation eeyoue par l’entremise du traité moderne – la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi1

Nous, la Nation crie du Québec, nous appelons « Eeyous » (Cris de la côte) et « Eenous » (Cris de l’intérieur des terres). Nous appelons notre territoire traditionnel et historique « Eeyou Istchee. » Donc, nous nous appelons « Eenous/Eeyous d’Eeyou Istchee ». Toutefois, dans le présent chapitre, je vais utiliser le terme « Eeyous d’Eeyou Istchee ».

Mon nom est Philip Awashish. Je suis membre des Eeyous d’Eeyou Istchee. Plus particulièrement, je suis un Eenou de la collectivité eenoue de Mistissini et bénéficiaire de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi. À l’heure actuelle, et depuis 1997, je suis commissaire de la Commission Crie-Naskapie.

De 1973 à 1975, j’ai été l’un des principaux négociateurs eenous/eeyous pour les Eeyous d’Eeyou Istchee dans le cadre des négociations menant à la signature, le 11 novembre 1975, de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi … le premier traité moderne du Canada. Je suis aussi signataire eenou de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

J’ai aussi été chef de la Nation crie de Mistissini et membre de l’exécutif du Grand Conseil des Cris du Québec. Après 1978, j’ai occupé le poste de président adjoint de l’Administration régionale crie. Je suis resté membre du conseil du Grand Conseil des Cris du Québec et de l’Administration régionale crie pendant environ deux (2) décennies.

La Convention de la Baie-James et du Nord québécoi est née de nos actions politiques et juridiques, au début des années 1970, dans le but de contrer et de faire cesser la construction du projet de développement hydroélectrique de la Baie-James à Eeyou Istchee et dont la construction avait été annoncée le 30 avril 1970 par le premier ministre du Québec Robert Bourassa, sans consultation auprès des Eeyous et sans accommodement pour les Eeyous d’Eeyou Istchee. Le gouvernement du Québec, Hydro-Québec et dans une certaine mesure le gouvernement du Canada avaient fermé les yeux et refusé les droits, intérêts et préoccupations des Eeyous/Eenous dont les terres et modes de vie seraient sérieusement touchés par le

gigantesque projet de développement hydroélectrique. Les litiges contre le projet ont été réglés hors cour par l’entremise des négociations et des dispositions de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi qui a autorisé un projet modifié de développement hydroélectrique à Eeyou Istchee.

Ce qui est plus important pour les Eeyous/Eenous, la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi de 1975, comme traité moderne, reconnaît les droits des Eeyous d’Eeyou Istchee.

Dans une décision rendue le 14 mai 2010, la Cour suprême du Canda précise ce qui suit :

« La Convention, qui constitue à la fois un accord sur les droits de peuples autochtones et un accord intergouvernemental, crée un régime complet et détaillé pour l’administration du territoire de la Baie-James ... La Convention, à laquelle les parties ont clairement voulu conférer force de loi, revêt un caractère supralégislatif. Elle n’est entrée en vigueur et n’a lié les parties qu’après l’adoption des lois prinvinciale et fédérale l’approuvant et lui conférant force obligatoire. Elle renferme une disposition qui prévoit clairement qu’en cas de conflit, elle a prépondérance sur les autres lois fédérales et provinciales d’application générale. Les lois provinciale et fédérale approuvant la Convention confirment toutes deux sa prépondérance. La Convention bénéficie par ailleurs de la protection constitutionnelle et peut être considérée comme un traité moderne aux fins du par. 35(3) de la Loi constitutionnelle de 1982. »2

La Cour suprême précise clairement que la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi possède « la protection constitutionnelle et peut être considérée comme un traité moderne aux fins du par. 35(3) de la Loi constitutionnelle de 1982.

L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 stipule ce qui suit :

« 35(1) Les droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

(2) Dans la présente loi, « peuples autochtones du Canada » s’entend notamment des Indiens, des Inuits et des Métis du Canada.

(3) Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d’accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d’être ainsi acquis.

(4) Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits – ancestraux ou issus de traités – visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes. »3

J’étais avec le regretté grand chef Billy Diamond, lorsque pendant une conférence constitutionnelle de 1982, il a participé aux négociations pour la reconnaissance et la protection des droits autochtones et issus de traités dans la Loi constitutionnelle de 1982.

À titre de négociateur, il a joué un rôle déterminant pour obtenir la reconnaissance et la confirmation des droits autochtones et issus des traités dans la Loi constitutionnelle de 1982. L’inclusion et l’adoption de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 fournissent un appui constitutionnel rigoureux et inéquivoque aux droits des Eeyous d’Eeyou Istchee et en fait, à tous les peuples autochtones du Canada.

En conséquence, en ce qui concerne les Eeyous d’Ieyou Istchee, leurs droits en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, à titre de traité moderne, sont « reconnus et confirmés » par l’article 35(3) de la Loi constitutionnelle de 1982.

Comme Eenou d’Eeyou Istchee qui a accompagné le regretté grand chef Billy Diamond dans sa quête de justice sociale, je veux rédiger, dans le présent chapitre, un résumé court et personnel de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi … son histoire, son contenu et son importance et ses impacts sur les Eeyous d’Eeyou Istchee. En ce qui concerne les Eeyous d’Eeyou Istchee, l’esprit et l’intention de ce traité moderne connu sous le nom de Convention de la Baie-James et du Nord québécoi sont de rebâtir la Nation eeyoue par l’entremise de l’autonomisation des Eeyous et de l’exercice et la protection des droits des Eeyous. Donc, le titre du présent chapitre est « Reconstruction de la Nation eeyoue par l’entremise du traité moderne – la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi ».

Permettez-moi de résumer ce qui est arrivé et ce que nous, les Eeyous d’Eeyou Istchee avons fait pendant au moins les cinq (5) dernières décennies.

Après des siècles de déni des droits et d’exclusion de la gouvernance et du processus décisionnel au sujet de nos peuples, collectivités, terres et ressources naturelles, nous étions et sommes engagés au processus de reconstruction et de redressement de notre nation. Ce processus de reconstruction et de redressement de notre nation se poursuivra pendant la génération actuelle et les générations futures d’Eeyous d’Eeyou Istchee.

On peut se demander pourquoi j’affirme que nous devions reconstruire et redresser notre nation. On peut aussi se demander ce qui est arrivé à nos terres, nos peuples, nos économies, nos communautés, notre culture et notre mode de vie.

Ma génération d’Eeyous est née pendant une période de notre vie et de notre histoire collectives où des changements dramatiques et draconiens ont ponctué notre mode de vie, nos terres, nos économies, nos communautés, notre culture et nos relations avec le monde de l’extérieur.

En me basant sur mes connaissances, observations et expériences, je peux définitivement affirmer que les Eeyous d’Eeyou Istchee avaient connu un passé formidable et épouvantable de pauvreté et d’impuissance comme résultat direct de plusieurs facteurs oppressifs comme des lois et politiques injustes et des actions telles que l’assimilation, le colonialisme et la dépossession des terres, le déni des droits et les politiques d’exclusion et de racisme par les gouvernements, les industries et certains secteurs de la société contemporaine.

Je suis né en 1948 au cours d’un froid matin d’hiver et j’ai été élevé dans une tente dans le territoire de chasse de mon père à Eeyou Istchee. Je fais probablement partie de l’une des dernières générations d’Eeyous nés dans les buissons. Je me souviens clairement des jours où on vivait tous dans des tentes – soit dans le territoire de chasse ou dans le village de Mistassini.

Lorsqu’on m’a retiré de mes parents, de chez moi, de ma culture, j’avais environ six ans. Un agent indien du fédéral accompagné de deux policiers de la Gendarmerie royale sont venus me chercher pour me placer dans un pensionnat indien pendant treize (13) années consécutives en Ontario.

Je n’avais jamais froid, ni faim, ni ne m’ennuyais lorsque j’étais élevé dans le territoire de chasse de mon père. Lorsque j’étais dans le pensionnat indien, j’ai eu froid, j’ai eu faim et je me suis senti seul.

Les enfants eeyous/eenous ont été retirés de leurs familles, de leurs villages, de leur culture et de leurs terres pour être placés dans des pensionnats indiens. Dans ces pensionnats indiens, financés par le gouvernement fédéral et exploités pas des missions anglicanes et catholiques, les enfants eeyous/eenous étaient punis lorsqu’ils utilisaient la langue eeyoue. Les parents eeyous/eenous n’avaient pas le choix, ils n’avaient rien à dire et ils n’avaient pas non plus de rôle à jouer dans l’éducation de leurs enfants. Une vision étrangère du monde a été imposée aux enfants eeyous/eenous alors que la société européenne assumait la supériorité de sa culture et que la culture, la langue, les valeurs, la philosophie et le mode de vie eeyous/eenous étaient rejetés. Plusieurs enfants eenous/eeyous ont souffert d’abus psychologiques, physiques et sexuels. Les droits de la personne étaient niés et les offenses ignorées. Les pensionnats indiens étaient des véhicules pour la mise en œuvre de la politique du gouvernement visant l’assimilation et pour ce que la Commission de vérité et réconciliation du Canada a qualifié de « génocide culturel ». Clairement, l’exploitation et l’administration des pensionnats indiens faisaient partie d’une politique et d’un processus cohérents d’assimilation pour éliminer les Eeyous/Eenous, tout comme les autres peuples autochtones, à titre d’entité juridique, sociale, culturelle, religieuse et raciale distincte et pour les assimiler à la société canadienne contre leur gré. C’était aussi une mesure pour avoir le contrôle d’Eeyou Istchee et des ressources naturelles tandis que le mode de vie traditionnel d’Eeyou Istchee était découragé et ignoré dans « le modèle scolaire » des enfants eeyous/eenous dans les pensionnats indiens.

J’ai été témoin et j’ai vécu l’évolution et le développement de Mistissini, ma communauté natale, comme poste de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson, comme camp de tentes et comme village permanent de tentes sans eau courante, sans système de traitement des eaux usées et sans électricité jusqu’à la collectivité urbanisée qu’elle est aujourd’hui. Les logements pour les familles eeyoues n’ont commencé à être construits qu’au début des années 1960. La plupart des autres communautés d’Eeyou Istchee ont des histoires semblables.

Dans les années 1960, je me souviens d’avoir souvent visité le village de tentes des Eenous d’Oujé-Bougoumou qui, comme le reste des Eeyous d’Eeyou Istchee étaient considérés être des squatteurs à l’intérieur de leurs territoires traditionnels et historiques. Les Eenous d’Oujé-Bougoumou devaient réinstaller leur village de tentes de temps à autre parce qu’ils étaient dans le chemin des intérêts miniers et du développement des minéraux. Le gouvernement fédéral a tenté de les réinstaller au village de Mistissini en enregistrant les Eenous d’Oujé-Bougoumou comme membres de la bande de Mistissini. Je crois que cet enregistrement fédéral

des Eenous d’Oujé-Bougoumou dans la bande de Mistassini a été fait avec coercition en promettant des programmes et services fédéraux et sans le consentement officiel des Eenous d’Oujé-Bougoumou. Toutefois, seulement un petit nombre d’Eenous d’Oujé-Bougoumou sont déménagés à Mistassini et se sont établis de l’autre côté de la baie du village principal. La plupart des Eenous d’Oujé-Bougoumou ont choisi de s’établir dans leur village rudimentaire de tentes qui avait dû être réinstallé à de nombreuses reprises à l’intérieur de leur territoire traditionnel et historique.

Dans les années 1960, le village de Nemaska a été fermé de façon permanente lorsque la Compagnie de la Baie d’Hudson a fermé son magasin et que le gouvernement fédéral a mis fin à ses services locaux. Les Eenous de Nemaska ont été réinstallés au village eeyou de Rupert’s House et au village eenou de Mistassini. Dans des circonstances similaires, les Eenous de Waswanipi ont dû quitter leur village et se réinstaller dans certaines villes non-autochtones ou dans des campements le long de grandes artères routières. Dans les deux cas de fermeture des « postes » de Namaska et de Waswanipi, les Eeyous/Eenous soupçonnaient que ces « postes » étaient fermés et que les Eenous de ces communautés ont été forcés à se réinstaller à cause de la possibilité de la planification de projets importants de développement hydroélectrique dans la région de ces « postes ».

Je me souviens d’occasions et de leurs conséquences lorsque nos droits étaient bafoués et non reconnus par les gouvernements et les industries. En conséquence, nous étions ignorés et exclus de la gouvernance, de l’administration et du développement des terres et des ressources naturelles à l’intérieur d’Eeyou Istchee. Les promoteurs du développement des ressources ont ignoré les peuples eenous, les chasseurs eenous et les communautés pendant leur planification des projets de développement de ressources dont la construction était prévue à l’intérieur du territoire d’Eeyou Istchee. Nous étions aussi exclus de tous les avantages des ressources naturelles qui ont été prises d’Eeyou Istchee. (Toutefois, certains Eeyous/Eenous, en effectuant des tâches subalternes, ont travaillé à des projets d’exploitation minière et de foresterie commerciale.)

Je me souviens n’avoir jamais vu une personne eeyoue/eenoue employée dans une des entreprises locales établies dans les villes non-autochtones comme Chibougamau, Chapais ou Matagami. En fait, j’avais l’impression que nous, les Eeyous d’Eeyou Istchee, n’étions pas bienvenus ni voulus dans les villes non-autochtones. Je me souviens distinctement avoir vu, dans les années 1960, dans un établissement hôtelier, une affiche qui disait : « Pas de chiens et pas d’Indiens ».

La chasse annuelle aux oies au printemps est une activité essentielle et importante dans la culture et le mode de vie des Eeyous d’Eeyou Istchee. Toutefois, la Convention pour la protection des oiseaux migrateurs aux États-Unis et au Canada de 1916 et donc la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs du gouvernement fédéral interdisait la chasse des oiseaux migrateurs tels que les oies au printemps et à l’été. En conséquence, la chasse annuelle importante et essentielle aux oies était jugée illégale par le gouvernement du Canada.

Le gouvernement du Québec ne reconnaissait pas les droits de chasse au gros gibier et au petit gibier des Eeyous qui correspondaient au mode de vie eeyou.

Les gardes-chasses et les policiers de la SQ combinaient souvent leurs forces pour perquisitionner les camps eeyous et harceler les chasseurs eeyous pour des motifs allégés de chasse et de pêche illégales. En conséquence, certains chasseurs eeyous étaient accusés et poursuivis pour motif allégué de chasse et de pêche illégales.

J’ai vu des gardes-chasses arriver par avions de brousse et faire une descente dans le camp de chasse de mon père pour chercher et prendre tout le poisson et le gibier en possession de mon père pour des motifs allégués de pêche et de chasse illégales. Le poisson et le gibier étaient notre principale source de nourriture.

Toutefois, je pense que ces descentes étaient aussi motivées par le racisme et l’intention d’intimider les Eeyous d’Eeyou Istchee étant donné que le village de tentes des Eenous d’Oujé-Bougoumou faisait souvent l’objet de perquisitions par les gardes-chasses et les policiers de la SQ. J’étais dans le village de tentes que les Eenous d’Oujé-Bougoumou appelaient le « lac Doré » lorsque la SQ a mené une de ses perquisitions.

Les Eeyous d’Eeyou Istchee ont affirmé qu’ils avaient un droit fondamental de chasser dans les territoires. C’est donc dire que l’application des lois et règlements était considérée être du harcèlement injuste par les chasseurs eeyous/eenous.

Pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, le déni et la violation de leurs droits de chasser la faune d’une manière cohérente par rapport à leur mode de vie, comme ils le faisaient depuis des temps immémoriaux, et à l’intérieur de leur territoire traditionnel et historique était une question de profonde injustice historique. Cela représentait des tentatives du Canada et du Québec et de la société dominante de s’approprier l’utilisation d’Eeyou Istchee et de ses ressources naturelles.

En outre, les gouvernements fédéral et provincial ne reconnaissaient pas le droit des peuples eeyous, comme les autres peuples autochtones, de se gouverner eux-mêmes. Le gouvernement fédéral a imposé un régime limité et supervisé de gouvernement local en vertu de la Loi sur les Indiens. En fait, le ministre des Affaires indiennes avait le pouvoir de veto sur les décisions du
chef et du conseil.

Les Eeyous d’Eeyou Istchee, comme les autres Premières nations au Canada, étaient impuissants en vertu de la Loi sur les Indiens étant donné que les « bandes indiennes » n’étaient pas des entités légales et n’avaient pas de droits à titre de personnes naturelles de signer des contrats ou d’intenter des actions en justice.

De plus, la Loi sur les Indiens discriminait et enlevait le « statut d’Indienne inscrite » des femmes eeyoues dans certaines circonstances.

En résumé, la Loi sur les Indiens était une loi fédérale créée sans consultation ni intrant des Premières nations dans le but de subjuguer les Premières nations à la domination et au contrôle
du fédéral.

En conséquence, le gouvernement fédéral par l’entremise de la Loi sur les Indiens, le ministère des Affaires indiennes et d’autres ministères fédéraux dominaient, contrôlaient et prenaient toutes les décisions d’importance fondamentale dans les affaires comme le développement communautaire, le logement, l’éducation, la santé, les services sociaux et le développement économique.

Dans les années 1960, je me souviens que le chef Isaac Shecapio a été le dernier chef traditionnel des Eeyous de Mistissini. Le chef Shecapio n’avait pas de bureau et n’avait pas de secrétaire ou de personnel. Le chef gardait ses documents à la maison en dessous de son lit. Lorsque l’agent indien (M. Hervé Larivière) arrivait à Mistissini, il visitait le chef Shecapio pour lui dire qu’il était dans le village de tentes pour mener des affaires fédérales avec les membres de la bande de Mistassini. Habituellement, l’agent indien autorisait le versement de prestations de bien-être social et inscrivait les enfants eenous aux pensionnats indiens. L’agent indien était en général accompagné par deux (2) officiers de la Gendarmerie royale du Canada.

À la fin des années 1960 et dans les années 1970, je me souviens que le bureau de bande de la bande de Mistissini était une petite roulotte avec deux (2) employés de la bande qui était le chef et le secrétaire de la bande et qu’ils étaient payés par le ministère des Affaires indiennes. (En fait, le ministère des Affaires indiennes administrait et contrôlait tous les aspects des affaires de la bande ainsi que les fonds. Des représentants du ministère arrivaient à Mistissini munis de résolutions déjà rédigées pour le conseil de bande aux fins de signature par le chef et le conseil.)

Le village de Mistissini avait une école primaire de jour exploitée et financée par le gouvernement fédéral. Sans demander la participation des Eeyous d’Eeyou Istchee, le ministère des Affaires indiennes prenait toutes les décisions au sujet de l’enseignement et l’éducation des Eeyous. Pour poursuivre des études secondaires et postsecondaires, les enfants eenous devaient quitter leur communauté et leurs familles.

En plus de dépendre de l’économie de subsistance, les Eeyous dépendaient des transferts gouvernementaux comme l’aide sociale. Les revenus de la fourrure étaient la principale source
de revenus pour les trappeurs eeyous.

En 1970, nous étions une population d’environ six mille (6 000) personnes habitant dans six (6) petits villages isolés – Grande Rivière de la Baleine (présentement Whapmagoostui), Fort George (Les Eeyous de Fort George habitent présentement à Chisasibi parce qu’ils ont été réinstallés à cause du développement hydroélectrique), Paint Hills (présentement Wemindji), Eastmain, Rupert’s House (présentement Waskaganish) et Mistassini (présentement Mistissini). Les Eeyous de ces villages habitaient dans des logements inadéquats et des abris de tentes sans infrastructures convenables comme l’eau et les systèmes de traitement des eaux usées. En outre, les habitations de ces villages eeyous n’étaient pas alimentées à l’électricité. À l’exception de Mistassini, ces villages eeyous n’avaient pas de routes d’accès. Les communications intervillageoises étaient réalisées par radio-téléphone. Comme je l’ai mentionné plus haut, les Eeyous de Nemaska, de Waswanipi et d’Oujé-Bougoumou n’avaient pas leur propre village qu’ils pouvaient appeler leur chez-soi. Les Eeyous de Washaw Sibi se sont installés dans la région et autour de la région de LaSarre et d’Amos à l’intérieur de leur territoire traditionnel et historique.

J’ai été témoin et j’ai vécu une grande partie de cette histoire sociale, économique et politique et environnementale que je viens juste de décrire. Elle a mené à la privation et à la marginalisation politique et économique des peuples eeyous et des collectivités d’Eeyou Istchee.

Malgré les mesures oppressives adoptées par le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec, comme le déni des droits, la dépossession des terres, les politiques d’exclusion, les politiques de génocide et d’assimilation culturelle des peuples autochtones dans la société

contemporaine, ces dernières n’ont pas réussi à atteindre les buts politiques. Pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, les politiques du passé n’ont pas réussi à entraîner la paix et l’harmonie dans la relation entre les Eeyous, le Canada et le Québec. Elles ont aussi échoué à entraîner le contentement de la prospérité aux Eeyous d’Eeyou Istchee.

Tout au long de leurs relations avec le Canada et le Québec, les Eeyous ont refusé de renoncer à leur identité comme peuple et nation distincts et ils continuent d’exister avec leurs droits inhérents, leur culture, leur langue, leur mode traditionnel de vie et leurs liens avec Eeyou Istchee.

Le 30 avril 1971, sans consultation et sans le consentement des Eeyous d’Eeyou Istchee, le premier ministre Robert Bourassa a annoncé le Projet de développement hydroélectrique de la Baie-James, en le décrivant comme « projet du siècle ». L’énorme projet qui inonderait certains territoires de chasse eeyous serait construit à l’intérieur d’Eeyou Istchee. Le Québec et Hydro-Québec ont ignoré les Eeyous et leurs inquiétudes, intérêts et droits. Au début, le gouvernement fédéral a aussi ignoré les Eeyous d’Eeyou Istchee.

J’ai entendu parler du Projet de développement hydroélectrique de la Baie-James dans le Montreal Star et la Gazette – tous les deux, des journaux de Montréal qui étaient livrés à Chibougamau, Québec, une journée après leur publication. Immédiatement, j’ai apporté les journaux au chef Smally Petawabanon qui, à ce moment-là, était chef de la bande de Mistassini pour qu’il les regarde et les lise. J’ai dit au chef que le projet de développement hydroélectrique proposé et planifié aurait un impact non seulement sur les Eenous de Mistissini, mais aussi sur les Eeyous/Eenous des autres communautés eeyoues/eenoues actuelles. J’ai proposé qu’une rencontre de tous les chefs et leaders eeyous/eenous ait lieu à Mistissini le plus rapidement possible. Le chef Smally Petawabano était

 

d’accord. En conséquence, j’ai préparé un projet avec un budget modeste et obtenu des fonds de l’Arctic Institute of North America – un établissement d’éducation – dont la direction était assurée par M. Eric Gourdeau pour organiser une rencontre des chefs et leaders eeyous/eenous à Mistissini, Eeyou Istchee dans le but de discuter des impacts sociaux et environnementaux du projet de développement hydroélectrique de la Baie-James proposé. Sous la direction du chef Smally Petawabano et du conseil de la bande de Mistassini, l’organisation et la réalisation de la rencontre des chefs et leaders eeyous/eenous a eu lieu en mai 1971. Les résidents locaux de la communauté de Mistassini, comme Anne-Marie Awashish, directrice générale du Centre d’amitié cri-indien de Chibougamau, Edna Neeposh, travailleuse sociale, Louise Shecapio, secrétaire du chef Smally Petawabano, Daisy Longchap Metabie, une résidente et plusieurs autres résidents de Mistissini ont aidé à l’organisation de la rencontre. J’ai invité le chef Chief Billy Diamond qui, à ce moment-là était chef de la bande de Rupert’s House à la rencontre. Les autres chefs et leaders des communautés eeyoues/eenoues actuelles ont été invités et ils ont participé. Les Indiens de l’Association du Québec avec le chef Gros-Louis (Huron) et le chef Andrew Delisle (Mohawk) ont fourni de l’aide pour cette rencontre des chefs et leaders eeyous/eenous. De plus, le chef Robert Kanatewat de la bande de Fort George et chef régional de l’Association des Indiens du Québec a joué un rôle déterminant pour la prestation de soutien et d’information par l’Association au sujet des « droits indiens » de ce moment. (Pour les Eenous de Mistissini qui étaient de la génération de ma mère, le chef Robert Kanatewat a toujours été connu comme étant le « Chisasibi Ouje-Mahkan » (chef de Chisasibi) peu importe la personne occupant le poste de chef de Chisasibi à ce moment-là.)

Étant donné que le village de Mistissini n’était pas doté d’installations telles qu’un restaurant et un hôtel, les chefs et les leaders étaient les invités des résidents du village. La rencontre des chefs et des leaders eeyous/eenous a eu lieu dans une salle de classe de la petite école primaire qui était exploitée par le ministère fédéral des Affaires indiennes. Cette rencontre, qui a eu lieu les 29, 30 juin et 1er juillet 1971, était la première de leur histoire; les chefs et les leaders eeyous/eenous et les leaders d’autres collectivités eeyoues/eenoues se rencontraient pour la première fois pour discuter de leurs droits, de leurs intérêts et de leur futur.

Lorsque les chefs et leaders eeyous/eenous se sont rencontrés à Mistissini, Eeyou Istchee, les 29, 30 juin et 1er juillet 1971, pour discuter du projet de développement hydroélectrique de la Baie-James annoncé, ils ont pris des décisions importantes. En plus de décider de s’opposer au projet récemment annoncé, les chefs et leaders eeyous/eenous ont décidé d’agir ensemble, comme nation unique et de faire entendre une voix unique. En décidant de cette approche par l’entremise d’un consensus, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont exercé leur autodétermination comme pouvoir collectif du choix. Cette décision de reconnaître et de confirmer l’importance des droits collectifs, des intérêts collectifs, des responsabilités collectives et de l’action collective à titre de nation unique a entraîné l’autonomisation des Eeyous d’Eeyou Istchee pour protéger leurs droits et intérêts. Cette action et expression d’unité des Eeyous/Eenous, comme nation unique, pour protéger leurs droits et intérêts collectifs, a aussi marqué le début du gouvernement de la Nation eeyoue. Cela a mené, en 1974, à l’établissement du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et de l’Administration régionale crie en 1978. (Le 1er janvier 2014, l’Administration régionale crie est devenue le gouvernement de la Nation crie).

Depuis ce moment-là, la culmination des événements qui ont suivi l’annonce du projet de développement hydroélectrique à l’intérieur d’Eeyou Istchee et les actions collectives des Eeyous d’Eeyou Istchee à titre de nation unique ont changé, de façon dramatique, la voie et l’orientation de l’histoire eeyoue. Ces événements ont eu un impact et un effet sur chaque

Eeyou d’Eeyou Istchee étant donné que ces circonstances ont modifié profondément le paysage social, économique et politique d’Eeyou Istchee..

Les Eeyous d’Eeyou Istchee se sont immédiatement opposés au « projet du siècle » annoncé. En 1972, les Eeyous ont entamé des poursuites judiciaires pour mettre fin au projet et à l’intrusion dans le territoire eeyou et au fait que le gouvernement du Québec avait pris la position que les Eeyous n’avaient pas de droits autochtones liés à leurs terres et que le Canada a simplement maintenu sa position de « neutralité alerte ». En outre, le gouvernement du Québec a précisé que le projet hydroélectrique n’était pas négociable et qu’il poursuivrait ses activités selon les plans et que les Québécois avaient besoin de ce projet et de ses emplois connexes.

Dans les poursuites judiciaires, les Eeyous ont aussi affirmé que le gouvernement du Québec n’avait pas réglé les droits et intérêts des peuples eeyous lorsque la portion d’Eeyou Istchee des Territoires du Nord-Ouest avait été transférée à la province de Québec en 1898 et 1912 par le gouvernement du Canada. Le gouvernement du Québec était obligé, par la législation fédérale transférant ces terres, de régler les droits et intérêts des peuples autochtones qui habitaient dans ces terres transférées. En 1971, lorsque le projet de développement hydroélectrique de la Baie-James a été annoncé, le Québec n’avait pas réglé les revendications, droits et intérêts des Eeyous dans et sur leurs terres – Eeyou Istchee.

En outre, et surtout, les Eeyous/Eenous Indoh-hoh Ouje-Maaooch (maîtres de trappe) et chasseurs ont expliqué au juge leur attachement et leurs droits sur Eeyou Istchee, le mode de vie basé sur la chasse, la pêche et le trappage et l’Eeyou/Eenou Eedouwin (façon eeyoue/eenoue de faire les choses). (Sans le soutien et le témoignage des maîtres de trappe et des chasseurs eeyous/eenous, je ne pense pas que les Eeyous d’Eeyou Istchee auraient obtenu une victoire telle que celle obtenue dans la décision de l’affaire Malouf et sans un tel jugement, le résultat de tout règlement aurait été considérablement différent.)

Reconnaissant les droits des Eeyous à leur territoire, le jugement Malouf de novembre 1973 a ordonné un arrêt immédiat de la construction du projet de développement hydroélectrique de la Baie-James à l’intérieur du territoire eeyou. Le Québec et Hydro-Québec ont immédiatement porté l’affaire en appel. La Cour d’appel du Québec a levé l’ordre d’injonction, mais a laissé la question des droits autochtones à être considérée plus tard. Peu après, le premier ministre Robert Bourassa a offert un règlement qui a été rejeté par les chefs et leaders eeyous/eenous malgré l’énorme pression exercée par le gouvernement fédéral pour que les Eeyous acceptent l’offre. Pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, l’offre, comme règlement du Québec, constituait un changement dramatique dans la position du gouvernement du Québec qui voulait alors négocier un règlement.

Les chefs et leaders eeyous/eenous ont refusé l’offre de Robert Bourassa parce qu’elle n’accommodait pas les droits, les intérêts et les inquiétudes des Eeyous d’Eeyou Istchee.
Plus particulièrement, dans son offre, le premier ministre Bourassa avait dit que son gouvernement accorderait des droits aux « Cris et la Baie-James ». Les Eeyous d’Eeyou Istchee voulaient que le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada reconnaissent les droits des Eeyous d’Eeyou Istchee ... et non qu’ils créent et accordent ces droits.

Toutefois, les chefs et les leaders d’Eeyou Istchee ont laissé la porte ouverte à un règlement possible à l’aide d’un processus de traité. Dès lors, notre opposition au projet de développement hydroélectrique de la Baie-James a changé en direction d’une certaine forme d’accommodement pour le projet.

J’étais présent et j’ai participé aux délibérations en 1973; lorsqu’après une victoire au tribunal et une décision appelée le jugement Malouf a reconnu nos droits, nous avons décidé de négocier un traité qui reconnaîtrait et protégerait nos droits et permettrait la construction, l’exploitation et l’entretien du projet de développement hydroélectrique appelé Le Complexe La Grande (1975) à l’intérieur d’Eeyou Istchee en vertu de certaines modalités et conditions.

Au moment de l’annonce du Projet de développement hydroélectrique de la Baie-James et des procédures judiciaires subséquentes et de ses résultats positifs, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont atteint l’étape critique de leurs vies et histoires collectives. C’était un moment :

• de renouvellement et de récupération de leur passé de pauvreté et d’impuissance;

• d’obtenir la reconnaissance, l’affirmation et la protection des droits des Eeyous;

• de regagner et de maintenir l’autonomie gouvernementale

• de retourner « chez eux » en bâtissant une nouvelle communauté pour les Eeyous/Eenous de Nemaska, de Waswanipi et d’Oujé-Bougoumou;

• de rebâtir la Nation eeyoue;

• d’effectuer un examen critique et de renouveler une relation entre les Eeyous, le Canada et le Québec; et

• de mettre fin au déni des droits et aux politiques d’exclusion.

Après 1971, comme témoin et participant à l’évolution sociale, économique et politique des Eeyous d’Eeyou Istchee, je dois admettre que les Eeyous ont fait des progrès énormes pour leur peuple et leur nation grâce aux changements dans le paysage social, économique et politique d’Eeyou Istchee.

Comment ces changements se sont-ils produits? Comment est-ce que les Eeyous ont réalisé les changements au bénéfice des générations actuelles et à venir d’Eeyou?

Tout changement dans nos vies individuelles et collectives découle en général d’une vision. Un proverbe affirme ce qui suit : « Un peuple sans idéal est voué à mourir ».

À un moment donné de notre vie, nous avons probablement tous eu le désir de « changer le monde » et de « créer un monde meilleur ». Habituellement, ce désir provient d’une vision visant à ce que notre monde soit enrichi ou amélioré d’une façon quelconque. De telles visions de l’avenir fournissent souvent des conseils et l’orientation pour nos vies et notre travail, donnant la motivation et la force motrice pour le changement. Les visions qui sont partagées par les peuples et les communautés forment la base du leadership, de l’organisation, de la culture et en fin de compte, du progrès des Eeyous d’Eeyou Istchee.

Donc, le leadership visionnaire est fondamentalement important dans toute entreprise.

Le leadership n’est pas un sujet facile à expliquer. Donc, je veux simplement écrire au sujet du leadership et de la vision des créateurs de traité eeyous/eenous... une génération d’Eeyous/
Eenous qui avait une vision et qui a dirigé les Eeyous d’Eeyou Istchee vers son traité moderne – la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi. Ce parcours de création de traité contient les principaux principes et les valeurs du leadership : la vision, l’autonomisation, l’unité, l’engagement, l’humilité, la confiance, le respect, la participation, la diversité, la créativité, l’intégrité et la communauté. C’est un parcours d’un leadership visionnaire basé sur la formation et la clarification de ses propres rêves et idées, le partage de ces idées, la transformation de ces rêves en action et l’engagement de l’aide d’autres personnes pour transformer les rêves et les idées en réalité. C’est aussi l’histoire des jeunes de l’époque qui ont travaillé avec les chefs et les aînés et certains comme leaders pour réaliser la vision et atteindre les buts de la nation. Dans ce parcours particulier, le leadership correspond à l’autonomisation des peuples, l’édification de la nation et la création d’un monde auquel les gens veulent appartenir.

Ce parcours pour changer le monde des Eeyous et le transformer en monde meilleur est un récit qui constitue une partie importante de l’histoire des Eenous/Eeyous. Les histoires sont au sujet des activités des gens. En fin de compte, l’histoire appartient aux gens qui l’ont créée. Cette histoire a été créée par les Eeyous d’Eeyou Istchee. Donc, peu importe l’histoire eurocentrique enseignée dans les salles de classe; les Eeyous d’Eeyou Istchee ont leur propre histoire. On dit que les peuples sans histoire n’ont pas d’avenir.

C’est seulement par l’entremise des peuples eeyous que les leaders eeyous ont commencé à déterminer et à modéliser la vision stratégique et collective qui a servi de guide et d’orientation pour le travail et les buts des peuples, communautés et gouvernements eeyous. Cette vision est devenue la vision des créateurs de traités eeyous. La vision des Eeyous au début des années 1970 était surtout axée sur la reconstruction de la Nation eeyoue en réaction et réponse à notre histoire, nos expériences collectives et l’état subséquent de la Nation et du peuple eeyous à ce moment-là. (J’ai déjà décrit notre état en termes généraux dans mes déclarations précédentes.) Nous voulions que nos droits soient reconnus et protégés, plus particulièrement nos droits de chasse et de pêche et le droit de nous gouverner nous-mêmes. Nous voulions de nouvelles communautés que les Eeyous de Waswanipi, de Nemaska et d’Oujé-Bougoumou pourraient appeler « leur chez soi ». Nous voulions le respect pour nos valeurs, notre culture et notre langue. Nous voulions poursuivre notre mode traditionnel de vie ainsi que permettre à ceux qui le voulaient de participer à l’économie contemporaine basée sur les salaires. Nous voulions avoir le contrôle de nos affaires, institutions, communautés et gouvernements. Plus particulièrement, les Eeyous voulaient le contrôle et la participation dans l’administration des services de santé et sociaux, d’éducation, de maintien de l’ordre et de justice. Les Eeyous voulaient l’autosuffisance, le développement communautaire et économique, mais en vertu des modalités eeyoues. Les Eeyous voulaient le respect et la participation au développement et à la gestion des ressources naturelles à Eeyou Istchee. Les Eeyous voulaient le développement responsable et durable des ressources qui tenait compte de leurs intérêts et préoccupations. Les Eeyous voulaient une nouvelle relation avec le Canada et le Québec basée sur le respect mutuel et la coexistence bénéfique. Autrement dit, les Eeyous voulaient changer le monde eeyou et le transformer en monde dans lequel les droits des Eeyous ne sont pas bafoués et dans un monde dans lequel les Eeyous ne sont pas ignorés et exclus en ce qui a trait à la gouvernance, aux prises de décision pour le peuple eeyou, aux terres et aux collectivités. Les Eeyous d’Eeyou Istchee avaient cette vision commune et partagée. Cette vision a unifié les peuples eeyous comme nation unique et voix unique. Cette unité a renforcé et autonomisé la Nation eeyoue.

En conséquence, au début des années 1970, les créateurs de traités eeyous et les leaders eeyous se sont embarqués dans un parcours vers le changement et la justice sociale. En 1975,

sous la direction du grand chef Billy Diamond, leurs efforts ont mené à la négociation et à la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi… un traité moderne qui reconnaît et protège les droits des Eeyous et établit de nouvelles relations entre les Eeyous et le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec.

Le grand chef Billy Diamond et les négociateurs eeyous/eenous ont mené des consultations complètes auprès des communautés eeyoues/eenoues sur tous les aspects des négociations.

J’étais le négociateur eenou principal pour les enjeux fondamentaux d’Eeyou Istchee comme les droits de chasse, de pêche et de trappage, la protection sociale et environnementale, le régime des terres et la sélection des terres, la sécurité économique pour les chasseurs et trappeurs cris et les droits de gouvernance des Eeyous/Eenous. J’ai participé comme membre de la principale table de négociation et aux discussions et négociations sur d’autres affaires et enjeux qui ont éventuellement été inclus dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

Les Eeyous d’Eeyou Istchee ont donné aux gouvernements l’échéance du 11 novembre 1975 pour avoir mis la touche finale et signé l’entente finale. Si les parties échouaient à finaliser et à signer l’entente finale, les Eeyous d’Eeyou Istchee mettraient fin aux négociations, retourneraient chez eux à Eeyou Istchee et continueraient les poursuites judiciaires pour mettre fin au projet de développement hydroélectrique de la Baie-James et poursuivraient la protection de leurs droits devant les tribunaux.

Le 11 novembre 1975, la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi a été signée par les représentants du gouvernement du Canada, du gouvernement du Québec, Hydro-Québec, la Société d’énergie de la Baie-James, l’Association des Inuits du Nouveau-Québec et le Grand Conseil des Cris du Québec.

De 1973 à 1975, les négociations qui ont mené à la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi le 11 novembre 1975, se sont avérées une rare chance pour les Eeyous d’Eeyou Istchee d’atteindre, par l’entremise d’un traité moderne, les principaux objectifs et principes suivants :

a) reconnaissance et protection des droits des Eeyous;

b) garanties et avantages pour leur société distincte et mode de vie basé sur leur relation centrale et spéciale avec leur territoire historique et traditionnel – Eeyou Istchee;

c) compensation;

d) amélioration et avancement de la gouvernance, de la communauté, du développement social et économique des Eeyous;

e) nouvelles communautés pour les Eenous de Waswanipi, de Nemaska et d’Oujé-Bougoumou;

f) participation des Eeyous au contrôle et à l’administration de la santé, de l’éducation, du maintien de l’ordre et de la justice;

g) participation des Eeyous à la gestion et la réglementation du régime de chasse, de pêche et de trappage et implication spéciale des Eeyous dans le régime de protection sociale et environnementale;

h) projet modifié de développement hydroélectrique; et

i) relation redéfinie avec le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec.

Comme la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi est une entente à l’amiable ainsi qu’un traité moderne, d’autres intervenants non gouvernementaux comme Hydro-Québec, la Société d’énergie de la Baie-James et la Société de développement de la Baie-James sont des signataires et intervenants de ladite Convention. Ces entités formées en société figurent sur la liste des parties défenderesses dans les poursuites judiciaires intentées par les Eeyous d’Eeyou contre la construction, l’exploitation et l’entretien du projet de développement hydroélectrique de la Baie-James.

Je dois toutefois admettre que la présence et la participation des représentants de ces sociétés aux négociations sur le régime des terres, la sélection des terres, la gestion des ressources naturelles et la protection environnementale de la Convention, se sont avérées, de temps à autre, acrimonieuses, encombrantes et préjudiciables pour les intérêts et préoccupations des Eeyous d’Eeyou Istchee. C’était très inhabituel de voir des sociétés possédant des intérêts dans le développement des ressources faire partie d’un traité qui constituait une entente de revendications territoriales.

En ce qui a trait au gouvernement du Québec, M. John Ciaccia, le représentant spécial du gouvernement du Québec, a affirmé : « Cette Convention nous a permis de réaliser deux grandes tâches envers lesquelles le gouvernement s’est engagé. La Convention nous permet de respecter nos obligations envers les peuples autochtones qui habitent dans notre Nord, et d’enfin affirmer complètement notre présence partout dans son territoire. »4

La Convention de la Baie-James et du Nord québécoi est une entente de revendications territoriales et un traité moderne sur les droits des Eeyous (Cris) d’Eeyou Istchee et des Inuits du Nunavik.

De plus, la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi est une entente hors cour au sujet de la construction, de l’exploitation et de l’entretien du Projet de développement hydroélectrique de la Baie-James connue sous le nom « Le Complexe La Grande 1975 ».

Toutefois, après 1975, la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi n’a pas marqué la fin des conflits, différends et négociations. Elle a plutôt signalé le début d’une interaction continuelle entre les Eeyous d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et Hydro-Québec au sujet de la mise en œuvre de la lettre, de l’intention et de l’esprit des modalités et dispositions de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

Cette interaction continuelle entre les Cris, le Canada et le Québec a souvent entraîné des litiges sur l’inaction du Canada et du Québec pour honorer et respecter leurs engagements, responsabilités et obligations envers les Cris en vertu de certaines modalités et dispositions
de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi

En raison des actions politiques et des litiges et afin d’améliorer et de faciliter la mise en œuvre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, les ententes suivantes ont été conclues :

a) Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec (7 février 2002);

b) Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee (21 février 2008);

c) Accord-cadre entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James (27 mai 2011);

d) Entente sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec (24 juillet 2012); et

e) Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada (18 juillet 2017).

Par l’entremise de l’exercice de leurs droits, les Eeyous d’Eeyou Istchee rebâtiront leur nation. Cette édification de la nation correspond à l’esprit et l’intention originaux de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

Sous la direction du grand chef Billy Diamond, Ted Moses et moi-même avons agi comme négociateurs eenous principaux. Bill Diamond, Ted Moses et moi ainsi que d’autres étaient des survivants des pensionnats indiens. En conséquence, le chapitre 16 (Éducation des Cris) de la

Convention de la Baie-James et du Nord québécoi a été négocié de façon à mettre fin au contrôle, à l’administration et à l’exploitation par le fédéral de l’éducation et des écoles des Cris et ce contrôle, administration et exploitation ont été transférés aux Eeyous d’Eeyou Istchee.

Donc, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont rebâti leur nation en reprenant le contrôle de l’éducation et en rétablissant la langue eeyoue dans les écoles locales qui ont été transférées du Canada et du Québec aux autorités eeyoues de l’éducation. La Convention et sa loi habilitante ont créé la Commission scolaire crie sous le contrôle des Eeyous qui ont assumé l’administration et la responsabilité des études primaires, secondaires, postsecondaires et la formation aux adultes pour les Eeyous d’Eeyou Istchee. La Commission scolaire crie a déclaré que la langue eeyoue serait la langue d’instruction. Pour la première fois dans l’histoire des Eeyous, la langue d’Eeyou Istchee était officiellement permise dans les salles de classe et les corridors des écoles des communautés eeyoues. La Commission scolaire crie a bâti des écoles primaires et secondaires dans chaque communauté eeyoue de façon à ce que les enfants eeyous puissent recevoir l’enseignement dans leurs communautés et ne doivent pas quitter leurs familles, maisons et communautés.

Par l’entremise du Conseil Cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James, les Eeyous se sont occupés des petits postes de soins infirmiers des gouvernements et ont construit des cliniques de soins de santé et autres établissements pour les services sociaux et de santé. Le Conseil Cri de la santé a construit un hôpital dans la communauté eeyoue de Chisasibi.

Les Eeyous ont construit de nouvelles communautés comme Waswanipi, Nemaska, Chisasibi et Oujé-Bougoumou. (Les Eeyous de Fort George ont dû être réinstallés de leur communauté insulaire à une communauté continentale à cause des impacts du projet de développement hydroélectrique.) Les Eeyous ont considérablement amélioré les normes de vie de toutes les communautés cries à l’aide du développement communautaire et économique. Chaque communauté eeyoue a des habitations avec eau potable et systèmes d’égouts. (Toutefois, à cause d’une population eeyoue croissante et des programmes de logement inadéquats et financement inadéquat, la prestation de logements demeure une affaire critique présentement et un enjeu prioritaire pour les communautés eeyoues/eenoues.)

Les chasseurs eeyous reçoivent du soutien pour poursuivre leurs activités et mode de vie traditionnels.

Les Eeyous d’Eeyou Istchee ont rencontré le Canada et le Québec pour assurer que les lois et règlements injustes sur la chasse et la pêche soient amendés pour refléter les droits des Eeyous issus des traités pour chasser et pêcher d’une manière cohérente par rapport à leur mode de
vie traditionnel.

En vertu du chapitre 24 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, le Canada a entrepris d’obtenir un amendement à la Convention concernant les oiseaux migrateurs entre le Canada et les États-Unis de 1916 pour éliminer les conflits avec les droits issus des traités des Eeyous (et des Inuits) pour la chasse aux oiseaux migrateurs. De 1975 à 1995, les Eeyous ont demandé au gouvernement du Canada d’honorer et de s’occuper de cette chasse particulière.

La Loi constitutionnelle de 1982 fournit, comme disposition importante pour les peuples autochtones, la reconnaissance de leurs droits autochtones et issus des traités. Donc, les Eeyous d’Eeyou Istchee et autres Premières nations ont utilisé ce nouveau levier constitutionnel pour mettre de la pression pour obtenir un amendement à la Convention concernant les oiseaux migrateurs.

En 1994-1995, le gouvernement du Canada m’a nommé pour aider l’équipe de négociation canadienne à formuler la position du Canada et à déterminer le résultat final des négociations avec le gouvernement des États-Unis, pour amender la Convention concernant les oiseaux migrateurs à Parksville, Colombie-Britannique.

En décembre 1995, vingt (20) ans après la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, avec la participation des Eeyous d’Eeyou Istchee, le gouvernement du Canada a négocié et signé le Protocole pour amender la Convention concernant les oiseaux migrateurs avec le gouvernement des États-Unis d’Amérique. Le Protocole de 1995, étant donné la reconnaissance constitutionnelle des droits autochtones et issus des traités, amende ladite Convention et permet une récolte de subsistance à l’année d’oiseaux migrateurs pour les peuples autochtones partout
au Canada.

