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Crédits

RÉDACTEURS

Richard Saunders, président
Philip Awashish, commissaire

MISE EN PAGE ET CONCEPTION

gordongroup marketing + communications

IMPRESSION

Gilmore

TRADUCTION

George Guanish (Naskapi)
Mary Mokoush (Naskapi)
C.I.L.F.O. (Français)
Daisy Moar (Cri)

PHOTOGRAPHIE

Ian Diamond

CONTACTEZ

Commission Crie-Naskapie
222, rue Queen, bureau 305
Ottawa (Ontario) K1P 5V9

téléphone : 613 234-4288
télécopieur : 613 234-8102
sans frais : 1 888 236-6603

VI

Remerciements

Pour préparer le rapport de la Commission Crie-Naskapie, les commissaires se fient à de nombreuses personnes et ils désirent surtout souligner les efforts et remercier les aînés cris et naskapis, les leaders, les jeunes et les autres membres des collectivités qui ont présenté des aperçus, des idées et des suggestions qui sont utilisés comme base pour nos constatations et recommandations. Nous tenons aussi à reconnaître la participation des représentants du gouvernement qui ont fourni des renseignements et partagé leurs points de vue et perspectives. Des remerciements spéciaux sont aussi offerts au Comité de la Chambre des communes sur les affaires autochtones et du Nord. L’intérêt porté par les membres à nos constatations et à nos recommandations et aux points de vue des collectivités sur lesquelles elles sont basées constitue un facteur essentiel pour permettre aux décideurs à tous les niveaux de tenir entièrement compte de ces points de vue.

Enfin, les commissaires tiennent à souligner le travail exceptionnel de notre personnel, Brian Shawana, Gloria Dedam et Charlotte Kitchen et à les remercier.

 

VII

Philip Awashish
Commissaire

Philip Awashish a été l’un des négociateurs cris en chef représentant la nation crie d’Eeyou Istchee lors des négociations qui ont mené à la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. Pendant une période de 20 ans, il a occupé divers postes de haute gestion au sein de la nation crie d’Eeyou Istchee, par exemple ceux de chef principal et de vice-président du Grand conseil des Cris (du Québec) et de l’administration régionale crie, et de chef et conseiller de la nation crie de Mistissini. Il agit actuellement à titre d’expert-conseil au sujet des affaires et des droits autochtones. Philip Awashish est membre de la commission Crie- Naskapie depuis 1997.
Richard Saunders
Président

Richard Saunders détient des diplômes universitaires en sciences politiques et en administration publique de l’Université Carleton. Il a travaillé pour l’Assemblée des Premières nations, la Indian Association of Alberta, le gouvernements fédéral, ainsi que les gouvernements de l’Ontario et de l’Alberta. Au cours des trois dernières années, il a agi comme directeur des négociations pour le gouvernement de la NouvelleÉcosse, qui a récemment signé une entente cadre avec les chefs Mi’kmag et le gouvernement fédéral. Richard a été membre de la commission Crie-Naskapie pendant trois mandats consécutifs, de 1986 à 1992; il en est le président depuis 1997.
Robert Kanatewat
Commissaire

Robert Kanatewat, un Eeyou de Chisasibi, a joué un rôle-clé dans la promotion de la sensibilisation aux droits des Eeyous à titre de membre exécutif de la Confédération des Indiens du Québec à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Il a été le principal demandeur dans l’affaire Kanatewat c. Société de développement de la Baie James, lorsque la nation crie a décidé de s’opposer à l’aménagement hydro-électrique initial d’Eeyou Istchee. En sa qualité de cadre principal, il a participé aux négociations menant à l’exécution de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. Pendant de nombreuses années, il a servi les Eeyous d’Istchee comme chef exécutif du Grand Conseil des Cris (du Québec), chef de la nation crie de Chisasibi et dirigeant de diverses entreprises commerciales. À l’exception d’un mandat, Robert Kanatewat est membre de la commission Crie- Naskapie depuis 1986.
VIII

 

Le 30 juin 2008

 

Honorable Chuck Strahl PC, député
Ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada
Édifices du Parlement
Ottawa (Ontario) K1A 0H4

Monsieur le ministre,

Il nous fait plaisir de vous transmettre par la présente, le 11e Rapport bisannuel de la Commission Crie-Naskapie, conformément à l'article 171. (1) de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec).

Le rapport est fondé sur les Audiences spéciales sur la mise en oeuvre qui ont eu lieu à Montréal en février cette année et auxquelles le gouvernement cri et naskapi, des aînés et des jeunes, de même que des représentants du gouvernement du Canada ont présenté leurs points de vue, préoccupations et suggestions. Nous avons aussi pris en compte les problèmes soulevés au cours des représentations officielles depuis la date de notre rapport précédent ainsi que des discussions moins officielles avec des parties intéressées au cours de la même période.

Nous tenons à ajouter que nous sommes très encouragés par la signature de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee. Nous sommes aussi sûrs que des solutions seront trouvées pour régler les inquiétudes actuelles sérieuses des Naskapis et nous espérons qu’elles auront des résultats positifs semblables.

Nous avons hâte de vous rencontrer avec vos représentants le plus tôt possible pour discuter des meilleures façons de faire le suivi de nos constatations et de nos recommandations au profit de toutes les personnes concernées.

Respectueusement,

COMMISSION CRIE-NASKAPIE


Richard Saunders
Président

Robert Kanatewat
Commissaire

Philip Awashish
Commissaire

 

Table des matières

Message du Président . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

Chapitre 1
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86

Chapitre 2
Modifications à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

Chapitre 3
La CBJNQ et l’Entente concernant la nouvelle relation entre les Cris d’Eeyou Istchee
et le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98

Chapitre 4
Réponse du Canada (c’est-à-dire le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada)
à la suite des recommandations présentées dans le Rapport 2006 de la Commission
Crie-Naskapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108

Chapitre 5
Préoccupations et problèmes de la Nation (Crie) Eeyou et de la Nation Naskapie
de Kawawachikamach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118

Chapitre 6
Rôle et importance de l’Association des trappeurs cris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134

Chapitre 7
Recommandations de la Commission Crie-Naskapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142

Chapitre 8
Conclusions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146

Rapport de la Commission Crie-Naskapie               79
 

Message du Président

Le présent Rapport 2008 de la Commission Crie-Nakapie découle des présentations des communautés cries et naskapies ainsi que du gouvernement du Canada au cours des Audiences spéciales sur la mise en oeuvre qui ont eu lieu en février cette année. Le Rapport prend aussi en compte les questions qui n’ont pas été portées à notre attention au cours des représentations officielles effectuées en vertu de l’article 165 (1) (b) de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec). Dans les chapitres qui suivent, toutes ces données sont abordées et nos recommandations découlent de notre analyse de ces informations.

L’année 2008 marque un moment décisif important de la relation entre les Cris d’Eeyou Istchee et la Couronne et je tiens à profiter de l’occasion pour présenter mes réflexions sur les réalisations. Je vais aussi me pencher sur la situation actuelle vécue par la Nation Naskapie de Kawawachikamach.

LES CRIS D'EEYOU ISTCHEE

La Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ), (qui ne contenait pas de plan de mise en oeuvre), a été signée en 1975. Au cours de trente-cinq années depuis sa signature, il y a eu de nombreuses disputes et de fréquents litiges au sujet des obligations en vertu de la Convention et de la mise en oeuvre de l’entente. À son tour, cette situation a produit une relation difficile entre la Nation crie d’Eeyou Istchee et le Canada et le Québec. Grâce aux efforts des Cris, du Canada et du Québec, cette situation a maintenant changé. L’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec (la Paix des Braves 2002) a réglé des questions non résolues entre les Cris et le Québec. L’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee de 2008, a abordé d’une manière parallèle, les problèmes non réglés entre les Cris et le Canada. Ces ententes ont été ratifiées par les peuples cris ainsi que par le Québec et le Canada. Elles représentent une réalisation importante visant à régler les problèmes par l’entremise de la négociation.

Leçons apprises

Certaines leçons puissantes et fascinantes peuvent être tirées de la façon dont on en est arrivé à la CBJNQ au départ ainsi que de la lutte de trente-trois ans portant sur sa mise en oeuvre.

Il me semble que pour les Premières nations, l’expérience des Cris d’Eeyou Istchee a illustré l’importance de quatre exigences importantes pour assurer le succès du règlement des revendications territoriales. Elles sont les suivantes : la vision, l’unité, la capacité et l’implacabilité. Toutes ces exigences étaient en fait, des caractéristiques inhérentes chez les communautés eeyoues 

Message du Président               81

et elles se sont manifestées dans le leadership au moment où elles se sont avérées nécessaires et lorsque les Cris en ont eu besoin.

La vision des Eeyous était assez claire pour accueillir l’annonce du premier ministre Bourassa en 1971 au sujet du « projet du siècle » non seulement comme la menace qu’il posait pour le mode de vie des Cris et qu’il était clairement, mais aussi pour comprendre les possibilités extraordinaires que le projet présentait. Les leaders du moment savaient qu’il était vital pour les générations à venir d’utiliser tous les outils disponibles pour bloquer le projet jusqu’à ce qu’une entente puisse être conclue et qui servirait à atténuer les pires effets et à maximiser les avantages pour les peuples cris.

Même s’il y a certainement eu des débats sur la façon de répondre aux plans du premier ministre, lorsqu’une approche a été retenue, un degré remarquable d’unité politique a été établi. La position des Cris a donc été prise au sérieux et a diminué les possibilités de profiter des divisions à l’intérieur de la Nation crie pour justifier ne pas tenir compte de leurs demandes. Au moment où toute société fait face à des menaces graves de l’extérieur pour son mode de vie, une discipline interne politique exceptionnelle et une unité sont nécessaires. Les Cris d’Eeyou Istchee ont démontré qu’une telle unité peut être réalisée et qu’elle donne de bons résultats.

Les Cris se devaient de répondre rapidement et efficacement à une proposition comportant des dimensions complexes du point de vue légal, culturel, environnemental, d’ingénierie et économique. Cette situation posait un défi pour les communautés composées d’une population totale de moins de sept mille personnes. Au tout début du processus, on a établi une petite équipe d’experts techniques. Il est important de souligner que les Cris eux-mêmes connaissaient les techniques de négociation, les maîtrisaient aussi bien que toute autre personne au Canada, et les ont perfectionnées rapidement. Au fil des ans, les communautés ont aussi produit des experts dans la plupart des autres spécialités pertinentes. La capacité correspondait aussi au développement des techniques qui, dans d’autres situations, était synonyme de « gestion de projet ». Le développement des processus décisionnels était encore plus important pour consulter et obtenir des mandats des communautés sur des questions compliquées à l’intérieur de courts délais. Les Cris ont aussi établi des relations de travail avec les médias pour les garder eux-mêmes ainsi que le public complètement au courant des développements. Cette approche s’est avérée très utile dans le cadre du processus.

L’implacabilité est une exigence clé de toute lutte par les Premières nations pour obtenir la reconnaissance et affecter la mise en oeuvre de leurs droits. Les politiciens et les fonctionnaires ont des durées très courtes d’attention. Plusieurs groupes se font la concurrence pour obtenir leur attention. Même les plus grands groupes de la société sont souvent incapables de garder le gouvernement concentré assez longtemps pour aborder leurs problèmes. Convaincre un seul ministre des Affaires indiennes que quelque chose est une priorité n’entraîne pas normalement le succès. Une des raisons est le mandat extrêmement court de la plupart des ministres. (Entre 1986 et 2006, il y a eu onze (11) ministres des Affaires indiennes qui ont occupé le poste pendant une moyenne de 1,8 an!) En pratique, cette réalité veut dire que les hauts fonctionnaires fournissent des « conseils » à des ministres qui, en général, n’ont presque pas d’expérience ni de connaissances pour jauger les conseils. En toute probabilité, le bureaucrate a donné les mêmes conseils ou des conseils semblables aux trois ou quatre ministres précédents. Il est difficile d’affecter de nouvelles approches ou des changements réels en face de cette inertie politique. Quelques réunions avec un seul ministre ont donc très peu de chances d’affecter des changements significatifs. La leçon de l’expérience de la Baie James semble confirmer qu’une défense de la cause implacable avec une succession de ministres, année après année, est nécessaire. L’utilisation continuelle des litiges pour appliquer les droits constitutionnels et issus des traités est souvent nécessaire pour faire comprendre aux gouvernements, la nécessité de respecter leurs obligations et de trouver des solutions. La création et l’entretien d’alliances avec des groupes intéressés par la politique

82               Rapport de la Commission Crie-Naskapie

gouvernementale sont aussi essentiels. Enfin, les comités de la Chambre des communes et du Sénat sont capables de passer le gouvernement au peigne fin et ils peuvent aider les ministres préoccupés et les fonctionnaires désintéressés à se concentrer sur les inquiétudes des Premières nations. L’utilisation de toutes ces approches et d’autres moyens doit être continuelle et incessante. Selon moi, les réalisations des Cris d’Eeyou Istchee au cours des dernières trente-sept années sont un triomphe de la vision, de l’unité, de la capacité et de l’implacabilité.

Heureusement, il existe certaines preuves que les gouvernements du Canada et du Québec ont appris de l’expérience de la Baie James. Pendant la plus grande partie des plus de trente années passées, les gouvernements, par l’entremise de leurs actions et de leurs paroles semblent avoir traité les Cris selon une approche qui, en fait, en était essentiellement une de confrontation. Ceci semble avoir maintenant changé. En toute justice, je pense que les structures traditionnelles et les processus décisionnels du gouvernement étaient mal ajustés à la négociation et encore moins à la mise en oeuvre des traités et des revendications territoriales avec les Premières nations.

Les gouvernements étaient élus par des majorités (ou des pluralités) d’électeurs. Ceci était perçu comme leur conférant un mandat de gouverner, c.-à-d., prendre des décisions et établir des priorités même en face d’une forte opposition. L’ancien précepte voulant que « le roi ne peut pas faire d’erreurs » a été démocratisé tout d’abord en « suprématie parlementaire » et plus tard, il a été converti à l’idée que tant et aussi longtemps que le Parlement (ou la Législature) approuve, le gouvernement peut faire ce qu’il juge être le mieux. Cette notion était acceptée par la plupart des Canadiens, bien qu’ayant produit un débat continuel pendant des années. Les modifications à la Constitution en 1982 ont changé la situation. La plupart des Canadiens pensent maintenant qu’il y a des limites précises sur ce que le gouvernement peut faire peu importe si le Parlement est d’accord. Dans le cas de l’article 35 des amendements de 1982, les droits des Autochtones et les droits issus des traités (y compris les ententes de revendications territoriales) ont été adoptés audelà de l’étendue de l’habileté des gouvernements de les ignorer ou de les changer unilatéralement. Maintenant, comme l’a dit la Cour suprême dans la décision Badger, « Les traités…. créent des obligations exécutoires… ».

Manifestement, les structures gouvernementales et les processus décisionnels basés sur le mandat d’exercer une large discrétion n’étaient pas adéquats pour s’occuper de la mise en oeuvre des « obligations exécutoires ». La mise en oeuvre discrétionnaire des modalités de la CBJNQ par exemple, n’était plus une option. En 1998, l’honorable Jane Stewart, la ministre de l’époque avait dit : « La réconciliation est un processus continuel. En renouvelant notre partenariat, nous devons assurer que les erreurs qui ont ponctué notre relation passée ne sont pas répétées. » Le gouvernement du moment avait aussi reconnu que les obligations en vertu du traité n’avaient pas été respectées et que le gouvernement devait changer la façon qu’il utilise pour aborder ces problèmes. Le ministre, en présentant des changements à la politique précise sur les revendications a prononcé des commentaires significatifs lorsqu’il a dit : « Il y a eu des situations pour lesquelles la Couronne n’a pas rempli ses obligations issues des traités…. » et « les Premières nations, comme tous les Canadiens, s’attendent à ce que leurs droits légaux soient respectés et maintenus. » Plus tôt au cours de la même déclaration, il avait dit : « Reconnaissant que faire des retouches au processus n’est pas suffisant, nous proposons des réformes majeures qui altéreront fondamentalement la façon dont les revendications précises sont traitées. » Ces approches de gouvernements successifs de convictions politiques différentes indiquent une intention, au niveau politique, de faire ce qu’il faut pour améliorer la relation entre les Premières nations et la Couronne. Le degré auquel ceci se produira réellement, dépendra de l’étendue à laquelle le dossier continue d’être une priorité politique, le degré auquel la haute bureaucratie décide de le mettre en oeuvre et l’implacabilité avec laquelle les Premières nations continuent de l’exiger.

Message du Président               83

La Nation Naskapie de Kawawachikamach

La relation des Naskapis avec le gouvernement du Canada à l’heure actuelle, est à tout le moins, hautement problématique. Les gouvernements du Canada et du Québec travaillent avec les Inuits du Nord du Québec pour établir le gouvernement régional du Nunavik. La structure proposée serait un gouvernement public et comprendrait, dans ses frontières, les terres de catégorie II des Naskapis dans lesquels ils ont un intérêt traditionnel et pratique manifeste. Les droits des Naskapis en regard de leurs terres de catégorie II sont garantis dans la Convention du Nord-Est québécois (CNEQ). Les Naskapis n’aiment pas l’idée d’être en position minoritaire à l’intérieur de la compétence du gouvernement public proposé. Ils ont de sérieuses préoccupations qui, selon eux, n’ont pas été abordées de façon satisfaisante. Ils prétendent que le gouvernement fédéral a le devoir de protéger leurs droits et qu’il n’a pas adéquatement assumé cette responsabilité. Les Naskapis ont soumis une présentation officielle à la Commission Crie-Naskapie en vertu de l’article 165 (1) (b) de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec). La Commission a organisé des audiences à ce sujet et a invité le Canada à comparaître. Le Canada a refusé. La Commission a porté le dossier à l’attention du comité permanent de la Chambre des communes sur les Affaires autochtones et du Nord au cours de sa comparution devant le comité, le 1er février 2007. La Commission a aussi demandé au comité de recevoir les Naskapis et d’écouter leurs préoccupations directement. La Commission a invité les Naskapis qui ont fait une présentation détaillée. Malheureusement, leurs préoccupations n’ont pas encore été réglées à leur satisfaction. Même si ceci n’est pas une recommandation de la Commission Crie-Naskapie dans le cadre du présent rapport, je pense que les Naskapis doivent réfléchir sérieusement à avoir recours aux tribunaux pour bloquer toute entente finale sur le gouvernement régional jusqu’à ce que leur inquiétude au sujet de la protection de leurs droits soit abordée.

Conclusion

L’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee est une nouvelle très favorablement accueillie. La nouvelle relation positive qui vise à faciliter les décisions est une raison de célébrer de vivre sans les anciens arguments qu’elle règle. Même si ces considérations sont très importantes, ce qui est encore plus significatif à long terme, est le fait que l’entente établit un processus pour l’établissement d’un gouvernement de la Nation crie par la négociation et la législation fédérale. La tâche à venir est formidable mais les possibilités qu’elle présente pour les générations à venir de Cris sont extraordinaires. L’expérience sur le point d’être vécue pourra aussi être d’une valeur inestimable pour d’autres Premières nations à travers le Canada. Bien sûr, la Commission Crie-Naskapie est plus que disposée à participer de toutes les façons qu’elle pourra à cette entreprise de grande importance. Un domaine dans lequel la Commission pourrait être utile est le développement de mécanismes pour surveiller les processus de gouvernance, régler les plaintes et assurer les services de médiation pour les différends.

Je ne peux pas terminer mes remarques sans dire qu’il doit y avoir d’une part, la justice et d’autre part, la perception de la justice pour la Nation Naskapie de Kawawachikamach pendant que les Inuits du Nunavik établissent leurs propres structures de gouvernement régional (entièrement mérité et qui se fait attendre depuis longtemps). Le Canada, surtout étant donné sa sensibilisation au fait que « …faire des retouches…n’est pas assez…. » doit prendre au sérieux les préoccupations des Naskapis et assurer qu’une entente finale sur la gouvernance du Nunavik protège complètement et est perçue pour protéger leurs droits. Comme le ministre l’a dit : « La négociation est toujours plus positive que la confrontation pour réaliser des ententes pacifiques qui respectent les intérêts de toutes les parties. » Le Canada devrait agir rapidement pour établir une table de négociation afin de régler ce dossier, sinon des poursuites judiciaires semblent être les seules mesures de remplacement viables.

84               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

Chapitre 1 :
Introduction

L’article 9 (Gouvernement local sur les terres de catégorie 1A) de la Convention de la Baie James et du Nord québécois précise ce qui suit : « il est recommandé au Parlement d’adopter une législation spéciale concernant une administration locale pour les Cris de la Baie James sur les terres de la catégorie IA qui leur sont attribuées. »1

L’article 7 (Gouvernement local sur les terres de catégorie 1A-N) de la Convention du Nord-Est québécois prévoit des engagements semblables au sujet du gouvernement local pour les Naskapis du Québec sur les terres de catégorie 1A-N qui leur sont affectées.

La Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) est la « législation spéciale » envisagée par l’article 9 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) et l’article 7 de la Convention du Nord-Est québécois (CNEQ). Le Parlement a promulgué et sanctionné cette loi spéciale le 14 juin 1984.

La Commission Crie-Naskapie, établie par l’article 158 de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) a pour mission « d’établir les rapports (bisannuels) prévus au paragraphe 171(1) » 2 sur la mise en oeuvre de la présente loi. « La Commission établit un rapport sur l’application de la présente loi et l’adresse au ministre; celui-ci le fait déposer devant chaque chambre du Parlement. » 3

La Commission fait aussi rapport sur la mise en oeuvre de la CBJNQ et de la CNEQ étant donné que des articles précis de ces conventions envisagent les pouvoirs et les tâches des gouvernements locaux des Premières nations cries et naskapies. La Commission présente des rapports sur la mise en oeuvre de ces ententes en vertu de l’alinéa 21(j) de la Loi qui stipule que « la bande a pour mission d’exercer les pouvoirs et fonctions que les lois fédérales ou leurs règlements ainsi que les Conventions lui confèrent ou conféraient à la bande antérieure. »4

Le présent rapport constitue le onzième rapport bisannuel au Ministre, conformément aux exigences du paragraphe 165 (1) et du paragraphe 171 (1) de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec).

La Commission a effectué des audiences spéciales sur la mise en oeuvre afin de préparer le présent rapport. Ces audiences, qui ont eu lieu à Montréal du 5 au 7 février 2008, ont fourni la possibilité aux représentants des Nations cries et naskapies et du gouvernement du Canada, d’exprimer leurs préoccupations et de présenter leurs problèmes. Les constatations et le ton du rapport sont basés sur la compréhension et l’analyse de la Commission des questions et préoccupations soulevées au cours de ces audiences.

86               Rapport de la Commission Crie-Naskapie

Au cours des années passées et dans ses rapports antérieurs, la Commission a défendu la nécessité d’effectuer un examen complet et détaillé de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) dans le but d’identifier et de déterminer les modifications adéquates pour l’avancement et l’avantage du gouvernement local cri et naskapi. Le chapitre 2 (Modifications à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) du présent rapport discute à nouveau de ce besoin.

Le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et la Nation crie d’Eeyou Istchee ont convenu, par l’entremise de leurs ententes respectives, d’établir de nouvelles relations positives. Le chapitre 3 (la Convention de la Baie James et du Nord québécois et les Ententes concernant une nouvelle relation entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec) du présent rapport discute du contexte et des événements ayant mené à l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec et l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee.

Depuis sa réponse au Rapport 2002 de la Commission, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada a présenté un suivi détaillé sur les recommandations de la Commission. Les réponses du ministère représentent une approche complètement différente à l’égard de ses relations avec la Commission. Il semble que le ministère désire améliorer ses relations avec la Commission ainsi qu’avec les collectivités cries et naskapies. En conséquence, la Commission rapporte et commente ces réponses du ministère dans ses rapports bisannuels. Le chapitre 4 du présent rapport résume et commente la réponse fournie par le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada à la suite du Rapport 2006 de la Commission. De cette façon, les Nations cries et naskapies sont au courant des réponses fournies par le ministère au sujet de leurs problèmes précis et préoccupations. De plus, la Commission discute aussi, dans le chapitre 4 du présent rapport, de ses activités de suivi sur le Rapport 2004 de la Commission.

Le chapitre 5 (Préoccupations et problèmes de la Nation (crie) Eeyou et de la Nation naskapie de Kawawachikamach) du présent rapport souligne les préoccupations et les problèmes des Nations cries et naskapies tels qu’ils ont été exprimés au cours des audiences spéciales de la Commission, sur la mise en oeuvre.

En 2008, l’Association des trappeurs cris a fait une présentation spéciale à la Commission. Donc, dans le chapitre 6 (Rôle et importance de l’Association des trappeurs cris) du présent rapport, la Commission discute de l’évolution de l’importance et du rôle de l’Association des trappeurs cris pour la conservation et la perpétuation de la culture crie et du mode de vie traditionnel cri.

Dans le chapitre 8 (Conclusions) du présent rapport, la Commission conclut que l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec et l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee amélioreront la gouvernance et l’administration cries. Toutefois, il est tout aussi important que le gouvernement du Canada et la Nation crie d’Eeyou Istchee expriment leur nouvelle relation en avançant et améliorant le gouvernement local cri (et naskapi) par l’entremise des modifications adéquates à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec).

  NOTES DE LA FIN
  1   Convention de la Baie James et du Nord québécois – Édition 1991, les Publications du Québec, article 9 (Gouvernement local sur les terres de catégorie IA), alinéa 9.0.1, p. 172.
  2   Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec), S.C. 1984, c. 46, article 165 (1) (a).
  3   Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec), S.C. 1984, c. 46, article 171 (1).
  4   Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec), S.C. 1984, c. 46, article 21 (j).
Introduction               87

Chapitre 2 :
Amendements à la Loi sur les Cris
et les Naskapis (du Québec)

INTRODUCTION

Conformément à la section 9 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à la section 7 de la Convention du Nord-Est québécois respectivement, le gouvernement du Canada a recommandé au Parlement d’adopter « une loi spéciale au sujet du gouvernement local pour les Cris de la Baie James dans les terres de catégorie IA » et « une loi adéquate concernant le gouvernement local pour les Naskapis du Québec dans les terres de catégorie IA-N ».

En conséquence, de 1976 à 1984, les gouvernements du Canada et les Cris, et plus tard les Naskapis, ont négocié les modalités et les dispositions de cette « loi spéciale et adéquate » ainsi que les arrangements de financement pour sa mise en oeuvre. Selon son préambule, cette loi spéciale – la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec – prévoit « un régime d’administration locale organisé et efficace … ainsi que l’administration, la régie et le contrôle par les bandes cries et la bande naskapie des terres des catégories IA et IA-N… ».

Sauf pour déterminer quels bénéficiaires cris et naskapis sont « Indiens » dans le sens de la Loi sur les Indiens, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec remplace la Loi sur les Indiens qui ne s’applique pas aux Premières nations cries et naskapies. La Loi sur les Indiens ne s’applique pas non plus aux terres des catégories IA et IA-N.

En conséquence, les nations cries et naskapies ne profitent pas, ni ne profiteront, des initiatives législatives du gouvernement du Canada en ce qui a trait à la Loi sur les Indiens.

Le défi et le but des Premières nations cries et naskapies consistent à réaliser un développement social et économique adéquats et l’autonomisation politique de l’exercice de leurs droits d’autodétermination et d’autonomie gouvernementale tout en protégeant leurs droits, libertés fondamentales et intérêts et en préservant et en conservant leur caractère distinctif et identité culturelle conformément à leurs aspirations et besoins.

À cet égard, la mise en oeuvre de la lettre, de l’esprit et de l’intention de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, doit permettre et faciliter le développement et l’évolution du gouvernement local des Cris et des Naskapis en tenant compte des réalités et conditions sociales, économiques

88               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

et politiques en vigueur dans les Premières nations cries et naskapies, quand besoin est. Donc, la mise en oeuvre adéquate de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec comporte une signification exceptionnelle et des conséquences considérables pour les aspirations et buts des premières nations cries et naskapies à titre de peuples autogouvernés.

On n’a pas prévu que la mise en oeuvre adéquate de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec s’avérerait un processus facile et simple. Tout d’abord, ce sont les peuples cris et naskapis qui ont eu la volonté et la vision politique de demander et d’entamer le changement du gouvernement local du système légal restrictif de la Loi sur les Indiens à celui préconisé par la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec comme l’envisageaient la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. Donc, les peuples cris et naskapis s’attendent à ce que le gouvernement du Canada trouve la volonté politique et fournisse les mesures législatives, administratives et financières nécessaires pour l’avancement et la réalisation de ce changement.

En général, le processus de mise en oeuvre, comme le prévoit celui de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, consiste en ce que le Parlement promulgue une loi. Ensuite, l’administration et la mise en oeuvre de cette loi incombent au ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada. Au mieux, il y a questions d’organisation comme l’actuel Bureau de mise en oeuvre de la Baie James. Tout au cours de ce mécanisme traditionnel de mise en oeuvre, les peuples cris et naskapis ne jouent pas de rôle significatif dans le processus décisionnel même s’ils (les Cris et les Naskapis) sont les gens les plus touchés par l’application, l’administration et la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Le mode conventionnel de mise en oeuvre est souvent insensible aux besoins et aspirations actuels des peuples cris et naskapis et a mené à une mise en oeuvre symbolique qui ne produit aucun changement réel à la façon dont les décisions sont prises et la façon dont les choses sont faites.

La mise en oeuvre adéquate et réussie de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec fait partie intégrante du processus politique à l’intérieur duquel les tâches et responsabilités des gouvernements fédéral et (locaux) cris et naskapis, ainsi que les autorités régionales de la Nation crie, devraient être clarifiées par les Parties et entendues entre elles.

Amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec)              89

De plus, la signification et la pratique du gouvernement local a évolué et été redéfini au cours des dernières vingt-quatre (24) années, pour correspondre aux aspirations, buts et volonté politique des Premières nations cries et naskapies. Les peuples cris et naskapis utilisent leurs gouvernements pour répondre à des besoins tels le logement, le développement économique, les activités traditionnelles (chasse, pêche et culture), l’administration de la police, l’administration de la justice, l’éducation, la santé, la prestation et l’administration des programmes et des services, le développement communautaire, la protection de l’environnement et la représentation politique pour entretenir les relations de gouvernement à gouvernement.

Dans le chapitre 8 (révision de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec) du Rapport 1991 de la Commission Crie-Naskapie, elle discute d’une proposition du Grand Conseil des Cris (du Québec) suggérant que la Commission effectue une enquête sur le fonctionnement de la Loi en vue de recommander certains amendements à la Loi afin de l’améliorer. Le gouvernement a appuyé cette proposition et cet examen et a convenu d’y collaborer. Mais à cause du manque de ressources, l’examen de la Loi n’a pas été réalisé.

Dans le chapitre 2 (Autonomie gouvernementale et Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec) du Rapport 1996 de la Commission Crie-Naskapie, la Commission discute à nouveau de la possibilité de réviser la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec en vue d’y apporter des amendements possibles. En 1995, le gouvernement du Canada a débuté le processus pour modifier la Loi sur les Indiens et a consulté les Premières nations au sujet des amendements possibles. La Commission a recommandé sa propre participation à l’examen de la Loi sur les Indiens parce que son implication pourrait peut-être ouvrir la porte à la révision de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Lors de son travail de révision de la Loi sur les Indiens, Affaires indiennes et du Nord Canada n’a pas impliqué la Commission.

La Commission a discuté de l’examen et des amendements possibles de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec dans ses autres rapports. Malheureusement, les recommandations de la Commission au sujet de l’examen et des amendements possibles à la Loi n’ont jamais abouti à un examen et aux amendements conséquents de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

En conséquence, les Premières nations cries et naskapies n’ont pas réalisé leur plein potentiel dans le cadre de l’administration locale, avec sa nature changeante et dynamique, à cause d’une contrainte principale, soit, après vingt-quatre (24) ans, le fait que la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, demeure un instrument inflexible et rigide qui n’a pas encore été révisé par le Canada, les Cris et les Naskapis dans le but de déterminer les amendements adéquats pour améliorer le gouvernement local cri et naskapi.

En outre, en dépit des modalités et dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les peuples cris et naskapis appliquent aussi leurs coutumes, traditions et pratiques dans l’exercice de gouvernance locale. Ces traditions, coutumes et pratiques constituent des principes et des règles fondamentaux du droit cri et naskapi.

À la lumière de cette évolution du gouvernement local cri et naskapi, les peuples cris et naskapis exercent le droit d’administration locale, d’une façon qui dépasse la portée de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

ENTENTE CONCERANT UNE NOUVELLE RELATION ENTRE LE GOUVERNEMENT DU CANADA ET LES CRIS D'EEYOU ISTCHEE

L’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris D’Eeyou Istchee engage le Canada à recommander au Parlement, des amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

90               Rapport de la Commission Crie-Naskapie

Le but principal de cette Entente est de « prévoir le processus pour la négociation d’une entente et de la législation afférente concernant un gouvernement de la Nation crie disposant de pouvoirs et de compétences allant au-delà de la portée de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québecet de modifications corrélatives à la CBJNQ et à la LCNQ. » 1

En vertu de cette Entente, les amendements proposés à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (LCNQ) atteindront les objectifs suivants :

  1.   permettre à l’ARC de recevoir et d’exécuter les responsabilités fédérales liées à la CBJNQ qui sont assumées (telles qu’énumérées dans la présente entente);
  2.   conférer à l’Autorité régionale crie les pouvoirs de promulguer des règlements administratifs, semblables à ceux des bandes cries en vertu de la LCNQ; et
  3.   étendre la gouvernance de la Nation crie au-delà de la portée de la LCNQ.2 (Ce dernier objectif est assujetti aux négociations fructueuses entre les Cris et le Canada, menant à une entente de gouvernance, une loi sur la gouvernance et des amendements possibles à la CBJNQ et à la LCNQ.)

Plus particulièrement, les amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec reflèteront les éléments suivants convenus entre les Cris et le Canada :

  a)   une modification de l’article 6 de la LCNQ prévoyant que les règlements administratifs de l’ARC adoptés en vertu de la Loi s’appliqueront dans les limites des terres de Catégorie IA et de Catégorie III situées dans le périmètre des terres de Catégorie IA attribuées à une bande, comme le précise l’alinéa 6 (b) de la LCNQ;
  b)   des modifications aux articles 8 et 9 de la LCNQ prévoyant que les dispositions de ces articles s’appliquent aux règlements administratifs de l’ARC adoptés conformément à la LCNQ;

Amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec)              91
 

  c)   l’inclusion de nouveaux articles de mission, d’esprit similaire aux alinéas 21 (a), (d), (e), (f) et (i) de la LCNQ en ce qui a trait aux Bandes cries, prévoyant que la mission de L’ARC en vertu de la LCNQ est :

  I.   d’agir à titre d’instance gouvernementale régionale sur les terres de Catégorie IA;
  II.   d’établir des normes régionales minimales qui atteignent ou dépassent les normes fédérales et provinciales d’application générale en ce qui a trait aux installations essentielles d’hygiène et au logement et de réglementer l’usage des bâtiments sur les terres de Catégorie IA, mais seulement dans la mesure où de tels bâtiments sont utilisés à des fins de gouvernance régionale;
  III.   d’utiliser, de gérer et d’administrer des deniers et autres éléments d’actif;
  IV.   de promouvoir le bien-être général des bénéficiaires cris et des Bandes cries; et
  V.   de préserver et promouvoir la culture, les valeurs et les traditions des bénéficiaires cris et des Bandes cries;

  d)   l’inclusion d’articles dans la LCNQ prévoyant que l’ARC peut assumer certaines responsabilités fédérales en vertu de la CBJNQ ou de toute autre entente, compétence ou programme dont l’ARC et le Canada peuvent convenir de temps à autre;
  e)   l’inclusion d’articles dans la LCNQ accordant à l’ARC des pouvoirs pour prendre des règlements administratifs de nature régionale aux fins de l’établissement de normes régionales minimales s’appliquant aux terres de Catégorie IA dans des domaines où les Bandes cries disposent actuellement de pouvoirs pour prendre des règlements administratifs en vertu des alinéas suivants de la LCNQ:

  I.   45 (1) (b), concernant la réglementation de bâtiments, notamment de la construction, de l’entretien, de la réparation et de la démolition de ceux-ci du point de vue de la protection de la santé et de la sécurité publiques, mais seulement en ce qui a trait au logement et en ce qui a trait aux bâtiments utilisés à des fins de gouvernance régionale;
  II.   45 (1) (c), concernant la santé et l’hygiène, mais seulement en ce qui a trait aux installations essentielles d’hygiène et au logement;
  III.   45 (1) (d), concernant l’ordre et la sécurité publics, mais seulement en ce qui a trait au sous-alinéa (i) de cet alinéa, pour la mise en place et la prestation des services antiincendie;
  IV.   45 (1) (e), concernant la protection de l’environnement, y compris des ressources naturelles; et
  V.   45 (1) (f), concernant la prévention de la pollution;

  f)   l’inclusion d’un article dans la LCNQ accordant à l’ARC des pouvoirs pour prendre des règlements administratifs de nature régionale aux fins de l’établissement de normes régionales minimales s’appliquant aux terres de Catégorie IA concernant les services d’hygiène essentiels;
  g)   l’inclusion d’un article dans la LCNQ prévoyant que les règlements administratifs de l’ARC établissant des normes régionales minimales en vertu des alinéas 3.3 e) et f) de la présente Entente doivent atteindre ou excéder les normes fédérales et provinciales d’application générale;
  h)   l’inclusion d’un article dans la LCNQ prévoyant qu’en cas d’incompatibilité ou de conflit entre un règlement administratif d’une Bande crie et un règlement administratif de l’ARC en vertu de la LCNQ, le règlement administratif de l’ARC prévaudra dans la mesure de l’incompatibilité ou du conflit;
  i)   l’inclusion d’un article dans la LCNQ prévoyant que le processus d’adoption des règlements administratifs par l’ARC en vertu de la LCNQ se fera par l’entremise d’une résolution du conseil de l’ARC adoptée lors d’une assemblée publique dûment convoquée du conseil de l’ARC et approuvée par une majorité des membres de ce conseil;
92               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

  j)   l’inclusion d’un article dans la LCNQ prévoyant que les pouvoirs de l’ARC en vertu de la LCNQ ne peuvent porter atteinte, modifier ou préjudicier ou être interprétés comme portant atteinte, modifiant ou préjudiciant les droits, privilèges et avantages :

  I.   en vertu de la CBJNQ des Inuit qui en sont bénéficiaires;
  II.   en vertu de la Convention du Nord-Est québécois de la Nation naskapie de Kawawachikamach ou des bénéficiaires naskapis;
  III.   en vertu de la LCNQ des Inuit de Fort George, de la Nation naskapie de Kawawachikamach ou des bénéficiaires naskapis; ou
  IV.   des Inuit bénéficiaires de la CBJNQ et des Naskapis bénéficiaires de la Convention du Nord-Est québécois ou en vertu de toute entente ou engagement auquel le gouvernement du Québec ou du Canada est partie avec tels bénéficiaires inuits ou naskapis ou avec une autre partie en leur nom;

  k)   l’inclusion d’articles dans la LCNQ d’esprit similaire aux articles 52, 53 et 54 de la LCNQ pour les règlements administratifs pris par les bandes, prévoyant que les règlements administratifs de l’ARC adoptés en vertu de la LCNQ doivent être conservés dans un registre accessible au public, qu’un exemplaire doit être affiché dans un lieu public au sein des Communautés cries et qu’un exemplaire doit être transmis au Ministre;
  l)   l’inclusion d’articles dans la LCNQ d’esprit similaire aux articles 55 à 57 de la LCNQ pour les règlements administratifs pris par les bandes, prévoyant que les règlements administratifs de l’ARC adoptés en vertu de la LCNQ peuvent être contestés par les personnes intéressées devant la Cour provinciale ou la Cour supérieure du Québec;
  m)   une modification à l’alinéa 90 (2) (c) de la LCNQ afin de prévoir qu’un exemplaire du budget annuel d’une Bande crie doit être transmis à l’ARC en plus d’être transmis au Ministre, ainsi que des modifications au sous-alinéa 91 (2) de la LCNQ prévoyant que l’ARC ou toute personne autorisée par l’ARC peut, en plus des personnes déjà énumérées, examiner les livres comptables et les registres financiers des Bandes cries;
  n)   une modification au paragraphe 93 (5) de la LCNQ afin de prévoir que, lorsque le Ministre lui délègue ce pouvoir et qu’une telle délégation est acceptée par l’ARC, l’ARC peut nommer un nouveau vérificateur pour une bande et fixer sa rémunération en cas d’inobservation du paragraphe 93 (4) de la LCNQ par une bande;
  o)   une modification au paragraphe 94 (2) de la LCNQ pour ajouter l’ARC à la liste des destinataires de la notification par le vérificateur d’une Bande crie comme le prévoit ce paragraphe;
  p)   une modification à l’article 100 de la LCNQ afin de prévoir que l’ARC reçoive copie de tout avis écrit ou arrêté prévu à cet article;
  q)   une modification au paragraphe 138 (1) de la LCNQ pour ajouter l’ARC à titre de partie à consulter avant d’autoriser des personnes autres que celles énumérées à ce paragraphe à entreprendre, sur les terres de catégorie 1A attribuées à une Bande crie un projet d’intérêt régional ou provincial;
  r)   une modification à l’article 139 de la LCNQ prévoyant qu’une Bande crie est tenue d’affecter les terres nécessaires à la prestation des services ou la réalisation des activités de l’ARC par octroi de servitude ou de bail ou par tout autre moyen contractuel analogue, contre versement maximal de un dollar (1,00 $);
  s)   une modification à l’article 166 de la LCNQ pour ajouter l’ARC à la liste de ceux à qui la Commission Crie-Naskapie adresse un avis d’enquête lorsque l’ARC est visée par une réclamation et que la Commission décide de recevoir cette réclamation;
  t)   des modifications aux paragraphes 190 (1) et (2) de la LCNQ pour ajouter que les biens meubles et immeubles d’un bénéficiaire cri ou d’une Bande crie situés sur des terres de Catégorie 1A, ainsi que les droits et intérêts d’un bénéficiaire cri sur ces terres (mais pas les droits et intérêts d’une Bande crie sur ses terres de Catégorie 1A) sont susceptibles soit de
Amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec)              93
 


      privilège, hypothèque ou autre charge, soit de nantissement, prélèvement, saisie ou saisieexécution en faveur ou à la demande de l’ARC, de la même manière qu’il est prévu pour une Bande crie;
  u)   le remplacement de l’article 194 de la LCNQ afin de prévoir que la Police Eeyou-Eenou relevant de l’ARC et les membres de ce corps policier ont compétence pour faire respecter les lois du Canada, les lois du Québec et les règlements administratifs des Bandes cries et de l’ARC applicables aux terres de Catégorie IA des Bandes cries;
  v)   une modification à l’article 196 de la LCNQ afin de prévoir que, lorsqu’un accord énoncé dans cet article concerne une Bande crie, l’approbation préalable de l’ARC doit aussi être obtenue pour que cet accord soit valide;
  w)   des modifications aux paragraphes 199 (1) et (2) de la LCNQ pour ajouter que les contraventions aux règlements administratifs de l’ARC adoptés conformément à cette Loi sont des infractions en vertu de la LCNQ et sont sujettes aux mêmes mécanismes de déclaration de culpabilité et peines que ceux prévus dans ces paragraphes en ce qui a trait aux contraventions aux règlements administratifs d’une Bande crie;
  x)   toute modification corrélative à d’autres lois du Parlement et à la réglementation ou aux décrets adoptés conformément à la LCNQ ou conformément à toute autre loi du Parlement qui peut être nécessaire ou utile afin de rendre exécutoires les modifications à la LCNQ établies dans la présente Entente.3

L’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou
Istchee fournit une liste d’autres sujets que les Parties conviennent d’aborder comme « une révision
du rôle de la Commission Crie-Naskapie, notamment en ce qui a trait à l’évitement du recoupement
avec les processus ou les organismes prévus en vertu de la présente Entente ou de l’Entente sur la
gouvernance. »4

94               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

En vertu de l’aliéna 3.6 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee, le Canada doit effectuer des consultations avec le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee)/l’Autorité régionale crie au cours de la rédaction des amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

« Le GCC(EI)/ARC et le Canada acceptent de consulter, durant la rédaction des modifications, les Inuit de Fort George et le conseil de bande de la Nation naskapie de Kawawachikamach concernant les propositions de modification à la LCNQ. »5

À moins que le GCC(EI)/ARC et le Canada s’entendent sur une période plus longue, le Canada déploiera tous les efforts nécessaires pour recommander, au Parlement, les amendements adéquats à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec dans un délai de dix-huit (18) mois de l’entrée en vigueur de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee. 