En conséquence, les Eeyous d’Eeyou Istchee se sont assurés que le Canada amende sa Loi et
son Règlement sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs pour en assurer la conformité avec les droits issus des traités des Eeyous en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

La population des Eeyous d’Eeyou Istchee a augmenté passant d’environ six mille (6000) personnes en 1970 à environ vingt mille (20 000) en 2018. À l’heure actuelle, les Eeyous d’Eeyou Istchee vivent dans neuf (9) collectivités – une augmentation de six (6) villages par rapport à 1970. Et les Eeyous d’Eeyou Istchee appuient les aspirations des Eeyous de Washaw Sibi Eeyou et des MoCreebec Eeyoud visant à établir leurs propres communautés.

En vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont établi et se sont engagés dans des commerces, entreprises et services locaux et le développement économique des ressources naturelles comme les projets de développement hydroélectrique, d’exploitation minière et de foresterie.

Les communautés eeyoues ont fait un grand bond en avant en termes de développement communautaire et économique, en grande partie grâce aux avantages économiques du développement régional et l’habileté des leaders eeyous d’obtenir des installations, des
avantages et des services pour les communautés eeyoues et les Eeyous d’Eeyou Istchee.

D’autre part, les Eeyous d’Eeyou Istchee sont aux prises avec des problèmes sociaux, environnementaux, économiques et autres liés au développement rapide à Eeyou Istchee. La construction de vastes réseaux routiers a fourni l’accès à Eeyou Istchee et a entraîné un influx de personnes et de produits de l’extérieur. Cet empiétement externe perturbe la santé des Eeyous dans les communautés et perturbe le système de territoire de chasse des chasseurs eeyous et l’abondance et la distribution du poisson et des produits fauniques. Le développement hydroélectrique et le développement de la foresterie commerciale a érodé la terre et la base de ressources des Eeyous d’Eeyou Istchee. Plusieurs Eeyous et leurs familles ont ressenti un énorme sentiment de perte au cours des quatre (4) dernières décennies alors que le développement hydroélectrique a entraîné des impacts tels que le déplacement d’Eeyous/Eenous et la réinstallation de communautés eeyoues/eenoues, les inondations et la perte de territoires de chasse et cimetières, la perte d’habitat faunique, la perte de rivières majeures, la perte de poisson et gibier, la perte d’eau potable et la perte de sites culturels et spirituels. De plus, les vastes activités de défrichage et de dessouchage des promoteurs de foresterie commerciale ont entraîné une grande perte de territoires de chasse eeyous valables et d’habitat faunique. Il reste plusieurs problèmes graves à régler alors que les Eeyous d’Eeyou Istchee cherchent à équilibrer le développement économique et des ressources avec le désir de garder et de maintenir les éléments clés de leur patrimoine culturel, de leur mode de vie eeyou et de l’Eeyou Eedouwin (façon eeyoue de faire les choses).

Considérant les changements, impacts et problèmes liés au développement rapide des ressources, plusieurs Eeyous/Eenous pensent que les Eeyous d’Eeyou Istchee ont payé un prix exorbitant pour les droits et bénéfices garantis aux Eeyous d’Eeyou Istchee par le Canada et le Québec par voie de promesses et de traité dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi. Donc, plusieurs Eeyous/Eenous se demandaient pourquoi les Eeyous d’Eeyou Istchee devaient s’engager dans un exercice long, acrimonieux et coûteux d’examens, de négociations et de litiges pour la mise en œuvre adéquate de leur traité avec le Canada et le Québec. Après tout, la bonne mise en œuvre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi fournit une feuille de route à une forme quelconque de réconciliation légale et sociale avec les Eeyous d’Eeyou Istchee. Mais comme l’a démontré la relation entre le Canada et les Eeyous d’Eeyou Istchee au cours des dernières années, ultimement, la réconciliation exige un changement de paradigme dans les lois, politiques et pratiques du Canada.

Toutefois, récemment, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont repris et exercé leur droit de contrôler leurs affaires, poursuivre leurs buts et surtout, se gouverner eux-mêmes. Les agents, les représentants et responsables du gouvernement du Canada et du gouvernement du Québec ne sont plus dans les communautés eeyoues pour contrôler et dominer les gouvernements locaux eeyous, leurs institutions et leurs affaires. Les Eeyous d’Eeyou Istchee sont leurs propres décideurs.

En fait, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont rejeté l’application de la Loi sur les Indiens paternaliste et oppressive à leur égard et à leurs terres communautaires. Plutôt, la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et ses conventions complémentaires et lois habilitantes reconnaissent et protègent les droits de gouvernance eeyoue par les Eeyous d’Eeyou Istchee. Donc, la Loi sur les Indiens ne s’applique pas aux Eeyous d’Eeyou Istchee.

À l’heure actuelle, les Eeyous gouvernent en faisant valoir le droit et la capacité non seulement de gérer la prestation des services et des programmes, mais en bâtissant leur nation selon leur volonté, pour adopter et appliquer des lois, pour développer et poursuivre des stratégies à long terme de développement communautaire et économique, pour négocier de nouvelles relations avec les autres gouvernements et pour exercer une juridiction significative sur les terres et les peuples à l’intérieur de leurs terres. En adoptant ce parcours, la Nation eeyoue et le peuple eeyou ont marqué la voie de l’autoadministration à l’autonomie gouvernementale. Cette transition de l’autoadministration à l’autonomie gouvernementale est un aspect fondamental de l’édification de la nation alors que les Eeyous d’Eeyou Istchee ont reconquis la gouvernance à titre de droit reconnu par traité et la Constitution du Canada.

Pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, il n’y a pas de principe plus fondamental dans l’histoire et les relations des Eeyous que le droit des peuples de se gouverner eux-mêmes et de gouverner leurs territoires conformément à leurs traditions, valeurs, buts et aspirations.

Les Eeyous d’Eeyou Istchee peuvent retracer leur droit à se gouverner eux-mêmes aussi loin que la mémoire et l’histoire orale s’étendent. La source ultime de leur droit à l’autonomie gouvernementale est le Créateur. Le Créateur a placé les Eeyous dans leurs propres terres qu’ils appellent Eeyou Istchee et a donné aux peuples la responsabilité de s’occuper de la terre – et des uns et des autres – jusqu’à la fin des temps. De cette façon, le droit à l’autonomie gouvernementale est un droit inhérent.

Donc, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont assumé leurs responsabilités et exercé leurs droits. Les Eeyous ont des lois eeyoues comme la loi eeyoue sur la chasse et l’Eeyou Eedouwin ou la façon eeyoue de faire les choses.

Toutefois, les Eeyous d’Eeyou Istchee, ont accepté le besoin de partager le pouvoir avec le Canada et le Québec. En retour, les Eeyous ont demandé au Canada et au Québec d’accepter le fait que le droit des Eeyous à l’autonomie gouvernementale n’est pas et ne pourra jamais être un cadeau du Canada et du Québec. Le droit est inhérent dans les peuples eeyous et la nation eeyoue et a été excercé pendant des siècles avant l’arrivée des explorateurs et colonisateurs européens. C’est un droit auquel les Eeyous n’ont jamais renoncé et ils veulent maintenant l’exercer et rebâtir leur nation.

Donc, les Eeyous ont négocié la reconnaissance et la protection de leurs droits, y compris leur droit à l’autonomie gouvernementale, dans le traité moderne connu sous le nom de Convention de la Baie-James et du Nord québécoi. La continuité des droits eeyous qui sont plus vieux que le Canada et le Québec constitue une partie majeure et fondamentale de l’entente entre les Eeyous d’Eeyou Istchee, le Canada et le Québec dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

Les Eeyous ont une relation spirituelle spéciale avec leur terre … Eeyou Istchee. Les Eeyous considèrent aussi leur culture, leur langue et leurs traditions comme fondamentales et centrales à leurs identités collectives et individuelles. Donc, la vision eeyoue de l’autonomie gouvernementale comprend deux buts distincts, mais reliés. Le premier implique une plus grande autorité sur Eeyou Istchee et ses habitants, que ce territoire soit exclusivement eeyou ou partagé avec d’autres. Le deuxième implique un plus grand contrôle sur les affaires qui affectent les Eeyous : leur culture, leur identité et leur bien-être individuel et collectif.

En conséquence, dans la mise en œuvre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de ses conventions complémentaires comme les ententes sur la nouvelle relation et les ententes sur la gouvernance avec le Canada et le Québec, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont choisi de suivre les voix principales et de conclure les arrangements suivants pour la gouvernance d’Eeyou Istchee :

a) système traditionnel eeyou de gouvernance et d’autorité pour chaque Indoh-hoh Istchee (territoire de chasse eeyou);

b) gouvernement local qui a une grande mesure d’autorité eeyoue sur une base territoriale exclusive (terres des catégories IA et IB);

c) gouvernement de la Nation eeyoue qui a une grande mesure d’autorité eeyoue sur une base territoriale exclusive (terres de la catégorie IA) et non exclusive (terres de la catégorie II); et

d) gouvernement public (gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James) qui permet une participation considérable des Eeyous au processus décisionnel relatif aux terres partagées (terres de la catégorie III) et aux ressources.

Plus particulièrement, la reconnaissance mutuelle des peuples coexistants et autonomes est fondamentale dans toutes les relations continuelles avec le Canada et le Québec.

L’histoire des relations eeyoues avec les autres gouvernements et nations peut se résumer comme legs de conflits liés aux terres, aux ressources naturelles et à l’exercice du pouvoir. Avant 1975, c’est un legs d’exclusion des Eeyous dans l’exercice du pouvoir, du développement des ressources naturelles et le déni des droits des Eeyous à leur patrie - Eeyou Istchee.

La Convention de la Baie-James et du Nord québécoi est surtout liée aux terres, aux ressources naturelles et à l’exercice du pouvoir. Pour les Eeyous, la Convention est un traité au sujet des droits des Eeyous aux terres, aux ressources naturelles et à l’exercice du pouvoir.

La Convention de la Baie-James et du Nord québécoi de 1975 découle de ce qui était, au début, l’opposition des Eeyous au développement hydroélectrique proposé à Eeyou Istchee. Pour les Eeyous, le processus de traité a été la voie choisie pour permettre et faire progresser le processus d’édification de la nation, afin de garantir les droits eeyous tels que l’autonomie et pour redéfinir les relations avec le Canada et le Québec.

Et d’importance capitale, en 1982, la Constitution du Canada a été amendée, parmi autres raisons, pour confirmer et reconnaître les droits autochtones et issus des traités des peuples autochtones. En conséquence, en ce qui a trait au peuple eeyou et à la nation eeyoue, la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les droits autochtones et issus des traités actuels, ainsi que les droits des autres peuples autochtones. Pour les Eeyous, les droits issus des traités des Eeyous incluent les droits envisagés dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

En résumé, la bonne mise en œuvre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de ses conventions complémentaires permet aux Eeyous d’Eeyou Istchee de rebâtir leur nation. Pour les Eeyous, parmi d’autres buts, la reconstruction de la nation touche le maintien et le développement de la culture et de l’identité, le soutien des institutions autonomes, l’édification de communautés viables et le soutien des modes traditionnels et alternatifs de développement économique et donc, la détermination de ce qui constitue le mode de vie eeyou actuel. Cela implique bâtir des institutions d’autonomie gouvernementale et de développement économique qui sont appropriées, sur le plan culturel, pour les Eeyous et qui sont efficaces pour relever les défis de la nation.

Dans l’exercice de leur droit à s’autogouverner eux-mêmes, les Eeyous ont acquis les responsabilités et le fardeau de l’autogouvernance. Les Eeyous font face à de nombreux défis et obstacles dans leur parcours et leurs tentatives de réaliser l’auto-gouvernance efficace.

Toutefois, le parcours de la reconstruction de la nation se poursuit et se poursuivra pendant de nombreuses générations pour reprendre et restaurer la gouvernance, le développement communautaire et économique, la culture, la langue, les manières de faire et l’Eeyou Eedouwin (la façon eeyoue de faire les choses) d’une manière qui développera et soutiendra la société eeyoue qui fonctionne – économiquement, socialement, culturellement et politiquement.

Le parcours vers l’autonomie gouvernementale entière et efficace n’est pas terminé. La gouvernance efficace exige des structures locales et régionales ou de nation qui correspondent
à la culture et au patrimoine d’un peuple, et qui, en même temps, englobe des nombres suffisants de personnes qualifiées pour exercer le plein pouvoir de gouvernance efficace.

En outre, pendant les cinq (5) dernières décennies, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont été impliqués dans un processus d’édification de la nation. Les Eeyous d’Eeyou Istchee sont déjà sur la bonne voie pour reprendre le sens de leur identité historique.

Assurer la reconnaissance et la protection des droits des Eeyous a été un exercice et un processus longs, ardus et acrimonieux menés par le leadership des Eeyous/Eenous d’Eeyou Istchee et guidés et dirigés par la vision des créateurs de traité.

Toutefois, la vision des créateurs de traité n’est pas encore complètement réalisée. Cela a été un long et difficile parcours mené par l’entremise des leaders des Eeyous/Eenous d’Eeyou Istchee. Ce parcours des Eeyous/Eenous n’est pas terminé et plusieurs défis sociaux et politiques doivent être relevés aujourd’hui et devront l’être demain.

La gouvernance eeyoue continue d’évoluer. Toutefois les Eeyous d’Eeyou Istchee doivent exercer une gouvernance qui produit des résultats meilleurs et efficaces. Les Eeyous doivent exercer une gouvernance plus responsable par l’entremise de leurs institutions locales et régionales.

La mise en œuvre de leur traité et de ses conventions complémentaires est un processus continuel et l’édification de la nation est une tâche continue.

Clairement, la nation et le peuple eeyous d’Eeyou Istchee ont réalisé des progrès énormes pour faire reconnaître, protéger et exercer les droits eeyous/eenous. Mais surtout, les Eeyous/Eenous d’Eeyou Istchee, en faisant face et en surmontant de nombreux défis, se sont autonomisés et ensemble, ils garantissent un meilleur avenir pour la génération actuelle et les générations à venir d’Eenous/Eeyous à Eeyou Istchee.

Même dans ce monde postmoderne, les créateurs de traité et les leaders eeyous/eenous avaient une vision et un espoir utopiques pour l’avenir. Bien que le parcours pour réaliser leur vision n’est pas facile, je crois que beaucoup de succès seront obtenus par la génération actuelle et les générations futures de leaders eeyous/eenous d’Eeyou Istchee.

Philip Awashish
Eenou de Mistissini Commissaire
15 mai 2018

NOTES DE LA FIN

  1. Le présent chapitre est un compte-rendu personnel des expériences, points de vue et observations de l’auteur sur les Eeyous d’Eeyou Istchee, la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et la reconstruction de la Nation eeyoue.
  2. Québec (Procureur général) c. Moses, 2010 CSC 17, [2010] 1 RCS 557
  3. Loi constitutionnelle de 1982, en tant qu’Annexe B de la Loi constitutionnelle du Canada 1982 (G.-B.), 1982, c.11.
  4. La philosophie de la Convention expliquée par M. John Ciaccia, représentant spécial du premier ministre Robert Bourassa, Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et ses conventions complémentaires, Édition 2006, Les Publications du Québec,
    p. xiii.

Gouvernance eeyoue à Eeyou Istchee1

Introduction

Lorsque les chefs eeyous se sont réunis à Mistissini, Eeyou Istchee, les 29 juin, 30 juin et 1er juillet 1971, ils ont pris des décisions importantes. Lors de cette réunion, pour la première fois de leur histoire, les chefs eeyous des diverses communautés eeyoues se sont réunis pour discuter de leurs droits, de leurs intérêts et de leur avenir. En plus de décider de s’opposer au Projet du complexe hydroélectrique de la Baie-James qui venait alors d’être annoncé, les chefs eeyous ont décidé d’agir ensemble, en tant que Nation, et de parler d’une seule voix. En décidant par consensus d’adopter ce plan d’action, les Eeyous ont exercé leur autodétermination, comme pouvoir collectif de choisir. Cette décision de reconnaître et d’admettre l’importance des droits collectifs, des intérêts collectifs, des responsabilités collectives et de l’action collective en tant que Nation a donné lieu au renforcement de l’autonomie des Eeyous d’Eeyou Istchee en ce qui concerne la protection de leurs droits et de leurs intérêts. Cette action et cette expression de l’unité des Eeyous, en tant que Nation, pour la protection de leurs intérêts et de leurs droits collectifs marquaient également le début d’une forme du gouvernement de la Nation eeyoue. Cela a mené, en 1974, à l’établissement du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee).

Avant tout, les Eeyous ont exercé et continueront d’exercer leur droit à l’autodétermination, qui est désigné par l’expression « Weesou-way-tah-moo-wun » dans la langue des Eeyous d’Eeyou Istchee. Les mots « Eeyou Weesou-way-tah-moo-wun » se rendent par « détermination par les Eeyous » ou autodétermination des Eeyous, ce qui correspond au pouvoir de choisir en matière d’action.

L’autonomie gouvernementale est une des voies que les Eeyous ont suivies dans la mise en œuvre de leur droit à l’autodétermination. L’autonomie gouvernementale découle de l’exercice du droit à l’autodétermination. Essentiellement, il s’agit de la capacité d’évaluer et de répondre à ses propres besoins sans influence, autorisation ou restriction externe. Les Eeyous ont revendiqué et continueront d’exercer leur droit inhérent à l’autodétermination, lequel découle de leur statut de peuple souverain ou distinct. En vertu de ce droit, les Eeyous sont habilités à déterminer leurs propres structures gouvernementales et la nature de leurs relations avec le Canada et le Québec.

Pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, il n’y a pas de principe plus fondamental dans l’histoire et les relations des Eeyous que le droit des peuples de gouverner leurs terres et de s’autogouverner conformément à leurs traditions, valeurs, buts et aspirations.

Les Eeyous d’Eeyou Istchee peuvent retracer leur droit à s’autogouverner aussi loin que la mémoire et l’histoire orales s’étendent.

L’exercice et la pratique de la Eeyou Tapay-tah-jeh-souwin (la gouvernance eeyoue) et de l’autonomie eeyoue découlent de l’exercice de la Eeyou Weesou-way-tah-moo-wun ou autodétermination des Eeyous. Plus particulièrement, dans leurs relations avec les gouvernements non-eeyous, les Eeyous ont élaboré et mis en œuvre une approche instinctive à l’égard de l’évolution de leur gouvernance. Dans certains cas, les Eeyous ont établi et déterminé leurs relations avec les gouvernements non-eeyous par la conclusion de traités et d’accords avec eux. Ainsi, la Eeyou Tapay-tah-jeh-souwin (la gouvernance eeyoue) n’est pas qu’un projet pour l’avenir. Elle a déjà été mise en application, elle s’applique toujours et elle continuera de s’appliquer conformément aux lois, aux droits et aux aspirations des Eeyous.

En se basant sur l’expérience des Eeyous et dans une large mesure, les relations des Eeyous avec le Canada et le Québec déterminent également la coexistence des Eeyous avec les gouvernements non-eeyous. Néanmoins, les Eeyous ont élaboré leurs systèmes de gouvernance et leur processus directionnel.

Dans les premiers contacts et les premières relations des Eeyous avec les gouvernements non-eeyous, le gouvernement du Canada en particulier a exercé une domination et un contrôle complets sur les vies et les affaires des Eeyous. Finalement, avec le consentement des autorités fédérales, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont surtout joué le rôle d’administrateurs et de gestionnaires, exécutant les programmes et assurant la prestation des services conçus par les autorités fédérales. Ainsi, dans cette relation particulière, les Eeyous étaient surtout responsables de l’administration, plutôt que de la gouvernance. Dans ce cas, comme d’autres Premières nations de partout au Canada, les Eeyous ont assumé la responsabilité et ont géré les programmes fédéraux du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (appelé actuellement Affaires autochtones et du Nord Canada) et des autres ministères fédéraux.

Toutefois, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont changé ce mode de gouvernance par la négociation et la mise en application de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi (CBJNQ), un traité moderne. Par ses gouvernements régionaux et locaux, la Nation eeyoue a assumé une autorité et un pouvoir plus importants.

De plus, les Eeyous ont exercé leur forme de gouvernance en tant que Nation par le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee)/Administration régionale crie. Ce dernier, une autorité administrative régionale eeyoue, a été mise sur pied en vertu des dispositions de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi. Le peuple eeyou a assumé sa propre gouvernance, revendiquant les droits et les capacités non seulement de gérer l’exécution des programmes et la prestation des services, mais également de construire sa nation selon ses intentions, d’établir et d’exécuter des lois, d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies à long terme de développement économique et communautaire, de négocier de nouvelles relations avec les autres gouvernements, et d’exercer une compétence réelle sur ses terres et les gens qui les habitent. Les nouveaux accords de relations plus récents entre les Eeyous et le Canada et le Québec, et l’accord-cadre sur la gouvernance avec le Québec renforceront la gouvernance eeyoue au niveau local et de la Nation. En entreprenant ce cheminement, le peuple et la Nation eeyoue ont tracé la voie menant à l’autonomie gouvernementale eeyoue. Ce cheminement et le passage à l’autonomie gouvernementale constituent un aspect fondamental de la construction de la Nation, alors que les Eeyous d’Eeyou Istchee ont revendiqué de nouveau leur propre gouvernance, comme droit et activité autochtones.

Cependant, la construction de la Nation et, par le fait même, l’autonomie gouvernementale sont des activités continues qui doivent contribuer à développer et à maintenir une société eeyoue fonctionnelle sur les plans économique, social, culturel et politique.

Pour les Eeyous, entre autres buts, la construction de la Nation consiste à maintenir et à développer leur culture et leur identité, à soutenir les institutions autonomes, et à maintenir leurs façons traditionnelles et propres de gagner leur vie, et, ainsi, à déterminer leur mode de vie actuel. Il s’agit de permettre aux gens de faire leurs propres choix en ce qui concerne leur vie et de maintenir des formes appropriées de relations avec leur propre société et les autres sociétés.

Afin de bien comprendre l’évolution de la gouvernance eeyoue par la construction de la Nation, il faut d’abord examiner quel était son état avant la négociation et la signature de la CBJNQ par les gouvernements eeyous et non-eeyous et les autres parties.

La gouvernance eeyoue avant la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi de 1975

Le leadership et la vision manifestés par les Eeyous responsables de conclure les traités ont mené la Nation eeyoue dans son cheminement vers son traité moderne, la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, qui a été signée, le 11 novembre 1975, par des représentants des Eeyous, du Canada et du Québec, entre autres. Ce cheminement de conclusion de traités présente les valeurs et les principes fondamentaux du leadership :

la vision, le renforcement de l’autonomie, l’unité, l’engagement, l’humilité, le respect, la confiance, la participation, la diversité, la créativité, l’intégrité et la communauté. Il s’agit d’un cheminement de leadership visionnaire fondé sur la formation et la clarification de ses propres idées et de ses propres rêves, l’échange de ces idées, la transformation de ces rêves en actions, et l’obtention de l’aide des autres pour concrétiser ces rêves et ces idées. C’est également l’histoire des jeunes de l’époque, qui ont travaillé avec les aînés et les chefs, et certains comme chefs, afin de réaliser la vision et les buts de la Nation. Ce cheminement particulier concerne le renforcement de l’autonomie du peuple, la construction de la Nation et la quête de justice sociale.

Quelle était la vision des responsables de la conclusion des traités et des chefs eeyous au début des années 1970?

Au début des années 1970, la vision des Eeyous consistait en une volonté et un désir profonds de changer leur situation et leur statut économiques, politiques et sociaux, manifestés par l’histoire, l’expérience et l’état du peuple et de la Nation eeyoue de l’époque.

Voici un résumé général et bref de l’état et de la situation sociopolitiques des Eeyous, de leurs administrations et gouvernements locaux, et de leurs relations gouvernementales au début des années 1970, avant la signature de la CBJNQ :

a) La population des Eeyous était d’environ 6000 personnes résidant dans six (6) villages isolés : Poste-de-la-Baleine (actuellement Whapmagoostui), Fort George (les Eeyous de Fort George résident actuellement à Chisasibi, étant donné qu’ils ont été déplacés à la suite d’un aménagement hydroélectrique), Paint Hills (actuellement Wemindji), Eastmain, Rupert’s House (actuellement Waskaganish) et Mistassini (actuellement Mistissini). Les Eeyous de ces villages vivaient dans des abris inadéquats dépourvus d’électricité et des infrastructures convenables pour les systèmes d’aqueduc et d’égouts.

b) Seulement un des six (6) villages isolés eeyous était accessible par route, et les télécommunications se faisaient par radiotéléphone.

c) Seules trois (3) communautés, Mistassini, Waswanipi et Eastmain, étaient des terres allouées à titre de « réserves » établies par la loi provinciale, en vertu d’un arrangement administratif avec le gouvernement fédéral. (Toutefois seuls les Eeyous de Mistassini résidaient dans leur « réserve ». Les Eeyous de Waswanipi n’ont pas eu d’autres choix que d’abandonner le vieux poste de Waswanipi et leur « réserve ». La « réserve » destinée aux Eeyous d’Eastmain était située à l’extérieur du village eeyou d’Eastmain.)

d) Le mode de vie traditionnel basé sur la chasse, la pêche, le trappage et les activités connexes constituait (et demeure encore) une composante essentielle de la culture et de la société eeyoue. Les gouvernements du Canada et du Québec ne reconnaissaient pas les droits des Eeyous de chasser et de pêcher. Ces gouvernements ont édicté et exécuté leurs propres lois et règlements sur la pêche et la chasse dans l’ensemble d’Eeyou Istchee. Par conséquent, un grand nombre d’Eeyous ont été poursuivis pour avoir pratiqué un mode de vie traditionnel basé sur la chasse, la pêche et le trappage.

e) Les Eeyous exécutaient et appliquaient leurs systèmes de gouvernance et régimes fonciers traditionnels, les Eeyous Indoh-hoh Ouje-Maaooch (les maîtres de trappage) gouvernant leurs Indoh-hoh Istchee (leurs terrains de chasse ou de trappage) respectifs.

f) Avant la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et l’édiction ultérieure de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec par le Parlement, la Loi sur les Indiens était la loi la plus importante concernant le gouvernement local des Eeyous. La Loi sur les Indiens a été appliquée aux Eeyous. Ainsi, en vertu de la Loi sur les Indiens, le système juridique d’un régime de gouvernement local très limité et supervisé de près a été imposé aux « bandes » eeyoues. Cette forme élective imposée de gouvernement local a accordé au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (actuellement Affaires autochtones et du Nord Canada) un droit de veto sur les décisions prises par les gouvernements locaux.

g) La Loi sur les Indiens imposée régissait presque tous les aspects importants de la vie des « Indiens » eeyous.

h) À l’exception des Eeyous d’Oujé-Bougoumou, les Eeyous avaient le statut de « bande » sous le régime de la Loi sur les Indiens

i) Les Eeyous de Nemaska, ayant été déplacés du vieux poste de Nemaska, résidaient dans les villages eeyous de Rupert’s House et de Mistassini.

j) Les Eeyous de Waswanipi et d’Oujé-Bougoumou étaient dispersés et résidaient dans de petits campements rudimentaires répartis dans l’ensemble de leurs territoires traditionnels et dans certaines municipalités non-autochtones.

k) Les Eeyous d’Oujé-Bougoumou étaient inscrits, pour des raisons économiques et administratives, comme membres de la bande de Mistassini par le ministère des Affaires indiennes. (Certains Eeyous d’Oujé-Bougoumou résidaient dans le village de Mistassini.)

l) Malgré le régime juridique de la Loi sur les Indiens, les Eeyous ont continué d’appliquer leurs traditions et leurs coutumes aux fins des élections aux conseils de « bande » et du processus de prise de décisions concernant les affaires individuelles ou collectives locales.

m) Principalement par l’intermédiaire de l’ancien ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC), le gouvernement fédéral offrait aux « bandes » eeyoues des programmes et des services d’éducation et de développement communautaire. Le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social assurait la prestation de mesures de santé. Toutefois, ces services et programmes relevaient de l’administration et du contrôle exclusifs du gouvernement fédéral. Souvent, les hauts fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes prenaient des décisions importantes que le chef et le conseil entérinaient automatiquement.

n) Le MAINC a pris le contrôle des structures politiques, de l’administration et la gestion des terres, du développement communautaire, et du développement social et économique des « bandes » eeyoues. Par conséquent, le MAINC contrôlait les questions administratives et gouvernementales locales des Eeyous.

o) Les gouvernements locaux des Eeyous étaient redevables principalement à des organismes et des gouvernements non-eeyous, comme le MAINC, qui leur fournissaient des fonds pour leurs activités. Ces arrangements ont donné lieu à une situation où les gouvernements locaux des Eeyous tenaient davantage compte des organismes externes que des membres de la communauté. De plus, le développement de la capacité de responsabilité politique était freiné par le fait que les décisions clés en matière de programmes et de politiques étaient prises par des fonctionnaires non-eeyous.

p) Les « bandes » eeyoues entretenaient des relations avec le gouvernement fédéral seulement par l’intermédiaire des fonctionnaires du Bureau de district du MAINC. Par conséquent, les « bandes » cries entretenaient rarement des relations directes avec le gouvernement du Canada. En fait, le Bureau de district des Affaires indiennes était le centre des relations entre les « bandes » cries et le gouvernement fédéral.

q) Les « bandes » eeyoues fonctionnaient distinctement les unes des autres, étant donné qu’avant 1974, les Eeyous n’avaient pas encore établi le Grand conseil des Cris du Québec.

r) Le MAINC a mis en œuvre des mesures contractuelles et administratives dans le but de permettre à certaines bandes eeyoues de gérer des programmes et des services fédéraux, tels que la gestion des écoles locales.

s) Dans la plupart des communautés eeyoues, les relations avec le gouvernement du Québec étaient pratiquement inexistantes.

t) On se posait des questions quant à la capacité des « bandes » d’assumer des obligations contractuelles et des responsabilités juridiques, en vertu de la Loi sur les Indiens, à titre de personnes morales ou de personnalités juridiques.

u) Le gouvernement du Québec considérait que le bien-être des « Indiens » eeyous était la responsabilité du gouvernement fédéral et ne fournissait donc pas ou peu de services et de programmes aux Eeyous.

v) Le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec ne reconnaissaient pas les droits des Autochtones. La Constitution du Canada était muette sur la question des droits des Autochtones et des droits issus des traités. Par conséquent, le Canada et le Québec ne reconnaissaient pas le droit des Autochtones à l’autonomie gouvernementale. Les gouvernements fédéral et provincial étaient d’avis que les Autochtones n’avaient pas de droits gouvernementaux autres que ceux que le gouvernement choisissait d’enchâsser dans la Loi ou d’imposer, comme le régime de la Loi sur les Indiens.

w) Les limites et les restrictions imposées à la gouvernance eeyoue par la Loi sur les Indiens et l’organe administratif dominateur du MAINC en sont venus à être considérés comme des instruments et des agents d’intrusion dans les affaires eeyoues.

x) Le développement des ressources, comme le développement hydroélectrique dans les territoires traditionnels et historiques des Cris, est devenu source de questions et de préoccupations de première importance.

y) Les obligations du Québec de régler les revendications territoriales et autres des peuples autochtones au moment où ses frontières ont été étendues en 1898 et en 1912 demeuraient non respectées et en suspens.

Par conséquent, la vision des chefs et des responsables de la négociation des traités eeyous visait à changer la situation des Eeyous et à jeter les bases d’un monde meilleur pour les Eeyous d’Eeyou Istchee par l’édification de la Nation. Les Eeyous voulaient maintenir et protéger le Eeyou Pimaatehsouwin (le mode de vie eeyou) et la Eeyou Eehdou-wun (la culture eeyoue et la façon de faire eeyoue). Les Eeyous voulaient voir leurs droits reconnus et protégés. Ils voulaient maintenir leur mode de vie traditionnel, tout en permettant à ceux qui le souhaitaient de participer à l’économie contemporaine basée sur les salaires. Les Eeyous voulaient contrôler leurs propres affaires, institutions, communautés et gouvernements, autrement dit, avoir leur autonomie gouvernementale. Les Eeyous voulaient le développement économique et communautaire, mais selon leur volonté.

Les Eeyous voulaient avoir le respect et participer au développement et à la gestion des ressources naturelles d’Eeyou Istchee. Les Eeyous voulaient un développement des ressources durable et responsable qui tiendrait compte de leurs préoccupations et de leurs intérêts. Autrement dit, les Eeyous voulaient changer leur situation et rendre leur monde meilleur. Les Eeyous d’Eeyou Istchee partageaient cette vision commune. Cette vision a eu pour effet de les unir en une seule nation avec une seule voix. Cette unité a permis la construction de la Nation et a renforcé et rendu plus autonome la Nation eeyoue. Cependant, les Eeyous ont dû attendre patiemment les circonstances et le moment opportuns pour concrétiser ces changements.

La Convention de la Baie-James et du Nord québécoi de 1975 a découlé de ce qui était initialement l’opposition des Eeyous au complexe hydroélectrique proposé pour Eeyou Istchee. En avril 1971, Québec et Hydro-Québec avaient annoncé le premier grand projet de complexe hydroélectrique sans consulter les Eeyous, sur lesquels le projet proposé aurait un impact profond. Le litige lancé par les Eeyous a débouché, suivant un processus de traité, sur un règlement négocié concernant les droits des Eeyous et le développement des ressources naturelles d’Eeyou Istchee. Pour les Eeyous, le processus de traité était la voie choisie pour faire avancer le processus de construction de la Nation, protéger leurs droits, comme celui de l’autonomie gouvernementale, et redéfinir leurs relations avec le Canada et le Québec.

La Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, ses conventions complémentaires et la gouvernance eeyoue

Les négociations qui ont eu lieu de 1973 à 1975 et qui ont mené à la signature de l’accord de principe (le 15 novembre 1974) et de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi (le 11 novembre 1975) étaient une occasion rare pour les Eeyous d’obtenir la reconnaissance de bénéfices, de garanties et de droits particuliers pour leur mode de vie et leur société distincte, basés sur leur relation spéciale et centrale avec leurs territoires historiques et traditionnels, à savoir Eeyou Istchee. Ces négociations et la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi ont aussi fourni aux Eeyous le moyen de réaliser, dans une certaine mesure, leur vision pour l’amélioration et l’avancement de la gouvernance eeyoue. Cependant, les Eeyous ont vu leurs efforts restreints par l’environnement politique et juridique qui existait dans les années 1970. Ces restrictions ont donné lieu à un traité très complexe et qui laisse perplexe.

Le système juridique de pouvoirs législatifs limités et supervisés des bandes prévu par la Loi sur les Indiens était une entrave à l’exercice adéquat de l’autonomie et du gouvernement locaux. En vertu de la Loi sur les Indiens, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (qui s’appelle actuellement Affaires autochtones et du Nord Canada) avait un droit de désaveu et de veto sur les décisions et les lois du chef et du conseil de chaque communauté eeyoue et des autres communautés des Premières nations du Canada. De plus, la Loi sur les Indiens représentait un obstacle grave au développement économique, étant donné qu’elle ne donnait pas aux bandes le statut de personne morale ayant la capacité d’assumer des contrats et d’autres responsabilités et obligations juridiques. En outre, la Loi sur les Indiens et le ministère des Affaires indiennes du moment en sont venus à être considérés par les Eeyous d’Eeyou Istchee comme des instruments et des agents de domination et d’intrusion dans les affaires eeyoues et la gouvernance eeyoue.

En 1970, les Eeyous ont compris et ils continuent de comprendre que le progrès de l’autonomie gouvernementale, du développement social et économique et de l’éradication des maux sociaux qui les affligent ne peuvent et ne pourraient pas être accomplis à l’intérieur des limites imposées par la Loi sur les Indiens et par l’organe administratif dominateur de l’ancien ministère des Affaires indiennes. Par conséquent, pour les Eeyous, le contrôle étendu et la domination exercés par le gouvernement fédéral sur la société eeyoue par la Loi sur les Indiens et l’ancien ministère des Affaires indiennes sont devenus les catalyseurs du changement dans les relations entre les Eeyous et le gouvernement fédéral.

Ainsi, la Nation eeyoue d’Eeyou Istchee a négocié un changement à ses relations avec le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec grâce aux modalités de la Convention
de la Baie-James et du Nord québécois.

Toutefois, la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi n’a pas marqué la fin des conflits, des différends et des négociations. Elle a plutôt signalé le début d’une interaction continue entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec,

le gouvernement du Canada et Hydro-Québec sur la mise en œuvre de la lettre, du sens et de l’esprit des modalités de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

Cette interaction continue entre les Cris, le Canada et le Québec a souvent donné lieu à des confrontations et des conflits concernant le défaut du Canada et du Québec de respecter leurs engagements, responsabilités et obligations envers les Cris prévus par certaines modalités et dispositions de la CBJNQ qui est un traité des temps modernes ainsi qu’un règlement à l’amiable.

Afin d’améliorer et de faciliter la mise en application de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, les accords suivants ont été conclus :

a) l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et
les Cris du Québec;

b) l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et
les Cris d’Eeyou Istchee;

c) l’Accord-cadre entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James;

d) l’Entente sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James entre les Cris d’Eeyou Istchee et la gouvernement du Québec; et

e) l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada.

La Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et les conventions complémentaires ont changé considérablement et continueront de changer le paysage économique, social et politique d’Eeyou Istchee. Plus particulièrement, entre autres buts, ces accords reconnaissent et promeuvent la gouvernance eeyoue, comme la gouvernance traditionnelle des Eeyous Indoh-hoh Istchee, la gouvernance publique eeyoue, la gouvernance locale eeyoue, la gouvernance de la Nation eeyoue et la gouvernance régionale publique Eeyous-Jamésiens.

La gouvernance traditionnelle des Eeyous Indoh-hoh Istchee – Indoh-hoh Istchee Ouje-Maaooch (le système de gouvernance traditionnel eeyou des terrains de chasse)

Les Eeyous d’Eeyou Istchee se considèrent comme les gardiens, les intendants et les responsables d’Eeyou Istchee. Par conséquent, en tant que nation, les Eeyous ont établi des lois et des coutumes traditionnelles concernant l’utilisation, l’occupation et la gouvernance d’Eeyou Istchee.

En premier lieu, les Eeyous ont établi et mis en application le système des « Indoh-hoh Istchee » dans le cadre du régime foncier eeyou. Les Eeyous ont établi des unités Indoh-hoh Istchee partout dans Eeyou Istchee. (Le système des Indoh-hoh Istchee existait avant celui des terrains de trappage, lequel a été introduit pour la gestion de l’exploitation des animaux à fourrure. En fait, le plan organisationnel du gouvernement du Québec concernant ses réserves de castors et ses terrains de trappage enregistrés reprend certains éléments du système des Eeyous Indoh-hoh Istchee. Par conséquent, il ne faut pas considérer que le système de terrains de trappage enregistrés remplace ou correspond au système des Eeyous Indoh-hoh Istchee. Le système de terrains de trappage enregistrés est un outil pour la gestion des animaux à fourrure par le gouvernement du Québec. Avant la signature de la CBJNQ, les terrains de trappage enregistrés faisaient l’objet de licences sous le régime des lois du Québec régissant la chasse et la pêche.)

La CBJNQ reconnaît la continuité du système des « terrains de trappage cris ». Le système des « Indoh-hoh Istchee » des Eeyous est le système des « terrains de trappage cris » envisagé par la CBJNQ. En fait, l’alinéa 24.1.9 du paragraphe 24.1 de l’article 24 de la CBJNQ définit un terrain de trappage cri comme « tout endroit où les activités relatives à l’exploitation sont menées traditionnellement sous la surveillance d’un “maître de trappage cri” ».2 Les terrains de trappage cris envisagés par la Convention sont censés correspondre aux Indoh-hoh Istchee définis et établis par les lois et les coutumes traditionnelles des Eeyous. Actuellement, on compte plus de trois cents (300) Indoh-hoh Istchee dans l’ensemble d’Eeyou Istchee.

En deuxième lieu, afin de permettre l’exercice de la gouvernance et de l’autorité sur chaque Indoh-hoh Istchee, les Eeyous ont établi et mis en application le système des Indo-hoh Istchee Ouje-Maaooch ou Indoh-hoh Ouje-Maaooch (ci-après appelés Indoh-hoh Ouje-Maaoo). Les Indoh-hoh Ouje-Maaoo sont généralement appelés « maîtres de trappage » dans la CBJNQ.

L’alinéa 24.1.8 du paragraphe 24.1 de l’article 24 de la CBJNQ définit un maître de trappage cri comme « tout Cri reconnu par une communauté crie comme le responsable de la surveillance des activités relatives à l’exploitation dans un terrain de trappage cri ».3

Toutefois, selon les lois et les coutumes traditionnelles, le Indoh-hoh Ouje-Maaoo a des responsabilités qui dépassent les rôles et les fonctions de surveillance. En général, le Indoh-hoh Ouje-Maaoo a l’autorité et la responsabilité de l’intendance et la garde adéquates du Indoh-hoh Istchee. En vertu des lois et des coutumes traditionnelles, les tâches et les responsabilités du Indoh-hoh Ouje-Maaoo comprennent, sans se limiter à ce qui suit :

a) la gestion et la conservation de la faune et des autres ressources naturelles;

b) le contrôle de l’accès au Indoh-hoh Istchee (le consentement, la permission et l’autorisation du Indoh-hoh Ouje-Maaoo responsable sont nécessaires);

c) la détermination de la délimitation du Indoh-hoh Istchee;

d) le règlement des différends territoriaux concernant les limites du Indoh-hoh Istchee;

e) le maintien de l’intégrité territoriale du Indoh-hoh Istchee;

f) la détermination des noms des endroits et des emplacements sur le Indoh-hoh Istchee;

g) le transfert de parties ou de l’intégralité du Indoh-hoh Istchee par accord ou legs;

h) le partage de l’histoire, de l’information et du savoir traditionnel;

i) le respect, la conservation et la transmission de l’Eeyou Eedouwun (la façon eeyoue de faire les choses);

j) le partage des ressources fauniques pour assurer la survie

k) l’application et l’exécution des règles et des pratiques coutumières relatives à la vie et aux activités sur le Indoh-hoh Istchee;

l) la représentation politique.

Les Weenbekou Eeyou (les Eeyous de la côte) ont établi le système des Paasd-heejeh Ouje-Maaooch expressément aux fins de la gestion de la chasse à l’oie sur leur Indoh-hoh Istchee respectif. Le Paasd-heejeh Ouje-Maaoo est généralement le même Eeyou qui joue le rôle de Indoh-hoh Ouje-Maaoo ou Indoho Istchee Ouje-Maaoo.

De plus, par leurs lois et leurs coutumes traditionnelles, les Eeyous ont établi des règles et des pratiques pour un code de conduite visant les activités dans l’ensemble d’Eeyou Istchee et sur chaque Indoh-hoh Istchee.

L’article 30 (intitulé « Programme de sécurité du revenu relatif aux chasseurs et aux trappeurs cris ») de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et le chapitre 3 (intitulé « Foresterie ») de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec renforcent l’autorité des Indoh-hoh Ouje-Maaoo. Dans le cadre du Programme de sécurité du revenu, le statut d’un Indoh-hoh Istchee comme territoire d’exploitation rapproché ou éloigné peut seulement être changé avec la collaboration du

Indoh-hoh Ouje-Maaoo responsable. De plus, en vertu des modalités de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec, les Indoh-hoh Istchee doivent être utilisés comme base pour la délimitation des unités de référence territoriales pour la gestion du régime forestier adapté. Les sites d’intérêt spécial pour les Eeyous doivent être identifiés et cartographiés par les Eeyous en collaboration avec le Québec. Il est interdit de réaliser des activités de gestion forestière dans ces zones sans l’autorisation du Indoh-hoh Ouje-Maaoo.

Gouvernance de conseil, gouvernance publique et régimes de cogestion

La Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et les conventions complémentaires prévoient ou envisagent la création de personnes morales et de personnes juridiques régionales. Par ces entités juridiques, les Eeyous d’Eeyou Istchee exercent une gouvernance de conseil, puisqu’elles sont régies par un conseil d’administration ou un organe semblable.

Dans plusieurs cas où ces entités assurent l’exécution de programmes et la prestation de services par l’intermédiaire des entités principales, comme l’Administration régionale crie, la Commission scolaire crie et le Conseil Cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James, les Eeyous exercent depuis un certain temps et continuent d’exercer une forme d’administration autonome des programmes et services gouvernementaux. De plus, par la Commission scolaire crie et le Conseil Cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James, les Eeyous d’Eeyou Istchee exercent une forme de gouvernance publique sur les questions relevant de leurs compétences et de leurs responsabilités.

Les Eeyous participent également à des régimes de cogestion avec le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada par l’intermédiaire des entités ou des organes créés par la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et les conventions complémentaires. Ces entités sont généralement des organes consultatifs pour les autorités gouvernementales eeyoues, provinciales et fédérales.

De surcroît, dans certains cas, les Eeyous d’Eeyou Istchee exercent une forme de cogestion des fonds, des programmes et des projets avec Hydro-Québec par l’intermédiaire des entités envisagées par la CBJNQ et les conventions complémentaires.

Afin de renforcer la gouvernance eeyoue et de concrétiser l’idée d’un nouveau partenariat et d’une relation redéfinie entre les Eeyous d’Eeyou Istchee et les gouvernements du Canada et du Québec, les institutions principales ci-dessous ont été établies par les dispositions législatives édictées et les accords conclus conformément aux modalités de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et des conventions complémentaires :

1) La Commission scolaire crie, qui, grâce à ses pouvoirs spéciaux et uniques, et sous le contrôle des Eeyous d’Eeyou Istchee, est responsable et a compétence sur les études primaires, secondaires et postsecondaires, et l’éducation des adultes pour les résidents des communautés eeyoues. La Commission scolaire crie joue un rôle important dans la préservation de la culture eeyoue et le développement et la mise en œuvre de l’enseignement de la langue eeyoue..

2) Le Conseil Cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James, qui, sous le contrôle des Eeyous d’Eeyou Istchee, est responsable et a compétence sur l’administration des services sociaux et de santé appropriés pour toutes les personnes résidant ordinairement ou étant présentes temporairement dans les communautés eeyoues.