Toutefois, l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee ne prévoit pas d’amendement précis à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec pour l’amélioration de l’exercice du gouvernement local des Cris et des Naskapis. 

GOUVERNEMENT LOCAL CRI ET NASKAPI ET LOI SURE LES CRIS ET LES NASKAPIS DU QUÉBEC

En lisant l’Introduction de ce chapitre, il est manifeste qu’au cours des dernières vingt-quatre (24) années (depuis sa promulgation par le Parlement), la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec n’a pas gardé la cadence ni évolué avec l’exercice et la pratique des gouvernements locaux cris et naskapis. En fait, certaines dispositions et modalités actuelles et l’absence de dispositions essentielles de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec constituent des obstacles et contraintes sérieux pour le gouvernement local et l’administration des Cris et des Naskapis.

Le présent rapport ainsi que les anciens rapports, les documents de discussion et les leçons apprises à partir des enquêtes de la Commission Crie-Naskapie, ont proposé des conclusions, constatations et recommandations au sujet de l’examen et de la révision de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec afin d’atteindre les buts et objectifs importants ci-après, parmi d’autres objectifs, et pour mettre la Loi à jour pour qu’elle reflète la réalité actuelle et la dynamique en évolution du gouvernement local Eeyou et l’état du droit autochtone et contemporain :

  1)   la reconnaissance entière et explicite du droit inhérent d’autonomie gouvernementale Eeyou;
  2)   la reconnaissance de l’existence et de l’application de la loi, des coutumes et des pratiques traditionnelles Eeyou dans l’exercice et la pratique de l’autonomie gouvernementale Eeyou; 
  3)   l’élimination des dispositions qui sont en conflit avec la loi, les coutumes et les pratiques traditionnelles Eeyou; 
  4)   la conformité avec le droit autochtone et le droit traditionnel Eeyou; 
  5)   la préséance de l’autorité d’application du droit traditionnel Eeyou par rapport aux autres lois d’application générale pour les questions de première importance pour les nations Eeyou; 
  6)   la reconnaissance de la Nation Eeyou comme autorité gouvernante historique et traditionnelle; 
  7)   l’élargissement des pouvoirs des « objets et pouvoirs » des bandes (Nation Eeyou); 
  8)   l’élargissement de la juridiction territoriale des bandes (Nation Eeyou); 
  9)   l’élimination des obstacles ou des empêchements dans le cadre du processus décisionnel; 
  10)   l’établissement de toutes les exigences de quorum par l’autorité législative des bandes (Nation Eeyou); 
Amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec)              95
 

  11)   une autorité législative accrue pour les bandes (Nation Eeyou);
  12)   la détermination des membres de la Nation Eeyou;
  13)   la clarification de la responsabilité du gouvernement local à l’égard de ses membres;
  14)   l’autorité législative exclusive pour toutes les questions touchant les élections de la bande (Nation Eeyou); 
  15)   l’incorporation de la loi, des pratiques et des coutumes traditionnelles au sujet des élections Eeyou; 
  16)   un examen périodique de l’application de la Loi par le Canada et les Nations Eeyou; 
  17)   l’amélioration et la simplification du processus utilisé pour amender la Loi; 
  18)   l’habilitation et l’amélioration de l’application de la loi;
  19)   le développement et l’établissement de système(s) approprié(s) pour l’administration de la justice; 
  20)   l’incorporation de la Nation crie Ouje-Bougoumou comme bande (Nation Eeyou); 
  21)   l’amélioration de l’efficacité de la Commission Crie-Naskapie en tenant compte de ce qui suit : 

  a)   l’expérience et les recommandations des gouvernements des nations Eeyou;
  b)   les constatations, les conclusions et les recommandations du Rapport 1991 : « Enquête sur le fonctionnement de la Commission (Crie-Naskapie) »; 
  c)   la mise en oeuvre des ententes de paiement de transfert pour le financement du fonctionnement et de l’entretien;
  d)   la mise en oeuvre de la CBJNQ et de la LCNQ;
  e)   la mise en oeuvre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec;
  f)   l’expérience et les rapports de la Commission; et 
  g)   le rôle du gouvernement fédéral. 

  22)   la clarification des dispositions touchant les exemptions de saisie pour éliminer les empêchements au développement économique et communautaire;
  23)   la clarification des dispositions touchant les exonérations fiscales; 
  24)   les dispositions pour l’administration et la gestion adéquates des terres de la collectivité, y compris un Registre des terres Eeyou qui servirait à remplacer le Registre des terres du Canada; 
  25)   l’habilitation des nations Eeyou; 
  26)   l’élimination de l’autorité réglementaire et administrative externe sur les affaires et questions de la Nation Eeyou; 
  27)   l’entente, avec les nations Eeyou sur l’amendement de la définition des termes « épouxépouse » pour refléter l’état actuel de la loi; 
  28)   la prestation d’arrangements et de sources financières adéquates et convenables; 
  29)   la responsabilité financière adéquate de la Première nation Eeyou et de l’administration des fonds Eeyou (bande); 
  30)   l’assignation de la responsabilité de mise en oeuvre adéquate de la Loi au gouvernement du Canada dans son ensemble; 
  31)   les dispositions pour un mécanisme efficace de mise en oeuvre adéquate de la Loi; et 
  32)   l’établissement d’un mécanisme efficace pour le règlement des différends.

Comme la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a évolué des obligations fédérales aux nations cries et naskapies en vertu de leurs traités respectifs, la section 9 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la section 7 de la Convention du Nord-Est québécois et d’autres sections pertinentes de ces ententes devraient aussi être révisées et amendées en conséquence.

96               Rapport de la Commission Crie-Naskapie

 

CONCLUSION

La Commission reconnaît que la gouvernance de la Nation crie avancera, de façon positive, au fur et à mesure que la Nation crie et le Canada continueront de travailler en collaboration en vue d’une entente et loi de confirmation au sujet du gouvernement de la Nation crie, avec des attributions et des autorités, à négocier, au-delà de l’étendue de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

En outre, en vertu de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee, les amendements proposés à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, permettront à l’Autorité régionale crie de recevoir et d’assumer certaines responsabilités fédérales et ils conféreront à l’ARC l’autorité d’adopter des règlements administratifs semblables à ceux des bandes cries.

À cette fin, le Canada et la Nation crie d’Eeyou Istchee discuteront et détermineront les amendements adéquats à apporter à la LCNQ. La Commission est d’avis que les amendements à la Loi pour ces fins, sont une mesure positive pour la gouvernance de la Nation crie et l’administration des programmes et services. Toutefois, la Commission Crie-Naskapie suggère de profiter de ces discussions opportunes pour déterminer les processus à établir pour la révision complète et détaillée de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec dans le but d’identifier et de déterminer les amendements adéquats pour l’avancement et le bénéfice du gouvernement local cri et naskapi. Ce processus doit englober un entendement net que le gouvernement du Canada amendera la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, de façon à reconnaître, améliorer et permettre l’état et l’exercice actuels ainsi que le plein potentiel de l’autonomie gouvernementale locale des Cris et Naskapis. 

La confiance continue et les responsabilités et obligations fiduciaires du gouvernement du Canada doivent être exercées, sur une base de gouvernement à gouvernement, pour l’amélioration du gouvernement local des Cris (et des Naskapis). 


  NOTES DE LA FIN
  1   Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee – aliéna 2.1(d) du chapitre 2 – Dispositions générales.
  2   Ibid., alinéa 3.1 (a) et (b) du chapitre 3 – Gouvernance de la Nation crie.
  3   Ibid., alinéa 3.3 (a) à (x) du chapitre 3 – Gouvernance de la Nation crie
  4   Ibid., alinéa 3.11 (z) du chapitre 3 – Gouvernance de la Nation crie
  5   Ibid., alinéa 3.6 (c) du chapitre 3 – Gouvernance de la Nation crie
Amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec)              97
 

Chapitre 3 :
La Convention de la Baie James et
du Nord québécois
et les Ententes
concernant une nouvelle relation
entre les Cris d’Eeyou Istchee et
le gouvernement du Canada et le
gouvernement du Québec

INTRODUCTION

Le 7 février 2002, à Waskaganish, les Cris d’Eeyou Istchee, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee)/l’Autorité régionale crie et le gouvernement du Québec ont ratifié l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec.

Les Parties ont conclu une entente de nation à nation qui promet de renforcer les relations politiques, économiques et sociales entre le Québec et les Cris.

L’Entente marque une étape importante d’une nouvelle relation nation à nation, basée sur l’ouverture, le respect mutuel et une plus grande responsabilité de la Nation crie à l’égard de son propre développement dans le contexte d’une autonomie accrue.

La présente Entente poursuit les objets principaux suivants :

  a)   L’établissement d’une nouvelle relation de nation à nation, fondée sur la volonté commune des parties de poursuivre le développement du Territoire conventionné de la Baie James et de rechercher l’épanouissement des Cris et de la Nation crie dans un contexte de modernisation croissante;
  b)   Une responsabilisation accrue de la Nation crie par rapport à son développement économique et communautaire et, ce faisant, une plus grande autonomie et capacité à répondre, en partenariat avec le Québec, aux besoins de la population crie;
98               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

  c)   L’établissement de moyens afin de permettre aux parties de travailler ensemble à la mise en valeur des ressources minières, forestières et hydroélectriques sur le Territoire pour la période de l’application de cette Entente;
  d)   Le règlement, dont quittance telle qu’identifiée à la présente Entente, pour la période de l’application de l’Entente, des dispositions identifiées dans cette Entente, relatives au développement économique et communautaire des Cris contenues dans la CBJNQ (telle qu’amendée, le cas échéant, par les Conventions complémentaires), y compris celles traitant de la nature, de la portée et de la mise en vigueur des engagements du Québec à cet égard;
  e)   Le règlement définitif ou le désistement définitif des litiges opposant les Cris au Québec et à la SDBJ, tel que le prévoit la présente Entente et un processus afin de régler les litiges opposant les Cris, Hydro-Québec et la SEBJ;
  f)   Le consentement des Cris à la réalisation du Projet Eastmain 1-A/Rupert; lle relation /6
  g)   De faciliter la construction du Projet EM 1. » 1

L’Entente n’affecte pas les obligations du Canada à l’égard des Cris, y compris celles stipulées dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ).

L’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec est entrée en vigueur à la date de sa signature par les Parties et se terminera le 31 mars 2052. (La durée de l’Entente est de cinquante (50) ans.)

Le 21 février 2008, à Mistissini, les Eeyou Istchee, les représentants du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee)/Autorité régionale crie et le gouvernement du Canada ont signé l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee.

L’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee est entrée en vigueur lorsque le Parlement a affecté les crédits votés dont il est question dans l’Entente. La durée de l’Entente est de vingt (20) ans.

La présente Entente poursuit les objets principaux suivants :

  a)   établir la base d’une nouvelle relation entre le Canada et la Nation crie;
  b)   améliorer la mise en oeuvre de la CBJNQ et prévoir la modification de certaines de ses dispositions conformément aux modalités des Conventions complémentaires mentionnées dans la présente Entente; 
  c)   engager le Canada à recommander au Parlement des modifications à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec
  d)   prévoir le processus pour la négociation d’une entente et de la législation afférente concernant un Gouvernement de la Nation crie disposant de pouvoirs et de compétences allant au-delà de la portée de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et de modifications corrélatives à la CBJNQ et à la LCNQ; 
  e)   prévoir la prise en charge par l’ARC et, subséquemment, par le Gouvernement de la Nation crie, de certaines responsabilités du Canada en vertu de la CBJNQ pour la Durée de la présente Entente; 
  f)   résoudre les revendications, griefs et autres questions entre le Canada, le GCC(EI), l’ARC ou une ou plusieurs Bandes cries, de la façon établie dans la présente Entente; et 
  g)   résoudre des conflits entre la Nation crie et le Canada concernant certaines des responsabilités du Canada en vertu de la CBJNQ par la résolution, autant que possible, d’actions en justice, et de prévoir un cadre pour la résolution des questions qui pourraient être soulevées ultérieurement. » 2 

La Nation crie d’Eeyou Istchee, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec, par l’entremise de ces ententes, conviennent de régler les différends entre les Parties en ce qui a trait à 

La Convention de la Baie James et du Nord québécois et les Ententes concernant une nouvelle relation entre                  
les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec              99
 

la mise en vigueur par le Québec et par le Canada de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ainsi que les réclamations, les griefs et d’autres questions, y compris le règlement des litiges, afin de débuter une nouvelle relation positive.

Il est important de noter que ces Ententes se veulent le moyen de régler les différends, les griefs et les désaccords entre les Cris d’Eeyou Istchee et le Canada et le Québec au sujet de la mise en oeuvre de certaines obligations et de certains engagements du Canada et du Québec, en faveur des Cris, en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

En outre, les parties ont convenu, par l’entremise de ces Ententes, d’établir de nouvelles relations positives.

Il appert que la relation précédente entre la Nation crie d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec était une relation bâtie sur les différends, les griefs et les désaccords au sujet de la mise en oeuvre de la CBJNQ par le Canada et le Québec.

À cause de la relation entre la mise en oeuvre de la CBJNQ et les nouvelles ententes sur les relations, le présent chapitre présente un court historique général au sujet des négociations et de la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

NÉGOCIATIONS ET MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION DE LA BAIE JAMES ET DU NORD QUÉBÉCOIS

Le 30 avril 1971, M. Robert Bourassa, premier ministre du Québec, a annoncé le Projet de développement de la Baie James comme « projet du siècle » – un projet d’énergie hydroélectrique de six milliards de dollars dans la région de la Baie James – le plus important développement de son genre jamais entrepris en Amérique du Nord. L’annonce a surpris la Nation crie d’Eeyou Istchee étant donné que le Québec n’avait pas consulté les Cris au sujet de ce mégaprojet proposé de construction prévue et qui prévoyait inonder les principaux territoires de chasse des Eeyous à l’intérieur d’Eeyou Istchee. En outre, les Cris d’Eeyou Istchee étaient alarmés de ce qu’ils percevaient comme attaque à leur culture, leur patrie et leurs droits.

100               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

En 1972, le gouvernement du Québec a informé les Cris que le projet hydroélectrique proposé n’était pas négociable et que les peuples autochtones n’avaient aucun droit autochtone ou spécial. Le gouvernement du Canada a refusé d’intervenir, d’un ton qui en disait long, en leur nom, et a clairement violé ses responsabilités fiduciaires ou de confiance prévoyant la protection des droits et des intérêts des Cris d’Eeyou Istchee. Le Cris ont résolu de bloquer le projet proposé et ont intenté des poursuites devant les tribunaux.

Le 15 novembre 1973, le juge Albert Malouf de la Cour supérieure du Québec a octroyé une injonction interlocutoire en faveur des Cris (ainsi que des Inuits du Nord du Québec) et a ordonné l’arrêt du travail du projet hydroélectrique en se fondant sur les droits actuels des Cris et des Inuits.