3) Le Comité mixte de chasse, de pêche et de piégeage, qui, composé de membres des parties gouvernementales et autochtones, a été mis sur pied comme organe consultatif auprès des gouvernements responsables et qui, à ce titre, devait servir de forum privilégié et exclusif aux Cris, aux Naskapis, aux Inuits et aux gouvernements

pour établir conjointement des règlements et superviser l’administration et la gestion du régime de chasse, de pêche et de trappage établi en vertu et conformément à l’article 24 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

4) Le Comité consultatif pour l’environnement de la Baie-James, dont les membres sont nommés par l’Administration régionale crie et les gouvernements provincial et fédéral, et qui a été mis sur pied pour examiner et superviser l’administration et la gestion du régime de protection de l’environnement et du milieu social établi en vertu et conformément à l’article 22 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

5) Les Cris se sont vu accorder un statut spécial et une participation spéciale aux divers mécanismes, comme les comités d’examen et d’évaluation qui ont été mis sur pied pour l’étude et l’évaluation des impacts sur l’environnement et le milieu social des projets de développement proposés pour le territoire envisagé par la Convention.

6) De plus, l’article 28 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi envisage l’établissement de l’Association des trappeurs cris, de l’Association crie de pourvoirie et de tourisme et de l’Association crie d’artisanat autochtone..

7) Le Indoo-Who Shoo-Yan Oujemaoch (l’Office de la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs Cris) est responsable de l’administration du Programme de sécurité du revenu relatif aux chasseurs et aux trappeurs cris établi en vertu et conformément à l’article 30 (intitulé « Programme de sécurité du revenu relatif aux chasseurs et aux trappeurs cris ») de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi. L’Administration régionale crie et le gouvernement du Québec nomment chacun trois (3) membres de l’Office de la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs Cris.

De surcroît, l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec et ses conventions accessoires établissent ou envisagent la création des organes ou personnes juridiques principaux suivants :

1) La Société de développement crie (SDC) sera établie avec une mission et des pouvoirs pour le développement économique et communautaire des Cris de la Baie-James.

2) La Fondation de la Société en Commandite Eenou-Eeyou est le bénéficiaire de financement envisagé dans l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec.

3) Le Conseil Cris/Québec sur la foresterie est mis sur pied dans le but de permettre une consultation étroite avec les Cris aux diverses étapes de la planification et de la gestion des activités de gestion forestière, afin de mettre en œuvre le régime forestier adapté.

4) Le Conseil sur l’exploration minérale est établi pour aider les Cris à accéder et à participer aux possibilités et aux activités d’exploration minérale.

5) Le Comité de liaison permanent est établi pour servir de forum permanent d’échange et de coordination entre les Cris et le Québec, afin de renforcer leurs relations sociales, économiques et politiques, d’assurer la mise en œuvre efficiente et harmonieuse de l’Entente concernant une nouvelle relation et de régler toutes autres questions liées à la mise en application de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

6) Le Comité de règlement des différends (GCC(EI)-ARC/HQ-SEBJ) est mis sur pied par la Convention relative aux différends et à un comité de règlement des différends et a pour mandat de tenter de résoudre l’ensemble des différends opposant les Cris à HQ/SEBJ.

Pour le développement économique, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont établi les entreprises et les sociétés principales suivantes :

1) Cree Regional Economic Enterprises (CREECO),

2) Valpiro,

3) Petronor (CreeEnergy),

4) AirCreebec,

5) La Compagnie de Construction et de Développement Crie ltée.

Pour le développement culturel et social, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont établi les entités et les sociétés principales suivantes :

1) le Conseil des aînés,

2) le Conseil des jeunes de la Nation crie,

3) l’Association des femmes autochtones crie,

4) le Centre d’éducation culturelle eeyou de la Baie-James,

5) la Société des communications cries de la Baie-James,

6) le Centre Aanischaaukamikw (l’Institut culturel cri),

7) le Centre d’amitié autochtone cri de Chibougamau.

De plus, les Premières nations eeyoues locales et leurs gouvernements respectifs ont établi d’autres sociétés et personnes juridiques pour le développement économique. À titre d’exemple, mentionnons Mistuk (Waswanipi), Tawich (Wemindji), la Wabannutao Eeyou Development Corporation (Eastmain) et Chisasibi Enterprises Reg’d (Chisasibi).

Gouvernement local eeyou

En vertu des modalités et dispositions de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, Eeyou Istchee a été divisé en trois (3) catégories de terres. Les terres de la catégorie IA, relevant de la compétence fédérale, et de la catégorie 1B, relevant de la compétence provinciale, ont été mises de côté à l’usage et aux bénéfices exclusifs des Cris, et sous l’administration et le contrôle des gouvernements locaux cris.

Conformément aux obligations du gouvernement fédéral envers les Eeyous en vertu de la CBJNQ, une loi fédérale spéciale, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, édictée par le Parlement et sanctionnée le 14 juin 1984, prévoit un système efficace et ordonné de gouvernement local cri et naskapi, et l’administration, la gestion et le contrôle des terres communautaires locales par les Premières nations naskapies et cries, respectivement. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec remplace la Loi sur les Indiens pour la Nation crie d’Eeyou Istchee et la Nation naskapie de Kawawachikamach. Au cours des négociations qui ont mené à la signature de la CBJNQ, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont rejeté le régime de gouvernement local imposé, supervisé et limité de la Loi sur les Indiens. Par conséquent, sauf pour déterminer quels bénéficiaires cris et naskapis sont des « Indiens » au sens de la Loi sur les Indiens, cette Loi ne s’applique pas aux Premières nations naskapies et cries, ni ne s’applique sur ou à l’égard de leurs terres communautaires.

De surcroît, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec établit la Commission Crie-Naskapie, en lui donnant le mandat de présenter un rapport biennal sur la mise en application de ladite Loi et les questions connexes. À ce jour, conformément à son mandat, la Commission Crie-Naskapie a produit, au total, quinze (15) rapports biennaux et les a présentés au ministre des Affaires indiennes, qui dépose chaque rapport devant chaque Chambre du Parlement. Les constatations et les recommandations de la Commission Crie-Naskapie concernent les questions et les préoccupations des communautés cries et naskapies, la mise en application de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Convention du Nord-Est québécois, et l’exécution de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Plus particulièrement, la Commission a recommandé l’apport de modifications pertinentes à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, afin d’améliorer et de faire avancer le gouvernement local eeyou. Cependant, à ce jour, la Loi n’a pas été modifiée pour améliorer et faire avancer l’administration et le gouvernement locaux eeyous comme l’avait recommandé la Commission. Par conséquent, depuis son édiction par le Parlement du Canada il y a trente-quatre (34) ans, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec demeure un instrument immuable, inflexible et rigide, étant donné qu’elle n’évolue pas en fonction des réalités et des dynamiques changeantes du gouvernement local eeyou.

Ainsi, les Eeyous d’Eeyou Istchee n’ont pas encore réalisé ou atteint le plein potentiel du gouvernement local eeyou, dont la nature est dynamique et évolutive.
L’application adéquate de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec présente des difficultés pour toutes les parties concernées, et cette Loi n’a pas encore été appliquée ou modifiée adéquatement ou en conformité avec la lettre et l’esprit de la CBJNQ, ou les besoins et les D’abord et avant tout, pour un gouvernement local efficace, il faut une base économique saine.
À cet égard, les Cris et le gouvernement du Canada ont conclu un accord concernant un mécanisme pour le financement de l’administration et du gouvernement locaux cris et l’administration régionale crie de certains services et programmes. Toutefois, le gouvernement du Canada insiste sur des accords de financement qui ne tiennent pas compte des réalités et des besoins changeants liés à l’autonomie gouvernementale des Eeyous. Ces accords de financement sont souvent assortis de conditions sous forme de contraintes politiques ultérieures.

La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec crée des sociétés de bandes ayant pour mandat de servir d’autorités gouvernementales locales. Sous le régime de la loi traditionnelle, les Eeyous ou la Nation eeyoue constituent une autorité autonome actuelle, traditionnelle et historique. Les Eeyous se considèrent comme l’autorité traditionnelle et historique pour l’exercice de l’autonomie gouvernementale. En pratique, le Canada délègue ce pouvoir aux

sociétés de bandes en vertu de lois fédérales. Pour les Eeyous, le droit inhérent d’autonomie gouvernementale eeyoue ne devrait pas découler de l’autorité fédérale. En fait, les communautés cries se désignent elles-mêmes par l’appellation Eeyou / Eenou ou comme Premières nations, et non comme bandes ou sociétés de bandes.

Malgré le fait que la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec découle de traités, les Eeyous subissent toujours les répercussions des lois du Parlement et des caprices des fonctionnaires fédéraux dans l’interprétation et l’application des lois. Par conséquent, le gouvernement du Canada contrôle le processus et les résultats, afin de s’assurer que l’exercice du droit à l’autonomie gouvernementale dépend de son consentement. Cet arrangement particulier a tendance à obliger les Eeyous à établir des structures de gouvernance à l’image des lois fédérales et à composer avec ces structures par la suite. Toutefois, par définition, le droit inhérent des Eeyous à l’autonomie gouvernementale est un droit antérieur à l’autorité des gouvernements fédéral et provincial, et qui devrait exister indépendamment des programmes et des politiques de ces gouvernements non-eeyous.

Pour ce qui est des administrations municipales eeyoues, en vertu du chapitre 10 (intitulé « Administration locale Crie (catégorie IB) ») de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, des conseils municipaux et des corporations de villages cris ont été établis par des lois provinciales pour l’administration et le contrôle des terres de la catégorie 1B qui n’étaient pas et ne sont encore pas habitées par des peuples. De plus, les administrations municipales eeyoues exercent un pouvoir législatif sur les terres des catégories II et III, à l’égard des personnes autorisées à chasser et à pêcher et sur les conditions de la chasse commerciale sur ces terres. Les terres de la catégorie IB sont des municipalités administrées par des conseils municipaux eeyous qui ne bénéficient pas de fonds pour agir comme administrations municipales. C’est là un obstacle à la gouvernance eeyoue.

Malgré le régime juridique de gouvernement local de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et les autres pouvoirs et responsabilités des Eeyous en matière de gouvernance sous le régime de la CBJNQ et des conventions complémentaires, et des lois ultérieures, les Eeyous continuent d’intégrer leurs coutumes, leurs traditions et leurs lois à l’exercice et à la pratique du gouvernement local et de la gouvernance de la Nation eeyoue. Ainsi, la CBJNQ et les conventions complémentaires, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et les autres lois habilitantes du Québec et du Canada ne constituent pas la seule source du droit inhérent d’autogouvernance des Eeyous.

En général, les pouvoirs de gouvernance eeyous découlent également de pratiques de longue date basées sur les coutumes, les traditions et les lois eeyoues.

Gouvernance de la Nation eeyoue

Selon le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones de novembre 1996,
le gouvernement de la nation est défini par les caractéristiques clés suivantes :

a) un territoire propre identifiable composé des terres et des ressources de la nation;

b) la citoyenneté dans la nation dans son ensemble;

c) la présence de résidents non-autochtones sur les terres de la nation et la protection
de leurs droits;

d) l’exercice de pouvoirs gouvernementaux dans une gamme complète de compétences et, selon la structure interne du gouvernement de la nation, possiblement par unités de gouvernement au niveau de la tribu, de la région ou de la communauté;

e) la possibilité d’une ou de plusieurs unités de gouvernement dans la nation, ayant une organisation centrale ou fédérale;

f) des procédures gouvernementales internes qui varient d’une nation à l’autre et qui s’appuient sur les traditions de chaque nation;

g) la possibilité d’expansions ou de composantes urbaines du gouvernement de la nation, y compris des compétences extraterritoriales et des institutions urbaines;

h) la possibilité de relations avec d’autres gouvernements autochtones par l’intermédiaire d’associations inter-nations, comme les confédérations, les associations de traités et les associations provinciales ou panprovinciales.4

Il est clair que la gouvernance Eeyou/Eenou présente ces caractéristiques clés du gouvernement de la nation.

En plus du système traditionnel eeyou de gouvernance des Indo-hoh Istchee, il existe actuellement deux ordres de gouvernement à l’intérieur de la Nation eeyoue : le gouvernement local eeyou et le Eeyou Tapaytahchehsou. (Ce serait une erreur de penser que l’expression « Eeyou Tapaytahchehsou » désigne exclusivement l’Administration régionale crie, étant donné que les Eeyous considèrent le Chisa-Oujemaakan (le grand chef) et le Katach-skouwat Chisa-Oujemaakan (le vice-grand chef) du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) et les Oujemaakanch (les chefs eeyous des communautés locales) comme le Eeyou Ouje-Maaooch et, collectivement, comme le Eeyou Tapaytahchehsou.)

Étant donné que la Nation eeyoue est l’autorité de gouvernance historique et traditionnelle, les Eeyous d’Eeyou Istchee exercent la gouvernance à un niveau national, qui dépasse la gouvernance de conseil, la gouvernance publique et l’administration autonome de programmes et de services. Bien que le « gouvernement de la Nation » n’avait pas encore été constitué sous

le régime des lois contemporaines, les Eeyous d’Eeyou Istchee considèrent le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee)/ Administration régionale crie (GCCEI/ARC) comme une forme de gouvernement de la Nation.

Le règlement no 13 du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee), adopté lors d’une réunion spéciale du conseil d’administration du Grand conseil tenue à Val-d’Or, Québec, le 19 juin 1996, et sanctionné par les membres de l’Assemblée générale annuelle tenue à Waswanipi le 26 juin 1996, indique que la Corporation a pour mandat d’agir comme conseil régional et gouvernement régional. Il est donc clair que les Eeyous considèrent le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee)/ Administration régionale crie comme une forme de gouvernement régional eeyou.

Le Grand conseil des Cris du Québec a été établi par les Eeyous d’Eeyou Istchee en août 1974 comme organisation politique et constitué en personne morale conformément aux lois fédérales. C’était d’abord un organe qui représentait la Nation crie pour la protection des droits et des intérêts des Eeyous. Par conséquent, le Grand conseil des Cris du Québec a représenté les Eeyous d’Eeyou Istchee dans les négociations qui ont mené à la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec et les autres conventions connexes. (Il est important de souligner que le Grand conseil des Cris a été établi conformément à la volonté expresse des Eeyous et n’a pas été créé par la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.) En plus de chaque gouvernement local eeyou, le Grand conseil a représenté la Nation eeyoue dans les litiges visant à protéger les droits et les intérêts des Eeyous. Toutefois, les Eeyous revendiquent leur gouvernance en invoquant la Nation eeyoue, étant donné qu’elle constitue l’autorité historique et traditionnelle pour l’exercice de leur autonomie gouvernementale. Par conséquent, le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) exerce une forme de gouvernance nationale eeyoue pour et par les Eeyous d’Eeyou Istchee. Bien que le Grand conseil exerce une gouvernance de conseil sous le régime des lois contemporaines, il exerce une gouvernance de nation sous le régime de la loi eeyoue. Après tout, les décisions prises par le grand chef, le vice-grand chef et les chefs eeyous ensemble ont des répercussions sur tous les membres de la Nation eeyoue. De plus, le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) négocie et conclut des traités de nation à nation, et entretient des relations avec les autres nations. À cet égard, le GCCEI est une partie au Treaty Alliance of North American Aboriginal Nations signé à Oujé-Bougoumou, Eeyou Istchee, le 6 juillet 1986. À titre de parties à ce traité, « les nations autochtones de l’Amérique du Nord ont réaffirmé leur désir de vivre en paix avec les autres peuples et gouvernements, ont déclaré leur détermination à protéger et à préserver leurs peuples, leurs terres, leurs ressources, leurs patrimoines et leurs cultures, et ont convenu d’unir leurs efforts d’autoassistance et d’autodéfense par une aide et une assistance mutuelles ».

De plus, le grand chef/président et le vice-grand chef/vice-président du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee)/Administration régionale crie sont élus par les électeurs eeyous d’Eeyou Istchee. Les chefs sont élus par les électeurs eeyous de leurs communautés respectives. Par conséquent, le grand chef, le vice-grand chef et les Eeyou/Eenou Ouje-Maakanch (chefs eeyous) forment le Eeyou/Eenou Ouje-Maaooch en tant que représentants et dirigeants élus pour la gouvernance de la Nation eeyoue. En fait, le « conseil » du GCCEI est appelé Grand conseil ou Eeyou Tapay-tah-jeh-sou.

En outre, représentant la Nation eeyoue d’Eeyou Istchee, le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) a établi et maintient une ambassade crie à Ottawa, la capitale du Canada. Le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) entretient également des relations internationales et est actif dans la communauté internationale.

Depuis l’établissement du Grand conseil des Cris, les Eeyous forment une nation plus forte et ont bénéficié de progrès et de réalisations. À cet égard, l’unité des Eeyous, en tant qu’une seule nation et une seule voix, est un facteur important et fondamental. Il ne faut pas oublier que le nom du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) dans la langue eeyoue, à savoir « Weenbaooch Nochemeweoch Ahnadamadooch », signifie « les Eeyous de la côte et de l’intérieur qui s’entraident ».

L’Administration régionale crie, sous le contrôle des Eeyous, a été établie par loi provinciale pour l’administration des programmes et des services, et l’administration des fonds d’indemnisation payables aux Cris en vertu des modalités de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi. Le Bureau de l’indemnité assure la gestion des fonds d’indemnisation. L’Administration régionale crie s’occupe principalement de l’administration et de l’exécution des programmes et de la prestation des services pour les communautés eeyoues. Par

l’intermédiaire de l’Administration régionale crie, les Eeyous assurent l’administration autonome des programmes et services gouvernementaux. Dans une certaine mesure, l’administration autonome des programmes et services gouvernementaux a eu une incidence sur le principe de la responsabilité des autorités eeyoues envers les Eeyous, étant donné que ces programmes sont financés par des gouvernements non-eeyous qui ont des exigences élevées concernant la responsabilité envers le ministère gouvernemental chargé du financement à l’égard de la dépense de fonds publics.

L’Administration régionale crie (ARC) ou son successeur est la « partie autochtone » pour les Eeyous à la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi. Par conséquent, le consentement des Eeyous à toutes modifications à la CBJNQ les touchant doit être obtenu par l’intermédiaire de l’Administration régionale crie. Donc, au nom des Eeyous d’Eeyou Istchee, l’ARC est le signataire de toutes les conventions complémentaires de la CBJNQ de ce genre.

L’Administration régionale crie nomme ses représentants ou membres aux divers organes créés
par la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et les conventions complémentaires.

De plus, elle est chargée de certaines responsabilités financières en vertu des Ententes concernant une nouvelle relation. Il est clair que, dans certains cas, l’Administration régionale crie agit en tant que « gouvernement » pour les Eeyous d’Eeyou Istchee.

De surcroît, il ne faut pas oublier la crise de leadership du début des années 1980, où les Eeyous avaient deux chefs : le grand chef du GCCQ et le président de l’ARC. On a convoqué une assemblée spéciale pour régler la question du leadership. Lors de cette assemblée, on a décidé de rendre le leadership et la participation au conseil de l’ARC équivalents à ceux du GCCQ, qui est demeuré l’autorité principale. Par conséquent, le grand chef et le chef principal (actuellement le vice-grand chef) du GCCEI occupaient, respectivement, les postes de président et de vice-président de l’ARC. Les membres de l’exécutif du GCCEI sont devenus les membres du comité exécutif de l’ARC. De plus, les membres du conseil d’administration du GCCEI sont devenus les membres du conseil de l’ARC. En pratique, les deux principales autorités régionales eeyoues en sont venues à être désignées par l’appellation suivante : Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee)/Administration régionale crie. Donc il n’est pas concevable de séparer ou d’exclure le système hiérarchique actuel du leadership des Eeyous de toute évolution d’un gouvernement de la Nation eeyoue. Il est possible de faire progresser encore davantage cette gouvernance de la Nation par un processus dans lequel le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee)/Administration régionale crie évoluerait pour devenir la principale autorité du gouvernement de la Nation eeyoue. Quoi qu’il en soit, cette évolution semble être la tendance actuelle et l’orientation du Eeyou Tapay-tah-jeh-souwin, compte tenu de l’exercice et de la pratique passés et actuels de la gouvernance eeyoue par les Eeyous d’Eeyou Istchee.

Les Eeyous d’Eeyou Istchee ont une compétence législative et un système judiciaire eeyou. (L’élaboration et la mise en œuvre du système eeyou des Indoh-hoh Istchee sont le résultat direct de l’application du système judiciaire eeyou et de l’exercice de la compétence législative eeyoue.) En tant qu’autorité historique et traditionnelle dans l’exercice de la gouvernance, les

Eeyous ont établi et continuent d’établir des lois coutumières et d’autres lois eeyoues, qui peuvent évoluer et prendre une forme moderne. Cette évolution des pratiques et des processus traditionnels ou coutumiers eeyous est une manifestation de la volonté et de la souveraineté du peuple exercés par le processus décisionnel de la Nation eeyoue.

L’inclusion d’Eeyous ou de bénéficiaires de la CBJNQ comme membres du GCCEI/ARC est un autre facteur déterminant pour la gouvernance de la Nation eeyoue. Les autres principales entités, comme la Commission scolaire crie et le Conseil cri de la santé, n’ont pas ce statut de membre. (La Commission scolaire crie est une commission scolaire régie par la Loi sur l’instruction publique et le Conseil cri de la santé exerce des pouvoirs et des fonctions de conseil régional au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.) Toutefois, ces principales autorités régionales eeyoues jouent un rôle important dans l’exercice du contrôle eeyou sur l’éducation, la santé et les services sociaux dans Eeyou Istchee.

Agissant dans l’unité et en tant qu’une seule nation par l’intermédiaire du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee)/Administration régionale crie, les Eeyous peuvent faire progresser encore davantage l’évolution de la gouvernance de la Nation eeyoue (et la gouvernance locale) par la mise en application appropriée de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec, de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee, de l’Accord-cadre entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James et de l’Entente sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec et l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada.

Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec

Le 7 février 2002, à Waskaganish, Eeyou Istchee, le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee)/Administration régionale crie et le gouvernement du Québec ont signé l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec (ci-après appelée Entente concernant une nouvelle relation). L’Entente concernant une nouvelle relation a été approuvée par les Eeyous dans le cadre de référendums locaux tenus par les Eeyous d’Eeyou Istchee.

Le Québec et les Eeyous d’Eeyou Istchee ont conclu un accord de nation à nation qui promet de renforcer les relations sociales, économiques et politiques entre le Québec et les Cris.

L’Entente concernant une nouvelle relation marque une étape importante dans une nouvelle relation de nation à nation fondée sur l’ouverture, le respect mutuel et une responsabilisation accrue de la Nation crie à l’égard de son propre développement dans le contexte d’une plus grande autonomie.

L’Entente reconnaît le droit important des Eeyous de tirer profit du développement des ressources d’Eeyou Istchee. Pour la première fois au Canada, on reconnaît le droit des peuples autochtones de tirer profit du développement des ressources sur leurs propres terres.

Voici les buts de l’Entente concernant une nouvelle relation :

1) L’établissement d’une nouvelle relation de nation à nation.

2) Une responsabilisation accrue de la Nation crie par rapport à son développement économique et communautaire.

3) L’établissement de moyens afin de permettre aux parties de travailler ensemble à la mise en valeur des ressources minières, forestières et hydroélectriques sur le Territoire.

4) Le règlement, dont quittance des dispositions contenues dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi relatives au développement économique et communautaire des Eeyouch.

5) Le règlement ou le désistement de certains litiges.

6) Le consentement des Eeyous à la réalisation du Projet Eastmain 1-A/Rupert.

7) La facilitation de la construction du Projet EM-1. (Le Projet Eastmain 1-A/Rupert et le Projet EM-1 sont des projets de complexes hydroélectriques qui seront construits conformément aux modalités de l’Entente; particulièrement, en ce qui concerne le développement économique des et par les Eeyous. Ces projets représentent des expansions au projet de complexe hydroélectrique existant désigné par l’appellation « Complexe La Grande (1975) » dans l’article 8 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi).5

Pour la période de cinquante (50) ans à compter du 1er avril 2002, les Eeyous assument les obligations du Québec concernant le développement économique et communautaire en vertu de certaines dispositions de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi

Pour la période allant du 1er avril 2002 au 31 mars 2052, le Québec versera aux Eeyous d’Eeyou Istchee un montant annuel, afin que les Eeyous puissent assumer, pour cette période, les obligations du Québec, d’Hydro-Québec et de la Société d’énergie de la Baie-James envers les Cris en vertu de certaines dispositions de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi concernant le développement économique et communautaire.

La prise en charge de ces obligations par les Eeyous pour le développement économique et communautaire des Eeyous avec les paiements annuels du Québec contribuera certainement à faire progresser la gouvernance eeyoue, étant donné que les autorités et les gouvernements locaux et régionaux eeyous détermineront et contrôleront le développement économique et communautaire.

Les autorités dirigeantes eeyoues exerceront les pouvoirs et les compétences pour le développement économique et communautaire des collectivités eeyoues. En fait, et plus particulièrement au cours des trois (3) dernières décennies, les gouvernements eeyous ont exercé ces pouvoirs et ces compétences pour le développement économique et communautaire. L’Entente concernant une nouvelle relation facilite et simplifie l’exercice de ces pouvoirs et de ces compétences en ce qui concerne les relations entre les Eeyous et le Québec.

L’Entente concernant une nouvelle relation fait allusion à des accords distincts entre le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) et Hydro-Québec. Ces accords distincts promettent de promouvoir et de faciliter la participation des Eeyous au développement hydroélectrique dans Eeyou Istchee par des partenariats, des emplois et des contrats.

Le gouvernement du Québec a entrepris la promotion et la facilitation de la participation des Eeyous au développement d’autres ressources naturelles, comme l’exploitation minière et la foresterie. Cette participation des Eeyous était prévue dans la CBJNQ, mais n’a pas été mise
en œuvre.

Les Eeyous d’Eeyou Istchee ont consenti à suspendre leurs poursuites contre le gouvernement
du Québec à l’égard de questions qui seront réglées par l’Entente concernant une nouvelle relation. En fait, le gouvernement du Québec salue l’Entente concernant une nouvelle relation comme la « Paix des braves ».

Toutefois, les Eeyous d’Eeyou Istchee doivent adopter et mettre en application une approche prudente et éveillée pour la mise en application adéquate de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec. Après tout, une relation de nation à nation pacifique, bénéfique et efficace ne signifie pas seulement l’absence de conflit, mais également, et surtout, la présence de justice sociale.

L’Entente concernant une nouvelle relation n’a pas de répercussions sur les obligations du Canada envers les Eeyous, y compris celles stipulées dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi. Dans des circonstances semblables et à des fins analogues, le Grand conseil des cris (Eeyou Istchee)/Administration régionale crie et le gouvernement du Canada ont signé l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee.

Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee

Istchee)/Administration régionale crie et le gouvernement du Canada ont signé l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee. Le paragraphe 2.1 du chapitre 2 de cette entente stipule les principaux buts suivants :

a) Établir la base d’une nouvelle relation entre le Canada et la Nation crie.

b) Améliorer la mise en œuvre de la CBJNQ et prévoir la modification de certaines
de ses dispositions.

c) Engager le Canada à recommander au Parlement des modifications à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

d) Prévoir le processus pour la négociation d’une entente et de la législation afférente concernant un gouvernement de la Nation crie disposant de pouvoirs et de compétences allant au-delà de la portée de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et de modifications corrélatives à la CBJNQ et à la LCNQ. (En cas de succès, ces négociations élargiraient la gouvernance de la Nation crie au-delà des pouvoirs prévus par la LCNQ, en établissant les structures et les pouvoirs d’un gouvernement de la Nation crie et les relations de ce gouvernement avec les bandes cries et les gouvernements provincial et fédéral.)

e) Prévoir la prise en charge par l’ARC et, subséquemment, par le gouvernement de la Nation crie, de certaines responsabilités du Canada en vertu de la CBJNQ pour la durée de la présente Entente.

f) Résoudre les revendications, griefs et autres questions entre le Canada, le GCC(EI), l’ARC ou une ou plusieurs bandes cries, de la façon établie dans la présente Entente.

g) Résoudre des conflits entre la Nation crie et le Canada concernant certaines des responsabilités du Canada en vertu de la CBJNQ par la résolution, autant que possible, d’actions en justice, et de prévoir un cadre pour la résolution des questions qui pourraient être soulevées ultérieurement.6

Le chapitre 3 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee établit l’intention du Canada et des Cris de faire en sorte que le Canada reconnaisse l’ARC et la dote des outils nécessaires pour agir comme gouvernement régional et, également, l’intention de développer davantage le gouvernement de la Nation crie à une phase ultérieure des négociations.

De plus, en vertu de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee, le Canada s’est engagé à chercher à obtenir des modifications à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (LCNQ), afin de réaliser les objectifs suivants :

1. Permettre à l’Administration régionale crie de prendre en charge et d’exécuter les responsabilités fédérales qu’elle a assumées aux termes de l’Entente.

2. Doter l’Administration régionale crie de pouvoirs réglementaires semblables à ceux des bandes cries sous le régime de la LCNQ.

3. Élargir la gouvernance de la Nation crie au-delà de la portée de la LCNQ. (Ce dernier objectif dépend du succès des négociations entre les Cris et le Canada devant mener à un accord de gouvernance, une loi sur la gouvernance et des modifications possibles à la CBJNQ et à la LCNQ.)

Le projet de loi C-28 : Loi modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a été présenté devant la Chambre des communes le 27 avril 2009. Plus particulièrement, ce projet de loi modifie la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec à l’égard des terres cries et des terres de la catégorie IA dans les buts suivants :

a) attribuer à l’Administration régionale crie des responsabilités et des pouvoirs supplémentaires, y compris des pouvoirs réglementaires;

b) reconnaître les Cris d’Oujé-Bougoumou comme bande distincte et gouvernement local en vertu de la Loi.

En assumant certaines responsabilités du gouvernement du Canada, l’Administration régionale crie a certaines obligations envers la Nation crie. Pour la durée de l’Entente, l’ARC doit assumer les responsabilités du Canada en vertu de la CBJNQ à l’égard de certains aspects de la justice, de certaines associations régionales cries, de services d’emploi et de formation, de centres communautaires, de services d’assainissement essentiels, de la protection contre les incendies et du développement économique. À cette fin, l’ARC a obtenu récemment de nouveaux pouvoirs en vertu de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Ces modifications sont entrées en vigueur
le 1er février 2010.

En vertu du paragraphe 3.10 du chapitre 3 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee, la Nation crie élaborera une constitution qui correspondra à ses valeurs et croyances, qui sera applicable comme loi fondamentale de la Nation crie et qui sera conforme à l’accord de gouvernance.

L’accord-cadre entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee-Baie-James

La gouvernance d’Eeyou Istchee, territoires historiques et traditionnels d’Eeyou/Eenou a toujours été une question d’importance capitale pour les Eeyous, le Québec et le Canada. La gouvernance d’Eeyou Istchee était un enjeu crucial dans les poursuites judiciaires contre le Canada et le Québec et ensuite au cours des négociations menant à la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et ses conventions complémentaires concernant les nouvelles relations entre les Eeyous, le Québec et le Canada. La gouvernance d’Eeyou Istchee est encore un enjeu d’importance capitale pour les Eeyous/Eenous d’Eeyou Istchee.

La gouvernance d’Eeyou Istchee a évolué considérablement, surtout au cours des quatre (4) dernières décennies à cause de la mise en œuvre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et les Ententes sur les nouvelles relations entre les Cris et le Québec et les Cris et le Canada ainsi que les initiatives législatives unilatérales du Québec comme l’établissement de la Municipalité de Baie-James (MBJ) et de la Conférence régionale des élus ou la « CRÉ ».
Ces initiatives particulières du Québec, en fait, ont exclu la participation des Eeyous/Eenous de la gouvernance d’une grande partie d’Eeyou Istchee.

Par conséquent, en 1986, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont entamé des poursuites judiciaires sur des allégations et des conclusions contre le Québec en ce qui a trait au Chapitre 11B (Conseil régional de zone de la Baie-James) de la CBJNQ.

Récemment, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont négocié et signé des ententes concernant la gouvernance d’Eeyou Istchee avec le gouvernement du Québec.

Le 27 mai 2011, à Québec, le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) et le gouvernement du Québec ont signé l’Accord-cadre entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec
sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee–Baie-James.

Voici les objectifs de cet Accord-cadre :

a) l’exercice, par les Cris, d’une plus grande autonomie et de responsabilités accrues quant à la gouvernance des terres des catégories IB et II, en particulier à l’égard des pouvoirs de gouvernance de nature locale et régionale, en ce qui concerne, entre autres, la planification et l’utilisation du territoire et des ressources;

b) la modernisation des régimes de gouvernance au niveau régional sur les terres des catégories II et III situées dans le Territoire;

c) la participation concrète des Cris à la gouvernance des terres de la catégorie III situées dans le Territoire en partenariat avec les autres résidents du Territoire;

d) l’affermissement de la relation de nation à nation entre la Nation crie et la nation du Québec, fondée sur la volonté commune des parties de poursuivre le développement du Territoire au bénéfice des résidents du Territoire et de l’ensemble de la population du Québec, et de favoriser l’épanouissement des Cris dans un contexte de modernisation croissante;

e) la prise en charge de plus grandes responsabilités par la Nation crie à l’égard de son développement politique, gouvernemental et économique et, ce faisant, l’atteinte d’une plus grande autonomie et d’une plus grande capacité de répondre, en partenariat avec le Québec, aux besoins de la population crie;

f) le règlement définitif ou le désistement définitif de certains litiges et le règlement du différend entre les Cris et le Québec.7

Le gouvernement de la Nation crie exercera des compétences, des fonctions et des pouvoirs sur les terres de la catégorie II en vertu des lois du Québec tels qu’énoncés dans le présent Accord et prévus dans l’Entente finale, à l’égard, notamment, de la gestion municipale, de la gestion des ressources naturelles et de la gestion des terres.

De plus, le gouvernement de la Nation crie aura le droit d’exercer, à sa demande, certains autres compétences, fonctions et pouvoirs, avec les adaptations nécessaires pour prendre en considération le contexte des terres de la catégorie II et la capacité institutionnelle des Cris. Ces adaptations seront sujettes à une entente entre les Cris et le Québec.

La Municipalité de la Baie-James (MBJ) sera abolie et remplacée par un gouvernement régional public qui sera établi par une loi du Québec et qui sera désigné sous le nom français de « Gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James » et sous le nom anglais de « Eeyou Istchee James Bay Regional Government » (« Gouvernement régional »).

Le Gouvernement régional succédera, dès sa création, à la MBJ en ce qui concerne ses droits, ses pouvoirs, ses biens et ses obligations, conformément à des modalités à être prévues à l’Entente finale.

Le Gouvernement régional aura compétence sur les terres de la catégorie III actuellement comprises dans le territoire de la MBJ.

La structure de gouvernance du Gouvernement régional sera composée de représentants des Cris et des résidents des Municipalités ainsi que, durant les cinq premières années d’opération du Gouvernement régional, d’une représentation du gouvernement central du Québec. La structure de gouvernance du Gouvernement régional est une forme de gouvernance publique.

Les arrangements financiers relatifs à la gouvernance des terres des catégories II et III seront déterminés dans l’Entente finale.

Entente sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec

Le 24 juillet 2012, les Eeyous d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec ont signé l’Entente sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec. Cette Entente est aussi un règlement de certaines poursuites judiciaires entamées par les Eeyous d’Eeyou Istchee contre le gouvernement du Québec.

L’Entente sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec remplace l’Accord-cadre entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James.

Le gouvernement du Québec et les Cris d’Eeyou Istchee conviennent de placer l’accent dans leurs relations sur ce qui les unit et sur leur volonté commune de poursuivre le développement du Nord-du-Québec et de favoriser l’épanouissement de la nation crie, qui doit demeurer riche de ses héritages culturels, de sa langue et de son mode de vie traditionnel dans un contexte de modernisation croissante.

Le Québec et les Cris concluent une entente de nation à nation qui assurera la modernisation du régime de gouvernance dans le Territoire et l’inclusion des Cris dans ce régime de gouvernance.

Cette Entente cherche à promouvoir une plus grande autonomie et une plus grande responsabilité de la part des Cris en matière de gouvernance sur les Terres de la catégorie II situées dans le Territoire, en particulier à l’égard de la planification et de l’utilisation des terres et des ressources.

Cette Entente prévoit également une plus grande participation des Cris en matière de gouvernance sur les Terres de la catégorie III situées dans le Territoire en partenariat avec les Jamésiens.

Cette Entente repose sur un modèle de gouvernance qui mise sur les principes du développement durable, du partenariat et de la prise en compte du mode de vie traditionnel des Cris en conformité avec les dispositions de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec conclue le 7 février 2002 (ci-après, la « Paix des braves ») ainsi que les orientations et politiques gouvernementales telles qu’adaptées pour prendre en compte le contexte des Cris.

Cette Entente marque une autre étape importante dans la nouvelle relation de nation à nation envisagée dans la « Paix des braves », ouverte, respectueuse et favorisant une plus grande responsabilisation de la Nation crie dans son propre développement, et ce, dans le contexte d’une plus grande autonomie.

Cette Entente favorisera l’émergence d’une expertise crie en matière de gouvernance aux niveaux local et régional à l’égard de la planification et de l’utilisation des terres et des ressources, au bénéfice des Cris et du Québec en général.

Dans le but de favoriser l’autonomie et le développement de la nation crie, de moderniser les régimes de gouvernance publique dans le Territoire et d’assurer la croissance économique dans ce Territoire au profit de tous ses résidents et de l’ensemble de la population du Québec, cette Entente a pour objets :

a) l’exercice, par les Cris, d’une plus grande autonomie et de responsabilités accrues quant à la gouvernance sur les Terres de la catégorie II, en particulier à l’égard des pouvoirs de gouvernance de nature locale, municipale et régionale en vertu des lois du Québec en ce qui concerne, entre autres, la planification et l’utilisation du territoire et des ressources;

b) la modernisation des régimes de gouvernance aux niveaux municipal et régional en vertu des lois du Québec sur les Terres de la catégorie III afin d’assurer la représentation équitable et la participation des Cris et des Jamésiens;

c) le règlement définitif ou le désistement définitif des Procédures judiciaires;

d) le règlement définitif du différend entre les Cris et le Québec au sujet de

i) la Loi modifiant la Loi sur le développement de la région de la Baie-James et d’autres dispositions législatives; et

ii) la Loi sur le ministère du Développement économique et régional et de la Recherche en ce qui a trait à la Conférence régionale des élus et le Fonds de développement régional dont il est question, en partie, dans l’avis de litige daté du 17 avril 2007 par le grand chef de l’époque Matthew Mukash au ministre Benoît Pelletier et dans l’échange de lettres datées du 25 février 2010 entre le grand chef Matthew Coon Come et le premier ministre Jean Charest.8

À moins qu’il en soit expressément prévu autrement dans cette Entente, rien dans cette Entente ou dans toute convention complémentaire modifiant la CBJNQ ou dans toute loi adoptée en vue de mettre en œuvre cette Entente n’affectera ou ne portera atteinte, ou ne sera interprété de manière à affecter, modifier ou porter atteinte, aux droits, privilèges et avantages des Cris et du Québec prévus à la CBJNQ (incluant la continuation du présent système de Terrains de trappage cris), à la « Paix des braves », ou à toute autre entente ou engagement auquel les Cris et le Québec sont parties.

Les régimes de gouvernance prévus à cette Entente à l’égard des Terres de la catégorie II et des Terres de la catégorie III ne s’appliqueront pas aux Terres de la catégorie II de Whapmagoostui et aux territoires familiaux traditionnels des Cris, ou Terrains de trappage cris, au nord du 55e parallèle à moins qu’un accord n’intervienne à cet égard entre les Cris et la Société Makivik et qu’il ne soit approuvé par le Québec.

Les Parties s’engagent à examiner et à négocier, dans les cinq (5) ans de l’entrée en vigueur de cette Entente et dans le contexte de la CBJNQ, des arrangements convenables en ce qui a trait à la gouvernance crie sur les Terres de la catégorie IB avec l’objectif d’assurer son efficacité opérationnelle, sa simplicité et sa viabilité technique et financière.

L’Administration régionale crie est maintenue et demeure la même personne morale. Elle
est désignée sous le nom, en cri, de « Eeyou Tapayatachesoo », sous le nom, en français, de
« Gouvernement de la nation crie » et sous le nom, en anglais, de « Cree Nation Government ». Sa structure et sa composition demeurent telles qu’elles le sont actuellement jusqu’à ce que,
d’un commun accord, les Parties en décident autrement.

Le Gouvernement de la nation crie pourra exercer des compétences, des fonctions et des pouvoirs et assumera, le cas échéant, les obligations qui s’y rapportent sur les Terres de la catégorie II en vertu des lois du Québec à l’égard de :

a) la gestion municipale et régionale, la gestion des ressources naturelles et la gestion des terres, tel que prévu dans cette Entente;

b) toute autre question qui pourra faire l’objet d’une entente de temps à autre entre le Gouvernement de la nation crie et le Québec.

Il pourra également exercer les compétences, fonctions et pouvoirs attribués immédiatement avant l’entrée en vigueur de cette Entente à la Municipalité de Baie-James et au Conseil régional de zone de la Baie-James relativement aux Terres de la catégorie II.

Le Gouvernement de la nation crie pourra, par résolution, déclarer relativement à l’ensemble des Terres de la catégorie II, ou à une partie de celles-ci, qu’il exercera tout compétence, fonction ou pouvoir attribué de temps à autre par la loi à une MRC, à l’égard de l’un ou l’autre des domaines suivants :

a) la planification de l’aménagement et du développement sur le territoire, tel que prévu dans la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme ou toute loi qui lui succède (collectivement, la « Loi sur l’aménagement »), incluant, notamment, l’élaboration d’un schéma d’aménagement et de développement, une vision stratégique pour le développement économique, social, culturel et environnemental et d’autres éléments pertinents à l’exercice de planification prévus à la Loi sur l’aménagement. Le schéma d’aménagement et la vision stratégique seront conformes aux orientations, principes et objectifs qui seront déterminés par le Gouvernement de la nation crie en consultation avec les Communautés cries et avec l’accord du Québec;

b) le développement économique régional;

c) les plans de développement du territoire;

d) l’établissement d’un fonds de soutien aux opérations pour le développement des terres et des ressources forestières;

e) la gestion des cours d’eau et des lacs;

f) l’établissement et la gestion des parcs régionaux;

g) l’énergie;

h) la planification de la gestion des matières résiduelles (déchets);

i) tout autre compétence, fonction ou pouvoir existant ou qui peut être attribué de temps à autre à une MRC ou à une entité qui lui succède en vertu des lois du Québec.

Le Gouvernement de la nation crie pourra exercer les pouvoirs d’une MRC à l’égard de la promotion du développement local et du soutien à l’entrepreneuriat sur les Terres de la catégorie I et les Terres de la catégorie II et à l’égard des résidents de ces terres. À cette fin, le Gouvernement de la nation crie pourra plus particulièrement :

a) offrir, le cas échéant en partenariat avec d’autres personnes ou organismes notamment du secteur privé, l’ensemble des services de première ligne aux entreprises, notamment par leur regroupement ou leur coordination, et assurer leur financement;

b) élaborer un plan d’action local pour l’économie et l’emploi, en tenant compte notamment du plan quinquennal de développement établi par la CRÉ de son territoire et veiller à la réalisation de ce plan d’action local;

c) élaborer, en tenant compte des orientations, stratégies et objectifs déterminés par le Gouvernement de la nation crie en consultation avec les Communautés cries, une stratégie en matière de développement de l’entrepreneuriat, y compris l’entrepreneuriat de l’économie sociale; et

d) agir en tant qu’organisme consultatif auprès du centre local d’emploi de son territoire.

Aussitôt que possible après l’entrée en vigueur de cette Entente, le CRZBJ sera aboli et ses droits, fonctions, biens et passifs seront transférés au Gouvernement de la nation crie.

Le Gouvernement de la nation crie sera réputé agir à titre de Conférence régionale des élus pour les Cris et à l’égard des Terres de la catégorie I et des Terres de la catégorie II.

Le Gouvernement de la nation crie, en consultation avec les communautés cries, pourra exercer tous les pouvoirs et avoir toutes les responsabilités d’une CRÉ et d’une CRRNT, tel que prévu dans les lois du Québec, incluant la Loi sur le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire. À cet égard, le Gouvernement de la nation crie pourra :

a) agir à titre d’interlocuteur privilégié du Québec en matière de développement régional;

b) procéder à l’évaluation des organismes locaux et régionaux de planification et de développement;

c) favoriser la concertation des partenaires dans cette région;

d) donner des avis au ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire sur le développement de cette région;

e) établir un plan quinquennal de développement qui définit les objectifs généraux et particuliers de développement de cette région;

f) conclure des ententes spécifiques avec les ministères et organismes du gouvernement ou avec d’autres partenaires pour l’exercice de ses pouvoirs et responsabilités;

g) administrer les sommes qui lui seront confiées par le Québec dans le cadre d’une entente conclue pour l’exécution de tout projet de développement régional relevant de la compétence du ministre signataire de l’entente;

h) assumer, le cas échéant, la gestion d’une partie du Fonds de développement régional conformément aux dispositions de la Loi sur le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire;

i) réaliser un Plan régional de l’utilisation des terres et des ressources qui aura au moins la même portée qu’un Plan régional de développement intégré des ressources et du territoire;

j) assumer tout autre pouvoir et responsabilité qui pourrait être attribué de temps à autre à une CRÉ ou à une CRRNT ou à une entité qui leur succède.

Le Gouvernement de la nation crie exercera ses compétences, fonctions et pouvoirs de manière à prendre en considération ce qui suit :

a) les orientations, principes et objectifs qui seront déterminés par le Gouvernement de la nation crie en consultation avec les communautés cries et avec l’accord du Québec;

b) la vocation particulière pour les Cris des Terres de la catégorie II en vertu de la CBJNQ; et

c) le statut des Terres de la catégorie II en tant que terres du domaine de l’État (sous réserve des dispositions de la CBJNQ, incluant les chapitres 5 et 24), en ce qui concerne, en particulier, l’accès public aux terres du domaine de l’État et la libre circulation, avec égard aux droits d’exploitation des Cris et de l’utilisation et de l’occupation des Terres de la catégorie II.

Le Québec s’engage à négocier, au plus tard le 31 mars 2013 ou à toute date ultérieure dont les Parties pourraient convenir, une entente avec le Gouvernement de la nation crie en vertu de laquelle le Gouvernement de la nation crie se verra confier la prise en charge de responsabilités en matière de gestion de l’exploitation du sable et du gravier sur les Terres de la catégorie II de la nature, de la portée et de l’étendue au moins équivalentes à celles prévues au décret 1859-2009. Le Gouvernement de la nation crie sera réputé être une MRC aux fins de l’application de ce décret.

Le Québec devra financer le Gouvernement de la nation crie selon des ententes de financement quinquennales, la première étant prévue au Chapitre VI. Les Cris et le Québec devront négocier et convenir d’arrangements financiers quinquennaux subséquents.

Le Gouvernement de la nation crie possédera tous les pouvoirs requis pour remplir les obligations prévues dans une entente à laquelle il est partie avec le Québec, l’un de ses ministres et organismes ou avec un mandataire de l’État.

Dès l’entrée en vigueur de la législation mentionnée dans la présente Entente, la Municipalité de Baie-James cessera d’exister et sera remplacée par un gouvernement régional public établi par une loi du Québec. Cette personne morale de droit public sera un organisme municipal désigné sous le nom de « Gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James ». Le Gouvernement régional pourra également être désigné sous le nom, en cri, de « Eenou Chishaauchimaau » et, en anglais, de « Eeyou Istchee James Bay Regional Government ». Le Gouvernement régional comprendra une représentation des Cris et des Jamésiens tel que prévu dans cette Entente.

Le Gouvernement régional aura, sous réserve de certains articles de la présente Entente, compétence sur les Terres de la catégorie III situées dans le Territoire.

La structure de gouvernance du Gouvernement régional consistera d’un conseil composé de représentants des Cris et des Jamésiens ainsi que, au cours des cinq premières années d’exploitation du Gouvernement régional, d’un représentant du Québec. La représentation
du Québec sera réévaluée après les cinq premières années de fonctionnement.

Au cours des cinq premières années d’exploitation, les Cris et les Jamésiens auront une parité de votes au conseil du Gouvernement régional. Le conseil du Gouvernement régional sera composé de 22 sièges et de 44 votes, attribués également entre les Cris et les Jamésiens. Un siège additionnel sera attribué au Québec, sans droit de vote.

Les représentants des Cris seront désignés par les Cris parmi leurs élus. Les représentants des Jamésiens seront désignés par le Québec parmi les membres des conseils des Municipalités et
les résidents du Territoire. La répartition des voix entre les représentants des Jamésiens est déterminée par le Québec en tenant compte notamment du poids démographique de chacune
des Municipalités et des résidents du Territoire.

Après les dix premières années d’exploitation du Gouvernement régional, la représentation et le droit de vote des représentants des Cris et des Jamésiens au sein du conseil du Gouvernement régional seront établis en fonction de la population résidente, conformément à une formule qui sera convenue entre les Cris et le Québec en fonction de principes démocratiques et des réalités démographiques. Par la suite, la représentation des Cris et des Jamésiens au sein du conseil du Gouvernement régional sera réévaluée tous les dix (10) ans.

Le Gouvernement régional exercera ses pouvoirs et fonctions par l’intermédiaire du conseil. Le conseil prendra ses décisions par résolution, sauf lorsque la présente Entente ou une loi lui impose de le faire par règlement. Les règlements et les résolutions ne peuvent être adoptés qu’en assemblée du conseil.

Sujet à la présente Entente, le conseil peut faire et mettre à exécution des règles et règlements pour sa régie interne et pour le maintien de l’ordre durant ses réunions.

Le cri et le français sont les langues principales du Gouvernement régional. Le Gouvernement régional peut toutefois utiliser soit le français soit l’anglais dans ses communications internes et comme langue de travail.

Un citoyen peut communiquer verbalement ou par écrit avec le Gouvernement régional, incluant lors des séances du conseil, en cri, en anglais ou en français.

Les textes et les documents préparés pour des individus cris ou pour la population crie en général sont traduits en cri ou en anglais, incluant tout document permettant à l’usager d’exercer un droit ou de remplir une obligation.

Le Gouvernement régional possédera et exercera les mêmes compétences, fonctions et pouvoirs sur les Terres de la catégorie III que ceux actuellement attribués à la Municipalité de Baie-James, à l’exception des dispositions de celles-ci incompatibles avec les dispositions de la présente Entente et de la loi constituant le Gouvernement régional.

Outre les compétences, fonctions et pouvoirs qui lui sont attribués ci-après, le Gouvernement régional peut exercer tout autre compétence, fonction ou pouvoir qui peut faire l’objet d’une entente de temps en temps entre le Gouvernement régional et le Québec.

Le Gouvernement régional pourra, par résolution, déclarer relativement à l’ensemble des Terres de la catégorie III, ou à une partie de celles-ci, qu’il exercera tout compétence, fonction ou pouvoir attribuable par la loi à une Municipalité régionale de comté (une Municipalité régionale de comté (MRC)) dans le sens de la Loi sur l’organisation territoriale municipale , à l’égard de l’un ou l’autre des domaines suivants :

a) la planification de l’aménagement et du développement sur le Territoire, tel que prévu dans la Loi sur l’aménagement, incluant, notamment, l’élaboration d’un schéma d’aménagement et de développement, une vision stratégique pour le développement économique, social, culturel et environnemental et d’autres éléments pertinents à l’exercice de planification prévus à la Loi sur l’aménagement. Le schéma d’aménagement et de développement devra être conforme aux orientations gouvernementales en matière d’aménagement élaborées dans le cadre de cette loi à l’égard de tout ou partie des Terres de la catégorie III. Dans l’élaboration de ces orientations, le Québec prendra notamment en compte la spécificité de ces terres, la participation des Cris et des Jamésiens à leur gestion ainsi que les enjeux particuliers liés à la mise en valeur des ressources dans une perspective de développement durable, le tout en concertation avec le Gouvernement régional;

b) le développement économique régional;

c) l’établissement d’un fonds de soutien aux opérations pour le développement des terres et des ressources forestières;

d) la gestion des cours d’eau et des lacs;

e) l’établissement et la gestion des parcs régionaux;

f) l’énergie;

g) la planification de la gestion des matières résiduelles (déchets);

h) tout autre compétence, fonction ou pouvoir qui peut être attribué de temps à autre à une MRC ou à une entité qui lui succède en vertu des lois du Québec.

Sous réserve des dispositions concernant la Conférence régionale des élus (CRÉ-BJ) établie pour le territoire de la Municipalité de Baie-James et des territoires des villes de Chapais, Chibougamau, Lebel-sur-Quévillon et Matagami dans l’Entente, le Gouvernement régional devra, en ce qui a trait aux terres de la catégorie III, exercer tous les pouvoirs et aura toutes les responsabilités d’une Conférence régionale des élus (CRÉ), tel que prévu par les lois du Québec.

Le Gouvernement régional exercera les fonctions d’une Commission régionale des ressources naturelles et du territoire (CRRNT), y compris la préparation d’un Plan régional de développement intégré des ressources et du territoire (PRDIRT), à l’égard :

a) des Terres de la catégorie III; et

b) des terres publiques situées dans les Municipalités.

À cet égard, le Gouvernement régional consultera le Gouvernement de la nation crie en vue d’harmoniser, autant que possible, son PRDIRT avec le Plan régional de l’utilisation des terres et des ressources (PRUTR) du Gouvernement de la nation crie.

Le Québec et le Gouvernement régional pourront convenir de modalités relatives à la participation du Gouvernement régional à l’élaboration du Plan d’affectation des terres publiques (PATP) sur les Terres de la catégorie III du Territoire.

Le Gouvernement régional possédera tous les pouvoirs requis pour remplir les obligations prévues dans une entente à laquelle il est partie avec le gouvernement du Québec ou, s’il s’agit d’une entente exclue de l’application de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif ou pour la

conclusion de laquelle a été obtenue l’autorisation préalable en vertu de cette loi, avec le gouvernement du Canada ou l’un de ses ministres, organismes ou mandataires.

Le Québec fournira le financement pour soutenir le gouvernement régional d’Eeyou Istchee
Baie-James de la façon précisée dans l’Entente.

Les Cris se désisteront de manière définitive des procédures judiciaires, sans frais, et le Québec s’engage à accepter ce désistement, sans frais. Les Cris régleront de manière définitive le Différend, sans frais, et le Québec s’engage à accepter ce règlement, sans frais.

Les Parties s’engagent à négocier, dans les six (6) mois de l’entrée en vigueur de cette Entente,
une convention complémentaire à la CBJNQ afin d’y intégrer, notamment, les dispositions de
cette Entente.

Le Québec s’engage à soumettre et à recommander à l’Assemblée nationale la législation particulière concernant cette Entente et les modifications à ses lois d’application générale ou particulière afin d’assurer leur cohérence avec cette Entente et avec la convention complémentaire mentionnée dans cette Entente. Le Québec fera de son mieux pour recommander ladite législation particulière et lesdites modifications à l’Assemblée nationale sans délai après l’entrée en vigueur de la présente Entente. Le Québec consultera l’Administration régionale crie en ce qui concerne la législation à être recommandée avant qu’elle ne soit soumise à l’Assemblée nationale.

Cette Entente n’est ni un traité ni un accord sur une revendication territoriale au sens des articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Toutefois, les dispositions de la présente Entente qui seront incorporées à la CBJNQ se verront conférer une protection constitutionnelle au sens des articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et ce, après que les modifications requises aient été effectuées à la CBJNQ, conformément à cette Entente.

Projet de loi no 42 – La Loi instituant le Gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James et apportant certaines modifications législatives concernant le gouvernement de la nation crie.

Le 13 juin 2013, l’Assemblée nationale a adopté et promulgué le projet de loi no 42, la Loi instituant le Gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James et apportant certaines modifications législatives concernant le gouvernement de la nation crie.

Dans son témoignage devant la Commission de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale du Québec sur le projet de loi no 42, le grand chef Matthew Coon Come du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) a déclaré :

« (traduction) Le projet de loi no 42 est la législation qui mettre en œuvre l’Entente sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James. Le projet de loi no 42 correspond donc à une loi qui revêt une importance capitale parce qu’elle définira un nouveau partenariat de gouvernance entre la Nation crie d’Eeyou Istchee, nos voisins, les Jamésiens, le gouvernement du Québec et tous les Québécois.»9

Cette loi institue, à compter du 1er janvier 2014, le Gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James en remplacement de la Municipalité de Baie-James. La loi prévoit que le Gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James est un organisme municipal régi par la Loi sur les cités et villes, sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi et qu’il a compétence sur le territoire de la Municipalité de Baie-James tel qu’il existait le 31 décembre 2013, à l’exception des terres de la catégorie II.

La loi contient des règles concernant le conseil du Gouvernement régional, notamment des règles applicables à sa composition, à la façon dont ses membres sont désignés et à la répartition des voix entre ceux-ci. Au cours des dix (10) premières années de fonctionnement du Gouvernement régional cri, la représentation et les votes seront attribués également entre les Cris et les Jamésiens. Cette répartition sera révisée aux dix (10) ans conformément à une formule convenue respectueuse des principes démographiques et des réalités démographiques. Jusqu’à ce qu’une entente soit conclue et que loi lui donne force d’entrée en vigueur, les Cris et les Jamésiens continueront d’avoir une représentation égale et un nombre égal de votes au conseil. Au cours des cinq (5) premières années, le Québec aura un représentant au conseil, mais cette personne n’aura pas le droit de vote.

Le Gouvernement régional conserve substantiellement les pouvoirs actuels de la Municipalité de Baie-James et peut en outre déclarer sa compétence à l’égard des domaines de compétence relevant d’une municipalité régionale de comté. Le Gouvernement régional peut aussi, sur demande de la communauté crie ou de la ville intéressée, déclarer sa compétence à l’égard de toute compétence municipale, locale ou régionale, sur le territoire des communautés cries et des villes de Chibougamau, Chapais, Lebel-sur-Quévillon ou Matagami, désignées dans la loi comme les municipalités enclavées.

Le Gouvernement régional est réputé agir à titre de Conférence régionale des élus pour son territoire et, en regard des fonctions d’une commission régionale des ressources naturelles et du territoire, également pour le territoire des quatre municipalités enclavées.

Si le Gouvernement régional déclare sa compétence en matière d’aménagement du territoire, des orientations gouvernementales spécifiques à son territoire doivent être élaborées par le gouvernement du Québec en concertation avec le Gouvernement régional.

La Loi modifie aussi la Loi sur l’Administration régionale crie afin de changer son nom à Gouvernement de la nation crie en date du 1er janvier 2014. La Loi attribue au Gouvernement de la nation crie certains pouvoirs à l’égard des terres de la catégorie II. Il peut notamment déclarer sa compétence, sur tout ou partie des terres de la catégorie II, à l’égard de tout domaine de compétence qu’une loi attribue à une municipalité locale ou à une municipalité régionale de comté.

Si le Gouvernement de la nation crie déclare sa compétence à l’égard de l’énoncé de vision stratégique et du schéma d’aménagement et de développement prévus par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, ces documents devront être conformes aux orientations, principes et objectifs qu’il détermine lui-même, en consultation avec les communautés cries et avec l’accord du gouvernement du Québec. Les documents doivent être approuvés par le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire.

Le Gouvernement de la nation crie est réputé agir à titre de Conférence régionale des élus pour les Cris et pour les terres de la catégorie I et de la catégorie II, et à ce titre, il établit la Commission Eeyou de planification tenant lieu de la commission régionale des ressources naturelles et du territoire prévue par la Loi sur le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire. Cette commission a pour fonction d’élaborer un plan régional de l’utilisation des terres et des ressources pour les terres de la catégorie II tenant lieu du plan régional de développement intégré des ressources et du territoire prévu par cette loi. Un processus d’élaboration spécifique selon lequel le plan est assujetti à l’approbation du ministre des Ressources naturelles est établi.

Le Gouvernement de la nation crie est invité à participer, à l’égard des terres de la catégorie II,
à l’élaboration du plan d’affectation des terres publiques et un processus spécifique est établi
à cette fin.

En matière de développement local, la Conférence régionale des élus pour la Baie-James et le Gouvernement de la nation crie peuvent conclure avec le ministre responsable des ententes en matière de centres locaux de développement, la conférence des élus peut prévoir le financement de son centre local de développement par des contributions du Gouvernement régional et les quatre municipalités enclavées, et le Gouvernement de la nation crie peut exercer par lui-même la compétence en matière de développement local plutôt que de la confier à un centre. En ce faisant, la Gouvernement de la nation crie doit tenir compte des orientations, stratégies et objectifs qu’il détermine lui-même en consultation avec les communautés cries.

La Loi sur le développement et l’organisation municipale de la région de la Baie-James est modifiée afin de notamment favoriser la participation du Gouvernement régional et du Gouvernement de la nation crie aux activités de la société de développement de la Baie-James.

La Loi contient finalement diverses dispositions de concordance, transitoires et finales.

Le 1er janvier 2014, la Loi instituant le Gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James et apportant certaines modifications législatives concernant le gouvernement de la nation crie est entrée en vigueur.

L’Administration régionale crie est devenue le Gouvernement de la nation crie et le Gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James a été établi et a remplacé la Municipalité de Baie-James.

Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada

Le 18 juillet 2017, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et le gouvernement de la Nation crie et le gouvernement du Canada ont signé « l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada ».

L’Entente a été établie en fonction des principaux grands buts :10

1) Attendu que la partie 2 du chapitre 3 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee prévoit un processus de négociation menant à une entente concernant la gouvernance de la Nation crie;

2) Attendu que les Eeyous d’Eeyou Istchee souhaitent traiter, dans la présente entente d’un régime de gouvernance crie locale et régionale sur les terres de la catégorie IA ainsi que de certaines dispositions de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi relatives au régime des terres de la catégorie IA;

3) Attendu que les Eeyous d’Eeyou Istchee et le Canada souhaitent conclure une entente de nation à nation qui assurera la modernisation du régime de gouvernance sur les terres de la catégorie IA envisagée, au niveau local au chapitre 9 de la

Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et prévu précédemment sous forme législative dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec;

4) Attendu que la présente Entente cherche à promouvoir une plus grande autonomie et une plus grande responsabilité de la part des Cris en matière de gouvernance sur les terres de la catégorie IA dans le contexte du chapitre 9 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

Par conséquent, cette Entente établit les dispositions du gouvernement local et régional cri et
le régime des terres sur les terres de la catégorie IA.

En résumé, l’Entente sur la gouvernance rendra les pouvoirs et procédures de gouvernance existants plus efficients sur les terres cries de catégorie IA. Les arrangements concernant la gouvernance locale et régionale crie sur ces terres de compétence fédérale des communautés cries seront transférés de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, une loi fédérale adoptée en 1984, à l’Entente sur la gouvernance et à la Constitution crie. Une fois que cette entente entrera en vigueur, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ne s’appliquera plus aux bénéficiaires Cris, aux Premières Nations cries ni aux terres de catégorie IA.

L’Entente sur la gouvernance porte sur les matières principales suivantes :

1. Les compétences des Premières nations cries et du gouvernement de la Nation crie de faire des lois (au lieu de règlements administratifs) sur les terres de catégorie IA. Les pouvoirs existants seront maintenus, mais les lois cries n’auront plus à être soumises au ministre des Affaires autochtones et du Nord;

2. Le régime des terres sur les terres de catégorie IA, y compris l’accès et l’octroi de droits sur les terres et les bâtiments – les arrangements existants seront maintenus;

3. Des arrangements financiers avec le Canada, y compris des engagements à long terme pour les fonds de fonctionnement et d’entretien et les subventions en capital; à l’égard des terres de catégorie IA.

4. Le Canada entreprendra de recommander au Parlement une loi sur la gouvernance qui prévoit ce qui suit : l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada est approuvée, mise en vigueur, déclarée valide et a force de loi.

Sous le régime de l’Entente sur la gouvernance, les Premières nations cries conserveront les mêmes pouvoirs, fonctions et responsabilités de gouvernement local qu’elles ont actuellement sur les terres de catégorie IA. Ceux-ci visent des questions telles que la gestion et les services de gouvernement local, la protection de l’environnement, l’ordre et la sécurité publics, l’usage des terres et des ressources et la planification correspondante et bien d’autres. Le Gouvernement de la nation crie exercera les mêmes pouvoirs qu’il a actuellement sur les terres de catégorie IA concernant, par exemple, les normes relatives aux services d’hygiène essentiels et aux services anti-incendie.

Conformément au Chapitre 26 (Commission Crie-Naskapie), « La Commission crie naskapie a pour mission, relativement aux Cris, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de la présente Entente et de la Constitution crie, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de la présente Entente ou de la Constitution crie, le tout applicable conformément aux dispositions du paragraphe 165(2) à l’article 170 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec dans sa version immédiatement avant la Date d’entrée en vigueur ainsi que tout ajustement approprié, compte tenu des dispositions de la présente Entente ».11

Lorsque l’Entente sera approuvée, mise en vigueur, déclarée valide et aura force de loi, en vertu de la loi sur la gouvernance, la Commission Crie-Naskapie ne préparera plus ni ne présentera au ministre des rapports bisannuels sur la mise en œuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec en vertu de l’alinéa 171(1) de ladite Loi.

« Durant la période d’élaboration de la Loi sur la gouvernance, les Parties examinent, en collaboration avec la Nation Naskapie de Kawawachikamach, le rôle de la Commission Crie-Naskapie prévue à la Partie XII de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec dans sa version immédiatement avant la Date d’entrée en vigueur compte tenu, entre autres, de la nécessité d’éviter les chevauchements avec les mécanismes ou les organismes prévus à la présente Entente. Il est entendu que le financement de la Commission Crie-Naskapie par le Canada est discuté directement entre eux. »12

Constitution de la Nation crie d’Eeyou Ischee

La Partie 2 du Chapitre 3 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee prévoit que la Nation crie élaborera une constitution crie qui sera exécutoire à titre de loi fondamentale de la Nation crie et qui sera conforme à l’Entente sur la gouvernance, et qui entrera en vigueur en même temps que l’Entente sur la gouvernance. Par conséquent, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont élaboré la Constitution de la nation crie.

Pour sa part, la Constitution crie commence par une courte déclaration des valeurs et principes cris clés. Elle établit ensuite des dispositions au sujet de l’exercice du droit à l’autonomie gouvernementale en relation à l’administration et à la gestion interne des Premières nations cries et du gouvernement de la Nation crie sur les terres de la catégorie IA.

Ces dispositions internes sur la gouvernance sont établies à l’heure actuelle dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et seront transférées, dans la Constitution crie. Ces dispositions concernent des sujets tels que les procédures pour adopter des lois et des résolutions, les élections, les réunions et les référendums, l’administration financière et les amendements à la Constitution.

Il est important de noter que la Constitution crie peut changer au fil du temps si c’est ce que les Eeyous d’Eeyou Istchee désirent. Ceci est parce que, contrairement à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, la Constition crie ne sera pas établie dans une loi fédérale. Il s’agira simplement d’un instrument interne de l’autonomie gouvernementale des Cris. Elle ne sera pas approuvée par le Canada ni par le Québec. Ceci signifie que les Eeyous d’Eeyou Istchee pourront changer la Constitution s’ils le souhaitent à l’avenir afin de refléter des conditions changées, et ce, sans la participation du Canada.

L’Entente sur la gouvernance, la Constitution crie et les lois cris adoptées conformément à ces dernières auront toutes force de loi et seront obligatoires pour toutes les personnes. Ensemble, elles représentent une autre étape de la mise en œuvre de l’autonomie gouvernementale des Cris en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi. Elles fourniront aux Premières nations cries et au gouvernement de la Nation crie des outils importants pour assurer une plus grande autonomie et responsabilité pour la gouvernance des terres de la catégorie IA.13

Projet de loi C-70 : Loi portant mise en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois

Le 14 février 2018, la ministre de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada a déposé à la Chambre des Communes le projet de loi C-70 qui est la loi sur la gouvernance envisagée dans l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada. Le projet de loi C-70 porte mise en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada. Il amende la Loi sur les Cris et les Naskapis du Canada pour assurer que la loi ne s’applique plus aux Cris d’Eeyou Istchee et pour apporter des changements à certains aspects du mandat de la Commission Crie-Naskapie pour prendre en compte l’Entente. Il fait aussi des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Par conséquent, lors de l’entrée en vigueur du projet de loi C-70, le long titre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est remplacé par : Loi concernant diverses dispositions de la Convention du Nord-Est québécois relatives essentiellement à l’administration locale des Naskapis et au régime des terres de catégorie IA-N et concernant la Commission Crie-Naskapie. Le titre abrégé de cette loi est Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie.

L’article 165 (1) de la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie décrit les devoirs de la Commission Crie-Naskapie :

165 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la Commission a pour mission

(a) relativement aux bénéficiaires naskapis, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de la présente loi, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cette loi;

(b) relativement aux bénéficiaires cris, au sens du paragraphe 2(2) de la Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de l’accord, au sens du paragraphe 2(1) de cette loi, et de la Constitution crie, au sens de ce paragraphe, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cet accord ou de
cette constitution.

En outre, l’article 98 de la Loi abroge l’article 171 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. (L’article 171 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec décrit le mandat de la Commission Crie-Naskapie de préparer et de soumettre un rapport bisannuel au ministre qui le fait déposer devant chaque Chambre du Parlement.)

En résumé et aux fins de clarté, le projet de loi C-70 n’abroge pas ni ne remplace la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Il utilise une technique différente pour gérer cette Loi.

La Partie 1 décrète la Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee. Cette Loi :

Part 1 enacts the Cree Nation of Eeyou Istchee Governance Agreement Act. This Act:

1) porte mise en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de la nation crie et la Constitution crie, qui remplace la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec pour les Cris, les Premières nations cries et les terres de la catégorie IA; et

2) porte mise en vigueur des lois adoptées par les Premières nations cries et le gouvernement de la Nation crie en vertu de l’Entente sur la gouvernance et la Constitution crie.

La Partie 2 traite de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Cette Loi n’est pas abrogée, mais son titre est remplacé par un nouveau titre abrégé, la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie.

La Partie 2 apporte aussi des modifications à de nombreux articles de cette Loi pour supprimer
les références aux Cris et pour assurer que la Loi modifiée s’applique seulement aux Naskapis.

La Partie 2 assure aussi le maintien de la Commission Crie-Naskapie tout en modifiant son mandat de façon à éliminer le rapport au Parlement et en poursuivant sa fonction « d’ombudsman » liée aux enquêtes sur les réclamations des bénéficiaires cris ou naskapis.

Le 27 mars 2018, le projet de loi C-70 : la Loi portant mise en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois a été adopté à sa dernière étape, soit en troisième lecture au Sénat.

Le projet de loi C-70 entre en vigueur au moment de la sanction royale. Le 29 mars 2018, ce projet de loi a reçu la sanction royale.

Conformément à l’article 6.2 (Paiements (par le Canada)) du Chapitre 6 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee, le Canada versera au gouvernement de la Nation crie ou au récipiendaire des paiements désigné par le gouvernement de la Nation crie, un montant de deux cents millions de dollars (200 000 000 $) dans les trente (30) jours suivant la sanction royale de la Loi sur la gouvernance prévue à la Partie 2 du Chapitre 3 de la présente Entente.

En outre, conformément au paragraphe 7(1) du projet de loi C-70, la Constitution crie est mise en vigueur et a force de loi.

Résumé et Conclusion

L’esprit et l’objectif de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et ses conventions complémentaires exigent que le Canada et le Québec respectent le droit inhérent de la Nation eeyoue de gouverner ses propres affaires et territoires. Dans ce principe, bien sûr, le droit de la Nation eeyoue d’entretenir des relations intergouvernementales avec le Canada et le Québec, d’acquérir les bénéfices de ces arrangements et d’obtenir les responsabilités et le fardeau de l’autogouvernance sont implicites.

À cet égard, la Nation eeyoue a affirmé et exercé son droit à l’autodétermination et a conclu un traité moderne (Convention de la Baie-James et du Nord québécoi) et des conventions complémentaires avec le Canada et le Québec. En concluant ces accords de nation à nation, avec les Eeyous, le Canada et le Québec ont déjà reconnu leur statut de nation autonome.

L’affirmation de leur droit inhérent à l’autodétermination découlant de leur statut comme peuple distinct ou souverain autorise les Eeyous à déterminer leur propre futur à l’intérieur du Canada et de se gouverner eux-mêmes en vertu d’institutions de leur choix personnel et de leur propre conception.

Pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, la CBJNQ avait pour but le partage des pouvoirs et des responsabilités pour la gouvernance d’Eeyou Istchee.

La vision de la Nation eeyoue sur la gouvernance eeyoue en est une où les Eeyous sont libres de déterminer la forme d’organisation politique et de gouvernement qui est adéquate pour eux. Pour réaliser cette vision, les Eeyous doivent avoir à leur disposition des outils pour assurer leur succès à constituer et à gérer des gouvernements efficaces.

Les Eeyous ont une relation spirituelle spéciale avec leur terre ... Eeyou Istchee. Les Eeyous considèrent aussi que leur culture, leur langue et les traditions sont fondamentales et centrales à leurs identités collectives et individuelles. Donc, la vision eeyoue de l’autonomie gouvernementale inclut deux buts distincts, mais reliés. Le premier implique une plus grande autorité sur Eeyou Istchee et ses habitants, que ce territoire soit exclusif aux Eeyous ou partagé avec d’autres. Le deuxième implique un plus grand contrôle sur les affaires qui affectent les Eeyous en question : leur culture, leur identité et leur bien-être collectif.

En conséquence, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont choisi les principales voies et dispositions suivantes pour la gouvernance d’Eeyou Istchee :

a) Régime eeyou traditionnel de gouvernance et autorité pour chaque Indoh-hoh Istchee (territoires de chasse eeyous);

b) Gouvernement local qui englobe une large mesure d’autorité eeyoue sur une base territoriale exclusive (terres de la catégorie IA et IB);

c) Gouvernement de la Nation eeyoue qui englobe une large mesure d’autorité eeyoue sur une base territoriale exclusive (terres de la catégorie IA) et non exclusive (terres de la catégorie II); et

d) Gouvernement public (Gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James) qui assure une participation eeyoue considérable dans les prises de décisions sur les terres (terres de la catégorie III) et les ressources partagées.

La gouvernance eeyoue est le processus par lequel les Eeyous prennent des décisions qui dirigent leurs efforts collectifs. La gouvernance efficace s’entend de plus que de faire exécuter le travail. C’est particulièrement vrai pour les Eeyous étant donné que les valeurs jouent typiquement un rôle important pour déterminer le but de l’organisation et le style de fonctionnement. Le processus et les principes qui appuient et guident le procédé sont aussi importants que le produit final. Toutefois, la gouvernance efficace est plus que de « prendre le contrôle » des affaires et problèmes eeyous comme le développement économique, communautaire et social. La bonne gouvernance efficace correspond à atteindre les résultats désirés et les atteindre de la bonne façon qui est grandement modélisée par les normes et les valeurs culturelles des Eeyous d’Eeyou Istchee.

Le National Center for First Nation Governance (Centre national pour la gouvernance des Premières nations) établit les composantes et les principes suivants de la gouvernance
efficace :

a) Le peuple pour la vision stratégique, le partage significatif de l’information et la participation au processus décisionnel;

b) La terre pour l’intégrité territoriale, la réalisation économique et le respect pour son Esprit;

c) Les lois et les compétences pour l’État de droit et l’expansion de la juridiction;

d) Les institutions axées sur les résultats et alignées culturellement avec la transparence et l’équité et les relations intergouvernementales efficaces; et

e) Les ressources qui incluent les ressources humaines et les compétences en gestion des ressources humaines et financières avec des évaluations de rendement, des imputabilités et la préparation de rapports et la diversité des sources de revenus.14

Ledit Centre décrit l’importance égale de ces composantes et principes pour la réalisation de la gouvernance efficace de la façon hiérarchique suivante :

« La gouvernance efficace commence avec les peuples. C’est seulement par l’entremise du peuple que nous commençons à modéliser la vision stratégique qui sert de poteau indicateur pour le travail que ces collectivités et leurs organisations réalisent. Lorsque les peuples ont partagé l’information, pris des décisions collectivement et déterminé la vision stratégique, leur attention se transporte là où ils sont – à la Terre. Le titre autochtone est un intérêt exclusif dans la terre et le droit de choisir comment cette Terre peut être utilisée. C’est ensuite par l’entremise de lois et de juridictions que les droits de la Terre sont clarifiés. À la suite des lois et des juridictions et conformément aux lois et juridictions, c’est l’émergence d’Institutions et l’identification des Ressources nécessaires pour réaliser et assurer la continuité de la gouvernance efficace. »15

Dans son Rapport 1996, la Commission royale sur les peuples autochtones présente la déclaration suivante sur les attributs d’un bon gouvernement :

« Pour être efficace — pour faire bouger les choses — tout gouvernement doit avoir trois attributs de base: la légitimité, le pouvoir et les ressources.

La légitimité s’entend de la confiance et de l’appui que le public accorde au gouvernement. Elle dépend de facteurs comme la façon dont la structure du gouvernement a été créée, la manière dont les dirigeants sont choisis et la mesure dans laquelle le gouvernement fait progresser le bien-être public et respecte les droits fondamentaux de la personne. Lorsqu’un gouvernement ne bénéficie pas d’une grande légitimité, les dirigeants doivent essayer de venir à bout de l’apathie et de la résistance du public et dépenser plus d’énergie et de ressources pour que les choses se fassent.

Le pouvoir est la capacité juridique reconnue d’agir. Il englobe la compétence législative (le pouvoir de légiférer), la compétence exécutive (le pouvoir d’appliquer les lois et d’assurer l’administration publique) et la compétence judiciaire (le pouvoir de trancher les litiges). Le pouvoir d’un gouvernement peut découler de coutumes et de pratiques de longue date ou de sources plus officielles comme une constitution écrite, la législation nationale et des jugements des tribunaux. Cependant, le pouvoir juridique interne ne suffit pas toujours à rendre un gouvernement efficace. Un autre important facteur est la mesure dans laquelle d’autres institutions et gouvernements puissants reconnaissent et acceptent l’action du gouvernement en question. Les prétentions à la souveraineté et d’autres formes d’autorisation légale peuvent ne pas se révéler très utiles si elles ne sont pas respectées par d’autres gouvernements ayant des ressources et des pouvoirs plus étendus.

Les ressources comprennent les moyens physiques d’agir — non seulement les ressources financières, économiques et naturelles nécessaires à la sécurité et à la croissance future, mais aussi l’information et la technologie de même que les ressources humaines, sous la forme de personnes compétentes et en bonne santé.

Les ressources permettent au gouvernement d’exercer son pouvoir et de répondre aux besoins et aux attentes des citoyens. En matière de ressources, les questions fondamentales concernent la nature des relations financières et commerciales entre gouvernements qui influent sur le contrôle et le niveau des ressources.

Un gouvernement à qui un ou plusieurs de ces attributs font défaut risque de fonctionner plus ou moins bien... »16

À la lumière des développements actuels en matière de gouvernance du Territoire envisagé dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, dans son Entente sur une nouvelle relation et dans son Entente sur la gouvernance et les nombreux défis à relever par les Eeyous pour établir différents régimes de gouvernements comme ordre de gouvernement à Eeyou Istchee et d’exercer une bonne gouvernance efficace, les Eeyous devraient :

a) Continuer d’établir des relations de travail constructives avec le Canada, le Québec et les municipalités du Territoire; et

b) Consolider les compétences de leur peuple et nation à gouverner.

Plus particulièrement, il est nécessaire d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies pour renforcer les capacités eeyoues à gouverner pour assurer une gouvernance significative et efficace. La Commission Crie-Naskapie suggère que ces stratégies englobent ce qui suit :

a) éducation, sensibilisation et besoins en matière de formation et programmes de formation;

b) développement des ressources humaines;

c) établissement de systèmes officiels pour l’imputabilité du gouvernement eeyou et responsabilité de maintenir l’intégrité dans la confiance du gouvernement et du public. (Dans la mesure où les systèmes sont jugés appropriés par les Eeyous, les stratégies pour assurer l’imputabilité et la responsabilité dans le gouvernement eeyou devraient refléter et ajouter aux traditions, coutumes et valeurs eeyoues);

d) développement des capacités internes de leurs gouvernements pour assurer la responsabilisation politique, financière et administrative;

e) obtention de ressources financières suffisantes et d’arrangements fiscaux adéquats qui devraient être structurés pour assurer l’autosuffisance, l’équité et l’efficience;

f) l’assurance d’une base de ressources sur laquelle l’autosuffisance économique et l’autonomie locale sont axées; et

g) la recherche et l’obtention fructueuse d’amendements à la loi actuelle sur la gouvernance et à la Constitution crie pour améliorer la gouvernance, l’administration locale et le processus décisionnel.

Pour aborder l’imputabilité, les gouvernements eeyous devraient adopter les démarches suivantes :

(a) formaliser les codes de conduite pour les représentants publics;

(b) établir des lois, politiques ou guides relatifs aux conflits d’intérêts;

(c) établir des structures ou organismes indépendants responsables de maintenir et de promouvoir l’intérêt public et l’intégrité des gouvernements eeyous; et

(d) établir des mécanismes informels pour assurer la compréhension des buts, pouvoirs, priorités, procédures et activités, processus décisionnels administratifs et systèmes d’établissement de rapports du gouvernement eeyou. (Par exemple, la Commission serait disposée à aider les Eeyous pour développer et offrir des séances d’orientation pour le nouveau chef et conseil du gouvernement local eeyou.)

La gouvernance eeyoue a évolué de façon dramatique au cours des quatre (4) dernières décennies, surtout en réponse aux changements fondamentaux du paysage politique, social et économique d’Eeyou Istchee. Cette évolution de la gouvernance eeyoue est coutumière et naturelle étant donné que le pouvoir politique est universel et inhérent dans la nature humaine. Après tout, l’autodétermination eeyoue correspond au pouvoir du choix d’action. Dans certaines situations, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont adopté une approche « instinctive ».

Par conséquent, le sens et la pratique de la gouvernance eeyoue a évolué et a été et continue d’être redéfinie par les Eeyous en se basant sur les droits, les libertés, les valeurs, la culture, le droit traditionnel et coutumes et selon le but et l’esprit de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et ses conventions complémentaires.

La gouvernance eeyoue correspond aussi à la pratique et à l’exercice de l’intendance, de la garde et de la conservation d’Eeyou Istchee. Pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, le parcours vers la gouvernance entière commence et se termine avec et à l’intérieur des autorités historiques et traditionnelles du pouvoir d’autonomie gouvernementale – les peuples de la terre.

La réconciliation des droits préexistants et inhérents des Eeyous avec la souveraineté de la Couronne a été et continue d’être un grand défi politique, juridique/constitutionnel et
socio-économique.

Pour les Eeyous d’Eeyou Istchee, la reconnaissance mutuelle des peuples et nations qui coexistent et qui administrent leur autonomie gouvernementale est élémentaire et fondamentale dans le cadre des relations continuelles des Eeyous avec le Canada et le Québec.

Ce parcours et passage à l’autonomie gouvernementale est un aspect fondamental de l’édification de la nation alors que les Eeyous d’Eeyou Istchee ont repris la gouvernance comme droit et activité autochtones.

NOTES DE LA FIN

  1. Ce chapitre est une mise à jour du Chapitre 2 du Rapport de la Commission Crie-Naskapie intitulé Gouvernance à Eeyou Istchee dans le Rapport 2014 de la Commission Crie-Naskapie
  2. Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et conventions complémentaires, Édition 2006, Les Publications du Québec, alinéa 24.1.9 du paragraphe 24.1 de l’article 24, page 359
  3. Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et conventions complémentaires, Édition 2006, Les Publications du Québec, alinéa 24.1.8 du paragraphe 24.1 de l’article 24, page 359
  4. Report of the Royal Commission on Aboriginal Peoples, Minister of Supply and Services Canada 1996, Volume 2 (Restructuring the Relationship) – Chapter 3 (Governance), pages 299 and 300
  5. Paragraphe 2.5 du chapitre 2 (Dispositions générales) de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec
  6. Paragraphe 2.1 du chapitre 2 (Dispositions générales) de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee
  7. Paragraphe 6 du chapitre II (« Objectifs et principes ») de l’Accord-cadre entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James
  8. Paragraphe 2 du chapitre II (Dispositons générales) de l’Entente sur la gouvernance dans le territoire d’EEyou Istchee Baie-James entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec
  9. Notes d’allocution du grand chef Matthew Coon Come à la Commission de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale du Québec sur le projet de loi no 42, Québec, 29 mai 2013
  10. Les buts principaux découlent du Préambule de l’Entente sur la gouvernance de la Naiton crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada
  11. Paragraphe 26.1 du chapitre 26 (Commission Crie-Naskapie) de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada
  12. Paragraph 26.2 du chapitre 26 (Commission Crie-Naskapie) de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada
  13. Résumé – Entente sur le gouvernement de la Nation crie et la Constitution crie – préparé par le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et le gouvernement de la Nation crie
  14. Document de discussion intitulé « Principles to Support Effective Governance, » National Centre for First Nations Governance, été 2008, page 9
  15. Ibid., pages 8 et 9
  16. Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, ministre d’Approvisionnements et Services Canada, 1996, volume 2 (« Une relation à redéfinir »), Chapitre 3 (Attributs d’un bon gouvernement), pages 224 et 225

La Commission Crie-Naskapie 1986 à 2018

Aperçu

La Commission Crie-Naskapie a été créée en vertu de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (1984). Elle a été établie en vertu du chapitre 9 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi (CBJNQ) et du chapitre 7 de la Convention du Nord-Est québécois (CNEQ). Ces chapitres prévoyaient l’adoption de lois fédérales pour régir les administrations locales sur les terres de la catégorie IA et IA-N.

Les articles 157 à 172 de la Loi établissaient la Commission et déterminaient sa mission. L’article 165 présente les deux principales responsabilités de la Commission.

« 165. (1) La Commission a pour mission :

(a) de préparer des rapports biennaux sur la mise en œuvre de la présente Loi, conformément au paragraphe 171(1); et

(b) sous réserve des paragraphes (2) et (3), d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de la Loi, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou de fonctions conférés sous le régime de cette Loi. »1

La Commission a débuté ses opérations en février 1986 et a exercé ses fonctions conformément à ces articles de la Loi à partir de sa création jusqu’au 29 mars 2018. À ce moment-là, la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie est entrée en vigueur. Elle confie un mandat quelque peu différent à la Commission.

Établissement de la Commission

Même si la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a été adoptée en 1984, la Commission a commencé son travail seulement en février 1986 et à ce moment-là, les premiers commissaires ont été nommés. Ils étaient :

• Président, juge Réjean F. Paul (décédé), juge de la Cour supérieure du Québec et de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest, ancien vice-président de la Commission de réforme du droit du Canada et à un certain moment, procureur général de la Commission d’enquête du Québec sur le crime organisé (CECO);

• Commissaire, Robert Kanatewat, ancien chef exécutif (grand chef adjoint) du Grand Conseil des Cris du Québec, ancien chef de Fort George (Chisasibi), principal plaignant dans l’affaire Kanatewat et al c. Société de développement de la Baie-James et al et un négociateur principal et signataire de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, ainsi que chef d’entreprise accompli.

• Commissaire, Richard Saunders, ancien directeur de la Direction générale des citoyens autochtones du Secrétariat d’État, ancien directeur général adjoint de la Commission scolaire transitoire crie, ancien directeur exécutif de la Commission des droits de la personne de l’Alberta et ancien directeur exécutif de la Commission de la santé autochtone de l’Alberta.

En 1997, le juge Paul a quitté la Commission, Robert Kanatewat a été reconfirmé dans son
poste de commissaire et un nouveau membre, Philip Awashish a été nommé commissaire.
Richard Saunders a été nommé président.

• Le commissaire Philip Awashish est un ancien chef de Mistassini (Mistissini), ancien chef exécutif (grand chef adjoint) du Grand Conseil des Cris du Québec, organisateur de la lutte des Cris pour la reconnaissance de leurs droits pendant le développement du Projet de la Baie-James, et négociateur principal et signataire de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

Presque tout de suite après leur nomination initiale en 1986, les commissaires ont fait face à l’obligation de préparer leur premier rapport qui devait être soumis au ministre et déposé au Parlement. Pour assurer l’exactitude du rapport sur la mise en œuvre de façon à refléter les points de vue des collectivités, ils ont décidé d’effectuer une série d’audiences spéciales sur la mise en œuvre. Ces audiences ont eu lieu en octobre 1986 au palais de justice de Hull, Québec. Des audiences similaires ont été menées aux deux ans depuis ce moment-là.

Le « Protocole d’entente »

La nature et l’étendue des responsabilités de la Commission ont été mises à l’épreuve presque immédiatement.

Au cours des audiences de 1986, l’enjeu le plus litigieux soulevé était lié au « Protocole d’entente » signé le 9 août 1984 à Eastmain par le grand chef Billy Diamond au nom des Cris, le chef Joe Guanish au nom des Naskapis et l’honorable Douglas Frith, ministre d’Affaires indiennes et Développement du Nord au nom du Canada.

Comme mentionné plus haut, la CBJNQ et la CNEQ avaient exigé que le Canada adopte une loi sur l’autonomie gouvernementale pour les Cris et les Naskapis. Ceci a été fait en 1984 lorsque la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est entrée en vigueur. Les Cris et les Naskapis étaient d’avis qu’étant donné qu’à partir de ce moment-là, ils étaient responsables de certaines fonctions de gouvernance, la Loi devrait inclure des dispositions pour préciser la façon dont les besoins en matière de financement seraient abordés. Pour sa part, le gouvernement fédéral a déterminé qu’une entente séparée fournirait les garanties de financement que les Autochtones voulaient obtenir. En se basant sur cette assurance, les Cris et les Naskapis ont accepté la Loi sans dispositions financières et ont subséquemment négocié les « Principaux points du Protocole d’entente convenus par le groupe de travail sur la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec » (le Protocole d’entente) pour aborder les questions de financement. Avant la tenue de la cérémonie officielle de signature, le sous-ministre et d’autres hauts fonctionnaires d’Affaires indiennes et Développement du Nord Canada avaient supposément conseillé à leur ministre de ne pas signer le Protocole d’entente. Étant donné que les Cris étaient au courant de cette situation, le grand chef Billy Diamond voulait que le consentement clair et informé du ministre soit un document public. Au cours de la cérémonie officielle, juste avant la signature, il a dit au ministre et à l’assemblée :

«… le sous-ministre a refusé de signer le Protocole d’entente en ce qui touche le financement. Est-ce que le ministre va maintenant signer le Protocole d’entente et engager le gouvernement fédéral à l’égard des chiffres qui ont été négociés et convenus; ou est-ce que le ministre donnera l’ordre à son sous-ministre de le signer? »2

Le ministre a ensuite répondu :

« J’étais préparé pour ceci chef Diamond, et montrez-moi le document et je le signerai. »3

À la suite de la signature officielle, le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord a entrepris des efforts concertés pendant les deux années suivantes pour revenir sur sa

parole sur les parties du Protocole qu’il n’aimait pas. Le processus s’est éternisé jusqu’à ce qu’un nouveau ministre soit nommé. Le 23 octobre 1986, il a éventuellement écrit ce qui suit au grand chef Diamond :

« Vos conseillers savent et j’espère qu’ils vous ont informé que le Protocole [le Protocole d’entente]) n’est pas perçu par le gouvernement du Canada comme obligation légale, mais nous devons, dans toute la mesure du possible l’utiliser comme guide dans le cadre de nos relations financières (accent ajouté). »4

Le Grand Conseil des Cris du Québec a soulevé ses préoccupations au sujet de ce rejet unilatéral d’un engagement clair envers la Commission au cours de nos toutes premières audiences spéciales sur la mise en œuvre. Un sous-ministre adjoint qui a comparu à ces audiences a réitéré la décision du ministère de rejeter certaines parties de cette entente en disant :

« Le gouvernement du Canada ne reconnaît pas [le Protocole d’entente] comme entreprise pleinement exécutoire. »5

Ce genre de comportement a miné la relation entre les Premières nations et le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord ainsi que la crédibilité du gouvernement du Canada et a, pendant plusieurs années, fait du scepticisme et du manque de confiance, la norme parmi les Premières nations.

La Commission a révisé la preuve verbale et documentaire, y compris une vidéo du ministre signant le Protocole et a fait la constatation suivante :

«… la Commission est d’avis que le Protocole d’entente est à la fois une obligation morale et légale pour le Canada. »6

Dans notre Rapport 1986, nous avons noté le fait que ce type de pratiques avait créé des doutes sérieux au sujet de l’intégrité du gouvernement. Nous avons dit :

« Dans le cours de l’histoire du Canada, une notion persiste voulant que les gouvernements fassent des promesses pour persuader les Autochtones de céder leurs terres et autres droits et ils brisent ensuite de façon routinière ces promesses, en se cachant derrière des formalités légales. Regrettablement, la preuve appuyant cette notion est exhaustive. »7

Dans sa décision dans l’affaire Badger en 1996, la Cour suprême du Canada a affirmé une
chose semblable :

«… l’honneur de la Couronne est toujours en jeu; il faut présumer que cette dernière entend respecter ses promesses solennelles entre la Couronne et les diverses nations indiennes concernées. » « Il faut toujours présumer que cette dernière entend respecter ses promesses. Aucune apparence de « manœuvres malhonnêtes » ne doit être tolérée. »8

Rapport « Cowie »

En créant la Commission, à l’article 172, la Loi prévoyait qu’après les cinq premières années d’application, un réexamen devait être fait sur « les pouvoirs et fonctions de la Commission. »
À l’été 1990, l’examen de la Commission Crie-Naskapie a été instauré avec Ian D. Cowie comme président et Mark Dockststor et Tony Price comme commissaires. L’enquête a consulté de nombreux représentants des collectivités et du gouvernement pour préparer un rapport. Le rapport a été soumis au ministre qui l’a déposé à la Chambre des communes et au Sénat le 11 avril 1991.