Le 29 novembre 1973, le premier ministre Bourassa a présenté, de la part du gouvernement du Québec, une proposition comportant onze points pour un règlement en faveur des Cris et des Inuits du Nord du Québec. (Cette offre a été annoncée publiquement le 15 janvier 1974.)

Les leaders et les chefs cris ont rejeté la proposition de onze points du gouvernement du Québec mais ils ont accepté d’entrer en négociations avec le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et certaines sociétés de la Couronne comme Hydro-Québec.

Pour les Cris, le processus des traités était la façon privilégiée à utiliser pour confirmer les droits cris et redéfinir les relations avec le Canada et le Québec. Au début des années 1970, les Cris avaient préféré l’annulation du mégaprojet de développement hydroélectrique proposé, qu’on appelait « Projet hydroélectrique de la Baie James ». Mais en étant contraints et forcés, le processus des traités était nécessaire pour poursuivre le programme politique et économique de l’état étant donné que l’annulation pure et simple du projet prévu de développement hydroélectrique à l’intérieur d’Eeyou Istchee n’a jamais été retenue comme option par le gouvernement du Québec et Hydro- Québec.

De 1973 à 1975, les négociations qui ont mené à la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois se sont avérées une rare possibilité pour les Cris d’obtenir la reconnaissance de droits particuliers, de garanties et d’avantages pour leur société distincte et leur mode de vie basé sur leur relation centrale et spéciale avec leurs territoires historiques et traditionnels – Eeyou Istchee. Les négociations et la Convention de la Baie James et du Nord québécois étaient aussi un moyen de réaliser, dans une certaine mesure, leur vision pour l’amélioration et l’avancement de la gouvernance Eeyou, mais contraintes par l’environnement politique et légal des années 1970. (Avant que la Loi constitutionnelle de 1982, confirme et reconnaisse les droits autochtones et les droits issus des traités des peuples autochtones, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec ne reconnaissaient pas les droits autochtones. C’est donc dire que le Canada et le Québec ne reconnaissaient pas le droit inhérent de l’autonomie gouvernementale autochtone. Le Canada et le Québec étaient d’avis que les peuples autochtones n’avaient aucun droit de gouvernance sauf ceux conférés unilatéralement par l’état à l’aide d’une législation ou d’une imposition pour les peuples autochtones, comme le régime restreint et supervisé conféré en vertu de la Loi sur les Indiens.)

En août 1974, les leaders cris et les chefs ont formé le « Grand Conseil des Cris (du Québec) » dont le mandat était de poursuivre les négociations et les consultations en vue d’un règlement possible des droits, réclamations et intérêts des Cris avec les gouvernements.

Une entente de principe a été négociée et signée le 15 novembre 1974 par les Cris et les Inuits, le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et certaines sociétés de la Couronne, comme Hydro-Québec. L’entente de principe prévoyait la poursuite des négociations en vue de conclure une Entente finale.

De novembre 1974 à novembre 1975, les Parties ont poursuivi les négociations pour conclure l’Entente finale qui est devenue la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

La Convention de la Baie James et du Nord québécois et les Ententes concernant une nouvelle relation entre                  
les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec            101
 

La Convention de la Baie James et du Nord québécois a été conclue et signée par les Parties le 11 novembre 1975.

La Convention de la Baie James et du Nord québécois est un traité de l’époque contemporaine qui contient des dispositions explicites pour la reconnaissance, les garanties et la protection des droits des Cris (ainsi que les droits des Inuits). L’Entente a été approuvée, elle est entrée en vigueur et a été déclarée valide par des lois du Parlement du Canada et de l’Assemblée législative du Québec. En outre, les droits des Cris, en vertu de l’Entente sont des « droits issus des traités », reconnus, affirmés et protégés par la Loi constitutionnelle de 1982.

Pour les Cris, la Convention de la Baie James et du Nord québécois contient les modalités et dispositions sur les questions suivantes :

  1.   Admissibilité;
  2.   Descriptions préliminaires des territoires;
  3.   Régime des terres; 
  4.   Aspects techniques (de « Le complexe La Grande »);
  5.   Gouvernement local sur les terres de catégorie IA;
  6.   Gouvernement local cri (terres de catégorie IB);
  7.   Autorité régionale crie;
  8.   Conseil régional de la zone de la Baie James;
  9.   Services de santé et services sociaux pour les Cris;
  10.   Éducation des Cris;
  11.   Administration de la justice;
  12.   Services de police;
  13.   Environnement et développement futur au sud du 55e parallèle;
  14.   Chasse, pêche et piégeage;
  15.   Rémunération et fiscalité;
  16.   Entités légales cries;
  17.   Développement économique et social; et
  18.   Programme de sécurité du revenu pour les chasseurs et les trappeurs cris.


102               Rapport de la Commission Crie-Naskapie

 

De plus, la Convention de la Baie James et du Nord québécois constitue aussi un règlement à l’amiable des réclamations territoriales des Cris et des Inuits et permet la construction, l’exploitation de l’entretien du Complexe La Grande (1975) – un projet hydroélectrique modifié de la Baie James.

M. John Ciaccia, représentant spécial du premier ministre Robert Bourassa dans le cadre des négociations de la Baie James, a précisé dans ses remarques d’ouverture devant le comité parlementaire permanent de l’Assemblée nationale du Québec sur les ressources naturelles, les terres et les forêts, convoqué pour examiner l’Entente avec les Cris et les Inuits de la Baie James du Québec, avant sa signature :

« Cette Entente nous a permis d’accomplir deux tâches importantes auxquelles s’était engagé le gouvernement. Elle nous permet de respecter nos obligations à l’égard des peuples autochtones qui habitent dans le nord et d’affirmer enfin la présence du Québec partout dans son territoire entier. » 3

Donc, la Convention de la Baie James et du Nord québécois s’est présentée pour ce qui, à l’origine, était une opposition de la part des Cris d’Eeyou Istchee à l’important projet de développement hydroélectrique dont la construction était prévue à l’intérieur des territoires traditionnels et historiques des Cris. Cette opposition était exacerbée par le défaut de la part du gouvernement du Québec, de régler les droits, les intérêts et les revendications des peuples autochtones qui habitaient dans le Territoire, lorsqu’il a été transféré au Québec par le Canada en 1898 et en 1912.

Toutefois, la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois n’a pas marqué la fin des conflits, des désaccords et des négociations. Elle a plutôt signalé le début d’une interaction continuelle entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et Hydro-Québec au sujet de la mise en oeuvre de la lettre, de l’intention et de l’esprit des modalités et dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Cette interaction continuelle entre les Cris, le Canada et le Québec ont souvent entraîné des confrontations et des conflits sur le défaut, de la part du Canada et du Québec, d’honorer et de respecter leurs engagements, responsabilités et obligations à l’égard des Cris en vertu de certaines modalités et dispositions de la CBJNQ.

De 1976 à 2006, pendant une période de trente (30) ans, Les Cris d’Eeyou Istchee ont effectué de nombreux examens et participé à de nombreuses négociations sur la mise en oeuvre adéquate des modalités et dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois avec le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec.

Les Cris d’Eeyou Istchee ont aussi eu recours aux litiges pour défendre leurs droits à titre d’obligations et de négociations gouvernementales pour régler les différends au sujet de la lettre, de l’intention et de l’esprit de la Convention de la Baie James et du Nord québécois qui ont échoué dans la plupart des cas. En fait, depuis 1972, les Eeyou d’Eeyou Istchee ont amorcé ou se sont joints à environ trente recours aux tribunaux au sujet de l’application des droits des Cris. La plupart de ces actions en justice ont trait au défaut et au refus des gouvernements du Canada et du Québec de respecter, d’honorer et de remplir leurs obligations et engagements à l’égard des Cris d’Eeyou Istchee en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Ces actions en justice ont été coûteuses pour les Cris.

La plupart des différends et des conflits entourant la mise en oeuvre adéquate de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ont trait aux éléments suivants :

  1)   Situation de la CBJNQ
  2)   Sens et interprétation de certains termes et de certaines dispositions de la CBJNQ
  3)   Durée de la CBJNQ
  4)   Application territoriale de la CBJNQ
  5)   Descriptions territoriales finales des terres de la catégorie I et II
La Convention de la Baie James et du Nord québécois et les Ententes concernant une nouvelle relation                 
entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec           103
 

  6)   Piste d’atterrissage Chisasibi (Fort George) en tant que terres de catégorie I/Bloc « D » 
  7)   Financement adéquat pour le gouvernement et l’administration locaux cris 
  8)   Financement pour l’Autorité régionale crie
  9)   Gouvernance crie et participation crie à la gouvernance du territoire
  10)   Services de police et administration de la justice 
  11)   Développement, infrastructures et installations communautaires 
  12)   Logement
  13)   Projets d’immobilisations et financement
  14)   Développement économique et social
  15)   Prestation de programmes, d’installations et de financement pour l’éducation, la santé et les services sociaux 
  16)   Construction et exploitation du Complexe La Grande (1975) 
  17)   Financement de l’Association des trappeurs cris et de l’Association crie de pourvoirie et de tourisme 
  18)   Application du régime de protection sociale et environnementale 
  19)   Développement de la foresterie commerciale 
  20)   Développement hydroélectrique dans le Territoire 

Toutefois, la mise en oeuvre de certaines modalités et dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois a été profitable, au cours des trois dernières décennies, pour avancer l’autonomie gouvernementale des Cris et dans certains aspects, pour le développement social et communautaire des Cris. Les institutions créées conformément à l’Entente sont contrôlées par les Eeyous et ces derniers conçoivent les programmes et les services pour leurs communautés. Les infrastructures de logement et communautaires, bien qu’elles ne soient pas entièrement adéquates, ont avancé. Les représentants, les agents et les employés d’Affaires indiennes et du Nord Canada sont, de façon notable, absents dans Eeyou et les collectivités d’Eeyou Istchee étant donné que les Cris assument un contrôle important de leurs affaires et de leurs vies.

De plus, certains droits (comme le droit de chasse de pêche et de piégeage) des Cris sont reconnus et des lois ont été adoptées pour assurer la reconnaissance et la protection de ces droits.

Il est manifeste que la mise en oeuvre de certaines modalités et dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois a eu des répercussions positives lorsqu’on pense à la situation des Cris, il y trente (30) ans.

En 1971, lorsque les Chefs Cris ont organisé leur première rencontre pour discuter du Projet de développement hydroélectrique de la Baie James, la note d’information et le résumé général décrivaient la situation et les conditions sociopolitiques des Cris, leur gouvernement local et administrations locales et leurs relations gouvernementales :

  a)   La population des Cris était composée d’environ 6 000 personnes.
  b)   Le mode traditionnel de vie, basé sur la chasse, la pêche et le piégeage et les activités connexes étaient une composante essentielle et nécessaire de la culture et de la société des Cris.
  c)   Toutefois, ce mode de vie traditionnel basé sur la chasse, la pêche et le piégeage était perçu, dans une large mesure, illégal par les gouvernements du Québec et du Canada. Les Cris étaient assujettis à des lois sur la pêche et la chasse récréatives, qui, dans une grande mesure, étaient incompatibles avec leur mode de vie. Ceci voulait dire que des activités traditionnelles essentielles, comme la chasse aux oiseaux migrateurs au printemps et la chasse à l’orignal l’hiver, n’étaient pas permises en vertu des lois canadiennes (y compris celles du Québec). Le droit des Cris de chasser, de pêcher et de piéger en tout temps de l’année n’était pas reconnu par le Québec et le Canada. Les gouvernements ont promulgué et appliqué leurs lois et règlements sur la chasse et la pêche partout dans le territoire des Eeyou Istchee. Ainsi, plusieurs Cris ont été poursuivis pour la pratique d’un mode de vie traditionnel basé sur la chasse, la pêche et le piégeage.
104               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

  d)   Les Cris d’Eeyou Istchee habitaient dans six (6) villages isolés – Great Whale River (présentement Whapmagoostui), Fort George (les Cris de Fort George habitent présentement à Chisasibi étant donné qu’ils ont été réinstallés en conséquence du développement hydroélectrique), Paint Hills (présentement Wemindji), Eastmain, Rupert’s House (présentement Waskaganish), et Mistassini (présentement Mistissini). Les Cris de ces villages habitaient dans des refuges inadéquats d’habitation sans infrastructures convenables pour les systèmes d’aqueduc et de traitement des eaux usées. (Les Cris de Nemaska, ayant été réinstallés de l’ancien Nemaska Post, habitaient dans les villages cris de Rupert’s House et de Mistassini. Les Cris de Waswanipi et d’Ouje-Bougoumou étaient dispersés et vivaient dans de petits camps rudimentaires un peu partout dans leurs territoires traditionnels et dans certaines municipalités non autochtones. Les Eeyou d’Washaw Sibi se sont installés dans la région de LaSarre et d’Amos et autour de cette région, à l’intérieur de leur territoire traditionnel.)
  e)   Seulement trois (3) communautés cries – Mistassini, Waswanipi et Eastmain – se sont vu octroyer des terres de « réserves » établies par la loi provinciale en vertu d’un arrangement administratif avec le gouvernement fédéral. (Mais seulement les Cris de Mistassini habitaient dans leur « réserve ». Les Cris de Waswanipi n’ont eu d’autre choix que de quitter l’ancien Waswanipi Post et leur « réserve ». Pour les Cris d’Eastmain, la « réserve » était située à l’extérieur du village cri d’Eastmain.)
  f)   Le gouvernement fédédal, surtout par l’entremise d’Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC), a fourni, aux « bandes cries », des programmes et des services comme l’éducation et le développement communautaire. Santé et Bien-être social Canada a fourni les mesures de santé. Toutefois, ces services et programmes étaient assujettis au contrôle et à l’administration exclusifs du gouvernement fédéral. La langue et la culture cries ne constituaient pas un facteur déterminant pour le développement et l’application du curriculum dans les écoles cries locales. En outre, AINC exerçait le contrôle des structures