Le rapport contenait un examen et une analyse détaillés des pouvoirs, fonctions et opérations de la Commission. Les recommandations les plus importantes étaient probablement les suivantes :

• le mandat de la CCN devrait être élargi pour inclure explicitement la juridiction de considérer des affaires découlant de la CBJNQ et de la CNEQ;

• il faudrait envisager de confier à la Commission le pouvoir d’émettre des assignations à comparaître et de rendre des décisions exécutoires;

• la Commission devrait se faire confier explicitement des fonctions plus larges pour le règlement de différends;

• plutôt que de présenter des rapports biennaux aux Parlements sur la mise en œuvre,
la Commission devrait en présenter aux 3 ou 4 ans; et

• le financement de la Commission devrait être augmenté pour lui permettre de se départir entièrement de ses responsabilités.

Il vaut la peine de noter que bien que les recommandations n’aient pas été abordées à ce moment-là, un certain nombre d’entre elles sont entrées en vigueur par l’entremise d’autres moyens..

La question de la compétence pour s’occuper de problèmes découlant de la CBJNQ et de la CNEQ est discutée plus loin.

La question du financement n’a jamais été renégociée en ce qui a trait à son caractère adéquat pour se départir adéquatement des responsabilités de la Commission, mais les fonds ont été augmentés de façon marginale après la tenue de discussions directes avec la ministre Stewart en 1998. À d’autres périodes, il a été augmenté en fonction de la formule fédérale liée vaguement aux coûts accrus.

La question de la compétence de la Commission

Au cours des premières années de fonctionnement, la Commission a fait face à un certain nombre de contestations relatives à l’étendue de sa juridiction. C’est une situation normale pour la plupart des commissions, tribunaux et conseils parce que les personnes dont ils examinent les actions mettent en doute leur droit de le faire. Dans le cas de la Commission Crie-Naskapie, des collectivités ont soulevé plusieurs enjeux à l’effet que le gouvernement ne respectait pas ses obligations en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi ou en vertu de la Convention du Nord-Est québécois. Le ministère des Affaires indiennes professait que la Commission n’avait pas la juridiction nécessaire pour étudier les affaires découlant des conventions. La Commission affirmait qu’étant donné qu’elle avait le devoir d’étudier les affaires en vertu de la Loi et que l’article 21.(j) de la Loi précisait ce qui suit :

« 21. La bande a pour mission : d’exercer les pouvoirs et fonctions que les lois fédérales ainsi que les conventions lui confèrent ou conféraient à la bande antérieure. »9

La Commission pouvait donc étudier des plaintes pour déterminer si une bande exerçait ou non, ou pouvait en fait exercer ses pouvoirs et réaliser ses devoirs en vertu des conventions.

Toutefois, encore en date du 13 février 2006, le ministère continuait d’insister, comme l’a expliqué le directeur du Bureau de mise en œuvre de la Baie-James que :

«… comme vous le savez, le point de vue d’AINC est depuis longtemps que le Commission n’a pas la compétence pour enquêter et faire des recommandations au sujet de la mise en œuvre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Convention du Nord-Est québécois, et la position du gouvernement fédéral n’a pas changé. »10

Il s’agit clairement de la position du gouvernement fédéral lorsqu’on en parle au Canada. Mais le gouvernement prend cependant la position contraire lorsqu’il fait l’éloge de ses accomplissements aux Nations Unies sur les traités et arrangements avec les peuples autochtones. Au cours d’une présentation aux Nations Unies au milieu du mois de décembre 2003, le représentant du Canada affirmait ce qui suit :

Le premier des traités modernes, la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi (CBJNQ) prévoit un mécanisme de surveillance, à savoir la Commission Crie-Naskapie. » 11

Ce fait a été rendu encore plus explicite alors que le Canada a aussi affirmé aux Nations
Unies :

« La partie XII de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit la création de la Commission Crie-Naskapie qui a pour mandat de mener des enquêtes privées sur les plaintes portant sur l’application ou la non-application de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, de la Convention du Nord-Est québécois ou de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. »12

Traitement par le Canada des Rapports biennaux de la Commission

Un autre domaine de différend était le point de vue du ministère pendant de nombreuses années voulant qu’il ait tous les droits d’ignorer les rapports de la Commission, notamment
les recommandations présentées au ministère lui-même.

Ce genre de problème, aussi perçu dans le cadre du problème avec le Protocole d’entente de 1986, a créé entre la Commission et le Ministère une relation tendue et litigieuse pour la plus grande partie de la période s’étendant de 1986 à 1998.

Le 5 octobre 1998, nous avons rencontré la ministre Stewart et présenté notre Rapport 1998. Elle nous a assuré que ses représentants étudieraient le rapport et fourniraient une réponse écrite à chacune de nos recommandations. Le 27 novembre 1998, elle a écrit à la Commission pour confirmer que l’examen était en cours. Le 11 janvier 1999, elle a écrit à nouveau pour confirmer qu’une réponse était en train d’être préparée. Quand avons-nous reçu la réponse écrite? Jamais.

Le 24 avril 2001, la Commission a témoigné devant le Comité permanent des affaires autochtones de la Chambre des communes. Comme partie intégrante de notre présentation, nous avons soulevé notre préoccupation à l’effet que les déclarations de la ministre étaient ignorées par ses représentants.

Le 10 mai 1991, le Comité permanent a convoqué le directeur général de la Direction générale de la mise en œuvre des Affaires autochtones. Ce dernier a reconnu qu’aucune réponse écrite n’avait été fournie. Le député John Godfrey, vice-président du comité lui a demandé : « Pouvez-vous nous donner la raison pour laquelle aucune réponse écrite n’a été fournie comme on aurait pu s’y attendre de la directive de la ministre communiquée à votre Direction générale? »13 La réponse qu’il a reçu était que la Loi n’exigeait pas spécifiquement de réponse écrite et que la façon de traiter le rapport de la Commission avait été source « d’incertitude et de conflit » au sein du ministère.

Après avoir résumé ce qui s’était passé, un autre député, Benoit Serre, a présenté son point de vue en disant :

« Je pense que c’est réellement inacceptable. Peu importe si vous connaissez la nature des obligations légales, je pense que lorsque des commissions comme celle-ci ou des comités du Parlement présentent des rapports, il est certain que les ministères et les représentants ont le devoir de répondre de façon ponctuelle. »14

Au cours d’une rencontre subséquente du Comité permanent, le député John Godfrey a fourni une mise à jour sur ce qu’il proposait faire :

« Vous avez tous reçu un avis d’une motion pour créer un rapport produit par ce comité qui aura l’effet de demander au ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord de répondre à la Commission Crie-Naskapie.

J’ai eu un entretien avec le ministre hier soir et plutôt que de procéder de la façon que j’ai proposée, qui en réalité, est un peu agressive, et étant donné que nous voulons nous entendre raisonnablement bien avec le ministre ...

Il [le ministre] a accepté que si nous lui faisons parvenir cette lettre que j’ai rédigée, [demandant une réponse au Rapport de la Commission], il répondra favorablement. »15

Depuis ce moment-là, le ministère a fourni des réponses écrites aux recommandations présentées dans chacun des rapports de la Commission.

Dans cette situation, un comité parlementaire a fait son travail en insistant sur une action sensible et ponctuelle de la part des représentants. Le fait que tout ce dossier a dû être porté à l’attention des députés seulement pour qu’une action raisonnable soit entreprise est une raison de penser sérieusement à des lois et politiques d’imputabilité opérationnelle similaire aux lois en place pour l’imputabilité financière.

Réclamations, préoccupations et plaintes

La responsabilité de la Commission de faire des enquêtes sur les réclamations est le fondement sur lequel les individus, les gouvernements cris et naskapis et autres s’adressent initialement à la Commission pour lui transmettre une préoccupation. Naturellement, seule une très petite proportion de ces réclamations finit par faire l’objet « d’enquêtes » officielles en vertu de la Loi.

À l’occasion, une personne approche un commissaire soit en personne ou par téléphone, courriel, etc., pour lui poser une question ou présenter une préoccupation ou une plainte. Le plus souvent, le contact se fait avec le bureau de la Commission. En général, ce sont des demandes pour savoir si la Commission peut faire quelque chose au sujet d’un problème. Souvent, la première réponse est d’expliquer ce que la Commission peut faire et ne peut pas faire en vertu de la Loi. Et très souvent, il est nécessaire de souligner que la Commission ne fournit pas et ne peut pas fournir de conseils juridiques. À l’occasion, on suggère à la personne concernée d’étudier les articles pertinents de la Loi et d’ensuite décider de poursuivre ou non l’affaire par l’entreprise des processus de la CCN ou d’un mode de remplacement plus adéquat.

Souvent, le personnel ou un commissaire explique simplement où trouver la disposition pertinente de la Loi, suggère des alternatives aux processus officiels en vertu de la Loi ou fournit d’autres informations. S’il appert que l’affaire peut être de la compétence de la Commission, la partie plaignante obtient des conseils sur le processus de la Commission.

Lorsqu’une réclamation officielle est présentée, une audience préliminaire a habituellement lieu au cours de laquelle la preuve appuyant la nécessité d’une enquête est présentée. Après ceci, les commissaires étudient les transcriptions de l’audience préliminaire ainsi que toute preuve écrite présentée et prennent une décision à savoir s’ils doivent accepter l’affaire comme réclamation et procéder à une enquête complète. La Commission a l’habileté de demander de produire la preuve, etc., mais pas de contraindre les témoins à comparaître. Depuis que cette procédure a commencé en 1986, il est arrivé seulement une fois qu’une personne a refusé de

comparaître. (Il s’agissait d’un représentant du fédéral.) Après qu’une audience a lieu, la Commission prépare un rapport sur ses constatations, recommandations et conclusions. Ce rapport est ensuite fourni aux parties ainsi qu’au ministre.

Depuis 1986, la Commission a reçu des centaines de demandes, plaintes informelles et demandes de conseils. Pendant la même période, des douzaines de réclamations officielles ont fait l’objet d’enquêtes. Dans toutes les situations, sauf deux, les recommandations de la Commission ont été respectées par les parties.

Documents de discussion de la Commission Crie-Naskapie sur les politiques

Au cours des représentations lors des audiences concernant l’exercice des pouvoirs et la performance des devoirs, la Commission a noté les thèmes communs et les domaines de problèmes continuels. Lorsque nous pensons que nous faisons des recommandations similaires ou connexes à répétition, nous produisons souvent un document de discussion sur la question et on l’espère, sur des meilleures façons de s’attaquer à la question.

Par exemple, les individus se plaignent souvent de la conduite des élections dans leurs collectivités. La Commission a publié un document de discussion à ce sujet le 22 septembre 1999. Un autre exemple impliquait un différend entre une Première nation crie à titre individuel et une entité crie fonctionnant dans toutes les collectivités cries. Plutôt que d’utiliser les processus cris internes, l’entité a opté de s’adresser à un organe de l’extérieur (un tribunal) pour déterminer l’issue d’une affaire crie interne. La Commission a produit un document de discussion pour traiter de ce genre de questions. Un résumé du contenu de ce document est présenté dans le chapitre 5. Certains documents de discussion produits ont compris
les suivants :

• Négociation des traités entre la Couronne et les Premières nations et la
Constitution du Canada

• Revenus et financement des Premières nations et de leurs agencess

• Commissions, tribunaux et conseils autochtones : La nécessité d’adapter le droit administratif et les pratiques aux droits autochtones et issus des traités

• Proposition pour une Loi sur la responsabilité en gestion de politique

• Droit de la Première nation eeyoue/eenoue (traditionnel et coutumier) en ce qui a trait à la famille et aux questions connexes

• Questions sur les biens fonciers matrimoniaux en ce qui a trait aux terres de la catégorie IA et IA-N

• Élections des gouvernements locaux des Premières nations cries et naskapies et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec

• Mise en œuvre de la Loi sur les Cris et les Naskpapis du Québec et de ses amendementst

Les impacts des changements législatifs

La Loi originale sur les Cris et les Naskapis du Québec est entrée en vigueur le 14 juin 1984. Des amendements à la Loi sont entrés en vigueur en 2009. Ces modifications ont amélioré la juridiction de l’Administration régionale crie (ARC). Pour la Commission, cela a signifié que les réclamations concernant l’ARC pouvaient être considérées selon un fondement similaire à celui des réclamations concernant une bande.

Comme noté plus haut, la Loi originale (et ses modifications) est restée en vigueur jusqu’au 29 mars 2018. Le 29 mars 2018, une nouvelle loi est entrée en vigueur. La Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee a donné force de loi tant à l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada qu’à la Constitution crie. Une législation complémentaire, la Loi sur

les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie, a en fait poursuivi la loi originale en ce qu’elle s’appliquait à la Nation naksapie de Kawawachikamach. Elle prévoyait aussi un mandat révisé pour la Commission Crie-Naskapie.

En vertu des modalités de la loi modifiée, le mandat de la Commission a été changé de deux façons importantes. Tout d’abord, le Rapport 2018 sur la mise en œuvre de la Loi et des Conventions soumis au ministre qui le déposera au Parlement, sera le dernier rapport de son genre. Deuxièmement, le devoir de la Commission d’entendre les réclamations relatives à la Loi sur les Naspakis et la Commission Crie-Naskapie se poursuit comme auparavant en relation aux Naskapis. En ce qui a trait aux Cris, la Commission doit maintenant entendre les réclamations ayant trait à la Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou istchee et le gouvernement du Canada ainsi que celles ayant trait à l’exercice ou au non-exercice d’un devoir précisé en vertu de l’Entente ou la Constitution crie.

Conclusion

Au cours des trois dernières décennies, la Commission Crie-Naskapie a préparé, aux fins de dépôt au Parlement, seize (16) rapports biennaux en cri, en naskapi, en français et en anglais.

Pendant les premières années de son existence, la Commission a fait face à un certain nombre de contestations liées à sa compétence à entendre les représentations découlant des Conventions. Cette situation est maintenant réglée.

La Commission a passé une décennie à argumenter que le Ministère devrait répondre, par écrit, à ses recommandations qui étaient adressées au gouvernement fédéral. Cette question est maintenant réglée.

À compter de 1998, la Commission a comparu devant le Comité permanent de la Chambre des communes à six reprises et à deux reprises devant le Comité du Sénat. C’est surtout grâce à l’intervention du Comité permanent de la Chambre des communes si le problème de la réponse du gouvernement à nos rapports a été réglé. Ces comparutions devant les comités ont servi à attirer l’attention sur des questions spécifiques soulevées au cours de nos Audiences spéciales sur la mise en œuvre et ailleurs. Elles ont aussi réussi à assurer l’inclusion permanente de ces questions au dossier public officiel.

La Commission a entendu d’innombrables questions soulevées par les membres des collectivités, les chefs et les conseils, le Grand Conseil des Cris, le Canada et autres intervenants. Des douzaines de questions ont été soumises à une enquête officielle en vertu de la Loi. Dans presque tous les cas, les recommandations faites ont été suivies par les parties. De plus, un grand nombre de différends et de préoccupations ont été réglés de façon informelle sans recourir à la nécessité de faire des enquêtes officielles en vertu de la Loi.

À la demande des parties, la Commission a, de façon routinière, fourni des informations aux collectivités, au Canada, aux individus et à des étudiants au sujet de son travail, de la Loi et des dossiers connexes.

À la demande des parties, la Commission a aussi fait de la médiation pour les différends, observé une élection, fourni des séances d’information, des breffages aux chefs et aux conseils et a présenté des rapports réguliers à des assemblées générales annuelles. À certaines reprises, nous avons breffé d’autres groupes de Premières nations intéressées sur le processus de la Commission et des dossiers connexes

Même si plusieurs enjeux ont été réglés, quelques préoccupations continuelles demeurent non réglées. L’approvisionnement en nouveaux logements ainsi que la condition des logements actuels ont continué d’être des problèmes majeurs dans la plupart des collectivités pendant les trente dernières années. Certains dossiers très spécifiques restent aussi en souffrance année

après année. Le progrès particulièrement lent et pénible de la décontamination du site du Bloc « D » et le transfert des terres à Chisasibi traîne encore après plusieurs années de progrès limités.

En se basant sur le besoin de rester informés sur les développements dans le droit autochtone en ce qui touche nos responsabilités, les commissaires assistent de temps à autre à des forums et à des conférences sur le droit et la politique autochtone.

Bien qu’il y ait eu des exemples de dossiers pour lesquels le résultat n’a pas été celui désiré, selon nous, le succès global de la Commission à assumer son mandat a été plus que satisfaisant.

NOTES DE LA FIN

  1. Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, article 165 (1), (a) et (b).
  2. Commission Crie-Naskapie, Rapport 1986 de la Commission Crie-Naskapie, Annexe B, (Transcription de l’enregistrement sur cassette vidéo de la signature du Protocole d’entente à l’Assemblée générale annuelle du Grand Conseil des Cris du Québec
    et de l’Administration régionale crie, le 9 août 1984, à Eastmain, Québec, p. xi. Disponible sur le site web de la Commission: www.creenaskapicommission.net
  3. Ibid., p. xii
  4. Ibid., p. 22
  5. Ibid., p. 22
  6. Ibid., p. 27
  7. Ibid., p. 36
  8. R. c. Badger, [1996] 1 R.C.S. 771
  9. Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, article (21), (j)
  10. Commission Crie-Naskapie, Rapport 2006 de la Commission Crie-Naskapie, p. 12
  11. Ibid., p. 12
  12. Ibid., pp. 12-13
  13. « Hansard », Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Nord et des ressources naturelles, 10 mai 2001, p. 3
  14. Ibid., p. 9
  15. « Hansard », Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Nord et des ressources naturelles, 15 mai 2001, p. 1

Règlement des différends

Le 18 juillet 2017, la signature officielle de l’Entente sur la gouvernance entre la Nation crie et le Canada a servi à fournir la reconnaissance d’un éventail plus grand de pouvoirs d’autogouvernement de la Nation crie d’Eeyou Istchee tant par ses propres modalités que par sa reconnaissance de l’autorité de la Constitution crie. L’Entente, y compris la Constitution crie, est en vigueur et a force de loi en vertu de la Loi sur l’Accord concernant la gouvernance d’Eeyou Istchee. La Loi prévoit aussi la poursuite des activités de la Commission Crie-Naskapie, mais en apportant des changements à ses pouvoirs et à ses fonctions.

Avec la reprise de plus nombreux pouvoirs inhérents à l’autonomie gouvernementale, la Nation crie d’Eeyou Istchee devra de plus en plus établir des structures et des processus pour régler les différends internes. De la façon dont les choses sont aujourd’hui, la Commission Crie-Naskapie joue un rôle considérable dans le cadre de ce processus. Ses responsabilités correspondent à mener des enquêtes sur les représentations qui lui sont soumises et à fournir des constatations et des recommandations qui sont ensuite présentées aux parties en cause et au ministre.

Le fondement des rôles de la Commission Crie-Naskapie pour le règlement des différends actuels et à venir

De 1986 à 2018, le mandat de règlement des différends de la Commission Crie-Naskapie était fondé sur l’article 165(1) (b) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec qui précise :

« 165 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la Commission a pour mission :

• d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de l’accord, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cet accord ou de cette constitution. »

La Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee de 2018 prévoit, parmi autres choses, que l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie et la Constitution crie« entrent en vigueur » et ont « force de loi ». L’article 165 (1) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec citée plus haut est remplacé par ce qui suit :

« 165 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la Commission a pour mission :

(a) wrelativement aux bénéficiaires naskapis, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de la présente loi, notamment l’exercice ou
le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cette loi; et (b) relativement aux bénéficiaires cris, au sens du paragraphe 2(2) de la Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de l’accord, au sens du paragraphe 2(1) de cette loi, et de la constitution crie, au sens de ce paragraphe, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cet accord ou de cette constitution. »

Les changements apportés au mandat sont que, en ce qui a trait aux Cris, plutôt que d’enquêter sur les représentations en se basant sur la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, la Commission fera des enquêtes sur les représentations relatives à l’Entente sur la gouvernance et la Constitution crie. En ce qui a trait aux Naskapis, le mandat continuera d’être de faire des enquêtes sur les représentations en vertu de la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie.


Le mandat de préparer des rapports bisannuels sur la mise en œuvre qui sont soumis au ministre et déposés au Parlement ne fait plus partie du processus envisagé par la nouvelle législation. En résumé, les fonctions de la Commission, en ce qui a trait aux Cris, évoluent au fur et à mesure que la gouvernance des Cris évolue aussi.

Enjeux plus larges du règlement des différends

Au cours des trente-deux dernières années, la Commission s’est penchée sur les représentations en vertu de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Alors que nous progressons en direction de ce qui sera une responsabilité similaire, mais plus étendue, nous présentons des idées sur l’évolution future du règlement des différends dans le contexte de la reprise de l’autonomie gouvernementale plus complète. Même si ces idées sont basées sur l’expérience de la Commission et qu’elles visent surtout à ce que les Cris et les Naskapis les évaluent, elles pourraient être valables au moment où les Premières nations ailleurs au Canada considèrent une utilisation plus complète de leur propre juridiction inhérente.

Dans son rapport de 1996, la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA) a présenté les observations suivantes :

« La plupart des institutions régissant la vie autochtone aujourd’hui se trouvent à l’extérieur des collectivités autochtones. Dans la plupart des cas, elles fonctionnent suivant des règlements qui ne tiennent pas compte des valeurs et des préférences autochtones. Il faut faire place aux institutions autochtones dans tous les secteurs de la vie publique. » « Nombre des institutions nécessaires devraient être … conçues pour compléter les structures des nations (autochtones) et non pas les concurrencer. »1

Les observations de la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA) notées plus haut fournissent le contexte pour les idées que la Commission Crie-Naskapie présente aux fins de discussion à ce moment-ci. Notre expérience nous indique que cet enjeu, si bien exprimé par la CRPA, est que toutes les commissions, tous les tribunaux et tous les conseils (CTC) créés comme partie intégrante de la structure de gouvernance d’une nation autochtone doivent refléter les valeurs et les préférences de cette nation plutôt que d’être des reflets ajustés de l’approche d’autres compétences canadiennes. De même, les processus utilisés doivent provenir des Cris, des Naskapis ou d’une autre Première nation et ne pas découler des procédures préférées par d’autres groupes. Les approches différenciées ne sont pas vraiment au-delà de l’expérience canadienne. Par exemple, elles sont utilisées dans le droit civil au Québec et dans la common law dans d’autres provinces. Les variations parmi les provinces qui utilisent la common law prouvent davantage ce point. Enfin, les lois gouvernantes actuelles doivent être cohérentes par rapport à la Constitution, et plus particulièrement par rapport aux dispositions sur les droits autochtones et issus des traités de l’article 35 et de l’article 25. À l’intérieur de ces paramètres, il y a beaucoup d’espace pour permettre l’exercice du droit inhérent d’autonomie gouvernementale, y compris l’usage du droit traditionnel et coutumier et des valeurs contemporaines ainsi que les approches « occidentales » si et là où elles sont désirées pour concevoir les structures et procédures de règlement des différends.

Contexte

Dans l’ensemble, le droit administratif au Canada a été développé au fil du temps comme partie intégrante de la tradition juridique canadienne plus large. Ses racines incluent la common law de l’Angleterre, les idées de l’Europe de l’ouest en matière de justice naturelle, un certain droit administratif spécialisé ainsi que des dispositions spécifiques contenues dans plusieurs lois créant les commissions, tribunaux et conseils (CTC) « traditionnels ». Tous ces éléments ont été tissés dans un ensemble raisonnablement cohérent de droit soutenu par un certain nombre de décisions des tribunaux.

Les principes directeurs du droit administratif canadien s’appuient sur des concepts comme
« équité ». Bien sûr, ce concept est aussi une valeur fondamentale dans les collectivités autochtones. Le problème survient parce que l’application eurocanadienne de ce concept et d’autres concepts n’est pas adaptée aux collectivités autochtones.

Par exemple, les concepts d’équité incluent des critères précis comme : personne ne devrait être juge dans sa propre cause; personne ne devrait être le sujet d’une décision négative sans avoir eu la possibilité d’être au courant des problèmes à régler ainsi que la personne a le droit d’être entendue pour elle-même; tout le monde a droit à des conseils juridiques ponctuels, etc. Ensemble, ces critères et les autres aident en général à assurer l’équité dans le travail de centaines de CTC « traditionnels » que les Canadiens connaissent bien. Ces derniers incluent le CRTC, différentes commissions des droits de la personne, l’Office national de l’énergie, la Commission des affaires municipales de l’Ontario, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, les conseils de planification locaux, les commissions de révision des évaluations, etc. Dans les situations où un individu pense que justice ne lui a pas été rendue, il peut souvent en appeler auprès d’un tribunal spécialisé en appels, à l’occasion au Cabinet et dans tous les cas s’adresser aux tribunaux pour une révision judiciaire ou un autre redressement juridique. Même s’il y a toujours place à l’amélioration, dans son ensemble, le système est raisonnable et équitable pour la plupart des juridictions canadiennes. Toutefois, le système n’est pas raisonnable pour certaines situations dans les collectivités autochtones.

Au cours des dernières années, un ensemble considérable de lois autochtones et issues des traités a commencé à faire son apparition au Canada, formé en partie des concepts de la common law, mais provenant plus particulièrement du droit jurisprudentiel découlant de l’application des dispositions sur les droits ancestraux et issus des traités contenus dans l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Au cours des 25 dernières années, avec la venue des ententes sur les revendications territoriales, les traités des temps modernes et la législation relative à l’autonomie gouvernementale, le nombre de CTC autochtones a explosé. En même temps, parmi autres choses, le droit en évolution après 1982 reconnaît le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale comme essentiel et inévitable. Et ce dernier inclut nécessairement le droit des Premières nations d’utiliser leurs propres méthodes pour régler les différends, afin d’exercer leur pouvoir de réglementation de certaines activités, etc. – en résumé, le droit d’établir et de faire fonctionner des CTC conformément à la Constitution, mais en vertu de leurs propres lois, traditions et préférences.

Le droit à l’autonomie gouvernementale des Premières nations est non seulement protégé par les dispositions constitutionnelles de 1982, mais il a obtenu le soutien du niveau international par l’entremise des articles 4 et 5 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui précisent ce qui suit :

Article 4 : « Les peuples autochtones, dans l’exercice de leur droit à l’autodétermination, ont le droit d’être autonomes et de s’administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que de disposer des moyens de financer leurs activités autonomes. »

Article 5 : « Les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles
distinctes... »

De plus en plus, l’application des lois relatives aux droits ancestraux et issus des traités pour les affaires autochtones qui sont présentées devant les CTC « traditionnels » a souligné l’importance de modifier l’utilisation du droit administratif général pour respecter les « droits conférés par l’article 35 pour ces affaires. Dans une certaine mesure, le « devoir de consulter et d’accommoder » reconnu par les tribunaux est un excellent exemple de cette tendance.

Il serait raisonnable d’apporter certaines modifications aux CTC « traditionnels » pour entendre les causes autochtones et elles ont commencé à être requises et définies. Par exemple, dans la décision de l’affaire Clyde River, les Premières nations et autres juridictions ont une habileté beaucoup plus grande de concevoir les structures, processus et lois gouvernantes de leurs CTC de manière à ce qu’ils correspondent à leurs valeurs coutumières, traditionnelles et

contemporaines et façons privilégiées de faire les choses. Même si certaines compétences autochtones pourraient choisir d’utiliser des structures ou des processus de droit administratif eurocanadiens, dans une grande mesure, ce sera leur choix.

Exemples de questions pratiques auxquelles les CTC font face

À ce moment-ci une question raisonnable à poser pourrait être : « Pouvons-nous examiner quelques exemples de la raison pour laquelle les juridictions autochtones doivent utiliser une approche différente pour gérer les CTC en comparaison des autres juridictions au Canada? »

Nous considérons que l’équité est une valeur fondamentale, tant pour les CTC « traditionnels » que pour les CTC autochtones. Comment obtenir l’équité peut être source de différence critique. Certains exemples servent à expliquer la situation.

En général, les lois et les règlements sur les élections, que ce soit pour les Premières nations, pour le fédéral, le provincial ou le municipal, fournissent un ensemble de dates spécifiques pour déclencher une élection, pour l’ouverture et la fermeture des candidatures et (après un nombre précisé de jours), pour la tenue du scrutin. L’absence du respect de ces dates signifie que l’élection n’a pas été organisée conformément à la loi et elle pourrait être contestée. Ceci pourrait être entièrement raisonnable dans la plupart des juridictions. Dans une collectivité autochtone, il pourrait cependant être coutumier que s’il y a un décès dans la collectivité, les fonctions publiques sont reportées pour une journée ou deux (y compris une date de mise en candidature ou une date d’élection du chef et du conseil. Typiquement, une loi « occidentale » sur les élections ne reconnaîtrait pas ce processus. Mais d’autre part, le droit coutumier ou la pratique contemporaine accepterait ce fait. Un CTC autochtone aura souvent à régler les contestations.

La plupart des CTC fonctionnent en se basant sur le fait que lorsqu’un panel formé de plusieurs membres étudie une question, il discute de la preuve, etc., et que, s’il n’y a pas de consensus, une majorité simple détermine la décision du CTC. Souvent, un CTC autochtone fonctionne plutôt en partant du principe qu’un effort supplémentaire doit être déployé pour obtenir un consensus pour déterminer la décision.

Dans pratiquement tous les CTC à travers le Canada, le principe de l’équité englobe le concept de ne pas être juge dans sa propre cause. La situation est élargie de « sa propre cause » à la cause d’une personne liée par le sang, le mariage, l’affinité, une relation d’affaires, une amitié proche, etc. Dans les juridictions qui englobent des populations de dizaines de milliers ou de millions de personnes, la probabilité d’une relation est faible. Dans les panels plus grands composés de plusieurs personnes, s’il y a une relation, le membre du panel touché peut se retirer. Dans une collectivité composée de quelques centaines ou même de quelques milliers de personnes, ceci peut ne pas être une possibilité pratique parce que plusieurs personnes sont des membres de la famille ou des amis proches, etc. À l’occasion, il faut trouver d’autres voies pour assurer l’équité – trouver des membres remplaçants pour le panel, assurer la divulgation et la transparence les plus complètes possible, considérer très rigoureusement la preuve, fournir des raisons détaillées pour expliquer la décision, etc.

De façon plus large, les CTC autochtones, contrairement à leurs collègues « traditionnels » fonctionnent quotidiennement à l’intérieur du cadre juridique des droits ancestraux et issus des traités, des lois autochtones spécifiques, des dispositions des traités et des règlements, des revendications territoriales, etc., ainsi qu’une sensibilisation plus importante ou plus faible par rapport à la tradition et à la coutume et une connaissance des « normes communautaires »
qui sont fréquemment distinctives de certaines façons des normes des autres communautés.

Ce ne sont que quelques exemples pour expliquer les raisons pour lesquelles les juridictions des Premières nations et autres juridictions autochtones peuvent choisir d’utiliser des approches quelque peu différentes pour déterminer les structures et les processus qu’elles établissent pour se départir des fonctions du règlement des différends, de la révision des décisions administratives, des activités réglementaires, etc.

La question de l’indépendance

Alors que les juridictions des Premières nations et autres juridictions autochtones considèrent de plus en plus l’établissement de commissions, tribunaux et conseils administratifs (CTC) dans le contexte d’exercer leur droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, la première question qui doit être abordée est l’habileté d’établir et de défendre l’indépendance du CTC. Le plus souvent, ce sera leur indépendance vis-à-vis du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial. Au fil du temps, alors que de plus nombreuses Premières nations établiront leurs constitutions ainsi que les CTC qu’elles jugent nécessaires, les questions liées à l’indépendance impliqueront l’indépendance du gouvernement des Premières nations lui-même.

La plupart des CTC sont établis pour assurer que les règlements sont appliqués équitablement, que les différends sont réglés ou que les recommandations ou décisions sont protégées par un degré crédible d’indépendance par rapport au gouvernement. La majorité des CTC devront clarifier et défendre cette indépendance sur une base régulière. Les ministères responsables du gouvernement essaieront, par la nature des choses, d’assurer qu’un nombre aussi élevé que possible d’activités qui ont trait à leur mandat reste sous leur contrôle. Pour plusieurs représentants du gouvernement, les CTC représentent une menace à leur contrôle de ce qu’il considèrent être leur territoire ou une menace à leur habileté de contrôler la perception publique de la façon dont ils exécutent leurs tâches et exercent leurs pouvoirs. Bien que ces tendances contradictoires s’appliquent dans une mesure plus grande ou plus faible à la plupart des CTC, elles sont particulièrement importantes pour les CTC autochtones en ce qui a trait à leurs relations avec les ministères et organismes du fédéral et du provincial qui avaient fondamentalement un contrôle illimité et paternaliste (surtout par l’entremise de la Loi sur les Indiens) sur les affaires des collectivités autochtones pendant de nombreuses années et qui doivent maintenant accepter la réalité du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale.

La crédibilité et l’efficacité d’une commission, d’un tribunal ou d’un conseil dépendent de plusieurs facteurs. L’étendue à laquelle ses décisions sont sages, pratiques et légitimes sera toujours bien sûr un facteur majeur. L’indépendance et l’apparence d’indépendance sont cruciales. Dans le cas d’un CTC autochtone, elles constituent une partie importante de la

reprise de l’autonomie gouvernementale. À ce titre, les CTC doivent surmonter un défi particulièrement important, en termes de leur crédibilité, pour être et apparaître être indépendants du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial et de plus en plus de leurs propres gouvernements. Ils doivent aussi faire partie des structures d’autogouvernement et en même temps être capables de maintenir le degré d’indépendance nécessaire envisagé dans la Constitution de la Première nation ou dans un autre arrangement au moyen duquel la Nation exerce son droit inhérent.

La marge d’indépendance réelle que les CTC autochtones atteindront dépendra de quatre
facteurs principaux :

• la base juridique par laquelle ils ont été établis et peuvent être dissous,

• les méthodes de nomination et la destitution de leurs membres,

• la nature et la clarté de leurs mandats, et

• la source ou les sources et le contrôle de leur financement.

Chacun de ces facteurs sera important tant en ce qui a trait à l’indépendance face au
gouvernement fédéral ou provincial et en ce qui a trait à maintenir leur indépendance d’un gouvernement autochtone.

Base juridique pour l’établissement et la dissolution des CTC autochtones

La méthode utilisée pour créer un CTC autochtone ainsi que le processus par lequel il peut être dissous figurent parmi les facteurs les plus importants qui affectent son indépendance, surtout lorsque ses décisions ou son mandat sont contestés.

Clearly a body created by a “section 35” protected treaty or agreement has extremely strong guarantees of its existence. The process of amending treaties will normally ensure that the consent of all the parties is required.

Il est clair qu’un organisme créé par un traité ou une entente protégés en vertu de « l’article 35 » a des garanties très fortes relatives à son existence. Le processus d’amendement des traités exige en général le consentement de toutes les parties.

Un CTC créé par une loi spécifique nécessitera un amendement législatif pour changer son mandat ou mettre fin à son existence. Ce n’est absolument pas une garantie d’un consentement autochtone libre, préalable et informé, mais c’est normalement un processus ouvert et public qui implique en général la possibilité pour les parties intéressées à fournir des intrants. Ces avantages d’avoir une base juridique sont beaucoup moins fiables dans la culture politique d’aujourd’hui où les « projets de loi omnibus » peuvent enterrer des changements législatifs importants dans des « lois budgétaires » non reliées.

La loi sur la création des CTC que le gouvernement devait déposer pour un traité ou une entente en vertu de « l’article 35 » (La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec) est, on peut l’affirmer, en position plus forte en comparaison d’une loi ordinaire. La Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee récemment adoptée semble offrir une protection plutôt moins grande.

Certains CTC sont créés par décret en conseil. L’habileté du gouvernement du moment de simplement abroger le décret en conseil est une limite très considérable sur l’indépendance
d’un tel CTC. Ce n’est normalement pas une option qu’une Première nation devrait accepter.

De plus, certains CTC sont créés par directive ministérielle. Bien sûr, on peut leur mettre fin ou changer leurs mandats très facilement. Cette approche est totalement incompatible avec
un concept d’autogouvernement.

Un ensemble parallèle de problèmes existent lorsqu’un CTC est créé par une Première nation ou un autre gouvernement autochtone. Les groupes qui utilisent cette approche devront considérer la création par l’entremise de la Constitution de la Première nation ou d’un instrument similaire, les lois de la Première nation, une résolution du conseil, etc., dans le but d’avoir le degré désiré d’indépendance. Clairement, la création par voie d’inclusion de la Constitution de la Première nation assure une plus grande indépendance que la création par l’entremise d’une simple loi ou résolution. La vraie différence bien sûr est qu’aucune autorité externe n’est impliquée.

En termes de la désirabilité possible de mettre fin à un CTC (par exemple, lorsqu’il n’est plus nécessaire), il doit y avoir une méthode indépendante pour évaluer sa nécessité ou son efficacité. Il est clair que les personnes qui ont été des parties qui ont comparu devant le CTC en fournissant des intrants ne devraient probablement pas faire partie de l’autorité finale pour déterminer d’y mettre fin. Dans le cas de la Commission Crie-Naskapie, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, prévoit ce qui suit à l’article 172 :

« 172 (1) Dans les six mois suivant les cinq premières années d’application de la présente partie, le gouverneur en conseil nomme une ou plusieurs personnes chargées de réexaminer les pouvoirs et fonctions de la Commission ainsi que son fonctionnement. »

L’article prévoyait aussi que le ou les responsables du réexamen adressent, dans les six mois
suivant leur nomination, un rapport assorti des recommandations au ministre qui doit ensuite
faire déposer le rapport au Parlement. Même si d’autres approches devaient être utilisées
pour les CTC internes des Premières nations, les articles de la Loi citée illustrent le degré d’indépendance requis pour réexaminer la désirabilité de mettre fin au CTC ou de changer
le mandat, etc., de ces organismes

Méthodes de nomination et de destitution des membres du CTC

La méthode par laquelle les CTC sont établis et dissous est presque aussi fondamentale que la méthode pour nommer et destituer ses membres afin d’assurer leur indépendance.

Certains exemples servent à illustrer cette affirmation. Dans certains cas, différents membres sont nommés par différentes parties qui commanditent le CTC. La British Columbia Treaty Commission est le meilleur exemple connu de cette approche. Dans ce cas, les Premières nations, le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Colombie-Britannique nomment chacun des commissaires.

La nomination des membres de la Commission Crie-Naskapie est expliquée dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, qui exige que les membres soient « nommés par le gouverneur en conseil sur recommandation du Gouvernement de la nation crie ou de la bande naskapie ». Bien sûr, seules les personnes recommandées peuvent être nommées. La Loi stipule aussi « que les commissaires peuvent être destitués pour une raison valable ». En pratique, ceci veut dire que la destitution est seulement possible pour conduite criminelle ou autre mauvaise conduite sérieuse et la décision ne peut pas être basée sur le fait que les constatations ou les recommandations de la Commission sont acceptables ou non aux yeux des autorités. Le mandat est pour une période de deux ans et le renouvellement du mandat ou non est fait en utilisant la même procédure. La nouvelle loi poursuit cette façon de faire.

Certaines nominations sont faites par décret en conseil avec consultation ou sans consultation. Certaines sont faites par lettre ou directive ministérielle. Aucun de ces moyens ne fournit beaucoup d’indépendance lorsqu’une contestation sérieuse survient et n’est donc normalement pas appropriée pour les Premières nations.

Des différences similaires dans les méthodes de nomination touchant l’indépendance vont être soulevées pour les membres des CTC nommés en vertu des différents exercices du droit inhérent. Le choix de l’option nécessaire pour obtenir le degré d’indépendance voulu sera un aspect important à considérer. À nouveau, la vraie différence est que dans ce cas, aucune autorité externe n’est impliquée à moins qu’elle soit déterminée par la Première nation pour répondre à ses besoins.

Nature et clarté des mandats

Les Premières nations doivent assurer que les mandats de leurs CTC sont aussi clairs et précis que possible afin d’éviter les différends sur la nature et l’étendue de leurs pouvoirs et devoirs. Cet aspect peut devenir critique si une affaire traitée par le CTC semble avoir une composante politique.

Contrôle du financement

Dans presque tous les cas, le financement du CTC provient du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial. Dans pratiquement chaque exemple, ceci veut dire que le financement est assujetti à une grande variété de discrétion politique et bureaucratique. Même si un CTC peut avoir une indépendance juridique, en pratique, cela veut dire très peu si son financement est dans les mains d’autres personnes. Le Parlement et les législatures perçoivent légitimement leur contrôle sur les dépenses publiques comme l’un de leurs pouvoirs les plus importants et incontestables. De par leur nature, les CTC ne peuvent clairement pas vendre des produits et services, solliciter des dons ou organiser des bingos pour se financer. Ils n’ont aucune alternative pratique pour remplacer le financement des gouvernements. Le contrôle de la bourse publique par le Parlement est un acquis. Le besoin d’indépendance relative des CTC est aussi un acquis. Quelle est la solution? La Commission Crie-Naskapie n’a pas de réponse définitive, mais quelques réponses pratiques sont évidentes.

Les arrangements des temps modernes mettent de plus en plus des ensembles de financement pluriannuels importants dans les mains des gouvernements des Premières nations. La « Paix des braves » entre les Cris d’Eeyou Istchee et le Québec comporte une garantie de financement de cinquante ans. L’Entente sur une nouvelle relation parallèle entre les Cris et le Canada est pour une durée de vingt ans. Il est valable de penser à incorporer le financement des CTC autochtones dans des arrangements de financement à long terme similaires.

À l’heure actuelle, une variété d’arrangements de financement est utilisée. Ces arrangements incluent :le « financement par contribution définie », le « financement par contribution flexible » et le « financement par contribution globale ». Chacune de ces méthodes a des limites considérables qui constituent des contraintes pratiques sur l’indépendance des CTC. Tout arrangement de financement offert par le gouvernement doit être soigneusement considéré à partir du point de vue de son impact sur l’indépendance du CTC, surtout dans des situations litigieuses.

En l’absence d’arrangements tels que les exemples des Cris d’Eeyou Istchee, les CTC autochtones devraient toujours mettre l’accent sur la durée la plus longue possible (au moins cinq ans) pour leurs arrangements de financement. Ils devraient aussi tenter d’obtenir des ententes de subventions contrairement à d’autres formules de financement. Enfin, bien qu’il ne soit pas déraisonnable de soumettre un plan de travail comme simple description de ce qui est financé, il n’est pas raisonnable, dans le contexte de l’autogouvernement, que le financement soit subordonné à l’approbation d’un plan de travail par le gouvernement. L’approbation du plan de travail est une fonction qui incombe à la Première nation impliquée et non à l’organisme de financement du gouvernement.

La nécessité des décisions contraignantes des CTC

L’expérience de la Commission Crie-Naskapie dans le cadre de sa fonction de règlement des différends a été qu’il y a occasionnellement un besoin pour un organisme juridictionnel ou un « tribunal cri ».

Depuis 32 ans, lorsque la Commission a commencé ses opérations, il y a eu une grande variété de différends présentés à la Commission sous forme de réclamations en vertu de l’article 165 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Certains différends sont entre un gouvernement cri et le Canada, de nombreux différends sont entre les membres et l’administration de leur bande ou leur chef et conseil. Une réclamation a même été présentée par le Canada. (Elle a subséquemment été retirée.) Après avoir accepté ces représentations, la

Commission mène une enquête et prépare un rapport sur ses constatations, ses recommandations et ses conclusions. Aucune disposition n’est en place pour que la décision soit exécutoire. En général, cette méthode s’est avérée satisfaisante en ce sens que les recommandations présentées ont presque toujours été acceptées par les parties. Dans les cas où l’objectif principal est de résoudre un problème tout en évitant des discordes non nécessaires au sein de la communauté, des dépenses et des litiges juridiques, le système actuel fonctionne assez bien.

Même si le système actuel utilisé par la Commission est efficace pour la grande majorité des différends internes, il n’aborde pas la nécessité d’utiliser une procédure interne basée sur les Cris pour régler les différends pour lesquels un plaignant ou les deux parties ne sont pas disposés à régler sur la base des recommandations, mais préféreraient une décision juridique contraignante et exécutoire. Un exemple de ce genre de situation a été un différend entre une entité régionale crie autonome et une Première nation crie. L’entité crie a décidé qu’elle voulait que l’affaire soit directement entendue par un tribunal plutôt que d’utiliser un processus de médiation non contraignant. Ceci correspondait donc à demander à un tribunal non-cri à l’extérieur du territoire cri de régler un différend interne cri, non par voie d’appel, mais plutôt en première instance. Ce genre de chose est contraire à l’ensemble du concept de l’autonomie gouvernementale. En plus de cela, ça correspond à dépenser de l’argent cri pour lutter contre d’autres Cris devant un organisme de règlement des différends non cri. La situation aurait peut-être été meilleure si les parties en cause avaient été légalement tenues d’utiliser un processus interne avant d’avoir recours à un organisme de l’extérieur pour déterminer l’issue.

Comme les choses sont à l’heure actuelle, si les parties en cause veulent seulement une décision contraignante et exécutoire, un différend peut seulement être réglé par des chargés de pouvoir à l’extérieur de la collectivité. En général, ceci veut dire le système judiciaire canadien. Ces tribunaux prennent des décisions basées surtout sur les textes de loi en vigueur, la common law anglais et le droit civil du Québec. Dans la plupart des cas, ce système donne des résultats justes et équitables. Dans les cas impliquant des différends internes toutefois, il faut un processus qui tient compte des lois cries, des valeurs communautaires cries et de l’approche crie au règlement des différends. Plus précisément, régler un différend interne en le renvoyant à un tribunal à Montréal ou ailleurs ne correspond pas à une vraie autonomie gouvernementale

Ce qu’il faut, c’est un organisme juridictionnel interne possédant des pouvoirs décisionnels et exécutoires. Il serait essentiel que cet organisme conserve un équilibre entre l’indépendance et l’imputabilité. Pour être et paraître objectif, cet organisme ne pourrait pas être soumis au

contrôle direct du gouvernement de la Nation crie. Souvent, un gouvernement local ou le gouvernement de la Nation crie serait une des parties au différend. Si l’organisme juridictionnel devait répondre à un gouvernement ou à plusieurs gouvernements, ses décisions seraient perçues comme partiales contre la partie plaignante ou comme défis pour l’autorité gouvernante crie. Ces différentes perceptions rendraient donc rapidement l’organisme dysfonctionnel.

En ce qui a trait à l’imputabilité, chaque entité crie doit être imputable envers la Nation crie, y compris les organismes juridictionnels, si elle n’est pas directement imputable envers le gouvernement de la Nation crie. L’imputabilité ne serait pas pour les décisions, mais bien pour la bonne gestion financière et l’adhérence à des normes préalablement établies pour exercer les pouvoirs et effectuer les fonctions. Il serait possible d’envisager différents modèles d’imputabilité. Par exemple, peut-être que les trois quarts des membres du conseil/de la commission, soit une majorité spéciale serait nécessaire pour nommer des arbitres à partir d’une liste de personnes qui respectent les critères préalablement établis. La destitution des arbitres devrait aussi être possible seulement dans des circonstances extraordinaires et par l’entremise d’un processus non partial. Plusieurs modèles pourraient être envisagés. Par exemple, un panel formé de deux Cris d’Eeyou Istchee et trois autres personnes autochtones qui possèdent les qualifications établies au préalable.

Appels d’un organisme juridictionnel interne

Dans certains cas, une partie pourrait vouloir en appeler d’une décision d’un arbitre cri. C’est définitivement un droit enchâssé dans la Constitution. Dans une telle éventualité, il est probable que la certitude de ne pas compromettre indûment l’autonomie gouvernementale est si l’appel est fait auprès d’un tribunal spécialisé qui utilise des règles et des procédures qui sont conçues pour prendre en compte la sensibilisation la plus complète possible aux lois cries et le respect des lois cries. L’inclusion de juges cris et/ou autres autochtones serait aussi souhaitable. [Il y a quelques années, la Commission Crie-Naskapie a publié un document de discussion suggérant qu’une division des Premières nations ou une division autochtone soit ajoutée à la Cour fédérale du Canada.] L’idée d’un tribunal spécialisé n’est pas nouvelle. La Cour canadienne de l’impôt ainsi que les tribunaux militaires en sont des exemples bien connus.

La création d’un tribunal pour seulement entendre les appels d’Eeyou Istchee ne serait bien sûr pas faisable en termes de volume. Toutefois, si les Premières nations à travers le Canada étaient intéressées à cette approche, ce serait alors une bonne initiative à poursuivre. Peu importe si ce processus ou les processus existants étaient utilisés, il serait utile que la législation relative aux ententes d’autonomie gouvernementale ayant force de loi exige que les différends internes soient entendus en première instance par l’organisme juridictionnel interne. Cette étape serait nécessaire avant que tout appel ne puisse être entendu. Naturellement, tout système serait assujetti, en analyse finale, à la compétence en matière d’appels de la Cour suprême du Canada.

La nécessité de « créer un terrain équitable » pour les individus

Toutes les personnes qui font appel à un processus de règlement des différends ou à un processus juridictionnel doivent avoir une chance sensiblement égale de présenter leur cas. Par exemple, les ressources à la disposition d’un individu sont d’habitude très limitées alors que les ressources à la disposition d’un gouvernement ou à une grande entreprise sont souvent formidables. Pour que justice soit rendue, il est nécessaire de trouver une méthode pour « créer un terrain équitable. » Dans plusieurs situations, les parties n’ont pas besoin de conseils

juridiques ou d’être représentées. Selon l’expérience de la Commission, en général, toutes les parties se sont prononcées pour elles-mêmes sans utiliser les services d’avocats. Dans deux cas seulement, une bande a emmené ses conseillers juridiques pour prendre part à un différend. La volonté de renoncer à une représentation juridique sera toutefois moins fréquente lorsque des décisions contraignantes et exécutoires seront prises.

Lorsqu’une des parties décidera d’exercer son droit à des conseils juridiques, il sera nécessaire d’assurer que l’autre partie aura une aide semblable. En général, les personnes à titre individuel seront en position beaucoup plus faible que les gouvernements. Il serait possible d’utiliser le type de « défenseur public » comme modèle. Lorsque les droits en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi sont en litige, des modèles ou des programmes de « financement de cause type » pourraient être utilisés de temps à autre dans d’autres instances.

Peu importe le système retenu en fin de compte, il devrait être conçu, compris et approuvé
par les peuples cris d’Eeyou Istchee et non choisi et imposé par un gouvernement extérieur.

Conclusion et prochaines étapes possibles

Il est clair qu’au fur et à mesure que le droit inhérent sera exercé de plus en plus, les gouvernements des Premières nations et autres gouvernements autochtones devront prévoir l’utilisation de leurs pouvoirs de réglementation, de règlement des différends, de révision administrative et autres fonctions juridictionnelles. Plusieurs choisiront d’utiliser des commissions, conseils et tribunaux ainsi qu’organismes juridictionnels qui posséderont les pouvoirs des tribunaux. L’établissement, les processus, l’indépendance et le financement de ces organismes seront cruciaux pour assurer leur crédibilité dans les collectivités et leur efficacité. Une variété d’approches seront nécessaires et devront être basées sur le respect des différentes traditions, coutumes et préférences contemporaines de la nation concernée. La formule « taille unique » ne pourra pas convenir. Il est aussi clair que les structures et processus appropriés devront être en place pour s’occuper des appels relatifs à ces organismes. Ces structures et processus doivent soutenir l’autonomie gouvernementale tout en assurant aussi que les droits constitutionnels de tous sont respectés.

Ce qui est essentiel est que les gouvernements des Premières nations et les autres gouvernements autochtones prennent le leadership pour concevoir des structures et processus qui répondent à leurs besoins et à leurs préférences. Ceci doit se produire bien avant que d’autres gouvernements agissent selon leurs propres suppositions relatives aux besoins juridictionnels des gouvernements autochtones et qu’ils tentent d’imposer des politiques ou des lois à ce sujet.

Dans le cas du gouvernement de la Nation crie, il a maintenant la compétence pour adopter des lois sur les structures et les processus pour répondre aux besoins des Cris en ce qui a trait au règlement et arbitrage des différends internes. Il devra être proactif dans ce domaine tôt à l’ère
de l’autonomie gouvernementale élargie

NOTES DE LA FIN

  1. Commission royale d’enquête sur les peuples autochtones, À l’aube d’un rapprochement, (Points saillants du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones), Ottawa, 1996.

Réponse du Canada aux Recommandations du Rapport 2016 de la Commission Crie-Naskapie

Au cours des audiences spéciales qui ont eu lieu à Montréal en février 2018 en préparation du présent Rapport, le Canada a fourni ses réponses aux recommandations du Rapport 2016 qui avaient trait à des dossiers dont la responsabilité incombe au gouvernement fédéral.

Le présent chapitre présente la recommandation originale de la Commission reliée au Canada, la réponse du Canada et, le cas échéant, un commentaire de la Commission.

Dans le cas de la réponse du Canada, les citations reproduites proviennent des transcriptions des réponses orales (en anglais) fournies par le ministère au cours des audiences spéciales sur la mise en œuvre le 6 février 2018. La Commission a reçu une version écrite. Étant donné qu’il n’y a pas de différence substantive entre les versions orales et écrites, nous avons gardé le témoignage oral.

Recommandations

II. … la Commission présente à nouveau par la présente les recommandations sur les élections de la bande. (Seules les recommandations adressées au Canada sont incluses.)

III. Pour toutes les affaires reliées aux élections de la bande, le chapitre 9 (Administration locale sur les terres de la catégorie IA) de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et la Partie II (Élections de la bande) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec devraient faire l’objet d’une révision par le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Nation crie pour atteindre les objectifs suivants :

a) reconnaître le droit coutumier et les pratiques des Eeyous;

b) prévoir les besoins et les aspirations des individus cris et des communautés cries;

c) assurer la conformité par rapport aux droits de la personne et aux droits issus des traités des individus.

V. Affaires autochtones et du Nord Canada devrait négocier avec les Cris et les Naskapis une entente de financement du processus électoral qui assurerait l’uniformité du processus et fournirait des fonds pour :

a) l’examen et la révision des dispositions pertinentes de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Convention
du Nord-Est québécois;

b) l’élaboration et la révision des règlements administratifs propres aux communautés, ainsi que des ateliers d’information avant les élections;

c) des conseils juridiques aux bandes et (de façon indépendante) aux directeurs de scrutin;

d) un accès au processus pour la contestation des résultats d’élection;

e) une formation continuelle pour les présidents d’élection;

f) l’établissement, l’administration et le maintien d’un processus local pour la mise à jour des listes de bénéficiaires et d’électeurs communautaires.

VI. New funding sources and arrangements should be determined by the Government of Canada and the Cree Nation Government for the process respecting the contestation of election results contemplated by Section 78 of the Cree-Naskapi (of Quebec) Act. In particular, funding resources should be made available for individuals contesting election results, public officials and elected officials so that they may have access to the appropriate authorities for the administration of justice.

VI. Le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Nation crie devraient déterminer de nouvelles sources et arrangements de financement pour la contestation des résultats des élections mentionnée dans l’article 78 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Plus particulièrement, des fonds devraient être disponibles pour les individus qui contestent les résultats des élections, les représentants publics et les représentants élus pour leur permettre d’avoir accès aux autorités appropriées pour l’administration de la justice.

VII. Affaires autochtones et du Nord Canada et la Nation crie d’Eeyou Istchee devraient réviser le fastidieux processus utilisé pour le transfert des personnes d’une bande à une autre et établir un processus plus efficace et efficient dans le cadre duquel la Nation crie assumerait plus de responsabilités pour l’identification et le maintien de la liste des membres de la bande.

VIII. Le gouvernement du Canada et le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee)/le gouvernement de la Nation crie devraient réviser l’application et les répercussions de l’article 18 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec – une disposition spéciale pour les Indiens qui ne sont pas bénéficiaires de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi pour en assurer la conformité et la compatibilité avec les droits de la personne des membres de la Nation crie et du droit coutumier eeyou/eenou.

IX. Le gouvernement du Canada et le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee)/le gouvernement de la Nation crie devraient réviser l’application et les répercussions du paragraphe 3.2.7 (au sujet de la clause de dix ans) du chapitre 3 (Admissibilité) de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi pour assurer le respect des droits issus des traités enchâssés dans la Constitution et des droits de la personne des membres de la Nation crie pour les affaires concernant les élections de la bande.

X. Le gouvernement du Canada devrait prendre des décisions en collaboration avec le gouvernement de la Nation crie sur la question à savoir si la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Corbiere s’applique aux bandes cries. Ensuite, le Canada et les Cris devront discuter de tous les amendements subséquents à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et de leur mise en œuvre adéquate et efficace.

ÉPONSE DU CANADA

« Donc, je pense que nous passerons à nos réponses aux différentes recommandations, en commençant par la recommandation numéro 2, et dans les sections secondaires, il semble y avoir une question qui implique le Canada. Nous pensons que plusieurs affaires liées aux élections de la bande sont abordées par le Canada en conjonction avec le gouvernement de la Nation crie dans le cadre de l’établissement de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie. Donc le chapitre 6 de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie confère aux Nations cries le pouvoir d’adopter des lois de nature locale et en vertu de l’Entente, les Cris auront le contrôle des opérations et procédures internes de leur gouvernement pour adopter des lois, des résolutions, tenir des élections, des réunions, des référendums et l’administration financière. »

Commentaire de la Commission

L’établissement de l’Entente sur la gouvernance crie, et la Constitution crie ainsi que la loi leur donnant effet semblent être une étape majeure dans la reprise du droit inhérent d’autonomie gouvernementale de la Nation crie d’Eeyou Istchee. Incontestablement, la juridiction de contrôler le processus d’élection est maintenant entre les mains de la Nation crie. La Commission espère que le financement adéquat à long terme du processus électoral sera en place et que les problèmes spécifiques comme l’applicabilité possible de la décision dans l’affaire Corbière ne seront pas ignorés alors que les questions plus larges seront réglées.

Recommandation 3

La Commission recommande que le Canada s’engage à poursuivre les négociations de bonne foi avec le gouvernement de la Nation crie pour obtenir une entente pour respecter les objets du chapitre 3 comme il est précisé dans le paragraphe 3.1 b) de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee d’une manière conforme à la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de ladite Entente concernant une nouvelle relation entre les Cris et le Canada.

RÉPONSE DU CANADA

« Comme vous le savez, et je l’ai peut-être mentionné dans mes mots d’ouverture, l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie a été signée par les Cris et le Canada le 18 juillet 2017. L’Entente modernise le régime actuel de gouvernance établi en vertu du chapitre 9 de la

Convention de la Baie-James et du Nord québécoi (CBJNQ). Elle consolide la relation de nation à nation entre le Canada et les Cris en se fondant sur la reconnaissance des droits, le respect et le partenariat. »

« Lorsque cette Entente et la Constitution crie entreront en vigueur, le gouvernement de la Nation crie aura de nouveaux pouvoirs pour adopter des lois, notamment en ce qui a trait à la célébration des mariages, aux biens fonciers matrimoniaux, à la langue, à la culture et au patrimoine. Les nouveaux pouvoirs permettront aux gouvernements locaux et régionaux cris d’adopter leurs propres lois gouvernant les modalités et la gestion de la gouvernance interne. »

« Comme noté précédemment, les Cris auront le contrôle de leur propre constitution qui abordera le fonctionnement et les procédures internes de leurs gouvernements, y compris des sujets comme je l’ai mentionné, comme les procédures pour adopter les lois et les résolutions, les élections, les réunions et les référendums et l’administration financière. »

« Le projet de loi donnera effet à l’Entente et amendera la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et retirera les Cris de son application. Nous prévoyons que cette loi sera déposée au Parlement dans un avenir très rapproché. Nous n’avons pas encore de date, mais nous prévoyons que ce sera au cours des semaines à venir. »

« J’aimerais noter que tant les Cris que les Naskapis ont été consultés relativement à la version provisoire du projet de loi. Le dépôt ponctuel de la législation pour permettre la ratification finale et la mise en œuvre de l’Entente est d’importance primordiale pour le Canada. »

Commentaire de la Commission

The new governance legislation does indeed provide the Crees with the necessary tools to address these matters. In fact the Cree Constitution has already dealt with some of them. Undoubtedly this work will continue in the coming months and years.

Recommandation 8

Le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Nation crie, en collaboration avec les gouvernements locaux cris, devraient identifier l’autorité adéquate de maintien de l’ordre et assurer un financement adéquat pour l’application efficace des règlements administratifs du gouvernement de la Nation crie et des gouvernements locaux cris.

RÉPONSE DU CANADA

10 janvier 2018, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a annoncé le renouvellement du Programme des services de police des Premières nations. Maintenant que le financement fédéral a été annoncé, des représentants de Sécurité publique Canada entameront des discussions détaillées avec le gouvernement de la Nation crie, sur l’Entente sur la gouvernance, dans le but de négocier un nouveau financement – un accord sur le financement des services de police. En vertu de … l’Entente de gouvernance, le gouvernement de la Nation crie et les administrations locales cries auront maintenant le pouvoir d’adopter des lois plutôt que des règlements administratifs qui étaient prévus dans la CBJNQ, pour une grande variété de gouvernance locale sur les terres cries, y compris la sécurité … publique. La nouvelle Constitution crie supprimera la supervision du ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada relative à la gouvernance crie dans les terres de la catégorie I. »

Commentaire de la Commission

La Commission espère que, dans le cadre de ses négociations avec les Cris, le Canada abordera les problèmes de services de police spécifiques soulevés par les Cris et qu’il n’appliquera pas ses critères génériques utilisés à l’échelle du Canada pour le programme de maintien de l’ordre.

Recommandation 9

Le Canada (et le Québec) devrait respecter le droit d’une communauté crie d’accéder à des programmes et à des fonds qui sont nécessaires pour des fins spécifiques ou des projets précis.

RÉPONSE DU CANADA

« Donc, passons à la recommandation numéro 9. Elle a trait à l’accès à des fonds pour des programmes conformément au chapitre 2.12 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, qui précise : « Les programmes et le financement fédéral et provincial et les obligations des gouvernements fédéral et provincial continuent de s’appliquer aux Cris de la Baie-James de la même façon qu’aux autres Indiens sous réserve des critères d’application
de ces programmes. »

« Au cours du présent exercice financier, plusieurs projets ont été financés conformément aux dispositions plus haut, et je vais en nommer quelques-uns à titre d’exemple. Le gouvernement de la Nation crie a reçu 6,9 millions de dollars en 2017-2018 du Fonds d’infrastructure des Premières Nations pour améliorer trois routes d’accès à Waskaganish, à Wemindji et à Nemaska. Il a aussi reçu approximativement deux (2) millions de dollars pour deux nouvelles casernes de pompiers. »

« Le budget du Programme d’aide aux étudiants de niveau postsecondaire du ministère des Services autochtones Canada a reçu une augmentation de 90 millions de dollars pour les exercices financiers 2017-2018 et 2018-2019. De ce montant, approximativement 1,3 million de dollars est disponible pour un transfert aux Cris, aux Naskapis et aux Inuits en vertu de la CBJNQ et de la CNEQ pour soutenir des étudiants qui désirent poursuivre des études postsecondaires. »

Commentaire de la Commissio

La disponibilité de programmes et services réguliers des Premières nations pour les Cris est bien sûr garantie par la CBJNQ, et c’est une bonne chose. Par contre, il ne faut pas perdre de vue que certains de ces programmes sont en fait, complémentés par des dispositions spécifiques de la CBJNQ et que ces bénéfices supplémentaires s’appliquent en addition et non en lieu des programmes des Premières nations à l’échelle du Canada. Bien sûr, ces réalités peuvent changer, mais seulement en résultat de modalités négociées.

Recommandation 11

Le Canada et le gouvernement de la Nation crie devraient entamer des négociations et discussions pour aborder les besoins des jeunes Eeyous en matière de programmes et de services dotés d’un financement adéquat pour les communautés eeyoues.

ÉPONSE DU CANADA

« La recommandation numéro 11 concerne les programmes pour les jeunes Eeyous. Le Canada fournit des fonds au gouvernement de la Nation crie pour des programmes et services à l’intention des jeunes par l’entremise de l’entente sur l’exploitation et l’entretien et un accord de financement en capital. Le Canada fournit aussi des fonds pour les programmes à l’intention des jeunes au sein des collectivités cries. Par exemple, le programme Nouveaux sentiers pour l’éducation de Services autochtones Canada fournit des fonds aux Premières

nations ou aux organisations conçues par les Premières nations pour financer des activités conçues pour améliorer la qualité de l’éducation dans les écoles des Premières nations et pour rehausser l’expérience éducative des étudiants, enseignants, administrateurs, parents et communautés. »

« Emploi et Développement social Canada fournit aussi aux jeunes Cris, l’accès à son programme de financement pour l’éducation des adultes, l’alphabétisation et les compétences essentielles, ainsi que des fonds continuels fournis par la Stratégie de formation pour les compétences et l’emploi destinée aux Autochtones qui a succédé à la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones. »

« Le Canada est toujours ouvert au dialogue avec le gouvernement de la Nation crie pour assurer l’efficacité des programmes de financement à l’intérieur des communautés eeyoues. »

Commentaire de la Commission

La recommandation portait spécifiquement sur les besoins des jeunes Cris. La réponse est une description générique des programmes fédéraux pour les jeunes en général. Les préoccupations des jeunes Cris ont été soulevées année après année. Les ressources qui existent sur papier doivent être utilisées pour plusieurs autres programmes et services au niveau communautaire. L’équité exige que des mesures soient adoptées par le Canada, non seulement pour respecter ses obligations en vertu de la Convention et comme partie intégrante des programmes et services disponibles en général, mais aussi en réponse à des situations et besoins spéciaux. Ce genre de réactivité est approprié pour toutes les Premières nations et en fait, pour toutes les collectivités canadiennes.

Recommandation 12

La Commission soumet à nouveau sa recommandation antérieure. Le gouvernement du Canada devrait respecter ses obligations et responsabilités et régler les droits et revendications de la Nation crie de Mistissini en ce qui a trait à ses territoires traditionnels et historiques (territoires de chasse de Mistissini) situés à l’est de la hauteur des terres (limite sud-est du Territoire de la CBJNQ) à l’aide de négociations de bonne foi.

ÉPONSE DU CANADA

« Le Canada a fourni une réponse à cette recommandation et dans le Rapport 2014 de la Commission Crie-Naskapie, où le Canada a précisé qu’en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, tous les droits, revendications, titres et intérêts à l’extérieur du territoire de la Baie-James sont éteints depuis l’entrée en vigueur de la CBJNQ, par l’entremise de la ratification de la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie-James et du Nord québécois de 1977. »

« La Commission a commenté la réponse du Canada en indiquant qu’en fait, la législation n’éteint pas ces droits, ces titres et ces intérêts à l’extérieur du Territoire. »

« Nous reconnaissons que le Canada doit clarifier sa réponse. C’est en vertu du chapitre 2.1 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi que les Cris ont cédé, renoncé, abandonné et transporté tous leurs revendications, droits, titres et intérêts quels qu’ils étaient, aux terres et dans les terres du Territoire et du Québec. La Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie-James et du Nord québécois a mis en vigueur et déclaré valide la CBJNQ, donnant donc effet à cette cession. »

« En ce qui a trait à la hauteur des terres, nous comprenons qu’un groupe de travail conjoint qui inclut des représentants de la Nation crie de Mistissini, du Grand Conseil des Cris, des Inuits de Mashteuiatsh, et de la province de Québec, ont continué de se rencontrer au cours

de la dernière année et que la révision judiciaire continue son cours à la demande de Mistissini. Le Canada continue d’encourager les parties à travailler ensemble pour trouver des solutions mutuellement acceptables. »

Commentaire de la Commission

Il est gratifiant de voir que la question est abordée par la plupart des intervenants. Plutôt que d’argumenter que rien ne peut être fait, le gouvernement fédéral devrait appuyer complètement
les parties qui sont à la recherche d’une solution.

Recommandation 13

La Commission Crie-Naskapie réitère sa recommandation de 2014. Le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Nation crie devraient tout d’abord examiner et déterminer
les besoins actuels et à venir en matière de logement pour les collectivités cries et ensuite discuter du Plan d’action pour le logement du gouvernement de la Nation crie afin de s’occuper efficacement des besoins en matière de logement et de la situation dans les collectivités cries d’Eeyou Istchee.

RÉPONSE DU CANADA

« Donc, les recommandations numéro 13 et numéro 15 portent toutes les deux sur le logement.
Je veux donc affirmer que le gouvernement du Canada croit que tous les Canadiens devraient avoir accès à un logement sécuritaire, adéquat et à prix abordable. »

« À l’automne 2007, le gouvernement a publié sa toute première Stratégie nationale sur le logement. La Stratégie nationale sur le logement respecte aussi l’engagement du gouvernement du Canada à l’égard d’une relation de nation à nation, d’Inuit à Couronne et de gouvernement à gouvernement avec les peuples autochtones. »

« À l’heure actuelle, Services autochtones, la Société canadienne d’hypothèques et de logement et les Premières nations élaborent conjointement une Stratégie sur le logement et l’infrastructure des Premières nations pour transformer les programmes fédéraux et faire la transition à la garde, au contrôle et à la gestion du logement par les Premières nations. Nous

savons que de nouvelles approches sont nécessaires, et notamment des façons d’augmenter les options ouvertes aux Premières nations pour avoir accès à la propriété privée. »

« Je veux aussi noter qu’au cours des derniers travaux du Comité permanent de liaison qui ont eu lieu en janvier 2018, le gouvernement de la Nation crie a informé le ministère qu’il est en train d’élaborer une Stratégie sur le logement de la Nation crie spécifiquement. Les parties ont convenu d’établir une table pour discuter de la proposition pour la Stratégie sur le logement de la Nation crie et de travailler avec le gouvernement de la Nation crie pour examiner et discuter des propositions dans le but d’établir une approche réalisable. Nous sommes donc en train de créer cette table pour étudier sérieusement ce que les Cris proposent. »

« En ce qui a trait à la Nation naskapie, depuis la dernière mise à jour, la Société canadienne d’hypothèque et de logement par le Programme de logement section 95, a continué d’attribuer deux unités par année à la Nation naskapie de Kawawachikamach. Est-ce que j’ai prononcé cela correctement? Non, eh. Kawa – c’est tout un virelangue. En plus de ce que la SCHL fait, le Canada continue de mettre en œuvre son entente de financement en vertu de la Convention du Nord-Est québécois pour financer les besoins en capital des Naskapis. Au cours de l’exercice financier 2017-2018, un total de 2,2 millions de dollars a été transféré pour aborder les besoins en capital de la Nation naskapie.

Commentaire de la Commission

La crise du logement a été soulevée dans chaque Rapport de la Commission Crie-Naskapie depuis 2000. La pénurie d’unités d’habitation et la surpopulation conséquente ainsi que le besoin relatif aux rénovations sont sérieux depuis plusieurs années. Dans certains cas, la santé est menacée à cause de la moisissure, etc. L’idée que de plus nombreux groupes établissent de plus nombreux plans et stratégies, etc., soit la réponse pour maintenant n’est tout simplement pas assez. Les Cris ont soumis une Proposition sur le logement cri au Canada le 3 novembre 2005. Cela fait déjà 13 ans et le ministère parle d’établir une table pour discuter d’une stratégie sur le logement! Le regretté chef Billy Diamond a fait un examen approfondi du logement qui aurait dû constituer le fondement d’une stratégie, il y a des années. Ce que le problème semble être, c’est l’absence de ressourcement adéquat et le manque de volonté de la part du Canada d’aller plus loin que de juste parler du problème et de commencer à agir pour le régler.

Recommandation 17

Avec la phase 1 terminée, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec devraient sans délai procéder à l’exécution du transfert du Bloc « D » à la Nation crie
de Chisasibi.

RÉPONSE DU CANADA

« Donc, passons à la recommandation numéro 17 qui a trait au Bloc « D » de la Nation crie
de Chisasibi. Les terres de la phase 1 comprenant approximativement 443 hectares, ont été transférées aux Cris comme terres de la catégorie IA. Les représentants concentrent
maintenant leurs efforts pour finaliser la phase 2 du transfert du Bloc « D ». Les autres
27,81 hectares du Bloc « D » ont été utilisés comme parc de carburant et doivent être
assainis par Hydro-Québec. »

« Je suis heureux de rapporter que les travaux d’assainissement sont actuellement en cours et qu’on s’attend à ce qu’ils soient terminés d’ici le 31 décembre 2019. Les parties ont convenu que le travail de décontamination et d’assainissement sera effectué selon les normes du Québec pour les usages résidentiels et récréatifs. »

« Lorsque les travaux seront exécutés, le Canada procédera au transfert des terres, action qui nécessitera un décret du gouverneur en conseil pour mettre de côté les terres de la catégorie IA. Ceci permettra à Chisasibi d’exercer une pleine utilisation et de profiter de tous les avantages des terres. En décontaminant et en transférant les terres au cours des deux phases, le Canada respecte son obligation en vertu de l’article 5.5 de l’Entente sur une nouvelle relation entre le

Canada et les Cris, dans laquelle le Canada a accepté en principe, de transférer les terres du Bloc « D » à Chisasibi, assujetti à l’assainissement environnemental des terres. »

Commentaire de la Commission

Le problème de terminer la décontamination du Bloc « D » et de le transférer a été soulevé par Chisasibi et communiqué au ministère par la Commission depuis plus de 20 ans! Quand est-ce que l’assainissement va être fait? On ne peut argumenter avec crédibilité que cela prend plus de 20 ans pour nettoyer une superficie de 27 hectares.

Recommandation 19

Le gouvernement du Canada, le gouvernement de la Nation crie et la Nation naskapie devraient terminer leur examen approfondi de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et identifier sans délai les amendements nécessaires à apporter à la Loi, comme les Cris et les Naskapis le désirent pour fournir, comme c’était prévu au départ, « pour les Cris et les Naskapis, un régime d’administration locale organisé et efficace, ainsi que l’administration,
la régie et le contrôle par les bandes cries et la bande naskapie des terres des catégories IA
et IA-N. » (Préambule à la Loi)

RÉPONSE DU CANADA

« Le Canada, les Cris et les Naskapis ont demandé qu’un certain nombre d’amendements soient faits à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Le Canada lui-même a une obligation en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, par l’entremise de la Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations, d’introduire la notion des relations de conjoints de fait et de conjoints de même sexe dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. »

« Au début, les Cris faisaient partie intégrante de ce processus d’amendement, mais avec la signature de l’Accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee, sous peu, ils ne seront plus assujettis à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. »

« En 2016, le Canada a conclu une entente avec les Naskapis sur les amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, qui ont été approuvés par les Naskapis et leur conseil de bande. »

« Les amendements naskapis visent à faciliter les décisions et procédures politiques et administratives. Les amendements proposés sont les suivants : assurer un traitement égal des relations des conjoints mariés et des conjoints de fait en ce qui a trait aux avantages et obligations, y compris les conjoints de même sexe dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec; fournir aux Naskapis le pouvoir d’émettre des contraventions pour l’enfreinte des règlements administratifs, augmenter la contravention maximale pour l’enfreinte d’un règlement administratif de 2000 $ à 5000 $; supprimer l’obligation de tenir un référendum avant d’adopter des règlements administratifs au sujet des emprunts aux fins de logement; supprimer l’exigence voulant qu’un règlement administratif soit signé par le président de la réunion du conseil à laquelle il a été adopté; et réduire le niveau exigé d’approbation des électeurs de la bande pour la cession des terres de 65 pour cent à 50 pour cent plus un. »

« La version provisoire de la loi pour amender la Loi sur les Cris et les est rédigée. Comme je l’ai noté, les Naskapis ont été consultés et nous nous attendons au dépôt au Parlement à tout moment. »

Commentaire de la Commission

La réponse est raisonnablement complète et utile.

Recommandation 21

l’administration locale de la Première Nation de Whapmagoostui pour clarifier le statut des terres utilisées par l’Église catholique et Transports Canada et afin de déterminer la possibilité de transférer ces terres à la Première Nation de Whapmagoostui pour un développement domiciliaire.

RÉPONSE DU CANADA

« Selon ce que je comprends, la question des terres utilisées par l’Église catholique et Transports Canada dans la collectivité de Whapmagoostui, n’a pas été soulevée avec le Canada précédemment. Ceci dit, l’Entente sur la nouvelle relation, conclue en 2008, établit un Comité permanent de liaison entre les Cris et le Canada, qui renforce la relation de nation à nation entre les Cris et le Canada. Ce forum permet aux parties de soulever des préoccupations et de discuter des questions préoccupantes. Le Canada encourage les administrations locales cries à communiquer avec le gouvernement de la Nation crie. Leurs intérêts et préoccupations pourraient être discutés au Comité permanent de liaison. Le Canada est ouvert à entendre toutes les inquiétudes ou propositions que le gouvernement de la Nation crie peut vouloir transmettre. »

Commentaire de la Commission

La question de la disponibilité de l’église et des terres fédérales pour des projets domiciliaires a été soulevée de bonne foi par la communauté de Whapmagoostui. Le ministère est bien au courant de la question depuis au moins 2016. Attendre deux ans et suggérer ensuite qu’un autre organe devrait lui communiquer l’information est simplement forcer le report de se pencher sur une préoccupation réelle pendant deux ans, période au cours de laquelle une réponse aurait pu être fournie.

Observation de la fin

Commission Crie-Naskapie depuis 2000 lorsqu’il a répondu aux recommandations présentées en 1998. Comme nous l’avons discuté ailleurs dans le présent rapport, la pratique de fournir une réponse n’a commencé qu’après une grande résistance de la part du Canada et seulement après l’intervention utile du Comité permanent des affaires autochtones de la Chambre des communes.

La Commission pense, même si ne sommes pas toujours satisfaits des réponses reçues, que le fait que le Canada ait répondu au cours des 18 dernières années, a été valable. Les réponses ont été rapportées aux communautés, améliorant ainsi l’imputabilité globale. Étant donné que la responsabilité de la Commission de rapporter la réponse du Canada aux problèmes soulevés par les communautés s’est terminée le 29 mars 2018, les commissaires espèrent qu’une méthode de remplacement appropriée pourra être utilisée pour communiquer les problèmes en format de dossier public et pour avoir aussi la réponse du Canada à ces problèmes en format de dossier public.

NOTE SUR LES SOURCES

Les « Recommandations » sont citées textuellement du Rapport 2016 de la Commission Crie-Naskapie, Chapitre 6.

Les paragraphes « Réponse du Canada » sont tirés des transcriptions des présentations orales données par les représentants du ministère des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord aux audiences spéciales de la Commission sur la mise en œuvre à Montréal, le 6 février 2018 (présentations en anglais, traduction en français). Quelques mois plus tard, le ministère a fourni une version écrite de ses réponses et en substance, elles étaient identiques à la version orale.

Il est possible d’accéder aux Rapports de la Commission sur notre site web, www.creenaskapicommission.net. Il est possible d’accéder aux transcriptions des audiences spéciales sur la mise en œuvre aux bureaux de la Commission à Ottawa.

Préoccupations et problèmes de la Nation eeyoue (Cris)
et de la Nation naskapie de Kawawachikamach

Les 5, 6 et 7 février 2018, la Commission Crie-Naskapie a tenu des audiences spéciales sur la mise en œuvre à Montréal, Québec et le 24 février 2018 à Ottawa afin de permettre aux représentants des Cris, des Naskapis et du gouvernement fédéral de faire des présentations à la Commission en préparation du présent rapport. (Les représentants des Cris ou des Naskapis sont habituellement le chef ou un représentant du conseil de la bande, un aîné et un jeune.) Le présent chapitre décrit les principales préoccupations et principaux problèmes soulevés par les représentants cris et naskapis.

1. Gouvernement de la Nation crie/Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee)

1.1 Gouvernance de la Nation crie sur les terres de la catégorie IA1

Les représentants du Gouvernement de la Nation crie et du gouvernement du Canada ont réalisé des progrès positifs pour respecter l’objet du Chapitre 3 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee.Plus particulièrement, un processus de négociation a été établi pour discuter d’une Entente sur la gouvernance de la Nation crie sur les terres de la catégorie IA et une Constitution crie.

À l’automne 2016, les Cris et les représentants ont terminé leurs discussions et conclu une Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et la Constitution crie.

Avant la ratification de l’Entente sur la gouvernance par le Gouvernement de la Nation crie/Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et chacune des Premières nations cries, le Gouvernement de la Natin crie a réalisé un certain nombre d’activités pour assurer que les bénéficiaires cris, les Premières nations cries, d’autres institutions et administrations cries et les principales parties prenantes étaient informés de l’Entente sur la gouvernance, la Constitution crie et le processus de ratification.

Au printemps 2017, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), le Gouvernement de la Nation crie et toutes les Premières nations cries ont approuvé par résolution l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et la Constitution crie.

On July 18, 2017, former Grand Chief Dr. Matthew Coon Come and Minister Carolyn Bennett Le 18 juillet 2017, l’ancien grand chef M. Matthew Coon Come Ph. D et la ministre Carolyn Bennett Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord ont signé l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada.

Selon les représentants du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee)/le Gouvernement de la Nation crie, l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et la Constitution crie vont réaliser ce qui suit :2

1. L’Entente sur la gouvernance rendra les pouvoirs et procédures de gouvernance existants plus efficients sur les terres cries de catégorie IA en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Les arrangements concernant la gouvernance locale et régionale crie sur ces terres de la catégorie IA seront transférés de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec à l’Entente sur la gouvernance et à la Constitution crie.

2. TL’Entente sur la gouvernance porte sur trois matières principales :

a) Les compétences des Premières nations cries et du Gouvernement de la nation crie de faire des lois (au lieu de règlements administratifs) sur les terres de catégorie IA. Les pouvoirs existants seront maintenus, mais les lois cries n’auront plus à être soumises au ministre des Affaires autochtones.

b) Le régime des terres sur les terres de catégorie IA, y compris l’accès et l’octroi de droits sur les terres et les bâtiments – les arrangements existants seront maintenus.

c) Des arrangements financiers à long terme avec le Canada pour le fonctionnement et l’entretien et les immobilisations des terres de catégorie IA.

3. En vertu de l’Entente sur la gouvernance, les Premières nations cries garderont les mêmes pouvoirs, fonctions et responsabilités pour le gouvernement local qu’elles ont en vertu de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. De même, le gouvernement de la Nation crie gardera les mêmes pouvoirs qu’il a maintenant pour les terres de la catégorie IA en vertu de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec concernant par exemple, les normes pour les services d’hygiènes essentiels et la protection contre les incendies.

4. Pendant les négociations sur la gouvernance, les Cris et le Canada ont travaillé dans le but d’avoir une compréhension commune de l’autonomie de gouvernance crie sur les terres de la catégorie IA dans le contexte du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale et aux droits conférés en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

5. L’Entente sur la gouvernance et la Constitution crie avanceront l’autonomie gouvernementale des Cris des principales façons suivantes :

a) Elles confient la gouvernance sur les terres de la catégorie IA là où elle doit être avec la Nation crie.

b) Elles suppriment la surveillance fédérale de la gouvernance crie sur les terres de la catégorie IA.

c) Les règles de gouvernance interne pour les Premières nations cries seront transférées de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec à la Constitution crie qui n’est pas assujettie au consentement ou à l’approbation du Canada ou du Québec.

d) L’entente sur la gouvernance fournira aux Premières nations cries la stabilité et sécurité très nécessaires parce qu’elle définit les arrangements financiers avec le gouvernement du Canada concernant la gouvernance sur la catégorie de terres IA à partir de maintenant jusqu’en 2040.

En ce moment, la Constitution crie traite surtout des procédés et arrangements internes du gouvernement cri au sujet de l’exercice du droit cri à l’autodétermination en ce qui a trait à l’administration et la gestion interne des Premières nations cries et du Gouvernement de la
Nation crie sur les terres de la catégorie IA.

De par sa nature, la Constitution crie est un travail en cours et elle doit être davantage développée pour refléter plus complètement les valeurs et principes cris afin qu’elle évolue de façon à répondre aux besoins et aspirations des Eeyous d’Eeyou Istchee.

En vertu du Chapitre 33 de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, le Canada a recommandé au Parlement la Loi sur la gouvernance qui prévoit ce qui suit :

a) l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada est approuvée, mise en vigueur, déclarée valide et a force de loi;

b) la Constitution crie est mise en vigueur et a force de loi;

c) une Loi crie adoptée conformément à la présente entente et à la Constitution crie a force de loi; et

d) les modifications corrélatives à ses lois, en particulier la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, afin d’assurer leur cohérence avec la présente Entente.

Le 14 février 2018, la ministre de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada a déposé à la Chambre des communes le projet de loi C-70 qui est la mesure législative envisagée dans l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada. Le projet de loi C-70 donne effet à l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada. Il amende la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec pour assurer que la Loi ne s’applique plus aux Cris d’Eeyou Istchee et que des changements soient apportés à certains des aspects du mandat de la Commission Crie-Naskapie pour qu’elle tienne compte de l’Entente. Il fait aussi des modifications corrélatives à d’autres lois.

Conformément au Chapitre 26 (Commission Crie-Naskapie) de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, « La Commission Crie-Naskapie a pour mission, relativement aux Cris, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de la présente Entente et de la Constitution crie, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de la présente Entente ou de la Constitution crie, le tout applicable conformément aux dispositions du paragraphe 165(2) à l’article 170 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec dans sa version immédiatement avant la Date d’entrée en vigueur ainsi que tout ajustement approprié, compte tenu des dispositions de la présente Entente. »3

Lorsque l’Entente sera approuvée, prendra effet, déclarée valide et aura force de loi, en vertu d’une législation sur la gouvernance (projet de loi C-70), la Commission Crie-Naskapie ne préparera plus et ne soumettra plus au ministre des rapports bisannuels sur la mise en œuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, conformément au paragraphe 171(1) de ladite Loi.

« Durant la période d’élaboration de la Loi sur la gouvernance, les Parties examinent, en collaboration avec la Nation Naskapie de Kawawachikamach, le rôle de la Commission crie naskapie prévue à la Partie XII de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec dans sa version immédiatement avant la Date d’entrée en vigueur compte tenu, entre autres, de la nécessité d’éviter les chevauchements avec les mécanismes ou les organismes prévus à la présente Entente ... »4

Le 27 mars 2018, le projet de loi C-70 : Loi portant mise en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois a été adopté à sa dernière étape, en troisième lecture au Sénat.

En conséquence, lors de l’entrée en vigueur du projet de loi C-70, le titre long de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec sera remplacé par Loi concernant diverses dispositions de la Convention du Nord-Est québécois relatives essentiellement à l’administration locale des Naskapis et au régime des terres de catégorie IA-N et concernant la Commission Crie-Naskapie. Le titre abrégé de cette loi est Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie.

Conformément à l’article 165 (1) de la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie,
les devoirs de la Commission Crie-Naskapie sont décrits comme ci-après :

165 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la Commission a pour mission :

(a) relativement aux bénéficiaires naskapis, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de la présente loi, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cette loi; (b)

relativement aux bénéficiaires cris, au sens du paragraphe 2(2) de la Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de l’accord, au sens du paragraphe 2(1) de cette loi, et de la constitution crie, au sens de ce paragraphe, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cet accord ou de cette constitution.

En outre, l’article 98 de la Loi abroge l’article 171 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. (L’article 171 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec décrit le devoir de la Commission Crie-Naskapie de préparer et de soumettre un rapport bisannuel au ministre qui le fait déposer devant chaque Chambre du Parlement.)

Toutefois, les dispositions transitoires de la Loi prévoient ce qui suit :

« Rapport de la Commission Crie-Naskapie au Parlement

124.(1).La Commission Crie-Naskapie peut établir, pour la période commençant à la date suivant la fin de la période visée par le Rapport 2016 de la Commission Crie-Naskapie et se terminant à la date d’entrée en vigueur de l’article 98, un dernier rapport, en français, en anglais, en cri et en naskapi, sur l’application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Elle adresse le rapport au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et celui-ci le fait déposer devant chaque chambre du Parlement dans les dix premiers jours de séance suivant sa réception.

Diffusion du rapport

(2).Dès le dépôt du rapport devant le Parlement, le ministre en adresse le texte au Gouvernement de la nation crie, à la Société de développement des Naskapis, au conseil de chaque première nation crie et au conseil de la bande naskapie. »

En résumé et aux fins de clarté, le projet de loi C-70 n’abroge pas ni ne remplace la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Il utilise une technique différente pour aborder cette Loi.

La Partie 1 édicte la Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee. Cette Loi :

1) porte mise en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de la nation crie et la Constitution crie, qui remplacent la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec pour les Cris, les Premières nations cries et les terres de la catégorie IA; e

2) porte mise en vigueur des lois adoptées par les Premières nations cries et le Gouvernement de la Nation crie en vertu de l’Entente sur la gouvernance et la Constitution crie.

La Partie 2 traite de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Cette Loi n’est pas abrogée,
mais son titre est remplacé par un nouveau titre abrégé, la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie.

La Partie 2 apporte aussi des modifications à de nombreux articles de cette Loi pour supprimer
les références aux Cris et pour assurer que la Loi modifiée s’applique seulement aux Naskapis.

La Partie 2 assure aussi le maintien de la Commission Crie-Naskapie tout en modifiant son mandat de façon à éliminer le rapport au Parlement et en poursuivant sa fonction « d’ombudsman » liée aux enquêtes sur les réclamations des bénéficiaires cries ou naskapis.

Le projet de loi C-70 entre en vigueur au moment de la sanction royale. Le 29 mars 2018,
ce projet de loi a reçu la sanction royale.

Conformément à l’article 6.2 du Chapitre 6 (Paiments par le Canada) de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee, le Canada versera au Gouvernement de la Nation crie ou au récipiendaire des paiements désigné par le Gouvernement de la Nation crie un montant de deux cents millions de dollars (200 000 000 $) dans les trente (30) jours suivant la sanction royale de la législation sur la gouvernance envisagée dans la Partie 2 du Chapitre 3 de ladite Entente.

Lorsqu’il entrera en vigueur, le projet de loi C-70: Loi portant mise en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, en conjonction avec l’Entente sur la gouvernance et la Constitution crie, remplacera la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, en ce qui a trait aux Cris, aux Premières nations cries, au Gouvernement de la Nation crie et aux terres de la catégorie IA.

En outre, conformément à l’article 7 (1) du projet de loi C-70, la Constitution crie est mise en vigueur et a force de loi.

Grâce à ces progrès considérables dans l’autonomie gouvernementale crie, la Gouvernement de la Nation crie a « hâte de travailler en conjonction avec toutes les Premières nations cries pour faire valoir et exécuter cette nouvelle gouvernance crie sur les terres de la catégorie IA ».5

2. Nation crie de Chisasibi6

2.1 Gouvernance et règlements administratifs

La Nation crie de Chisasibi et le Gouvernement de la Nation crie peuvent tous les deux adopter
des règlements administratifs qui s’appliquent sur les terres de la catégorie IA. Il devrait y avoir une plus grande consultation entre les gouvernements locaux et régionaux pour assurer le caractère adéquat des règlements administratifs et afin de déterminer l’application des
règlements administratifs.

De plus, il devrait y avoir un programme d’orientation sur les pouvoirs et les devoirs d’un gouvernement local lorsqu’un nouveau chef et un nouveau conseil sont élus.

2.2 Permis de construction

Les exigences relatives à la délivrance des permis de construction établies dans la Loi sur le bâtiment du Québec sont appliquées aux terres de la catégorie IA de la Nation crie de Chisasibi. En conséquence, les compagnies de construction sont accusées pour des infractions en vertu de ladite Loi. La Nation crie de Chisasibi a adopté des règlements administratifs ayant trait à la construction et aux qualifications des métiers, notamment des exigences relatives aux permis alternatifs sur les terres de la catégorie IA. L’ingérence du Québec dans le domaine de la construction et des métiers n’est pas nécessaire et mine l’autorité de la Nation crie de Chisasibi sur ses terres de la catégorie IA.

2.3 Logement

La Nation crie de Chisasibi, comme les autres communautés cries, fait face à une sérieuse pénurie de logements à cause de la surpopulation des habitations actuelles, la population croissante et des programmes d’habitations et un financement inadéquat pour les logements.

La Nation crie de Chisasibi continue de promouvoir l’accession à la propriété privée et un certain nombre de membres ont participé à ce programme. Éventuellement, la propriété privée mènera aux droits de propriété et à la propriété matrimoniale.

2.4 Bloc « D »

Conformément à l’Annexe D de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec, le Québec transférera l’administration, la gestion et le contrôle des terres désignées sous l’appellation de Bloc « D », y compris la piste aérienne, au gouvernement du Canada pour l’usage et l’avantage exclusifs de la Nation crie de Chisasibi à condition du respect de certaines modalités et conditions. (Le Bloc « D » fera partie des terres de la catégorie IA de Chisasibi.) Les parties déploieront tous les efforts nécessaires pour assurer que le transfert final par le Québec sera terminé au plus tard le 30 septembre 2002.