La Convention de la Baie James et du Nord québécois et les Ententes concernant une nouvelle relation                 
entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec           105

 
      politiques, de l’administration et de la gestion des terres, du développement économique
des « bandes » cries. Les représentants d’AINC exerçaient leur contrôle à partir d’un
bureau régional situé à l’extérieur des communautés cries actuelles.
  g)   Les « bandes » de Cris fonctionnaient séparément étant donné que la Nation crie n’avait pas, jusqu’en 1974, établi le Grand Conseil des Cris (du Québec).
  h)   Les collectivités cries étaient isolées, sans routes d’accès, ni communications radiophoniques. (Seule Mistassini avait une route d’accès en gravier.) 
  i)   Jusqu’à la ratification de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la promulgation subséquente de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec par le Parlement, la Loi sur les Indiens était le document législatif le plus important sur le gouvernement local cri. Le gouvernement du Canada, en mettant en oeuvre la Loi sur les Indiens et ses politiques connexes, traitait les « Indiens » comme enfants ou pupilles de l’État. La Loi sur les Indiens imposée, réglementait pratiquement tous les aspects importants de la vie des « Indiens » cris. Donc, le système juridique d’un régime limité et supervisé de gouvernement local a été imposé sur les « bandes » cries. La Loi sur les Indiens imposait une formule élective de gouvernement local ayant des pouvoirs très limités et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien était investi des pouvoirs du droit de veto sur les décisions des gouvernements locaux et les questions administratives. L’administration de la bande consistait du chef et du secrétaire travaillant à partir d’un très petit bureau dans les villages. Le chef était souvent le gestionnaire de la bande et payé par le MAINC. 
  j)   Nonobstant le fait du régime légal de la Loi sur les Indiens, les peuples cris d’Eeyou Istchee ont continué de défendre et d’appliquer leurs propres traditions, coutumes et pratiques légales pour les questions touchant les élections et le processus décisionnel régulier touchant les questions locales et les questions communautaires. 
  k)   Des sources extérieures s’occupaient surtout de faire respecter la loi et l’ordre dans les villages. 
  l)   La Loi sur les Indiens et le ministère des Affaires indiennes ont évolué pour être perçus par les Cris d’Eeyou Istchee comme instruments et agents d’intrusion et de domination dans les affaires des Cris et la gouvernance des Cris. En 1970, les Cris ont déterminé et conviennent encore que les progrès de l’autonomie gouvernementale, du développement économique et social et que les malaises sociaux les affectant ne peuvent pas et ne devraient pas être réglés à l’intérieur des paramètres de la Loi sur les Indiens et de l’emprise dominatrice du ministère des Affaires indiennes. En conséquence, pour les Cris, le contrôle complet et la domination exercés par le gouvernement fédéral sur la société crie par l’entremise de la Loi sur les Indiens et le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada sont devenus les catalyseurs incitant les changements dans les relations entre les Cris et l’administration fédérale. 
  m)   Le gouvernement du Québec envisageait le bien-être des « Indiens » Cris comme la responsabilité du gouvernement du Canada et donc, fournissait peu ou pas de services et de programmes aux Cris. En conséquence, les relations avec le gouvernement du Québec étaient pratiquement inexistantes dans la plupart des communautés cries. 
  n)   Les obligations du gouvernement du Québec de régler les revendications territoriales et les autres revendications de peuples autochtones lorsque leurs frontières ont été élargies, sont demeurées non réglées et insatisfaites. 
  o)   Le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec ne reconnaissaient pas les droits autochtones. La Constitution du Canada ne se prononçait pas sur la question des droits autochtones et issus des traités. Donc, le Canada et le Québec ne reconnaissaient pas le droit autochtone à l’autonomie gouvernementale. Le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial étaient d’avis que les peuples autochtones n’avaient pas de droits gouvernementaux autres que ceux choisis et conférés ou imposés par voie législative par le gouvernement, comme le régime existant en vertu de la Loi sur les Indiens
106               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 
  p)   Les limites et les restrictions sur la gouvernance « Indienne » des Cris en vertu de la Loi sur les Indiens et le bras administratif dominant d’AINC sont devenues perçues comme instruments et agents d’intrusion dans les affaires des Cris.
  q)   Le développement des ressources naturelles à l’intérieur d’Eeyou Istchee a été effectué sans l’implication ou la participation des Cris.
  r)   Le développement des ressources comme le développement hydroélectrique à l’intérieur des territoires traditionnels et historiques cris s’est transformé en problème et préoccupation majeurs.

ENTENTES CONCERNANT LA NOUVELLE RELATION

La Nation crie d’Eeyou Istchee est d’avis que les négociations, les conclusions et la signature de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec et de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris Eeyou d’Eeyou Istchee sont des réalisations significatives à la suite de leur lutte pour obtenir le respect et faire honorer certaines modalités et dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois de la part du Canada et du Québec.

En vertu de ces Ententes, la Nation crie, le Canada et le Québec visent à améliorer la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois en permettant l’appropriation, par la part de la Nation crie d’une plus grande responsabilité à l’égard du développement économique et communautaire cri, accompagnée d’une autonomie accrue. Manifestement, ces Ententes fournissent une méthode novatrice pour mettre en oeuvre certaines dispositions de la CBJNQ. De plus, l’appropriation, par la Nation crie d’une responsabilité accrue pour le développement économique et communautaire cri, accompagnée d’une plus grande autonomie améliorera la gouvernance et l’administration cries.

L’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec et l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris Eeyou d’Eeyou Istchee constituent aussi des règlements à l’amiable des litiges portant sur certaines violations alléguées de la CBJNQ de la part du Canada et du Québec.

Toutefois, ces Ententes ne règlent pas tous les différends et problèmes actuels non réglés ayant trait à la mise en oeuvre de la lettre, de l’esprit et de l’intention des modalités et dispositions de la CBJNQ.

Néanmoins, les Cris d’Eeyou Istchee se sont battus, obstinément, au cours des examens, des négociations et des litiges afin d’obtenir certains avantages et garanties contestés, d’une manière acceptable, et comme promis par le Canada et le Québec dans la CBJNQ… il y a de cela, trentetrois (33) ans.


  NOTES DE LA FIN
  1   Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec – alinéa 2.5 du chapitre 2 – Dispositions générales.
  2   Entente concernant une nouvelle relation entre la gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee – alinéa 2.1 (Objets principaux) du chapitre 2 – Dispositions générales.
  3   Convention de la Baie James et du Nord québécois et Ententes complémentaires – édition 1991– Les Publications du Québec- p.XII.
La Convention de la Baie James et du Nord québécois et les Ententes concernant une nouvelle relation                 
entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec           107
 

Chapitre 4 :
Réponse du Canada (c’est-à-dire le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) aux recommandations présentées dans le Rapport 2006 de la Commission Crie-Naskapie

SUIVI DU RAPPORT 2006 DE LA COMMISSION CRIE-NASKAPIE

Au cours des dix premières années d’existence de la Commission (1986 –1996), on supposait que les recommandations contenues dans les rapports bisannuels seraient abordées par les parties ayant le mandat de s’occuper des dossiers précis dont il était question. L’expérience a vite démontré que cette hypothèse était fausse. Les communautés ont donc commencé à demander ce qui était fait au sujet des leurs préoccupations qui constituaient la base des recommandations de la Commission. Plusieurs ont commencé à se poser des questions sur la pertinence de présenter leurs questions et préoccupations à la Commission.

En 1998, les commissaires ont décidé qu’ils devraient assurer un suivi rigoureux de leurs recommandations. Deux éléments justifiaient cette décision. D’une part, la préparation des rapports ainsi que leur dépôt au Parlement sont des exigences légales en vertu de l’article 171 (1) de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec). L’exigence stipule le devoir non seulement de produire un rapport approfondi et exact mais aussi d’assurer que les personnes ayant l’habileté de régler les problèmes tiennent sérieusement compte des questions. D’autre part, en général, les leaders élus des Cris et des Naskapis ainsi que les aînés, les représentants des jeunes, les représentants du gouvernement et les autres, préparent leurs présentations à la Commission avec soin et se concentrent seulement sur ce qu’ils jugent être des questions importantes. Permettre à leurs

108               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

présentations d’être tout simplement classées dans des archives ou de ramasser de la poussière sur une tablette de bibliothèque ne serait pas acceptable.

C’est pour ces raisons que les commissaires ont décidé d’assurer activement un suivi des rapports bisannuels. Ce suivi est réalisé de différentes façons, notamment par les activités ci-après : 

    réunions avec le leadership cri et naskapi,
    réunions avec les ministres des Affaires indiennes,
    présentations devant les comités permanents de la Chambre des communes et du Sénat,
    réunions avec des députés et sénateurs individuels,
    réunions avec d’autres agences, le cas échéant,
    réunions avec d’autres groupes autochtones, le cas échéant.

Chacune de ces approches de suivi peut être importante selon le genre de problèmes dont il est question. Toutefois, les présentations au comité permanent de la Chambre des communes sur les affaires autochtones et le développement du nord produisent, en général, les résultats les plus importants. C’est surtout à cause de l’habileté et de la volonté du comité de rencontrer des témoins du gouvernement et d’autres témoins et de les questionner au sujet de questions précises soulevées dans les rapports.

Le Rapport 2006 a été remis au ministre et déposé à la Chambre des communes et au Sénat en septembre 2006. Il a ensuite été référé au comité permanent de chacune des chambres. La Commission a demandé une réunion avec le comité de la Chambre et a fait une présentation le 1er février 2007.

Au cours de notre présentation au comité, la Commission a révisé les recommandations du rapport, soulignant plus particulièrement les recommandations ayant trait à la nécessité de réviser et de modifier la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec), le problème des besoins en matière de logement dans les communautés et les préoccupations des Naskapis au sujet des impacts sur leurs droits de l’établissement du gouvernement régional du Nunavik. Un certain nombre de questions

Réponse du Canada (c’est-à-dire le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien)                    
aux recommandations présentées dans le Rapport 2006 de la Commission Crie-Naskapie              109
 

précises qui étaient en discussion à ce moment-là dans le cadre des pourparlers Namagoose/ Chrétien n’ont pas été soulevées par respect pour l’intégrité de ce processus. (La plupart de ces questions ont, par la suite, été abordées dans l’Entente concernant une nouvelle relation.)

Le 20 février 2007, Michel Roy, sous-ministre adjoint du ministère des Affaires indiennes, accompagné de son personnel de haute direction, a comparu devant le comité pour répondre à des questions ayant trait à notre rapport.

Pour la question du logement, même si monsieur Roy n’a pas abordé les détails, il a dit : « Toutefois, la réponse simple est que ces communautés (cries et naskapies) ont accès au programme régulier du ministère. » (Comme nous l’avons noté dans le chapitre 4 du présent rapport, cette réponse n’aborde pas les besoins précis des communautés cries et naskapies, ni leurs droits conférés en vertu de la CBJNQ/CNEC.)

En réponse à une question de Jean Crowder, députée, monsieur Roy a dit en parlant du mandat de la Commission Crie-Naskapie : « Si je me penche sur le mandat de la Commission, pour nous, la Commission a clairement un mandat en ce qui a trait à ce que nous pouvons appeler le règlement des différends ou la surveillance de la mise en oeuvre du traité de la Baie James, ou de la convention, comme ils l’appellent. La Commission a un mandat clair de surveiller cela. » (Il s’agit d’un renversement bien accueilli de la précédente du ministère qui affirmait que la Commission n’avait pas de mandat en relation avec les questions découlant de la CBJNQ ou de la CNEC.)

En ce qui a trait aux préoccupations de la Nation Naskapie de Kawawachikamach, monsieur Roy a dit : « La Commission [Crie-Naskapie], toutefois, a fait une recommandation sur la création et la mise en oeuvre d’un forum quadriparti. Le comité comprendrait des représentants du gouvernement du Québec, du gouvernement fédéral, des Inuits et des Naskapis pour discuter des problèmes de chevauchement, des problèmes de revendications, pour les Inuits. Nous avons déjà parlé aux Inuits à ce sujet, et ils pensent que c’est une excellente idée…. Nous pensons que la Commission a fait une bonne proposition et nous y donnons suite. » Plus tard, il a dit : « Elle est seulement à l’étape d’une entente de principe. Je ne pense pas qu’il soit trop tard pour faire des modifications si c’est nécessaire, à l’entente [Nunavik] pour accommoder les préoccupations ou les intrants des Naskapis. »

Les commissaires ont rencontré Jean Crowder, députée, porte-parole du NPD pour les affaires autochtones afin de lui fournir des détails supplémentaires. Madame Crowder a offert de présenter un projet de loi d’initiative parlementaire pour aborder certaines de nos recommandations. (Les pourparlers Namagoose/Chrétien ont produit un accord à l’effet d’aborder les recommandations précises. Donc, l’offre de madame Crowder n’est pas retenue pour le moment.) Toutefois, l’offre de madame Crowder souligne jusqu’à quel point les députés sont intéressés à s’occuper des préoccupations des communautés comme elles sont reflétées dans les recommandations de la Commission.

Quelques mois après notre présentation au Comité et la comparution d’AINC pour répondre aux questions des députés à la suite de la présentation, les Naskapis nous ont informés que peu de progrès ou aucun progrès n’était réalisé pour aborder leurs préoccupations de façon satisfaisante. La Commission a alors écrit au président du comité permanent suggérant au Comité de convoquer les Naskapis et d’écouter leurs préoccupations directement. Le Comité a donné suite à la suggestion et les Naskapis ont fait une présentation le 11 décembre. Nous nous attendons encore à certains résultats.

Même s’il ne faut pas surestimer l’importance du suivi de la Commission sur ses rapports, il est clair que ce suivi aide à attirer l’attention sur plusieurs problèmes et dans certains cas, produisent un changement positif.

En octobre 2006, la Commission Crie-Naskapie a présenté son Rapport 2006 au ministre Prentice qui l’a déposé au Parlement. Il contenait seize (16) recommandations précises. Le 5 février

110               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

2008, Theresa Redmond, directrice du Bureau de la mise en oeuvre de la Baie James et du Nord québécois, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, a répondu à ces recommandations au nom du Canada. Il est important de noter que la réponse a été communiquée après plus de quinze (15) mois de la remise du Rapport au ministre. Même si les commissaires sont heureux de la réponse, nous sommes d’avis qu’un délai de deux ou trois mois aurait été plus rassurant pour les collectivités et les individus qui ont fait des présentations sur lesquelles les recommandations sont fondées.

[Les recommandations du Rapport 2006 sont notées ci-dessous en italiques; le résumé de la réponse du ministère suit immédiatement après, en caractères gras. Ces réponses sont tirées des transcriptions de la présentation orale de madame Redmond au cours des audiences spéciales de la Commission sur la mise en oeuvre, le 5 février 2008 à Montréal ainsi que d’une présentation de la Commission à la fin janvier 2008. Les commentaires supplémentaires de la Commission suivent ces données, le cas échéant.]

1. Le gouvernement du Canada et la Nation crie d’Eeyou Istchee doivent s’engager dans une nouvelle relation qui reflète la mise en application de l’esprit, de l’intention et de la lettre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Les présents pourparlers entre MM. Chrétien et Namagoose devraient se conclure par une entente sur une nouvelle relation entre les Eeyous d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada d’une manière qui expose une façon acceptable de mettre les obligations du Canada à l’endroit des Cris à exécution en vertu de la CBJNQ.

Le ministère a répondu en disant qu’il était heureux que l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee ait été conclue et qu’il ne manquait que la ratification et la signature du document. (Subséquemment, l’Entente a été signée au cours d’une cérémonie historique à Mistissini, le 21 février 2008.)

La Commission est satisfaite que cette Entente est conclue et terminée. Elle représente une étape importante vers l’avant en ce sens qu’elle règle les problèmes de mise en oeuvre qui étaient en suspens depuis de nombreuses années. Cette étape ouvre la voie à une relation grandement améliorée entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Canada.

Fait encore plus important, à plus long terme, l’entente est un élément clé qui reconnaît et affirme l’exercice de l’autonomie gouvernementale des Cris.

La Commission Crie-Naskapie félicite les gouvernements cris et canadiens ainsi que leurs négociateurs pour cette réalisation réellement historique. Toutes les personnes intéressées devront poursuivre l’élan positif créé afin de veiller à la mise en oeuvre la plus complète possible de l’entente et pour assurer aussi que les collectivités recevront l’éventail complet des avantages des possibilités qu’elle présente.

2. Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien devrait étudier et appuyer la proposition sur le logement cri présentée par les Cris au gouvernement du Canada le 3 novembre 2005. De plus, le Canada et les Cris devraient négocier une entente sur le logement cri qui respecte les conventions et les arrangements existants et en harmonie avec l’esprit et l’intention affichés dans les présents pourparlers au sujet d’une nouvelle relation.

Le ministère a répondu ce qui suit :

« … elle favorise le développement de partenariat(s) privé(s) par l’entremise d’investissements supplémentaires, comme les initiatives dans le secteur du logement, mais aussi (par l’entremise) de nouvelles façons d’obtenir des ressources privées, comme l’établissement d’un fonds d’habitation en fidéicommis et (par l’entremise) du développement de la capacité. »

« …la subvention en immobilisation des Cris a été ajustée pour refléter la formule régionale actuelle du logement. » (ajout du soulignement)

Réponse du Canada (c’est-à-dire le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien)                    
aux recommandations présentées dans le Rapport 2006 de la Commission Crie-Naskapie              111
 

« Il y a aussi un programme de logements à la disposition des Cris, ainsi que des autres Premières nations au Canada, offert dans le cadre des programmes réguliers du ministère et du gouvernement. »

La Commission est d’avis que l’étendue à laquelle ces approches fonctionnent en pratique devra être surveillée étroitement pour assurer qu’en fait, elles abordent la grave crise de logement qui existe dans les collectivités d’Eeyou Istchee. Nous sommes aussi préoccupés à l’effet que « la formule régionale actuelle de logement » est un exemple des défauts de l’utilisation de l’approche « à taille unique ». C’est un fait que les collectivités cries, contrairement à la plupart des autres Premières nations, réussissent à retenir une majorité écrasante de leurs jeunes. Ceci entraîne un taux beaucoup plus élevé de formation de nouvelles familles et exacerbe la pénurie continue de logement. Les Cris ont toujours été d’avis que la Convention de la Baie James et du Nord québécois conférait des droits de logement et des avantages dépassant les programmes de logement offert en général, aux Premières nations. 

3. Le gouvernement du Canada et la Nation crie d’Eeyou Istchee devraient examiner et réviser, par le biais de pourparlers et d’une éventuelle entente, le montant et le fondement de l’ajustement au niveau du financement du fonctionnement et de l’entretien afin d’assurer une capacité financière suffisante pour répondre aux besoins des communautés qui n’avaient pas été pris en considération en 1984 lorsque la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est entrée en vigueur.

Le réponse du ministère a indiqué ce qui suit : « Le financement de l’exploitation et de l’entretien des Cris… a été ajusté pour refléter la croissance physique à l’intérieur des collectivités. En janvier 2008, le financement a été accordé. En vertu de l’Entente sur la nouvelle relation, les Cris sont responsables de la plupart des besoins supplémentaires futurs. »

La Commission est heureuse de savoir qu’une nouvelle Entente de financement pour le fonctionnement et l’entretien, d’une durée de cinq ans, qui reflète les changements des prix et des volumes, a été négociée, signée et qu’elle est en vigueur. Cette situation est particulièrement satisfaisante étant donné qu’au cours des années précédentes, le financement de F et E s’est souvent avéré source de problèmes majeurs pour la relation. La situation actuelle est une amélioration très bien accueillie.

112               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

4. Le Grand Conseil des Cris (d’Eeyou Istchee) devrait élaborer, en collaboration avec les gouvernements locaux des communautés Eeyou, un mécanisme de mise en oeuvre des constatations, des conclusions et des recommandations des rapports bisannuels de la commission Crie-Naskapie.

Le ministère a répondu qu’il serait très heureux de fournir son aide dans le cadre d’un tel processus.

Étant donné que la négociation de l’Entente concernant une nouvelle relation est maintenant complétée, la Commission pense qu’il serait opportun d’évaluer la proposition à nouveau. Dans la section 3.11.z, l’Entente concernant la nouvelle relation prévoit la révision de la Commission Crie-Naskapie. Cet examen s’avérerait une excellente possibilité d’évaluer comment s’attaquer aux recommandations en suspens et à venir de la Commission. Cet examen pourrait servir à transformer la Commission en outil plus efficace pour aborder les problèmes soulevés dans les communautés et former la base de ses rapports.

5. Comme une règle de droit et une administration efficace de la justice sont essentielles au bien-être social des communautés cries, des représentants de la Nation Eeyou, du Canada et du Québec devraient réviser l’article 18 de la CBJNQ, particulièrement l’application du paragraphe 18.0.37 de la CBJNQ, afin de s’attaquer aux questions et problèmes courants liés à l’administration de la justice au sein des communautés cries.

Le ministère a rapporté qu’en janvier 2007, une lettre d’intention avait prévu le règlement des problèmes du paragraphe 18. De plus, le paragraphe 4.4 de l’Entente sur une nouvelle relation avait aussi traité des problèmes.

La Commission est optimiste que les paragraphes 4.4 (en conjonction avec 4.3 a) clarifient les questions à aborder et indiquent clairement les domaines de responsabilité continue de l’administration fédérale. Nous avons hâte de pouvoir rapporter des progrès importants au moment de notre Rapport 2010.

6. Les autorités fédérales et Eeyou devraient établir une table de discussion sur les pourparlers en ce qui concerne l’application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et les modifications à apporter à celle-ci.

Le ministère a indiqué : « L’Entente concernant une nouvelle relation prévoit des modifications à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec). Les Naskapis et les Inuits ont été consultés dans le cadre des pourparlers menés par messieurs Chrétien et Namagoose et on envisage maintenant des amendements. »

La Commission est heureuse que la question sera abordée. Toutefois, nous tenons à souligner que bien que les amendements requis par les dispositions de l’Entente sur une nouvelle relation soient prioritaires, depuis des années, les collectivités suggèrent de nombreuses modifications supplémentaires qui ont formé la base de plusieurs recommandations dans les rapports antérieurs de la Commission. La Commission serait heureuse de participer à l’identification et à la consolidation des amendements proposés à envisager dans le cadre du processus de la nouvelle relation. (Voir aussi le chapitre 2 du présent rapport pour une discussion détaillée sur les amendements possibles à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec).)

7. Le gouvernement du Canada, le Grand Conseil des Cris (d’Eeyou Istchee) et les Eeyous de Washaw Sibi devraient établir une table de discussion formelle sur les questions suivantes :

a) la reconnaissance des Eeyous de Washaw Sibi comme dixième Première nation crie dans le cadre de la CBJNQ;

Réponse du Canada (c’est-à-dire le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien)                    
aux recommandations présentées dans le Rapport 2006 de la Commission Crie-Naskapie              113
 

b) la pleine jouissance des avantages et des droits pour les Eeyous de Washaw Sibi, en vertu de la CBJNQ;
c) l’aide fédérale en vue de la création d’un nouveau village pour les Eeyous de Washaw Sibi.

La réponse communiquée par le ministère : « Par l’entremise de l’Entente concernant une nouvelle relation, les Cris ont accepté de se charger de la question à savoir si une nouvelle communauté sera créée ou non. De plus, le coût de la création de toute nouvelle communauté serait couvert par l’entremise de l’Entente concernant une nouvelle relation. Le Canada participerait, si on lui demandait, à tout mécanisme visant à établir la communauté, mais les Cris ont accepté le rôle d’établir une communauté, si c’est ce qu’ils décident de faire. »

En étudiant l’entente ainsi que la réponse du ministère, la Commission y voit l’intention manifeste de régler la question de longue date visant la création d’une communauté Eyoue Washaw Sibi distincte. Nous continuerons de surveiller les développements et d’écouter la rétroaction de la communauté. Le chapitre 5 discute de façon plus détaillée de cette question.

8. Dans le cadre des pourparlers entre MM. Chrétien et Namagoose, les représentants du Canada, de la Nation crie d’Eeyou Istchee et de la Nation crie d’Oujé-Bougoumou devraient discuter des questions et des préoccupations des Cris d’Oujé-Bougoumou suivantes et les préciser :

a) Une demande de remboursement de 1,7 million de dollars qui avaient été transférés à Oujé-Bougoumou pour ses projets d’immobilisations depuis 1994-1995 (le MAINC maintient qu’il n’est pas obligé de rembourser les Cris pour le financement qu’Oujé- Bougoumou a reçu pour ses projets d’immobilisations depuis 1994-1995).
b) Une demande d’une somme de 2 952 000 $ représentant la perte de gains provenant du paiement tardif des montants convenus en vertu de la Convention Oujé-Bougoumou/ Canada et des coûts indirects.
c) La mise en application complète et indiquée de la Convention Oujé-Bougoumou/Canada.

Le ministère a répondu en disant que la question a été abordée dans l’Entente concernant une nouvelle relation.

Le paragraphe 5.6 de l’Entente se lit comme ci-après : « À la même époque ou aussi tôt après l’entrée en vigueur de la présente Entente, les Parties de l’Entente signeront une Entente auxiliaire au sujet de l’établissement de la bande Ouje-Bougoumou et ses terres de catégorie IA par l’entremise d’amendements à la CBJNQ. Les Parties conviennent que le Québec est une partie nécessaire à l’Entente auxiliaire. Le Canada s’engage à recommander au Parlement de faire des modifications à la LCNQ au sujet de l’établissement de la bande Ouje-Bougoumou ».

C’est un développement bien accueilli et la Commission a hâte à son achèvement rapide. Toutefois, il est nécessaire de noter que l’article 5.6 de l’Entente concernant une nouvelle relation ne semble pas aborder précisément les réclamations des Ouje-Bougoumou.

9. Le Grand Conseil des Cris (d’Eeyou Istchee) et la Première nation crie de Waswanipi devraient formuler et présenter conjointement une déclaration et/ou une demande au gouvernement du Canada au sujet des questions des Waswanipi suivantes :

a) L’état des territoires Waswanipi Indoho (de chasse) et les répercussions de la mise en valeur des ressources;
b) Le déplacement et le déménagement des Cris Waswanipi de leur communauté originale – le vieux poste de Waswanipi;
c) La désignation du poste de Waswanipi comme lieu patrimonial officiel par le gouvernement du Canada;

114               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

d) La situation et les besoins des Cris de Senneterre;
e) Les besoins en matière d’éducation et de formation des jeunes de Waswanipi en vue de leur perfectionnement professionnel et de leur organisation de carrière;
f) L’élaboration de lois relativement à l’imputabilité des gouvernements locaux.

Le ministère a répondu ce qui suit : « Le Canada ne peut pas commenter ces recommandations étant donné qu’elles n’ont pas été présentées à ce jour. Toutefois, concernant les besoins en matière d’éducation et de formation, le Canada finance 75 % de la prestation des programmes de la Commission scolaire crie pour assurer l’accès aux programmes préscolaires, primaires, secondaires, postsecondaires et d’éducation aux adultes. En outre, le nouveau Centre de formation professionnelle, aussi financé par le MELSQ, est situé à Waswanipi, ce qui offre un accès encore plus grand aux étudiants locaux éventuels. » 

La Commission a aussi révisé les articles pertinents de l’Entente concernant une nouvelle relation. Il semble que notre recommandation 9.b est en grande partie abordée par l’article 5.3.b de l’Entente qui précise : « Les Parties et les Bandes cries conviennent que les revendications et griefs contre le Canada relatifs aux éléments suivants sont par la présente entièrement réglés entre elles : b) toute réinstallation par le passé de la Nation crie de Nemaska et de la Bande de Waswanipi. » Il reste à aborder les recommandations 9.a, 9.c et 9.d. Il appert aussi que nos recommandations 9.e et 9.f sont abordées au moins en partie par l’Entente.

La Commission surveillera ces éléments en consultation avec les Parties.

10. Dans le cadre des présents pourparlers entre MM. Chrétien et Namagoose, le gouvernement du Canada, le Grand Conseil des Cris (d’Eeyou Istchee) et la Première nation crie de Waswanipi devraient discuter des besoins des Waswanipis en matière de développement économique et de projets d’immobilisations et les préciser.

La réponse du ministère, fournie au cours des audiences de la Commission, le 5 février 2005, se lit comme ci-après : « Le Canada aide la collectivité de Waswanipi dans le cadre de son projet d’urgence d’eau potable à ce moment-ci. Comme pour les autres communautés cries, le financement des projets d’immobilisations est disponible par l’entremise du programme d’immobilisations, ainsi que par l’entremise d’un certain nombre d’initiatives fédérales. La Table technique Cris/AINC surveille les projets d’immobilisations demandés et a poursuivi un dialogue avec la communauté de Waswanipi tout au long de l’exercice financier.

En relation avec les besoins en matière de développement économique de la communauté, plusieurs programmes fédéraux sont disponibles pour la planification et la mise en oeuvre de ces projets, et nous suggérons que l’agent de développement économique local discute des projets futurs avec les ministères et agences de l’administration fédérale impliqués dans le développement économique. »

La Commission est d’avis que la réponse ne touche pas à l’essence de la recommandation. On suggère que des discussions de suivi sont nécessaires entre la bande de Waswanipi et le ministère. Le leadership sera peut-être obligé d’intervenir pour accorder au processus, le degré de priorité qu’il mérite. La Commission accueillera favorablement la rétroaction de la communauté et du ministère sur l’étendue des progrès réalisés.

11. Les besoins immédiats et éventuels de la Nation crie de Chisasibi en matière de logement et d’expansion devraient faire l’objet de discussions et être précisés dans le cadre des présents pourparlers entre MM. Chrétien et Namagoose.

Le ministère a répondu ce qui suit : « La question de l’expansion des communautés cries est abordée dans le cadre de l’Entente concernant une nouvelle relation dans deux parties. Dans une section, elle touche, à l’article 5.5, les terres pour la nation de Chisasibi pour le logement

Réponse du Canada (c’est-à-dire le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien)                    
aux recommandations présentées dans le Rapport 2006 de la Commission Crie-Naskapie              115
 

et l’expansion du bloc « D » pour la communauté. De plus, en ce qui a trait au logement, au F et E et aux immobilisations, de nouvelles ententes seront signées au début de chaque nouvel exercice financier. »

La Commission est inquiète que la résolution de la question du bloc « D » n’aborde pas les besoins de la communauté en matière d’expansion ni ne touche les besoins de la collectivité en matière de logement.

12. Étant donné que la construction d’un aéroport à la bande d’atterrissage de Chisasibi est terminée et qu’il est actuellement en activité, le Bloc «D » devrait être immédiatement désigné par le gouvernement du Canada au titre de terre de catégorie IA à l’usage et au bénéfice exclusifs de la Nation crie de Chisasibi.

Le ministère a rapporté, en essence, que l’article 5.5 de l’Entente concernant une nouvelle relation a abordé la question et que des discussions se poursuivent entre la Nation de Chisasibi, le Canada et le Québec pour réaliser l’article 5.5. 