En date du 11 février 2018, le transfert entier et complet du Bloc « D » n’est pas encore achevé. La phase 1 du transfert est terminée et une partie du Bloc « D » est prête à être transférée. Toutefois, la phase 2 comporte des mesures supplémentaires pour la réalisation de l’assainissement environnemental. Donc, le transfert complet du Bloc « D » n’est pas encore terminé étant donné qu’un assainissement majeur d’une portion du Bloc « D » est encore en cours pour régler le problème de contamination du sol sur les lieux. L’achèvement de l’assainissement environnemental est prévu pour le 31 décembre 2019.

2.5 Corridor de cinq cents pieds (500 pi) le long du chemin

L’alinéa 5.1.5 (Intérêts existants des gouvernements et des tiers) du chapitre 5 (Régime des terres) de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi précise ce qui suit : « Les routes régionales et provinciales et les voies principales existantes à l’intérieur des terres de la

catégorie I sont des terres de la catégorie III... Cependant, de part et d’autre desdites routes, une bande de cinq cents pieds (500 pi) sera classée terres de la catégorie II. »7

Comme nous l’avons rapporté auparavant en 2014 et en 2016, ce corridor de cinq cents pieds
(500 pi) le long du chemin adjacent à la communauté de Chisasibi crée un obstacle à l’expansion et au développement communautaire.

À l’heure actuelle, le Québec est seulement disposé à transférer les terres situées dans le corridor si une portion égale de terres de la catégorie IA est cédée au Québec. La Nation crie de Chisasibi ne peut pas accepter une cession de quelque portion que ce soit de ses terres de la catégorie IA. Ce problème doit être réglé afin que la Nation crie de Chisasibi puisse poursuivre ses plans de développement communautaire.

2.6 Unités de logement sur les terres de la catégorie II

En réponse aux demandes de logement, le conseil a attribué des lots près de l’autoroute pour le développement résidentiel et institutionnel. On a découvert que ces lots font partie des terres de la catégorie II. Cette situation a entraîné de gros défis de gouvernance, d’octroi de droits aux membres et d’application des règlements administratifs. La Nation crie de Chisasibi a demandé qu’une partie du corridor soit convertie de terres de la catégorie II à terres de la catégorie IA. Toutefois, les discussions à ce sujet connaissent des délais sérieux et exigent la coopération et l’action adéquate du Gouvernement de la Nation crie.

2.7 Programmes pour les jeunes

Comme nous l’avons rapporté en 2016, les jeunes de Chisasibi ont fait certaines activités avec
leurs budgets limités. Toutefois, le financement pour les programmes très nécessaires demeure
un problème annuel non réglé.

3. Nation crie de Mistissini8

3.1 Rôle de la Commission Crie-Naskapie

Après plusieurs années de présentation de rapports sur les problèmes concernant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, le mandat de la Commission de rapporter ces affaires au ministre et au Parlement n’a pas réussi à faire ses preuves sur le plan de l’efficacité. Par exemple, les exigences élevées relatives aux quorums de la Loi pour la prise de décision par référendum pour certaines affaires n’ont pas été changées et continuent de miner la gouvernance efficiente et adéquate.

La récente Entente sur la gouvernance entre les Cris et le Canada redéfinit le rôle de la Commission Crie-Naskapie qui ne préparera plus de rapports bisannuels à l’intention du ministre et du Parlement sur la mise en œuvre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. La Commission entendra plutôt les représentations et fera peut-être des rapports sur la mise en œuvre de l’Entente sur la gouvernance entre les Cris et le Canada et la Constitution crie. Le rôle de la Commission est similaire à un rôle d’ombudsman.

Toutefois, l’Entente sur la gouvernance entre les Cris et le Canada prévoit que le rôle de la Commission sera révisé pour assurer son efficience, sa pertinence et éviter le chevauchement.

La Nation crie de Mistissini considère que le rôle indépendant de la Commission comme ombudsman est un rôle important pour assurer l’équité et la transparence de la gouvernance crie. La Commission peut agir comme protecteur pour les membres de la collectivité crie contre des entités qui s’écartent de ses lois et principes de gouvernance.

La Nation crie de Mistissini pense qu’il est important que la Commission soit structurée adéquatement pour assurer la qualité de ses enquêteurs, de ses enquêtes et de ses recommandations ainsi que pour assurer de créer un bon équilibre et le respect des instances dirigeantes.

Donc, la Nation crie de Mistissini aimerait être impliquée dans le processus visant à réviser le rôle et la structure à venir de la Commission Crie-Naskapie.

3.2 Entente sur la gouvernance entre les Cris et le Canada et Constitution crie

La Nation crie de Mistissini considère que l’Entente sur la gouvernance entre les Cris et le Canada et la Constitution crie sont des étapes importantes dans son histoire.

La Nation crie est heureuse de l’approbation de l’Entente et de la Constitution crie.

Les règles de gouvernance interne pour les Premières nations cries seront transférées de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec à la Constitution crie qui n’est pas assujettie au consentement ni à l’approbation du Canada ou du Québec. On espère que la Nation crie de Mistissini sera en mesure de régler certaines affaires problématiques actuelles de la Loi en amendant la Constitution crie.

La Nation crie de Mistissini est contente de la suppression du rôle du ministre d’Affaires autochtones dans la gouvernance crie. C’est un pas en avant vers l’autodétermination.

Toutefois, la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, l’Entente sur une nouvelle relation et l’Entente sur la gouvernance entre les Cris et le Canada n’abordent pas tous les problèmes non réglés entre le gouvernement fédéral et la Nation crie de Mistissini.

3.3 Territoires de chasse de Mistissini à l’est de la hauteur des terres

La Nation crie de Mistissini a des territoires de chasse à l’est de la hauteur des terres qui sont donc situées au-delà des limites du territoire couvert par la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi (CBJNQ). À cause de la façon dont le territoire est couvert et déterminé dans la CBJNQ, les territoires de chasse cris n’ont pas été inclus dans la CBJNQ en 1975. Depuis ce temps, la Nation crie de Mistissini insiste sur le règlement des revendications, droits et intérêts cris pour ces territoires de chasse cris.

La Nation crie de Mistissini veut que le Canada et le Québec règlent ces revendications, droits et intérêts des Cris pour leurs territoires de chasse situés à l’est de la hauteur des terres et à l’extérieur du territoire couvert par la CBNJQ.

3.4 Expansion de la collectivité

Le conseil de la Nation crie de Mistissini a décidé d’étendre la communauté de l’autre côté du pont existant. Le conseil va amorcer des études sur la planification et la construction des infrastructures pour les rues, l’eau et les systèmes d’égouts. Ces études détermineront la planification et l’emplacement des zones résidentielles, récréatives, commerciales et industrielles.

3.5 Maîtres de trappage et terrains de trappage

À la lumière du développement des ressources comme l’exploitation minière, les activités commerciales de foresterie et les routes, la Nation crie de Mistissini a des difficultés à déterminer qui est le maître de trappage responsable de certains terrains de trappage et à déterminer l’intégrité territoriale de certains terrains de trappage.

3.6 Mode de vie en tant que chasseurs

Les chasseurs et les trappeurs cris ne se rendent pas dans leurs territoires de chasse autant qu’auparavant pour faire des activités de chasse, de pêche et de trappage et autres activités connexes à cause de facteurs tels que :

a) des activités de développement de ressources;

b) eur emploi;

c) la conservation de deux habitations est trop chère;

d) les coûts de transport sont élevés; et

e) les coûts de l’équipement et de la nourriture sont élevés.

En outre, les maîtres de trappage peuvent ne pas avoir réussi à gérer efficacement la chasse et les activités connexes de façon adéquate et durable à l’intérieur de leurs territoires de chasse respectifs.

3.7 Éducation

Les jeunes de la Nation crie de Mistissini veulent apprendre l’histoire des Cris plutôt que l’histoire centrée sur les Européens qui est enseignée dans les écoles cries à l’heure actuelle. Ils veulent en apprendre davantage sur la culture crie. Ils devraient recevoir des crédits pour l’histoire et la culture cries.

3.8 Prestation de services professionnels

Les professionnels qui fournissent des services aux Cris, comme les médecins, devraient apprendre à connaître les peuples cris ... leurs communautés, leur mode de vie, leur culture et leur environnement social. De cette façon, les individus se comprendraient mieux.

3.9 Gestion des biens immobiliers

Les jeunes de la Nation crie de Mistissini veulent savoir comment les biens immobiliers sur les terres de la catégorie IA sont gérés par le conseil. Par exemple, s’ils voulaient ouvrir un terrain de camping pour attirer les touristes, comment est-ce que les jeunes pourraient s’y prendre?

3.10 Association des trappeurs cris

L’Association des trappeurs cris a récemment fermé son bureau local à Mistissini. Cette fermeture a eu un impact sur plusieurs chasseurs et trappeurs qui ont besoin de soutien, d’aide, d’information et d’équipement de l’Association.

4. Nation crie d’Oujé-Bougoumou9

4.1 Incorporation de la Nation crie d’Oujé-Bougoumou dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi

En date du 14 mai 2015, lorsque le gouvernement du Canada, par l’entremise d’un décret, a accepté de transférer des terres qui avaient précédemment été transférées de la Nation crie de Mistissini au Québec, l’incorporation entière et finale de la Nation crie d’Oujé-Bougoumou dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, et par extension, dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, a eu lieu.

Depuis ce moment-là, la Nation crie d’Oujé-Bougoumou travaille avec diligence pour assurer que le fonctionnement des opérations du gouvernement local et que l’application des règlements administratifs se conforme aux exigences de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et les pratiques des autres collectivités cries.

À la lumière des récents développements relatifs à la gouvernance crie et comme les autres collectivités cries, la nation crie d’Oujé-Bougoumou a hâte d’exercer sa gouvernance en vertu de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et de la Constitution crie.

4.2 Logement

Comme les autres collectivités cries, la Nation crie d’Oujé-Bougoumou est aux prises avec une crise de logement à cause des facteurs et problèmes suivants :

a) maisons surpeuplées avec problèmes de santé et problèmes sociaux;

b) arriéré sérieux; et

c) demande croissante d’habitations adéquates et à prix abordable.

Depuis longtemps, la Nation crie d’Oujé-Bougoumou soutient qu’en plus de s’occuper de la crise du logement en raison d’une grande variété de problèmes de santé et de problèmes sociaux, le logement peut aussi servir à stimuler les économies locales et régionales de la Nation crie d’Eeyou Istchee. De cette manière, la crise de logement dans les collectivités cries est fondamentalement un enjeu que le gouvernement de la Nation crie, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec doivent aborder pour respecter la lettre, l’esprit et l’intention de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et ses conventions connexes.

4.3 Jeunes

La Nation crie d’Eeyou Istchee soutient que le bien-être, la santé et l’éducation des jeunes cris constituent une priorité. Ils ont besoin d’être inspirés et encouragés à poursuivre des études qui
les rendront responsables et capables de surmonter les défis de leur génération.

5. Cris de la Première nation de Waskaganish10

5.1 Langue orale crie

Un aîné a exprimé ses préoccupations au sujet de l’utilisation en diminution de la langue crie par les enfants. Dans les écoles, les enseignants du programme préscolaire ont remarqué que
de nombreux enfants cris arrivent à l’école en parlant anglais.

Depuis l’abolition de la langue crie comme langue d’instruction jusqu’à la troisième année dans les écoles, les enfants cris perdent leur langue maternelle.

Au niveau de la commission scolaire, certaines initiatives d’amélioration scolaire sont plus concentrées sur la deuxième langue plutôt que sur la conservation et la préservation de la
langue maternelle.

Le Gouvernement de la Nation crie, la Commission scolaire crie et les gouvernements locaux cris doivent reconnaître que les peuples cris dans leur ensemble, perdent leur langue crie rapidement et que des programmes et du financement devraient être organisés pour conserver et préserver la langue crie, surtout chez les enfants et les jeunes.

En outre, le Chapitre 16 (Éducation - Cris) de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi précise que (la Commission scolaire possède les pouvoirs spéciaux pour « élaborer des cours, manuels et matériel didactique conçus pour pour préserver et perpétuer la langue et la culture des autochtones. »11

5.2 Projet de mémoire d’Eeyou Istchee

Le conseil des aînés, en compagnie d’autres parties, entreprendra le projet de mémoire d’Eeyou Istchee qui atteindra les objectifs suivants :

a) collection d’histoires des aînés;

b) partage de la sagesse et des connaissances;

c) conservation et préservation de la langue crie; et

d) histoire orale.

En résumé, ce projet servira à préserver sur différents médias et conserver l’Eeyou Eedouwin (manière crie de faire les choses) et les souvenirs.

Les aînés espèrent que les jeunes seront impliqués dans ce projet.

La Commission scolaire crie serait en mesure d’utiliser les résultats de ce projet comme partie intégrante du curriculum dans les écoles.

5.3 Programmes pour les jeunes

Le chef des jeunes des Cris de la Première nation de Waskaganish a parlé d’événements, d’ateliers et de programmes pour les jeunes comme la Semaine des jeunes, le Parcours d’hiver et le Programme de chasse d’automne.

5.4 Éducation

Le chef des jeunes Cris de la Première nation de Waskaganish a exprimé une grande inquiétude sur la qualité actuelle de l’éducation fournie par la Commission scolaire crie en comparaison des autres commissions scolaires au Québec.

Le chef des jeunes a suggéré un plan de 10 ans pour l’amélioration du système d’éducation de la Commission scolaire crie.

5.4 Cree History

Le chef des jeunes Cris de la Première nation de Waskaganish a précisé que les étudiants du secondaire 1 à 5 devraient apprendre l’histoire de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de ses conventions complémentaires comme partie intégrante de leur programme d’histoire.

6. Première nation de Whapmagoostui12

6.1 Intérêts communs des Cris et des Inuits

Whapmagoostui, la communauté crie et Kuujjuarapik , la communauté inuite sont des villages adjacents. Ces communautés sont situées au nord du 55e parallèle au Nunavik qui veut dire
« notre terre » en inuktitut. En conséquence, le territoire du Nunavik inclut le territoire historique et traditionnel des Cris.

Les Cris et les Inuits sont financés par le Québec et le Canada. À toutes les occasions qui s’offrent à eux, Whapmagoostui et Kuujjuarapik collaborent sur des projets pour éviter la duplication des services d’infrastructure et pour assurer l’efficacité des coûts. Étant donné que les projets de ces communautés cries et inuites sont financés par différentes sources, il y a eu certains problèmes à obtenir le financement pour ces projets.

La Première nation de Whapmagoostui demande à la Commission d’assurer que le Québec et le Canada reconnaissent les besoins et les droits de Whapmagoostui et de faciliter la collaboration des communautés, surtout pour des projets qui profiteront tant aux communautés cries qu’aux communautés inuites.

6.2 Route d’accès à Whapmagoostui

Whapmagoostui est la seule communauté crie qui n’est pas accessible du sud par voie terrestre. En conséquence, tout doit être transporté par avion ou par barge, entraînant des coûts excessivement élevés de vie et de construction.

La Première nation de Whapmagoostui demande que la Commission recommande fortement au Canada et au Québec de construire une route d’accès d’hiver à Whapmagoostui.

6.3 Chasseurs et trappeurs cris

Les chasseurs et trappeurs cris de Whapmagoostui pratiquent le mode traditionnel de vie et il est crucial qu’ils soient capables de poursuivre ce mode de vie; non seulement pour leur subsistance, mais aussi pour transmettre leurs enseignements, compétences et connaissances à leurs enfants et petits-enfants.

Les chasseurs et trappeurs cris reçoivent leurs avantages du Programme de la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris. Mais le programme ne fournit pas la sécurité économique nécessaire pour maintenir le mode de vie traditionnel à cause du coût de la vie qui augmente et les coûts élevés du transport et de l’équipement dans le Nord.

La Première nation de Whapmagoostui demande que la Commission recommande fortement au gouvernement du Québec d’augmenter le financement fourni aux chasseurs et trappeurs cris en vertu du Programme de la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris pour assurer qu’ils auront la sécurité économique nécessaire pour maintenir le mode de vie traditionnel.

6.4 Logement

La Première nation de Whapmagoostui a de graves préoccupations relatives au logement, comme :

a) arriéré de 90 besoins en logement;

b) plusieurs unités d’habitation actuelle ont besoin de rénovations urgentes à cause de la moisissure et de graves problèmes de structure; et

c) les matériaux et les fournitures utilisés pour construire les maisons ne conviennent pas au dur climat nordique entraînant des coûts de chauffage élevés et une durée de vie plus courte de l’unité d’habitation.

La Première nation de Whapmagoostui demande que la Commission recommande fortement au Canada de fournir le financement adéquat à la Première nation de Whapmagoostui pour ses besoins actuels et futurs de logement et de considérer des matériaux et techniques de construction alternatifs qui seraient mieux adaptés au dur climat nordique.

6.5 Électricité

La communauté de Whapmagoostui est présentement la seule communauté crie qui ne reçoit pas l’électricité des réseaux électriques d’Hydro-Québec qui a un gigantesque projet d’électricité à Eeyou Istchee. L’énergie de Whapmagoostui est fournie par des génératrices à diesel qui soulèvent des préoccupations environnementales et communautaires. Comme la communauté et ses besoins en énergie augmentent, la communauté a dû faire face à des pannes d’énergie plus fréquentes.

Au moment de la « Paix des braves » signée en février 2002, Hydro-Québec a promis de construire une ligne de transport d’électricité à Whapmagoostui. En date de février 2018, il n’y a aucune indication du moment où cette ligne de transport d’électricité sera construite.

La Première nation de Whapmagoostui demande que la Commission assure que les besoins et les droits de la Première nation de Whapmagoostui soient reconnus et abordés dans toutes les négociations avec le Québec et le Canada au sujet de la prestation d’électricité dans la communauté.

6.6 Utilisation de la langue crie à titre de langue officielle

La Première nation de Whapmagoostui reconnaît l’utilisation de la langue crie à titre de langue officielle pour la prestation des services par son gouvernement local. Les autres paliers de gouvernements devraient reconnaître l’utilisation de la langue crie à titre de langue officielle dans les relations gouvernementales et les affaires administratives.

La Première nation de Whapmagoostui recommande fortement à la Commission de demander que les gouvernements du Canada et du Québec reconnaissent l’utilisation de la langue crie comme langue officielle.

6.7 Discrimination systématique

La Première nation de Whapmagoostui a été mise au courant de nombreuses situations de discrimination systématique de ses membres. La discrimination se produit lorsque les Cris accèdent à des services publics dans le Nord; mais aussi lorsqu’ils ont affaire à des personnes et des compagnies qui font du travail pour d’autres entités à Whapmagoostui

La Première nation de Whapmagoostui demande à la Commission de recommander fortement à tous les organismes cris et les gouvernements d’assurer que les travailleurs cris sont traités équitablement, payés équitablement et qu’ils obtiennent du travail significatif sur les projets qui sont entrepris à Whapmagoostui.

6.8 Culture et langue

Un aîné a exprimé ses préoccupations relatives à la culture et à la langue cries.

L’absence de route a entraîné des problèmes d’accès et un coût de vie élevé dans la communauté et dans les territoires de chasse. Les impacts cumulatifs de ces facteurs ont causé des problèmes dans le domaine du développement, de la revitalisation et de la préservation de la culture crie.

Une « association culturelle » a été créée à Whapmagoostui pour consolider le développement, les activités et les programmes culturels parce que d’autres entités comme la Commission scolaire crie, le Conseil cri de la santé et l’Association des trappeurs cris avaient leurs programmes culturels qui étaient souvent insuffisants et non basés sur la façon crie de faire les choses.

Les jeunes doivent apprendre la langue crie sur la terre où la plus grande partie de la culture
est à sa place.

6.9 Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones reflète les points
de vue et les paroles des aînés sur les principes, valeurs et droits. Cette Déclaration devrait
être traduite, interprétée et mise en œuvre d’une manière à refléter une perspective et une
manière traditionnelles.

6.10 Territoire d’intérêts autochtones

La Convention de la Baie-James et du Nord québécoi envisage un « territoire d’intérêts autochtones » au nord du 55e parallèle à désigner et à accepter par les Cris et les Inuits. Les Cris auraient des intérêts et des droits dans ce « territoire d’intérêts autochtones ». L’aîné qui parle de ce dossier pense que cette affaire particulière n’a jamais été réglée de la bonne façon.

6.11 Chasse au caribou

Un jeune a parlé des activités de chasse faites par les jeunes. Il était préoccupé de la chasse au caribou faite comme activité sportive par les jeunes.

6.12 Technologie moderne

Un jeune a parlé de l’utilisation et des impacts des médias sociaux sur la culture, l’identité et la langue des Cris. L’utilisation de l’anglais est prévalente dans les médias sociaux. Les jeunes commencent à ne plus parler la langue crie au fur et à mesure que l’ancienne génération qui
parlait constamment le cri diminue lentement en nombre.

6.12 Mode de vie et santé

Le mode de vie a dramatiquement changé à Whapmagoostui. L’accès et le genre d’aliments ont changé. Il y a de l’obésité. Les conditions de santé changent. Un gros changement alarmant est le taux élevé de diabète chez les Cris. Les gens doivent en savoir davantage sur la nutrition saine et adéquate.

6.13 Utilisation des aînés

Un aîné a mentionné que certains groupes de Premières nations font voyager des aînés avec les leaders pour soutenir et aider le déroulement des réunions et des rassemblements.

7. Première nation crie de Waswanipi13

7.1 Logement

La Première nation crie de Waswanipi fait face à un grave problème de logements alors qu’environ trois cents (300) membres sont à la recherche d’une maison à l’intérieur de la communauté. Les anciennes maisons en place ont besoin de réparations à cause de la moisissure. La surpopulation des maisons est un autre problème.

Le conseil considère différentes options pour s’occuper de la grave situation de logements à Waswanipi comme :

a) faire la promotion de l’accession à la propriété privée;

b) construire au moins dix (10) nouvelles maisons à vendre aux membres pour l’accession à la propriété privée;

c) transférer ou vendre les unités d’habitation existantes pour permettre l’accession à la propriété privée;

d) se concentrer sur la rénovation des vieilles unités d’habitation;

e) améliorer les compétences en construction de la main-d’œuvre locale pour qu’elle devienne plus concurrentielle dans les métiers de construction;

f) déterminer et comparer les coûts de construction d’une maison dans d’autres communautés et villes non-autochtones;

g) s’adapter aux données démographiques changeantes en examinant étroitement des options alternatives de logement comme des appartements et des maisons pour les jeunes familles; et

h) participer au développement de la politique sur le logement du Gouvernement de la Nation crie en ce qui a trait au débours de fonds pour l’habitation.

7.2 Développement économique

La Première nation crie de Waswanipi veut placer l’accent sur le développement économique de la manière suivante :

a) remettre à neuf et en service la scierie Nabakatuk existante;

b) préservation et usage adéquat de leur 70 000 mètres cube de bois à long terme;

c) production et attribution du bois pour créer des emplois et fournir des matériaux de construction pour les habitations et édifices cris;

d) bâtir et former une main-d’œuvre forte dans le secteur de l’exploitation minière;

e) travailler avec les leaders d’affaires locaux pour soutenir leurs besoins administratifs, réglementaires et de financement;

f) travailler étroitement avec d’autres communautés et entités cries pour développer des partenariats durables qui créeraient de l’emploi pour les membres de la communauté;

g) discussions avec le Québec et le Gouvernement de la Nation crie pour réviser le corridor de cinq cents (500) pieds le long de l’autoroute 113 qui entrave les possibilités de développement économique de la part de Waswanipi; et

h) considérer avec intérêt l’Entente sur les échanges et le commerce que le département du commerce et de l’industrie du Gouvernement de la Nation crie est en train de développer.

La Première nation crie de Waswanipi prévoit bâtir un centre commercial communautaire à
l’entrée de la communauté pour fournir des espaces de bureau pour les entités et entreprises locales et régionales.

La Première nation crie de Waswanipi considère aussi la construction d’un point d’entrée secondaire dans le secteur nord de la collectivité pour fournir un meilleur accès à la collectivité
et rendre la circulation plus facile autour du seul point d’entrée actuel de la collectivité.

La Première nation crie de Waswanipi considère que l’ancienne unité et l’unité politique actuelle des Cris d’Eeyou Istchee les ont rendus forts; maintenant les Cris ont besoin d’être unis pour développer et améliorer le développement économique des Eeyous/Eenous et d’Eeyou Istchee.

7.3 Protection de l’environnement et chasseurs cris

La Première nation crie de Waswanipi a toujours considéré la protection de la terre et de l’environnement comme priorité et donc la préservation et la conservation du mode de vie cri. Les représentants de Waswanipi ont rencontré les compagnies de foresterie et d’exploitation minière pour protéger les intérêts des chasseurs et maîtres de trappe touchés, la faune et l’habitat et la communauté dans son ensemble.

La Première nation crie de Waswanipi veut avoir des aires protégées d’importance écologique et culturelle spéciale pour protéger la forêt boréale qui reste et la région de la rivière Broadback par l’entremise de discussions avec le Gouvernement de la Nation crie et le Québec.

La Première nation crie de Waswanipi a entamé des négociations avec Osisko Mining et travaillera rigoureusement pour surveiller et étudier tous les rapports sur les impacts environnementaux et sociaux sur la communauté.

7.4 Santé et sécurité communautaires

La Première nation crie de Waswanipi fait la promotion de la santé et de la sécurité en utilisant les méthodes suivantes :

a) la police locale fait des présentations sur la prévention du crime, le vandalisme, les drogues et l’alcool et les conséquences et impacts du crime;

b) des rencontres régulières avec les travailleurs de première ligne de la communauté et le développement d’une assemblée sociale pour aborder le développement, les préoccupations et les problèmes sociaux et pour fournir des ressources à la communauté;

c) le pavage de toutes les routes et de toutes les rues dans la collectivité pour alléger les problèmes respiratoires dus à l’accumulation de moisissure;

d) la promotion de l’utilisation du nouveau centre communautaire de santé et de
mise en forme;

e) le développement d’un plan d’action conjoint avec la police locale, le Conseil cri de la santé et la Commission scolaire crie pour aborder des problèmes sociaux comme les drogues et l’abus d’alcool; et

f) le travail avec des partenaires locaux et régionaux pour promouvoir l’éducation
et la sensibilisation sur les problèmes de santé qui touchent les communautés
cries, comme le diabète.

7.5 Imputabilité et finances du gouvernement local

Le chef et le conseil de la Première nation crie de Waswanipi ont et continueront de mettre en œuvre et de mettre à jour leurs règlements administratifs (ou lois) pour se conformer aux modalités et dispositions de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada. Le Conseil va aussi adopter de bonnes pratiques d’imputabilité et de transparence.

Le chef et le conseil vont continuer de mettre en œuvre un fructueux plan de rétablissement et d’action avec le Gouvernement de la Nation crie pour s’occuper des problèmes de dettes de la Première nation crie de Waswanipi.

7.6 Culture et langue cries

La Première nation crie de Waswanipi conclut que les Cris, dans leur ensemble, sont sur la direction d’une crise relative à la langue crie étant donné que les enfants et les jeunes ne parlent pas la langue crie sur une base régulière.

8. Nation crie de Wemindji14

8.1 Gouvernance et règlements administratifs

À l’heure actuelle, l’administration locale et le Gouvernement de la Nation crie peuvent adopter des règlements administratifs qui s’appliquent à l’intérieur des terres de la catégorie IA. Lorsque l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada entrera en vigueur en vertu d’une loi fédérale, l’administration locale et le Gouvernement de la Nation crie pourront adopter des lois (plutôt que des règlements administratifs) qui s’appliqueront à l’intérieur des terres de la catégorie IA en ce qui a trait aux dossiers à l’intérieur de leur compétence respective.

Le représentant de la Nation crie de Wemindji a posé la question suivante : « Pour les affaires à l’intérieur de leur compétence respective quelle loi, celle de l’administration locale ou celle du Gouvernement de la Nation crie prévaudra dans un cas d’incohérence ou de conflit? »

Les paragraphes 8.14 (1) et (2) du Chapitre 8 – Lois concernant le gouvernement régional de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada précisent ce qui suit :

« 8.14 (1) Les dispositions des Lois du Gouvernement de la Nation crie relatives aux matières prévues aux articles 8.9 à 8.12 l’emportent sur les dispositions incompatibles des lois d’une Première nation crie.

(2) Par dérogation au paragraphe (1), les normes fixées par une Loi d’une Première nation crie qui sont plus strictes quant à leur effet que celles fixées par une Loi du Gouvernement de la Nation crie l’emportent sur les dispositions incompatibles de cette dernière. »

Conformément aux articles 8.9 à 8.12 de ladite Entente, le Gouvernement de la Nation crie
peut adopter des lois pour la protection de la santé et de la sécurité publiques, les services d’hygiène essentiels, la mise en place et la prestation des services anti-incendie et pour la protection de l’environnement.

8.2 Rapports de la Commission Crie-Naskapie

Le représentant de Wemindji s’est informé au sujet des recommandations de la Commission après l’entrée en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada. Le mandat de la Commission n’inclut pas la préparation de rapports bisannuels sur la mise en œuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

Le président, M. Richard Saunders, a répondu que, sujet à la décision de la Commission,
la Commission effectuerait un suivi à ses recommandations sous forme de rapport annuel.

8.3 Logement

Comme les autres communautés cries, la Nation crie de Wemindji a de sérieux problèmes de logements à cause des demandes, des arriérés et une population qui augmente. Le conseil et l’administration abordent ces crises de logement à l’aide d’unités d’habitations sociales, de logements de bande, du système de location à achat et d’accession à la propriété privée.

8.4 Jeunes

Les jeunes de la Nation crie de Wemindji font face à des problèmes, comme le soutien et
les programmes qui n’ont pas assez de financement, le manque d’emploi et de programmes
de formation.

Le conseil local des jeunes devrait être plus visible, actif et imputable envers les jeunes de Wemindji.

8.5 Éducation

L’éducation est la question la plus urgente pour la Nation crie de Wemindji à cause des
facteurs suivants :

a) mauvaise qualité de l’éducation;

b) taux de diplomation en diminution;

c) absence d’établissement d’enseignement postsecondaire;

d) programmes et curriculums inappropriés; et

e) environnement social.

8.6 Développement économique

La Nation crie de Wemindji devrait créer des emplois significatifs et à long terme, comme méthode, par la promotion et l’établissement d’entreprises privées dans la communauté. À cette fin, les Cris ont besoin de formation en gestion et en comptabilité.

En outre, les Cris ne devraient pas traverser le long processus actuel pour obtenir des garanties ou des hypothèques qui est en place en vertu des modalités actuelles de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

8.7 Administration de la justice

La Nation crie de Wemindji a connu des améliorations dans l’administration de la justice dans la communauté. Mais les juges itinérants prennent encore trop de temps pour entendre les causes locales étant donné que le juge ne vient pas souvent entendre les causes dans la communauté.

8.8 Application de la loi crie traditionnelle

En vertu de la loi crie traditionnelle, les personnes qui désirent chasser à l’intérieur d’un territoire ou d’une ligne de trappage particulier devraient obtenir l’autorisation ou la permission du maître de chasse pertinent. L’Association des trappeurs cris a reçu de nombreuses plaintes au sujet de personnes qui chassent sans cette permission.

Les modalités actuelles de la loi crie sur la chasse confirment cette exigence.

8.9 Mode traditionnel de vie et façon crie de faire les choses

Un aîné a parlé du mode traditionnel de vie et de l’Eeyou Eedouwun (façon crie de faire les choses). Il a parlé du mode de vie des chasseurs, de leurs techniques de survie et de la médecine traditionnelle. Il a dit que l’Eeyou Eedouwun (façon crie de faire les choses) devrait être enseigné aux jeunes Cris. Il a aussi dit que les chasseurs cris ont besoin de soutien pour conserver l’Eeyou Eedouwun.

9. MoCreebec Eeyoud15

9.1 Reconnaissance de MoCreebec Eeyoud à titre de communauté crie

Le représentant de MoCreebec Eeyoud a parlé de la reconnaissance de MoCreebec Eeyoud à titre de 11e communauté crie par résolution du Gouvernement de la Nation crie le 22 novembre 2017. Afin de faciliter cette reconnaissance, les représentants de MoCreebec Eeyoud devaient visiter toutes les communautés cries et rencontrer les Eeyous/Eenous d’Eeyou Istchee.

Les MoCreebec Eeyoud sont des Cris qui sont affiliés à l’une des communautés cries du côté québécois d’Eeyou Istchee; mais qui résident et vivent à Moose Factory/Moosonee, Ontario.
À cause de l’ascendance crie et son affiliation avec l’une des communautés cries du côté québécois d’Eeyou Istchee, les membres de MoCreebec Eeyoud sont bénéficiaire de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi de 1975.

Les MoCreebec Eeyoud sont descendants des Eeyous qui étaient déménagés ou s’étaient rendus à Moose Factory/Moosonee, Ontario pour différentes raisons comme l’emploi, la chasse et la trappe et les études dans un pensionnat indien.

En 1980, avec l’aide du Grand Conseil des Cris (du Québec), les MoCreebec Eeyoud se sont organisés comme organisation politique ayant le mandat d’informer les peuples de MoCreebec
de leurs affiliations politiques avec les Premières nations cries du Québec et la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

Toutefois, à l’heure actuelle, les MoCreebec Eeyoud habitent à Moose Factory, Ontario qui est situé à l’extérieur de l’application territoriale de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi. Une grande majorité de MoCreebec Eeyoud a clairement indiqué leur désir de rester à Moose Factory/Moosonee, Ontario.

Les MoCreebec Eeyoud espèrent qu’ils pourront exercer leurs droits et recevoir des bénéfices en vertu d’une Convention de la Baie-James et du Nord québécoi amendée découlant de la revendication territoriale crie actuelle et cause devant le tribunal.

Avec la reconnaissance officielle de MoCreebec Eeyoud comme 11e communauté par résolution du Gouvernement de la Nation crie, MoCreebec Eeyoud voudrait être reconnu par la ministre de Couronne-Relations autochtones et Affaires du Nord à titre de « communauté crie » ayant une signification similaire à celle du Chapitre 1de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

Ledit chapitre définit « communauté crie » dans le cas de Cris comme correspondant à la collectivité de Cris à laquelle ont été attribuées des terres de la catégorie I, pour leur bénéfice et gouvernance exclusifs. Les MoCreebec Eeyoud veulent des terres en Ontario pour le bénéfice exclusif de leur communauté et la gouvernance par leur chef et conseil.

Les MoCreebec Eeyoud espèrent atteindre leurs objectifs par l’application d’une Convention de la Baie-James et du Nord québécoi amendée. Donc, ils pensent qu’une convention complémentaire à la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi pourrait être conclue au projet des MoCreebec Eeyoud. Après tout, à titre de bénéficiaires du Traité des temps modernes de 1975, les Creebec Eeyoud considèrent la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi comme leur traité à eux aussi. (Les MoCreebec Eeyoud ont dit qu’ils « ne figurent pas dans le Traité 9. »)

Donc, les MoCreebec Eeyoud veulent aussi que la ministre de Couronne-Relations autochtones et Affaires du Nord Canada obtienne un mandat pour lequel une table de négociation avec le gouvernement de l’Ontario pourra définir et donner une portée réelle à la reconnaissance de la communauté MoCreebec Eeyoud en Ontario.

9.2 Logement

Les familles des MoCreebec Eeyoud vivaient dans des conditions de logement déplorables comme vivre dans des habitations couvertes par des toiles à longueur d’année. Ils n’avaient pas les services communautaires de base.

À partir de 1980 et par la suite, les MoCreebec Eeyoud géraient leur situation de logements et communautaires déplorables. Ils ont aussi établi une petite base économique par la création de petites entreprises.

À titre d’Indiens inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens, le gouvernement de l’Ontario considérait que les MoCreebec Eeyoud étaient la responsabilité du gouvernement fédéral. Donc, le gouvernement de l’Ontario ne fournissait aucun financement pour les MoCreebec Eeyoud.

Avec l’aide de la SCHL, les MoCreebec Eeyoud ont construit des logements à prix abordable.

Toutefois, certains membres de MoCreebec Eeyoud n’ont pas leur propre maison, ils habitent donc avec d’autres membres.

9.3 Gouvernance de MoCreebec

Étant donné que ni la Loi sur les Indiens ni la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ne s’appliquaient aux Cris de MoCreebec, les MoCreebec Eeyoud ont développé leur propre Constitution et structure de gouvernance en vertu de l’exercice des droits à l’autodétermination
et donc à l’autonomie gouvernementale. Donc, le 6 juin 1993, les MoCreebec Eeyoud ont adopté leur propre Constitution.

MoCreebec Eeyoud est une société sans but lucratif enregistré auprès du gouvernement fédéral, et possède un chef et un conseil.

En outre, en vertu de leur Constitution, les MoCreebec Eeyoud se sont déclarés comme communauté. En conséquence, la reconnaissance à titre de communauté par les gouvernements est devenue une des principales missions de MoCreebec Eeyoud.

9.4 Services de santé

Une aînée a décrit ses problèmes concernant la prestation de services de santé ou médicaux à cause de sa situation de bénéficiaire en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, mais vivant en Ontario et son statut d’Indienne inscrite en vertu de la Loi sur les Indiens, mais vivant « hors réserve ».

9.5 Langue crie

Comme d’autres communautés cries, les MoCreebec Eeyoud sont préoccupés de la survie ou de la relance de leur culture, de leurs valeurs et surtout de la langue crie.

10. Nation naskapie de Kawawachikamach16

10.1 Introduction

Depuis la signature de Convention du Nord-Est québécois (NEQA) en 1978, la Nation naskapie de Kawawachikamach s’est considérablement développée, et les réalités des Naskapis, notamment leurs besoins, ont changé dramatiquement. Après quarante (40) ans, il est nécessaire d’ouvrir un dialogue pour revisiter la Convention du Nord-Est québécois, de façon à améliorer son applicabilité et sa pertinence.

10.2 Problèmes de santé et problèmes sociaux

Grâce au financement du Québec, un nouvel édifice a été construit pour abriter le CLSC et a ouvert ses portes en octobre 2017. La nouvelle installation promet des services meilleurs et améliorés à Kawawachikamach.

En vertu de l’article 10.3, la Convention complémentaire no 2 de la CNEQ, le « Québec sera, avec les ressources appropriées, responsable de la prestation aux Naskapis du Québec résidant dans le Territoire de l’éventail complet des services de santé et des services sociaux conformément à la présente section et selon les besoins des Naskapis qui habitent dans le Territoire ».

Toutefois, les fonds de fonctionnement alloués au CLSC des Naskapis se sont avérés insuffisants pour livrer un niveau approprié de services de santé et des services sociaux aux Naskapis qui habitent à Kawawachikamach.

En vertu de l’article 10.6 de la Convention complémentaire no 2 de la CNEQ le « budget (du CLSC naskapi) inclura aussi des fonds pour assurer la prestation de services qui ne sont pas normalement offerts à la population générale du Québec, mais que le Canada a offerts aux Naskapis le 31 janvier 1978 ».

Depuis 2001, les Cris ont une entente avec le ministère de la Santé et des Services sociaux qui couvre tous les services de santé non assurés (SSNA). Le CLSC doit utiliser son budget de fonctionnement pour couvrir le coût des SSNA. Ceci a pour effet de couper les services sociaux offerts aux Naskapis et cela crée aussi des déficits.

En général, la prestation des services du CLSC des Naskapis est contrainte par un budget de fonctionnement fixe et limité qui n’est pas adapté aux besoins des Naskapis.

Donc, le Québec ne s’acquitte pas de ses obligations envers les Naskapis qui habitent à Kawawachikamach en ce qui a trait à la prestation de ressources financières et humaines adéquates pour fournir les services de santé et les services sociaux à un niveau et à une qualité adéquats..

10.3 Éducation

Conformément à la CNEQ, une école naskapie nommée Jimmy Sandy Memorial School (JSMS) a été construite pour offrir les études primaires et secondaires et la formation pour adulte.

Conformément à l’article 11.15.3 de la CNEQ, « [le budget annuel de l’école naskapie inclura] le coût d’un programme d’éducation des adultes naskapis qui résident dans les terres de la catégorie IA-N ». Après de longues négociations, des fonds ont été attribués à la JSMS pour lancer un programme d’éducation pour adultes en 2016-2017. Toutefois, le manque d’infrastructure adéquate fait que la formation pour adulte est offerte à l’heure actuelle dans une maison résidentielle convertie.

Il est très difficile pour les Naskapis de poursuivre leurs études au niveau professionnel et postsecondaire à l’extérieur de la communauté de Kawawachikamach. La JSMS et les Naskapis aimeraient qu’il y ait plus de programmes de métiers et postsecondaires à Kawawachikamach. Toutefois, la JSMS et les Naskapis sont en discussion avec le Québec et le Canada pour établir un complexe à la fine pointe qui offrirait la formation pour adultes, la formation professionnelle et des études postsecondaires à Kawawachikamach.

La mise en œuvre de la CNEQ pour l’éducation des Naskapis devrait être revue pour répondre à leurs besoins réels en matière d’emploi à Kawawachikamach et à l’extérieur de la communauté.

10.4 Programme pour aider la chasse, la pêche et le trappage

Le Programme d’aide à la chasse, établi en vertu du Chapitre 19 de la CNEQ, fournit des fonds aux bénéficiaires cris pour les activités de chasse, de pêche et de trappage. Le programme est crucial pour préserver la culture naskapie et le mode de vie traditionnel.

En 1978, le Programme d’aide à la chasse a été établi à 60 000 $ par année en vertu de l’article 19.7 de la CNEQ. Cette somme est indexée chaque année en fonction du coût de la vie. Toutefois, le financement est demeuré le même en monnaie constante au fil des ans, tandis que la population naskapie a presque doublé depuis 1978.

Le financement par bénéficiaire naskapie est maintenant considérablement plus faible que celui des programmes inuits et cris.

La Nation naskapie est actuellement en train d’essayer de négocier un montant de financement qui est proportionnel au taux de population, à la croissance de la population et au coût de la vie à Kawawachikamach. Le Chapitre 19 de la CNEQ devrait donc être étudié et révisé en conséquence.

10.5 Comité de coordination de la chasse, de la pêche et du trappage

Le Comité de coordination de la chasse, de la pêche et du trappage (CCCPT) a été créé conformément au Chapitre 24 de la CBJNQ, afin d’étudier, de gérer et dans certains cas, superviser et réglementer le régime de chasse, de pêche et de trappage établi par la CBJNQ et la CNEQ. Le CCCPT peut soumettre des recommandations au ministre responsable qui a la discrétion de faire un suivi à ces recommandations.

Le CCCPT est composé de membres nommés par le Québec, le Canada, Makivik, le Gouvernement de la Nation crie et la Nation naskapie de Kawawachikamach.

Les recommandations du CCCPT sont déterminées par une procédure de vote décrite dans le Chapitre 24 de la CBJNQ. Cette procédure de vote ne fonctionne pas bien pour les problèmes,
les intérêts et les préoccupations des parties autochtones.

Le fonctionnement du Comité de coordination de la chasse, de la pêche et du trappage devrait être révisé pour assurer l’autonomisation des parties autochtones dans le cadre des processus de prise de décision.

10.6 Consultation environnementale de la Nation

La Nation naskapie de Kawawachikamach trouve que les processus de consultation et de participation fédéraux et provinciaux prévus dans la CBJNQ et la CNEQ ne prévoient pas la participation, consultation et protection adéquates pour les Naskapis, le secteur naskapi et le territoire traditionnel naskapi, surtout dans le contexte des examens et évaluations sociales et environnementales au Nunavik.

En conséquence, la Nation naskapie croit que la CNEQ et la CBJNQ devraient être examinées et révisées pour permettre aux Naskapis de nommer un membre à la Commission environnementale de Kativik, le comité directeur, le panel de révision et le Comité consultatif environnemental de Kativik, pour assurer que la perspective unique et les intérêts particuliers de la Nation naskapie sont pris en compte tout au long des consultations et au cours des processus d’examen et d’évaluation environnementale. En l’état actuel des choses, les Naskapis sont laissés de côté dans le cadre du processus décisionnel qui affecte le secteur des Naskapis et le territoire traditionnel des Naskapis.

10.7 Gouvernance régionale et territoriale

Le maire de la corporation municipale naskapie de Kawawachikamach (qui est aussi le chef de la Nation naskapie) occupe un siège au conseil du Gouvernement régional de Kativik (GRK), qui possède la compétence, les pouvoirs et gère des services qui touchent la Nation naskapie, le secteur naskapi et le territoire naskapi traditionnel (Territoire naskapi).

La structure actuelle du GRK permet à la majorité inuite de prendre des décisions sur les questions impliquant le territoire naskapi. Cela crée une situation particulière où un groupe autochtone domine un autre groupe autochtone sur son propre territoire.

Au fil des ans, le GRK n’a pas agi dans les meilleurs intérêts de la Nation naskapie et du
Territoire naskapi.

En conséquence, la Nation naskapie de Kawawachikamach veut un examen et une révision de la CNEQ et de la CBJNQ pour étendre l’autogouvernance et l’autoreprésentation à la Nation naskapie pour les affaires et questions impliquant le territoire naskapi.

10.8 Autres services : logements et garderies

Comme les autres communautés, les Naskapis sont touchés par la surpopulation et des conditions de logement qui s’empirent. La situation actuelle de logement met les familles à risque, qui inclut des problèmes de santé à cause de la moisissure et l’exposition à la violence et à la toxicomanie.

Le financement des logements sociaux n’a pas augmenté avec l’augmentation de la
population naskapie.

À la lumière de la situation actuelle du logement, la Nation naskapie croit que des fonds
suffisants pour le logement devraient être garantis par la CNEQ.

Avec son nombre de places limité, la garderie publique de Kawawachikamach n’a pas pu accommoder tous les enfants de la collectivité. Les services de garde devraient être prévus dans la CNEQ pour fournir et garantir un niveau minimum de services pour les enfants et les parents de Kawawachikamach.

10.9 Conclusion

Bien que la Nation naskapie ait bénéficié grandement de la CNEQ et continue d’en bénéficier, plusieurs domaines doivent être améliorés. À l’heure actuelle, la Nation naskapie s’occupe d’un nombre croissant de ces domaines à l’aide de négociations séparées au cas pas cas avec le Canada et/ou le Québec. Au fur et à mesure que l’étendue et le nombre de dossiers s’agrandissent, la Nation naskapie réfléchit maintenant à des approches complémentaires pour consolider ses efforts pour moderniser la CNEQ et pour améliorer sa forme actuelle d’autonomie gouvernementale et elle abordera sous peu le Canada et le Québec pour demander l’établissement d’une table pour commencer les discussions à ce sujet.