La Commission est encouragée de noter qu’il y a un engagement pour régler ce problème de longue date et a hâte de pouvoir rapporter que la question est réglée dans son Rapport 2010. Aux fins de référence, l’article 5.5 de l’Entente précise ce qui suit : 

« Le Canada convient, en principe, d’accepter le transfert des terres connues sous le nom de Bloc « D » dans la Communauté de Chisasibi, sous réserve de certaines questions relatives à la restauration de ces terres. Ces questions sont actuellement traitées conjointement par la Nation crie de Chisasibi, le GCC(EI), l’ARC, le Québec et le Canada. Les Parties conviennent que le Canada ne sera pas responsable des coûts relatifs au transfert de terre du Bloc « D », sauf les coûts d’arpentage. » 

13. Le Canada et la Première nation de Whapmagoostui devraient déterminer les questions et les besoins des Cris de Whapmagoostui relativement à l’expansion de leur communauté.

Le ministère a affirmé : « Les Cris prennent à charge plusieurs obligations fédérales comme partie intégrante de l’Entente concernant une nouvelle relation. Donc, ces questions sont abordées dans la présente entente. De plus … ils continueront encore d’avoir accès aux programmes et aux services qui sont fournis aux collectivités à travers le pays…»

À nouveau, la Commission espère être en mesure de rapporter que des progrès importants auront été réalisés au moment de la publication de son Rapport 2010.

116               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

14. Le gouvernement du Canada, la Nation naskapie de Kawawachikamach et d’autres parties concernées devraient déterminer sans délai le mandat du groupe de travail Naskapi- Inuit-Canada-Québec qui devrait commencer à s’attaquer aux préoccupations de la Nation naskapie relativement aux présentes négociations entourant la mise sur pied d’un gouvernement Nunavik.

Le ministère a fourni la réponse suivante : « Comme vous le savez probablement, une réunion entre la Nation de Makivik, le Canada, le Québec et les Naskapis est proposée pour la fin novembre. Je pense avoir compris que la Nation de Kawawachikamach n’a pas confirmé sa participation à cette réunion, mais nous espérons que les discussions entre les parties pourront commencer à ce moment-là, et qu’au fur et à mesure que les négociations à l’égard de l’Entente finale se poursuivront, les consultations avec les Naskapis continueront et seront élargies lorsque les questions deviendront plus fermes. »

La Commission pense qu’on ne tente pas sérieusement de s’attaquer aux inquiétudes fondamentales des Naskapis au sujet des répercussions possibles de l’établissement du gouvernement du Nunavik sur leurs droits autochtones ainsi que sur leurs droits conférés en vertu de la Convention du Nord-Est québécois. Le présent Rapport traite de cette question de façon plus détaillée dans le chapitre 4, en discutant du suivi du Rapport 2006 ainsi que dans le chapitre 5.

15. Le gouvernement du Canada devrait régler son différend avec Québec sur la question du partage des coûts des services de police offerts aux Naskapis de Kawawa-chikamach.

Le ministère a fourni la réponse ci-après : « Sécurité publique Canada a demandé la collaboration du ministère de la Sécurité publique pour respecter deux obligations du gouvernement au sujet du financement des services de police pour les Naskapis. Le Québec a accepté de conclure une entente tripartite avec le Canada et les Naskapis…. De plus, les Naskapis ont entamé des discussions avec le Secrétariat du Québec aux Affaires Autochtones, dans le but de signer une Paix des Braves avec les Naskapis. Il est important de souligner que la Paix des Braves établie avec les Cris a aussi dicté la formule des services de police à 52:48. »

La Commission attend, avec beaucoup d’espoir, les résultats qui découleront de ces discussions.

16. Le gouvernement du Canada et la Nation naskapie de Kawawachikamach devraient régler la question du processus d’attribution de logements de la SCHL et déterminer les besoins immédiats et éventuels des Naskapis en matière de logement.

Le ministère a répondu en disant : « En réponse, le Canada soutient qu’à l’heure actuelle, la SCHL offre de l’aide pour s’occuper de l’évaluation des besoins de formation en matière de logement par l’entremise du financement pour le développement de la capacité autochtone…» « Le financement supplémentaire unique de 295 M$ prendra fin à la fin de l’exercice financier [2007-2808] et ne sera pas reconduit. On prendra les Naskapis en compte, comme les autres Premières nations pour des réaffectations futures si et lorsqu’elles seront disponibles. »

La Commission pense que la réponse ne permet guère de faire preuve d’optimisme à l’effet que les besoins des Naskapis en matière de logement et que les processus d’affectation de logement applicables aux Naskapis ne sont pas plus près d’être abordés d’une façon opportune ou même sérieuse. Ce problème est discuté de façon plus détaillée dans le chapitre 5 du présent rapport.

Réponse du Canada (c’est-à-dire le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien)                    
aux recommandations présentées dans le Rapport 2006 de la Commission Crie-Naskapie              117
 

Chapitre 5 :
Préoccupations et problèmes de
la Nation (Crie) Eeyou et Naskapie de Kawawachikamach

Les 5, 6 et 7 février 2008, la Commission Crie-Naskapie a tenu des audiences spéciales de Mise en oeuvre à Montréal (Québec), afin de permettre aux représentants des Cris, des Naskapis et du gouvernement fédéral de faire des représentations à la Commission en préparation du présent rapport.

1. GRAND CONSEIL DES CRIS (EEYOU ISTCHEE)

Dans une présentation datée d’avril 2008, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) (GCCEI), a discuté du contenu et de la signification de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee (référée ci-après sous nouvelle Entente Canada-Cris dans le présent chapitre). Le 21 février 2008, la nouvelle Entente Canada- Cris a été signée par des représentants des gouvernements fédéral et cri à Mistissini, Eeyou Istchee. L’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee est entrée en vigueur lorsque le Parlement a voté les crédits nécessaires pour le financement couvert par la dite Entente.

Le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) considère que la signature de la nouvelle Entente Canada-Cris est un moment historique dans l’histoire de la Nation crie. Selon le Grand Conseil, la nouvelle Entente Canada-Cris règle certaines questions de longue date qui découlent de la mise en oeuvre par le fédéral, dans le passé, de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ). Le Grand Conseil des Cris précise que la nouvelle Entente Canada-Cris prévoit ce qui suit :

  1.   « Elle établit un processus pour la reconnaissance d’un nouveau gouvernement cri, une forme de gouvernement régionale à être discutée avec le Canada et le Québec après trois à cinq ans de l’entrée en vigueur de la nouvelle Entente.
  2.   En attendant, cette Entente établit un régime pour l’administration des programmes pour mettre en oeuvre les obligations du Canada, assumées par le Grand Conseil des Cris/ Administration régionale crie pour la durée de l’entente. 
118               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

  3.   La nouvelle Entente demande au Canada de reconnaître les pouvoirs supplémentaires du Grand Conseil des Cris/Autorité régionale crie par l’entremise de modifications à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) et aussi par certains pouvoirs délégués par le Canada par l’entremise de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, la Loi sur les espèces en péril et la Loi sur les pêches.
  4.   Elle règle les recours en justice que nous avons intentés contre le Canada sur son inertie à mettre en vigueur la Convention sur la Baie James et le Nord québécois et sur certains dossiers connexes. C’est une entente orientée vers l’avenir qui explique que le financement était grandement basé sur les besoins à venir de la Nation crie en ce qui a trait aux obligations du Canada assumées par les Cris en vertu de ses modalités.
  5.   La nouvelle Entente (5.8) discute d’un processus pour apporter certaines modifications à la Convention de la Baie James et du Nord québécois :

  i.   À l’article 2.15 (CBJNQ) pour permettre les amendements futurs à la CBJNQ sans le consentement des parties lorsque ces modifications n’affectent pas leurs intérêts et pour ratifier tout amendement passé qui peut avoir été adopté;
  ii.   À l’article 3 (CBJNQ), touchant l’admissibilité, semblable aux changements pour les Inuits convenus par toutes les parties de la CBJNQ en vertu de l’Entente auxiliaire, numéro 18;
  iii.   À l’article 4 (CBJNQ) et aux articles connexes, pour incorporer les descriptions territoriales finales des terres cries de catégorie I;
  iv.   Une Entente complémentaire sera négociée avec le Canada sur la désignation d’un administrateur cri régional de l’environnement en vertu de l’article 22 de la CBJNQ qui aura des pouvoirs en regard des projets à construire sur les terres de catégorie IA.
  v.   L’Autorité régionale crie (ARC) conclura une entente complémentaire tripartite à la CBJNQ avec le Canada qui servira à remplacer l’article 19 du traité pour comprendre un nouvel article qui, entre autres choses, remplacera les concepts des « unités de force de police de la communauté crie locale » telle qu’elle est présentement prévue dans les paragraphes 19.1 et 19.2 de la CBJNQ par un nouveau concept sur la « force de police régionale crie ». Nous conclurons aussi une entente de financement tripartite pour mettre en oeuvre ce nouvel arrangement de traité. »1


Étape I : Amendement de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec pour renforcer la gouvernance des Cris et l’appropriation des obligations fédérales par les Cris

L’objet des amendements proposés à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec), tels qu’ils sont envisagés par la nouvelle Entente Canada-Cris est traité dans le chapitre 2 (du présent rapport) en ce qui a trait aux modifications à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec). La Commission Crie-Naskapie révisera les amendements proposés qui seront élaborés en consultation avec les Cris et les autres parties touchées.2

Obligations du Canada assumées par les Cris

La nouvelle Entente Canada-Cris établit en détail les obligations fédérales en vertu de la CBJNQ que les Cris acceptent de mettre en oeuvre pendant la durée de 20 ans de la convention, ainsi que le financement prévu. Selon le Grand Conseil des Cris, « ce qui n’est pas indiqué comme « approprié », ne sera pas mis en oeuvre par le Grand Conseil des Cris /Autorité régionale crie. Donc, la détermination de ce qui est approprié et de ce qui n’est pas approprié est un aspect important de l’évaluation de cette convention. La continuation des sommes annuelles de financement reçues du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien à titre de fonds pour les dépenses de capital du « budget de base » et la continuation du financement pour le fonctionnement et l’entretien en vigueur lors de la signature de la nouvelle Entente sont essentiels pour que les Cris soient

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capables de fournir les services appropriés en vertu de cette Entente. De plus, les arrangements du programme régulier pour le développement des ressources humaines cries et pour le financement des différentes associations prévues dans le chapitre 28 doivent se poursuivre comme conditions des hypothèses. »3

En outre, le Grand Conseil des Cris précise que la nouvelle Entente Canada-Cris entraîne un nouveau niveau de sécurité à sa relation financière avec le Canada, mais qu’il exige aussi une vigilance et une profondeur pour la façon dont les Cris mettent en oeuvre les obligations du Canada qui sont assumées par les Cris en vertu de l’Entente afin de protéger les droits sur lesquels ces obligations sont basées. En parallèle avec la signature de la nouvelle Entente Canada-Cris, les ententes quinquennales sur les immobilisations et le fonctionnement et l’entretien ont été renouvelées par les Cris et le fédéral.4

Étape II : Le développement du gouvernement de la Nation crie

Pendant que les amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) sont en train d’être discutés et que les négociations au sujet des autres délégations de pouvoirs du Canada sont aussi en train de se conclure, le Grand Conseil/l’Autorité régionale crie amorcera un processus de discussion, à l’interne, parmi les collectivités cries et aussi avec les gouvernements du Canada et du Québec pour aborder l’Étape II : Le développement du gouvernement de la Nation crie. Ces discussions porteront sur les domaines de compétences et d’autorité ainsi que sur les principes de base de cette nouvelle formule de gouvernement. En parallèle, la Constitution crie, qui établira les principes de base pour cette nouvelle formule de gouvernement sera développée par les Cris. L’Entente avec le Canada sur le gouvernement de la Nation crie entrera en vigueur en même temps que la nouvelle Constitution crie étant donné que ces deux éléments doivent être cohérents l’un par rapport à l’autre.5

Il est prévu que la Constitution de la Nation crie englobera à tout le moins les éléments suivants :

  a.   procédures pour l’entrée en vigueur de la loi, y compris la publication;
  b.   sélection du leadership;
  c.   imputabilité politique des leaders à l’égard de leurs membres;
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  d.   gestion et responsabilité financières;
  e.   mécanismes internes d’appel et de redressement;
  f.   structures et procédures de gouvernement;
  g.   conflit d’intérêts;
  h.   consultations publiques;
  i.   votes et référendums;
  j.   accès à l’information;
  k.   formule d’amendement; et
  l.   autres sujets essentiels tels que négociés.6

En ce qui a trait à la formule du gouvernement de la Nation crie, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) précise qu’« il est prévu que nous développions notre nouvelle formule de gouvernement sur la base du gouvernement cri actuel, étant donné que nous voulons retenir les leçons du passé récent tout en ajoutant les nouveaux éléments qui prévoiront l’avenir de la Nation crie. »7

La nouvelle Entente Canada-Cris dresse la liste suivante d’autres questions que l’administration fédérale et les Cris ont convenu d’aborder au cours du processus de négociation menant à l’Entente de gouvernance :

  a.   le processus d’approbation de l’Entente de gouvernance et la Constitution crie;
  b.   le statut légal de l’Entente de gouvernance et les amendements corrélatifs à la CBJNQ;
  c.   le niveau de ratification par les Cris, en ce qui a trait au statut légal de l’Entente de gouvernance et les amendements corrélatifs à la CBJNQ;
  d.   les procédures d’amendement pour l’Entente de gouvernance et la nécessité de consulter les Cris avant d’apporter toute modification à la loi sur la gouvernance;
  e.   l’application des différentes lois fédérales ou provinciales;
  f.   la relation entre les lois du gouvernement de la Nation crie et les lois des autres gouvernements, y compris celles des bandes cries;
  g.   les mécanismes intergouvernementaux de règlement des différends;
  h.   les tribunaux compétents pour la révision judiciaire;
  i.   la création de nouvelles bandes cries et les amalgamations de bandes cries;
  j.   le rapatriement des artefacts cris;
  k.   les mesures pour aborder les obligations légales internationales du Canada;
  l.   la Charte canadienne des droits et libertés;
  m.   la structure et le fonctionnement de l’Entente de gouvernance et les éléments connexes clés de la législation sur la gouvernance;
  n.   les relations financières entre le Canada et les Cris, y compris les rapports financiers au Canada;
  o.   la question du traitement des taxes;
  p.   le rapport annuel du gouvernement de la Nation crie;
  q.   la délégation des pouvoirs;
  r.   le statut légal et la capacité;
  s.   l’exemption de la saisie des biens;
  t.   l’avis obligatoire concernant l’avis constitutionnel et judiciaire;
  u.   l’étendue géographique des pouvoirs;
  v.   les revenus de sources propres;
  w.   la clarification des rôles respectifs du gouvernement de la Nation crie en relation avec ceux des bandes cries, du GCC(EI) et de l’ARC ainsi que l’identification de tout autre impact possible sur la LNCQ et la CBJNQ;
  x.   l’identification de toute modification conséquente nécessaire à une autre législation;
  y.   la mise en oeuvre, y compris les principes