10.10 Proposition pour la création d’un fonds juridique pour les bénéficiaires de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Convention du Nord-Est québécois

M. Johnny Mameanskum, un membre de la Nation naskapie de Kawawachimach, a soumis un document daté du 6 février 2018 et nommé « Proposition pour la création d’un fonds juridique pour les bénéficiaires de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Convention du Nord-Est québécois » à la Commission Crie-Naskapie. Dans ladite proposition, M. Mameanskum propose la création d’un fonds pour aider les bénéficiaires qui contestent les élections générales de la bande ou qui soulèvent d’autres dossiers pour protéger leurs droits dans la mise en œuvre de la CBJNQ et la CNEQ et des lois connexes.17

NOTES DE LA FIN

  1. Cette section du Chapitre 5 sur les préoccupations et problèmes est basée sur la « Présentation à la Commission Crie-Naskapie pour son Rapport conformément à l’article 171 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et Gouvernement de la Nation crie, 6 février 2018 »
  2. Présentation à la Commission Crie-Naskapie pour son Rapport conformément à l’article 171 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et Gouvernement de la Nation crie, 6 février, p. 4, 5 et 6
  3. Article 26.1 du Chapitre 26 (Commission Crie-Naskapie) de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada
  4. Article 26.2 du Chapitre 26 (Commission Crie-Naskapie) de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada
  5. Présentation à la Commission Crie-Naskapie pour son Rapport conformément à l’article 171 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et Gouvernement de la Nation crie, 6 février, p. 8
  6. Cette section du Chapitre 5 sur les préoccupations et problèmes est basée sur la présentation intitulée « La Nation crie de Chisasibi » et soumise à la Commission Crie-Naskapie le 7 février 2018
  7. Alinéa 5.1.5 (Intérêts existants des gouvernements et des tiers) du Chapitre 5 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et des conventions complémentaires, Édition 2006, Les Publications du Québec, p. 63
  8. Cette section du Chapitre 5 sur les préoccupations et problèmes est basée sur la transcription de la présentation de la Nation crie de Mistissini aux audiences spéciales de la Commission Crie-Naskapie, Montréal, Québec, 5 février 2018
  9. Cette section du Chapitre 5 sur les préoccupations et problèmes est basée sur la sur la transcription de la présentation de la Nation crie d’Oujé-Bougoumou aux audiences spéciales de la Commission Crie-Naskapie, Montréal, Québec, 5 février 2018
  10. Cette section du Chapitre 5 sur les préoccupations et problèmes est basée sur la transcription de la présentation des Cris de la Première nation de Waskaganish aux audiences spéciales de la Commission Crie-Naskapie, Montréal, Québec, 5 février 2018
  11. Alinéa 16.0.9 h) et alinéa 16.0.10 du Chapitre 16 (Éducation - Cris) de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, p. 287 et 288, Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et Conventionscomplémentaires, Édition 2006, Les Publications du Québec
  12. Cette section du Chapitre 5 sur les préoccupations et problèmes est basée sur la transcription de la présentation de Whapmagoostui aux audiences spéciales de la Commission Crie-Naskapie, Montréal, Québec, 7 février 2018
  13. Cette section du Chapitre 5 sur les préoccupations et problèmes est basée sur la transcription de la présentation de la Première nation crie de Waswanipi aux audiences spéciales de la Commission Crie-Naskapie, Montréal, Québec, 5 février 2018
  14. Cette section du Chapitre 5 sur les préoccupations et problèmes est basée sur la sur la transcription de la présentation de la Nation crie de Wemindji aux audiences spéciales de la Commission Crie-Naskapie, Montréal, Québec, 7 février 2018
  15. Cette section du Chapitre 5 sur les préoccupations et problèmes est basée sur la transcription de la présentation de MoCreebec Eeyoud aux audiences spéciales de la Commission Crie-Naskapi sur la mise en œuvre, Montréal, Québec, 24 février 2018
  16. Cette section du Chapitre 5 sur les préoccupations et problèmes est basée sur la présentation de la Nation naskapie de Kawawachikamach intitulée « Mémoire présenté à la Commission Crie-Naskapie, 6 février 2018 » à la Commission Crie-Naskapie
  17. Proposition pour la Création d’un fonds juridique pour les bénéficiaires de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Convention du Nord-Est québécois – Présentation faite par M. Johnny Mameanskum, 99 chemin Nabinacaboo, C.P. 5027, Kawawachikamach, Nouveau-Québec, G0G 2Z0, aux audiences spéciales de la Commission Crie-Naskapie qui ont eu lieu à Montréal, Québec, le 6 février 2018.

Recommandations de la Commission Crie-Naskapie

Après un examen et une analyse des présentations, soumissions et commentaires des représentants des Cris, des Naskapis et des autorités fédérales soumis à la Commission et un examen du chapitre sur la gouvernance eeyoue, la Commission Crie-Naskapie soumet les commentaires suivants et les recommandations ci-après :

Gouvernance eeyoue

L’esprit et l’objectif de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et ses conventions complémentaires exigent que le Canada et le Québec respectent le droit inhérent de la Nation eeyoue de gouverner ses propres affaires et territoires. Dans ce principe, le droit de la Nation eeyoue d’entretenir des relations avec le Canada et le Québec, d’acquérir les avantages de ces ententes et d’assumer les responsabilités et le fardeau de l’autonomie gouvernementale sont implicites.

En conséquence, les Eeyous d’Eeyou Istchee ont choisi les voies principales suivantes et les dispositions pour la gouvernance d’Eeyou Istchee :

a) système eeyou traditionnel de gouvernance et d’autorité pour chaque Indoh-hoh Istchee (territoires de chasse eeyous);

b) gouvernement local qui englobe une grande mesure d’autorité eeyoue sur une base territoriale exclusive (terres de la catégorie IA et IB);

c) gouvernement de la Nation eeyoue qui englobe une grande mesure de pouvoirs eeyous sur une base territoriale exclusive (terres de la catégorie IA) et non exclusive (terres de la catégorie II); et

d) gouvernement public (Gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James) qui prévoit une participation eeyoue considérable dans le processus décisionnel au sujet des terres partagées (terres de la catégorie III) et des ressources.

1. À la lumière des développements actuels sur la gouvernance du territoire envisagés dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, ses ententes connexes sur la nouvelle relation et la gouvernance et les nombreuses contestations posées par les Eeyous pour établir différentes formes de gouvernement comme ordre de gouvernement à Eeyou Istchee et exercer de bons pouvoirs efficaces de gouvernance, les Eeyous d’Eeyou Istchee devraient :

a) continuer d’établir des relations de travail constructives avec le Canada, le Québec et les municipalités du territoire; et

b) renforcer la capacité de gouvernance de leur peuple et nation.

2. Plus particulièrement, il est nécessaire d’établir et de mettre en œuvre des stratégies pour renforcer les capacités de gouvernance des Eeyous pour assurer une gouvernance significative et efficace. La Commission Crie-Naskapie suggère que les stratégies englobent ce qui suit :

a) l’éducation, la sensibilisation et les besoins en formation et programmes de formation;

b) le développement des ressources humaines;

c) l’établissement de systèmes formalisés pour l’imputabilité et la responsabilité du gouvernement eeyou de maintenir l’intégrité du gouvernement et la confiance du public. (Dans la mesure jugée appropriée par les Eeyous, les stratégies d’imputabilité et de responsabilité devraient refléter et ajouter aux coutumes, traditions et valeurs eeyoues);

d) le développement des capacités internes de leurs gouvernements pour l’imputabilité politique, financière et administrative;

e) l’obtention de ressources financières suffisantes et d’arrangements fiscaux adéquats qui devraient être structurés pour assurer l’autonomie financière, l’équité et l’efficacité;

f) l’assurance d’une base de ressources sur laquelle l’autonomie économique et l’autonomie locale peuvent être fondées; et

g) la recherche et l’obtention d’amendements à la législation actuelle sur la gouvernance, l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et la Constitution de la Nation crie pour améliorer la gouvernance, l’administration locale et le processus décisionnel. (Par exemple, le paragraphe 13.4 (1) du chapitre 13 (Abandons) de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada précise que « l’abandon exige l’approbation des électeurs de la Première nation crie par référendum avec un vote positif d’au moins soixante-cinq pour cent. » Dans le passé, cette exigence particulière d’un quorum si élevé s’est avérée difficile à atteindre ou à mettre en œuvre.)

3. Pour s’occuper de l’imputabilité, les gouvernements eeyous devraient prendre
les mesures suivantes :

a) formaliser les codes de conduite pour les agents publics;

b) établir des lois, politiques ou lignes directrices sur les conflits d’intérêts;

c) établir des structures ou agences indépendantes responsables de maintenir et de promouvoir l’intérêt public et l’intégrité des gouvernements eeyous; et

d) établir des mécanismes informels pour assurer la compréhension des buts, pouvoirs, priorités, procédures et activités, processus décisionnels administratifs et systèmes de reddition des comptes. (Par exemple, la Commission serait disposée à collaborer pour le développement et la prestation de séances d’orientation pour le nouvellement élu chef et conseil du gouvernement local eeyou.)

Constitution crie

Conformément à l’article 7 (1) du projet de loi C-70, la Constitution crie est entrée en vigueur et a force de loi.

La Constitution crie commence par une courte déclaration des valeurs et principes cris. Elle établit ensuite des dispositions au sujet de l’exercice du droit cri à l’autonomie gouvernementale en relation avec l’administration et la gestion interne des Premières nations cries et du gouvernement de la Nation crie sur les terres de la catégorie IA.

Ces dispositions sur la gouvernance interne étaient établies dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et ont été transférées dans la Constitution crie. Ces dispositions concernent des sujets tels que les procédures pour adopter des lois et des résolutions, les élections, les réunions et les référendums, l’administration financière et les amendements de la Constitution.

4. Les Eeyous d’Eeyou Istchee devraient réviser et si nécessaire, amender la Constitution crie pour assurer qu’elle reflète les valeurs et principes eeyous plus complètement et afin d’établir adéquatement des dispositions au sujet de l’exercice du droit cri à l’autonomie gouvernementale en ce qui a trait à l’administration et la gestion interne des Premières nations cries et du gouvernement de la Nation crie sur les terres de la catégorie IA d’une façon cohérente par rapport à l’Eeyou Eedouwin (façon crie de faire les choses) et qui permet la gouvernance efficace pour répondre aux besoins et aux aspirations des Eeyous d’Eeyou Istchee.

Adoption et application des lois cries

Les gouvernements locaux de la Nation crie et le gouvernement de la Nation crie peuvent tous les deux adopter des lois qui s’appliquent à l’intérieur des terres de la catégorie IA.

5. Il devrait y avoir une plus grande consultation entre les gouvernements locaux de la Nation crie et le gouvernement de la Nation crie pour assurer le caractère adéquat des lois et afin de déterminer l’application des lois.

6. Les gouvernements locaux de la Nation crie et le gouvernement de la Nation crie devraient assurer que la législation du Québec n’empiète pas sur la compétence législative et l’autorité des gouvernements cris.

Programme d’orientation pour les gouvernements locaux de la Nation crie

7. En collaboration avec la Commission Crie-Naskapie, le gouvernement de la Nation crie devrait élaborer un programme d’orientation sur les pouvoirs et les devoirs d’un gouvernement local lorsqu’un nouveau chef et conseil sont élus.

Logement

À cause de la population croissante des Eeyous d’Eeyou Istchee et des programmes et fonds inadéquats en matière de logement, les collectivités eeyoues d’Eeyou Istchee font face à une crise de logement très sérieuse.

8. Le gouvernement local de la Nation crie et le gouvernement de la Nation crie devraient établir un plan directeur de logement avec un budget approprié qui pourrait comprendre les éléments suivants, sans toutefois s’y limiter :

a) élaboration d’une politique du gouvernement de la Nation crie en matière de logement au sujet de l’attribution de logements pour les collectivités et versement de fonds pour le logement;

b) détermination de l’état actuel et des besoins en matière de logement dans les collectivités;

c) détermination de logements adéquats et à prix abordable;

d) augmentation de la construction annuelle de logements;

e) planification et construction de logements alternatifs comme des petits appartements pour les couples et les jeunes familles;

f) disponibilité de logements locaux, de logements de la bande et de location avec option d’achat;

g) attribution appropriée de logements;

h) rénovations des maisons actuelles;

i) considération de matériaux alternatifs et techniques de construction pour que les habitations résistent au rude climat nordique;

j) promotion de l’accession à la propriété privée; et

k) disponibilité et accès plus facile à des fonds pour l’accession à la propriété privée.

9. Le gouvernement de la Nation crie devrait soumettre le plan directeur eeyou en matière de logement au gouvernement du Canada et au gouvernement du Québec aux fins de discussion et dans le but d’obtenir du financement dans le contexte de la lettre, l’esprit et l’objectif de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

10. Le gouvernement de la Nation crie devrait négocier avec le Canada et/ou le Québec pour assurer que les Nations locales cries ont des terres appropriées et suffisantes pour l’expansion du logement et de la collectivité. (Certaines collectivités cries comme Chisasibi et Waswanipi veulent aller de l’avant et utiliser des plans de développement communautaires à l’intérieur de corridors de routes qui sont des terres de la catégorie III à l’heure actuelle en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.)

11. Le gouvernement de la Nation crie devrait adopter des lois en ce qui a trait aux droits de propriété et aux droits de propriété matrimoniale à l’intérieur des terres de la catégorie IA.

Bloc « D »

Conformément à l’annexe D de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec, le Québec transférera l’administration, la gestion et le contrôle des terres désignées sous l’appellation de Bloc « D », y compris la piste aérienne, au gouvernement du Canada pour l’usage et l’avantage exclusifs de la Nation crie de Chisasibi à condition du respect de certaines modalités et dispositions. (Le Bloc « D » fera partie des terres de la catégorie IA de Chisasibi.) Les parties déploieront tous les efforts nécessaires pour assurer que le transfert final par le Québec sera terminé au plus tard le 30 septembre 2002.

En date du 1er février 2018, le transfert du Bloc « D » n’est pas encore achevé. La phase 1 du transfert est terminée et une partie du Bloc « D » est prête à être transférée. Toutefois, la phase 2 comporte des mesures supplémentaires pour la réalisation de l’assainissement environnemental. Donc, le transfert complet du Bloc « D » à la Première nation crie de Chisasibi est encore en suspens étant donné qu’un assainissement majeur d’une portion du Bloc « D » est encore en cours pour décontaminer le sol sur le site. Il est prévu que l’assainissement environnemental sera terminé d’ici le 31 décembre 2019.

12. En collaboration avec la Nation crie de Chisasibi, le gouvernement de la Nation crie devrait s’assurer que le Canada et le Québec prennent les mesures nécessaires pour régler le transfert complet du Bloc « D » à la Nation crie de Chisasibi.

Programme pour les jeunes

Les jeunes de collectivités eeyoues ont expliqué le besoin en matière de programmes, services et fonds appropriés.

13. En collaboration avec les conseils locaux des jeunes, les gouvernements locaux de la Nation crie devraient déterminer les besoins des jeunes relatifs à des programmes, services et fonds sur une base annuelle.

14. Le gouvernement de la Nation crie devrait discuter, avec le Canada et le Québec, des besoins des jeunes Eeyous en matière de programmes et services pourvus d’un financement adéquat.

Territoires de chasse de Mistissini à l’est de la hauteur des terres

La Nation crie de Mistissini a des territoires de chasse à l’est de la hauteur des terres et qui sont donc situés au-delà des limites du territoire couvert par la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi (CBJNQ). À cause de la façon dont le territoire couvert par la CBJNQ a été déterminé, ces territoires de chasse cris ont été omis du territoire couvert par la CBJNQ en 1975. Depuis ce moment-là, la Nation crie de Mistissini insiste pour le règlement des revendications, droits et intérêts de la Nation sur ces territoires de chasse cris.

15. En collaboration avec la Nation crie de Mistissini, le gouvernement de la Nation crie devrait, avec le Canada et le Québec, régler les revendications, droits et intérêts des Cris à l’égard de leurs territoires de chasse situés à l’est de la hauteur des terres et à l’extérieur du territoire couvert par la CBJNQ.

Maîtres de trappe et lignes de trappe

À la lumière du développement des ressources comme l’exploration minière, les activités de foresterie commerciale et les routes, la Nation crie de Mistissini a des problèmes à déterminer qui est le maître de trappe de certaines lignes de trappe et à déterminer l’intégrité territoriale de certaines lignes de trappe.

16. En collaboration avec les gouvernements locaux de la Nation crie et l’Association des trappeurs cris, le gouvernement de la Nation crie devrait déterminer et établir, conformément à la la loi eeyoue et à l’Eeyou Eedouwin, un mécanisme de règlement des différends pour régler les malentendus en ce qui a trait à l’intégrité territoriale de l’Eeyou/Eenou Indoh-hoh Istchee.

Éducation, culture et langue eeyoues/eenoues

Les jeunes d’Eeyou Istchee veulent apprendre l’histoire des Cris plutôt que l’histoire eurocentrique qui est présentement enseignée dans les écoles cries. Ils veulent en apprendre davantage sur la culture crie. Ils devraient recevoir des crédits pour apprendre l’histoire et la culture des Cris.

Un aîné a exprimé ses inquiétudes au sujet de l’usage de la langue crie en chute chez les enfants. Dans les écoles, les enseignants du programme préscolaire ont noté que beaucoup d’enfants cris arrivent à l’école en parlant en anglais.

Depuis l’abolition de la langue crie comme langue d’instruction jusqu’à la troisième année dans les écoles, les enfants cris perdent leur langue maternelle.

Le gouvernement de la Nation crie, la Commission scolaire crie et les gouvernements locaux cris doivent reconnaître que les peuples cris, dans leur ensemble, perdent rapidement la langue crie et que des programmes et des fonds devraient être utilisés pour conserver et préserver la langue crie, surtout chez les enfants et les jeunes.

En outre, le chapitre 16 (Éducation – Cris) de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi prévoit que le cri sera une langue d’enseignement et que la Commission scolaire crie a le pouvoir spécial d’élaborer des cours, manuels et matériel pédagogique conçus pour préserver et transmettre la langue et la culture des peuples cris.

Le chef des jeunes Cris de la Première nation de Waskaganish a exprimé des inquiétudes au sujet de la qualité actuelle de l’éducation fournie par la Commission scolaire crie en comparaison d’autres commissions scolaires au Québec. Le chef des jeunes suggère l’établissement d’un plan de dix ans sur l’amélioration du système d’éducation de la commission scolaire crie.

La Première nation de Whapmagoostui reconnaît l’utilisation de la langue crie comme langue officielle pour la prestation des services de son gouvernement local. D’autres niveaux de gouvernements devraient reconnaître l’usage de la langue crie comme langue officielle dans les relations gouvernementales et les affaires administratives.

L’éducation est un des enjeux les plus urgents pour la Nation crie de Wemindji à cause des facteurs ci-après :

a) médiocre qualité de l’éducation;

b) taux de diplomation en déclin;

c) absence d’établissement d’enseignement postsecondaire;

d) programme et curriculums inappropriés; et

e) environnement social.

17. Le gouvernement de la Nation crie devrait effectuer un examen et viser des modifications au chapitre 16 (Éducation – Cris) de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi avec le Canada et le Québec pour reconnaître l’entière juridiction du gouvernement de la Nation crie en matière d’éducation, de culture et de langue des Eeyous d’Eeyou Istchee et afin d’établir une collaboration entre le gouvernement de la Nation crie et la Commission scolaire crie sur ces dossiers.

18. En outre, le gouvernement de la Nation crie devrait viser des modifications au chapitre 9 (Administration locale sur les terres de la catégorie IA) et au chapitre 11A (Administration régionale crie) de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi avec le Canada et le Québec pour reconnaître l’entière juridiction du gouvernement de la Nation crie sur l’éducation, la culture et la langue des Eeyous d’Eeyou Istchee.

19. En collaboration avec la Commission scolaire crie, le gouvernement de la Nation crie devrait effectuer une révision complète et rigoureuse de la qualité et de la prestation des services d’éducation aux élèves eeyous/eenous fournis par la Commission scolaire crie et élaborer un plan de dix (10) ans pour la prestation de l’éducation et l’amélioration du système d’éducation offert aux élèves eeyous/eenous d’Eeyou Istchee.

20. Le gouvernement de la Nation crie et la Commission scolaire crie devraient conjointement présenter le plan de dix (10) ans sur la prestation de l’éducation et l’amélioration du système d’éducation au Canada et au Québec aux fins de discussions et de financement.

21. Conformément aux dispositions actuelles du chapitre 16 (Éducation – Cris) de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi, la Commission scolaire crie devrait assurer que le cri sera une langue d’enseignement et élaborer des cours, manuels et matériel didactique conçus pour préserver et transmettre la langue et la culture des peuples cris.

22. Le gouvernement de la Nation crie et la Commission scolaire crie devraient collaborer à un projet pour produire un livre d’histoire sur les Eeyous/Eenous d’Eeyou Istchee qui serait utilisé comme partie intégrante du curriculum dans les écoles de la Commission scolaire crie.

23. Le gouvernement de la Nation crie et les gouvernements locaux de la Nation crie devraient adopter des lois et développer des politiques qui reconnaissent et favorisent l’utilisation de la langue eeyoue/eenoue comme langue officielle dans les relations gouvernementales et les affaires administratives d’Eeyou Istchee.

24. Le gouvernement de la Nation crie devrait communiquer avec le Canada et le Québec pour reconnaître l’utilisation de la langue eeyoue/eenoue comme langue officielle dans les relations gouvernementales et les affaires administratives à Eeyou Istchee.

Prestation des services aux Cris

Les professionnels et le personnel enseignant qui fournissent de services aux Cris devraient en apprendre au sujet des Cris... leurs collectivités, leur mode de vie, leur culture et leur environnement social. Il y aurait alors une meilleure compréhension entre les individus.

25. La Commission scolaire crie et le Conseil Cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James devraient élaborer et offrir des séances d’orientation sur les Eeyous d’Eeyou Istchee pour le personnel professionnel et le personnel enseignant.

Intérêts communs des Cris et des Inuits

Whapmagoostui, la collectivité crie, et Kuujjuarapik, la collectivité inuite, sont des villages adjacents. Les projets communautaires des Cris et des Inuits sont financés par le Québec et le Canada. Chaque fois que la possibilité survient, Whapmagoostui et Kuujjuarapik collaborent sur des projets pour éviter le dédoublement des services d’infrastructure et pour assurer l’efficacité des coûts. Parce que les projets de ces collectivités cries et inuites sont financés par des sources différentes, des problèmes sont survenus sur l’obtention du financement pour ces projets.

26. Le gouvernement de la Nation crie devrait assurer que le Québec et le Canada reconnaissent les besoins et les droits de Whapmagoostui et faciliter la collaboration des collectivités, particulièrement dans le cadre de projets qui profiteront tant à la collectivité crie qu’à la collectivité inuite.

Route d’accès à Whapmagoostui

Whapmagoostui est la seule collectivité crie à laquelle il n’y a pas d’accès terrestre à partir du sud. En conséquence, les produits, l’équipement et les fournitures doivent être transportés par avion ou par bateau entraînant ainsi des coûts de vie et de construction excessivement élevés.

27. En collaboration avec la Première nation de Whapmagoostui, le gouvernement de la Nation crie devrait discuter de la construction d’une route d’accès d’hiver à Whapmagoostui avec le Canada et le Québec.

Chasseurs et trappeurs cris

Les chasseurs et trappeurs cris reçoivent des prestations du programme de l’Office de la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris. Mais le programme ne fournit pas la sécurité économique nécessaire pour maintenir le mode traditionnel de vie à cause des coûts de la vie à la hausse et les coûts élevés liés au transport et à l’équipement dans le nord.

28. Le gouvernement de la Nation crie devrait demander au gouvernement du Québec d’augmenter le financement fourni aux chasseurs et trappeurs cris en vertu du Programme de sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris pour assurer qu’ils aient la sécurité économique nécessaire pour poursuivre le mode de vie traditionnel.

Électricité

À l’heure actuelle, la collectivité de Whapmagoostui est la seule communauté crie qui n’a pas d’électricité fournie par les réseaux électriques d’Hydro-Québec qui a un gigantesque projet hydroélectrique à Eeyou Istchee. L’énergie de Whapmagoostui est fournie par des génératrices à diesel qui soulèvent des préoccupations environnementales et communautaires. Comme la collectivité et ses besoins en électricité augmentent, la communauté fait face à des pannes d’énergie plus fréquentes.

Au moment de la « Paix des braves » signée en février 2002, Hydro-Québec a promis de construire une ligne de transport d’électricité à Whapmagoostui. En date de février 2018, il n’y a aucune indication du moment où cette ligne de transport d’électricité sera construite.

29. Le gouvernement de la Nation crie devrait assurer que les besoins et le droit de la Première nation de Whapmagoostui sont reconnus et abordés dans toutes les négociations avec le Québec et le Canada en ce qui a trait à la prestation d’électricité à la collectivité.

Mode de vie et santé

Le mode de vie a dramatiquement changé dans les collectivités eeyoues. L’accès et le genre d’aliments ont changé. Les conditions de santé changent. Un changement à la fois important et alarmant est le taux élevé de diabète chez les peuples eeyous/eenous. Les gens doivent en savoir davantage sur la nutrition saine et adéquate.

30. Le gouvernement de la Nation crie devrait encourager le Conseil Cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James de faire une promotion soutenue, de sensibiliser et d’éduquer les Eeyous des collectivités eeyoues sur les mérites d’une nutrition saine et adéquate.

Application de la loi crie traditionnelle

En vertu de la loi crie traditionnelle, les personnes qui désirent chasser à l’intérieur d’un territoire ou d’une ligne de trappage particulier devraient obtenir l’autorisation ou la permission du maître de trappe (Indoh-hoh Ouje-Mahou) pertinent. L’Association des trappeurs cris a reçu de nombreuses plaintes au sujet de personnes qui chassent sans cette permission. (Les modalités actuelles de la loi crie sur la chasse confirment cette exigence.)

31. Le gouvernement de la Nation crie et les gouvernements locaux de la Nation crie devraient adopter officiellement l’application et la mise en œuvre de la loi traditionnelle des Eeyous/Eenous comme la loi eeyoue sur la chasse.

Mode traditionnel de vie et façon crie de faire les choses

Un aîné a parlé du mode traditionnel de vie de l’Eeyou Eedouwun (façon crie de faire les choses). Il a parlé du mode de vie des chasseurs, de leurs techniques de survie et de la médecine traditionnelle. Il a dit que l’Eeyou Eedouwun (façon crie de faire les choses) devrait être enseigné aux jeunes Cris. Il a aussi dit que les chasseurs cris ont besoin de soutien pour conserver l’Eeyou Eedouwun.

32. Le gouvernement de la Nation crie, la Commission scolaire crie et d’autres entités cries intéressées devraient trouver des mesures et des outils pour promouvoir la sensibilisation et l’éducation sur le mode traditionnel de vie cri, des techniques de survie, de la médecine traditionnelle et de l’Eeyou Eedouwin.

Reconnaissance de MoCreebec à titre de communauté crie

À l’aide de la reconnaissance officielle de MoCreebec Eeyoud à titre de 11e communauté crie par résolution du gouvernement de la Nation crie, les MoCreebec Eeyoud veulent obtenir la reconnaissance de la part de la ministre de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord à titre de « collectivité crie » ayant un sens similaire à celui du chapitre 1 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi.

Les MoCreebec Eeyoud veulent aussi que la ministre de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord obtienne un mandat dans le cadre duquel une table de négociation avec le gouvernement fédéral, le gouvernement de la Nation crie et le gouvernement de l’Ontario pourront définir et donner un fondement à la reconnaissance de la collectivité MoCreebec Eeyoud en Ontario.

33. Le gouvernement de la Nation crie et le gouvernement du Canada entament des discussions sur un processus pour un mandat et des négociations visant la reconnaissance de la collectivité de MoCreebec Eeyoud avec la participation du gouvernement de l’Ontario.

Problèmes de santé et problèmes sociaux (Naskapis de Kawawachikamach)

Les fonds de fonctionnement attribués au CLSC naskapi se sont avérés insuffisants pour livrer un niveau approprié de services de santé et de qualité de services sociaux aux Naskapis qui habitent à Kawawachikamach.

En général, la prestation des services du CLSC des Naskapis est entravée par un budget de fonctionnement fixe et limité qui n’est pas adapté aux besoins des Naskapis.

C’est donc dire que le Québec ne remplit pas ses obligations envers les Naskapis qui habitent à Kawawachikamach en ce qui a trait à la prestation de ressources financières et humaines adéquates pour fournir des services de santé et des services sociaux à un niveau et à une qualité adéquats.

34. Le Québec et les Naskapis de Kawawachimach doivent entamer des discussions concernant la prestation de ressources financières et humaines adéquates pour fournir des services de santé et des services sociaux d’un niveau et d’une qualité adéquats conformément au chapitre 10 de la Convention du Nord-Est québécois.

Éducation (Naskapis de Kawawachikamach)

Il est très difficile pour les Naskapis de poursuivre leurs études professionnelles et postsecondaires à l’extérieur de la collectivité de Kawawachikamach. L’école Jimmy Sandy Memorial (JSMS) et les Naskapis aimeraient profiter de plus de cours professionnels et postsecondaires à Kawawachikamach. Toutefois, l’école JSMS et les Naskapis sont en discussion avec le Québec et le Canada pour établir un complexe à la fine pointe qui offrira de la formation pour adultes, de la formation professionnelle et des cours postsecondaires à Kawawachikamach.

La mise en œuvre de la Convention du Nord-Est québécois en ce qui a trait aux études des Naskapis devrait faire l’objet d’une révision pour répondre à leurs besoins réels en matière d’emploi à Kawawachikamach et à l’extérieur de la collectivité.

35. Le Québec et les Naskapis de Kawawachikamach devraient réviser la mise en œuvre de la Convention du Nord-Est québécois en ce qui a trait aux études des Naskapis pour assurer la prestation de programmes et services appropriés d’études professionnelles et postsecondaires pour les Naskapis.

Programme de soutien à la chasse, la pêche et le trappage
(Naskapis de Kawawachikamach)

Établi en vertu du chapitre 19 de la CNEQ, le programme de soutien à la chasse verse des
fonds aux bénéficiaires naskapis pour qu’ils poursuivent leurs activités de chasse, de pêche
et de trappage. Le programme est crucial pour préserver la culture naskapie et le mode
de vie traditionnel.

À l’heure actuelle, la nation naskapie essaie de négocier un montant de financement qui est proportionnel au taux de la population, à la croissance de la population et au coût de la vie
à Kawawachikamach.

36. Le Québec et la nation naskapie de Kawawachikamach devraient réviser et amender le chapitre 19 de la Convention du Nord-Est québécois pour assurer le financement adéquat pour les bénéficiaires cris du programme pour aider la chasse, la pêche et le trappage.

Comité de coordination de la chasse, de la pêche et du trappage
(Naskapis de Kawawachikamach)

Le Comité de coordination de la chasse, de la pêche et du trappage (CCCPT) a été créé conformément au chapitre 24 de la CBJNQ afin de réviser, gérer et dans certains cas, superviser et réglementer les régimes de chasse, de pêche et de trappage établis par la CBJNQ et la CNEQ.

Les recommandations émanant du CCCPT sont déterminées à l’aide d’une procédure de vote décrite dans le chapitre 24 de la CBJNQ. Cette procédure de vote ne fonctionne pas bien pour les problèmes, intérêts et préoccupations des parties autochtones.

37. La procédure de vote utilisée par le comité de coordination de la chasse, de la pêche et du trappage devrait être révisée pour en assurer le caractère adéquat de la participation des parties autochtones dans le processus de prise de décision.

Consultation environnementale de la Nation (Naskapis de Kawawachikamach)

La Nation naskapie de Kawawachikamach est d’avis que les processus de consultation et de participation fédérale et provinciale prévus dans la CBJNQ et la CNEQ ne confèrent pas de participation, consultation et protection adéquates pour les Naskapis, le secteur naskapi et le territoire traditionnel naskapi, surtout dans le contexte des examens environnementaux et évaluations au Nunavik. En l’état actuel des choses, les Naskapis ne font pas partie du processus décisionnel qui touche le secteur naskapi et le territoire traditionnel naskapi.

38. Le Canada, le Québec et les parties autochtones devraient examiner et réviser la CNEQ et la CBJNQ pour permettre aux Naskapis de nommer un membre qui siégerait sur la Commission sur la qualité environnementale Kativik, le comité directeur, le comité de révision et le comité consultatif sur l’environnement Kativik, et pour assurer que le point de vue unique de la Nation naskapie et ses intérêts particuliers sont pris en compte tout au long des consultations et dans les processus d’examen environnemental et d’évaluation.

Gouvernance régionale et territoriale (Naskapis de Kawawachikamach)

Le maire de la corporation municipale naskapie de Kawawachikamach (qui est aussi le chef de la Nation naskapie) occupe un siège au conseil de l’administration régionale Kativik (ARK) qui a des juridictions, des pouvoirs et des services qui ont un impact sur la Nation naskapie, le secteur naskapi et le territoire traditionnel naskapi (territoire naskapi).

La structure actuelle de l’ARK permet à la majorité inuite de prendre des décisions sur des affaires qui impliquent le territoire naskapi. Cela crée une situation particulière lorsqu’un groupe autochtone domine un autre groupe autochtone sur son propre territoire.

39. Le Canada, le Québec et les parties autochtones devraient réviser et amender la CNEQ et la CBJNQ pour étendre l’autogouvernance et l’autoreprésentation à la Nation naskapie de Kawawachikamach pour des affaires et des enjeux qui impliquent le territoire naskapi.

Autres services : logement et garderie (Naskapis de Kawawachikamach)

Comme d’autres collectivités, les Naskapis ont été affectés par la surpopulation, la détérioration des habitations et le financement inadéquat du logement. La situation actuelle du logement rend les familles vulnérables, y compris des problèmes de santé en raison de la moisissure et l’exposition à la violence et à la toxicomanie.

À la lumière de la situation actuelle du logement, la Nation naskapie pense que le financement adéquat du logement devrait être garanti par la CNEQ.

La garderie publique de Kawawachikamach, avec ses espaces limités, n’a pas réussi à accommoder tous les enfants de la collectivité. Des services de garde devraient être prévus dans la CNEQ pour obtenir et garantir un niveau minimal de services pour les enfants et les parents de Kawawachikamach.

40. Le Québec, le Canada et la Nation naskapie de Kawawachikamach devraient réviser et amender la CNEQ pour assurer le financement adéquat et des programmes pour le logement et les services de garde à Kawawachikamach.

Gouvernance naskapie

Même si la nation naskapie a grandement profité de la CBJNQ et continue de le faire, plusieurs domaines exigent des améliorations. La Nation naskapie aborde un nombre croissant de ces domaines dans le cadre de ses négociations séparées et propres à des dossiers avec le Canada et/ou le Québec. Étant donné que l’étendue et le nombre de dossiers en négociation augmentent, la Nation naskapie réfléchit maintenant à des approches complémentaires pour consolider ses efforts visant à moderniser la CNEQ et pour améliorer sa forme actuelle d’autonomie gouvernementale et elle s’adressera au Canada et au Québec pour demander l’établissement d’une table ronde pour discuter de ces affaires.

41. Le Québec, le Canada et la Nation naskapie de Kawawachikamach devraient établir un processus pour discuter de la modernisation de la CNEQ et l’amélioration de l’autonomie gouvernementale naskapie.

Proposition sur la création d’un fonds juridique pour les bénéficiaires de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Convention du Nord-Est québécois

M. Johnny Mameanskum, un membre de la Nation naskapie de Kawawachikamach, a soumis un document daté du 6 février et intitulé « Proposition sur la création d’un fonds juridique pour les bénéficiaires de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Convention

du Nord-Est québécois » à la Commission Crie-Naskapie. Dans ladite proposition, M. Mameanskum propose la création d’un fonds pour aider les bénéficiaires qui pourraient contester des élections générales de bande ou soulever d’autres enjeux pour protéger leurs droits dans le cadre de la mise en vigueur de la CBJNQ, de la CNEQ et d’autres lois connexes.

42. Le Canada, le Québec, le gouvernement de la Nation crie et la Nation naskapie de Kawawachikamach devraient établir un processus pour discuter de la création d’un programme et/ou des services avec un financement approprié et adéquat pour aider les bénéficiaires cris et naskapis qui pourraient contester des élections générales de bande ou soulever d’autres enjeux pour protéger leurs droits dans le cadre de la mise en vigueur de la CBJNQ, de la CNEQ ou d’autres lois connexes.

Règlement des différends

Avec la reprise de plus nombreux pouvoirs inhérents d’autonomie gouvernementale, la Nation crie d’Eeyou Istchee devra de plus en plus développer des structures et processus pour régler les différends internes.

Le gouvernement de la Nation crie a maintenant le pouvoir d’adopter des lois sur des structures et processus pour répondre aux besoins des Cris en relation au règlement des différends internes et aux décisions. Il devra être proactif dans ce domaine de façon précoce à l’ère de l’autonomie gouvernementale élargie.

43. Le gouvernement de la Nation crie devrait adopter des lois pour établir des processus pour le règlement des différends et les décisions relatives aux différends entre les gouvernements de la Première nation crie et les entités cries et les différends entre ou parmi les maîtres de trappage (Indoh-hoh Ouje-Maaooch) au sujet des territoires de chasse.

Révision du chapitre 9 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi

La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est la loi spéciale envisagée dans le chapitre 9 (Administration locale sur les terres de la catégorie IA) de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi. La loi a été modifiée pour tenir compte des ententes entre le Canada et les Cris d’Eeyou Istchee au sujet de la gouvernance dans les terres de la catégorie IA. Depuis la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi en 1975, le chapitre 9 n’a jamais été révisé ni amendé par les parties concernées pour refléter la nature et l’état actuel de l’administration locale de la Nation crie et du gouvernement de la Nation crie.

44. Le Canada, le Québec et le gouvernement de la Nation crie devraient réviser et amender le chapitre 9 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi pour refléter les réalités actuelles du droit autochtone, du droit coutumier et de l’état du gouvernement local cri et du gouvernement de la Nation crie.

Conclusion

À l’exception de la Partie XII (dispositions concernant l’établissement, le mandat et le fonctionnement de la Commission Crie-Naskapie) de la Loi, la Loi sur les Cris et les Naskapis
du Québec est entrée en vigueur le 3 juillet 1984.

La Partie XII de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec sur l’établissement, les missions et le fonctionnement de la Commission Crie-Naskapie est entrée en vigueur le 1er décembre 1984.

Depuis sa création, la Commission Crie-Naskapie a produit quinze (15) rapports bisannuels conformément au paragraphe 165 (1) et au paragraphe 171 (1) de la Loi sur les Cris et les
Naskapis du Québec.

Le présent rapport constitue le seizième (16) rapport bisannuel de la Commission.

Le 14 février 2018, la ministre de Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord a déposé à la Chambre des Communes le projet de loi C-70 qui est la loi sur la gouvernance envisagée dans l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada. Le projet de loi C-70 porte mise en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et la Constitution crie. La Loi amende la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec pour assurer que cette dernière ne s’applique plus aux Cris d’Eeyou Istchee et afin de faire des changements à certains aspects du mandat de la Commission Crie-Naskapie dans le but de tenir compte de l’Entente. Elle fait aussi des modifications corrélatives à d’autres lois.

Le 29 mars 2018, le projet de loi C-70 a reçu la sanction royale et la loi est entrée en vigueur.

L’article 98 du projet de loi C-70 abroge l’article 171 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. (L’article 171 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec décrit le mandat de la Commission Crie-Naskapie de préparer et de soumettre un rapport bisannuel au ministre qui le fait déposer devant chaque Chambre du Parlement.)

Toutefois, les dispositions transitoires de la Loi prévoient ce qui suit :

« Rapport de la Commission Crie-Naskapie au Parlement

124.(1).La Commission Crie-Naskapie peut établir, pour la période commençant à la date suivant la fin de la période visée par le Rapport 2016 de la Commission Crie-Naskapie et se terminant à la date d’entrée en vigueur de l’article 98, un dernier rapport, en français, en anglais, en cri et en naskapi, sur l’application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Elle adresse le rapport au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et celui-ci le fait déposer devant chaque chambre du Parlement dans les dix premiers jours de séance suivant sa réception.

Diffusion du rapport

(2) Dès le dépôt du rapport devant le Parlement, le ministre en adresse le texte au Gouvernement de la nation crie, à la Société de développement des Naskapis, au conseil de chaque première nation crie et au conseil de la bande naskapie. »1

En conséquence, le présent rapport est le dernier rapport bisannuel et le rapport final de la Commission Crie-Naskapie.

Toutefois, conformément à l’article 165 (1) de la Loi sur les Naskapis et la Commission
Crie-Naskapie, les tâches de la Commission Crie-Naskapie sont décrites comme ci-après :

« 165 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la Commission a pour mission :

(a) relativement aux bénéficiaires naskapis, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de la présente loi, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cette loi; (b) relativement aux bénéficiaires cris, au sens du paragraphe 2(2) de la Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee, d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l’application de l’accord, au sens du paragraphe 2(1) de cette loi, et de la constitution crie, au sens de ce paragraphe, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cet accord ou de
cette constitution. »

En résumé, la Loi sur les Naskapis et la Commission Crie-Naskapie conserve la Commission
Crie-Naskapie, tout en modifiant ses fonctions de façon à éliminer le rapport au Parlement et
en poursuivant sa fonction « d’ombudsman » pour enquêter les représentations des bénéficiaires cris ou naskapis.

Les recommandations de la Commission Crie-Naskapie dans ses rapports bisannuels de 1986 à 2018 ont couvert les plus grands problèmes et préoccupations principales suivants des Nations cries et naskapies :

1. Gouvernement local eeyou et administration locale eeyoue

2. Gouvernement de la Nation crie

3. Amendements et mise en œuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec

4. Commission Crie-Naskapie

5. Mise en œuvre et examen de la Convention de la Baie-James et du Nord québécoi et de la Convention du Nord-Est québécois

6. Logement et travaux d’infrastructure

7. Services de police et administration de la justice

8. Développement social et économique

9. Bloc « D » de Chisasibi

10. Cris d’Oujé-Bougoumou

11. Eeyous de Washaw Sibi

12. Reconnaissance de MoCreebec Eeyoud comme collectivité

13. Éducation, langue et culture

14. Programmes, services et financement pour les Jeunes

15. Droits et revendications des Cris et des Naskapis

Bien que certaines préoccupations et certains problèmes aient été réglés, les deux inquiétudes et enjeux fondamentaux ne sont pas encore réglés malgré les recommandations de la Commission Crie-Naskapie :

1. Logement

La prestation de logement reste un enjeu critique et un problème prioritaire pour les collectivités cries. En fait, le logement est un problème majeur et une grande source de problèmes sociaux à cause des principales conditions de logement, sociales et politiques suivantes :

a. pénurie énorme de l’attribution de logements;

b. surpopulation des habitations actuelles;

c. financement inadéquat pour la construction de nouveaux logements et la réparation et la rénovation des habitations actuelles;

d. croissance rapide de la population qui a besoin de logements;

e. augmentation des arriérés pour répondre aux besoins en matière de nouvelles habitations et d’habitations rénovées;

f. la construction de maisons à Whapmagoostui est une entreprise très coûteuse à cause du facteur d’isolation de la collectivité;

g. l’incapacité du gouvernement du Canada d’assumer ses responsabilités fiduciaires et légales envers les Premières nations;

h. la matrice de priorité de financement d’Affaires autochtones et du Nord Canada n’accorde pas une haute priorité à la construction de logements pour la croissance; et

i. la politique du Canada en matière de soutien au logement n’a pas réussi à répondre aux besoins en matière de logements en attente des Premières nations.

Dans ses rapports antérieurs, la Commission a fait des recommandations à répétition pour demander au gouvernement du Canada de s’attaquer à la situation critique de logement avec le gouvernement de la Nation crie. Mais à ce jour, le gouvernement du Canada ne s’est pas occupé adéquatement de la situation et des besoins en matière de logement avec le gouvernement de la Nation crie.

La Nation naskapie, comme les collectivités cries, a des problèmes et préoccupations similaires pour ses membres qui vivent à Kawawachikamach. Dans ses rapports antérieurs, la Commission a fait des recommandations au Canada de s’occuper, de manière adéquate, des besoins en matière de logement de la Nation naskapie de Kawawachikamach.

La Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels reconnaissent tous les deux que tous les gens ont le droit d’avoir accès à un logement adéquat.

2. Gouvernance eeyoue et naskapie

l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada améliore la gouvernance eeyoue sur les terres de la catégorie IA pour les Eeyous d’Eeyou Istchee. Toutefois, ladite Entente retient et conserve certaines dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec qui constituent des obstacles graves et des contraintes sérieuses pour l’exercice du gouvernement local cri et de l’administration locale crie. Ces dispositions concernant l’exigence d’obtenir des quorums élevés et difficiles à atteindre pour la prise de décisions.

L’esprit et l’objectif de la Convention de la Baie-James de du Nord québécois et de ses conventions complémentaires exigent que le Canada et le Québec respectent le droit inhérent de la Nation eeyoue de gouverner ses propres affaires et territoires. Dans ce principe, le droit de la Nation eeyoue d’entretenir des relations avec le Canada et le Québec, d’acquérir les avantages de ces ententes et d’assumer les responsabilités et le fardeau de l’autonomie gouvernementale est implicite.

À ce sujet, la Nation eeyoue a affirmé et exercé son droit à l’autonomie gouvernementale et a conclu un traité des temps modernes (Convention de la Baie-James et du Nord québécoi) et des ententes connexes avec le Canada et le Québec. En concluant de telles ententes de nation à nation avec les Eeyous, le Canada et le Québec ont déjà reconnu leur statut de peuple autonome.

Les Eeyous d’Eeyou Istchee et la Nation naskapie de Kawawachikamach ont déterminé la nature et la forme de leurs gouvernements. L’affirmation de leur droit inhérent à l’autodétermination provenant de leur statut de peuples distincts leur confère le droit de déterminer leurs propres avenir au sein du Canada et de se gouverner eux-mêmes en vertu d’institutions de leur propre choix et conception. À cet égard, la gouvernance eeyoue et naskapie n’est pas une chose qui va arriver à l’avenir. C’est une chose qui s’est produite, qui se produit maintenant et qui continuera de se produire conformément aux droits et aspirations des Eeyous et des Naskapis.


NOTES DE LA FIN

1 Dispositions transitoires des paragraphes (1) et (2) de l’article 124 du projet de loi C-70 : Loi portant mise en vigueur de l’Entente sur la gouvernance de la Nation crie entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada, modifiant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois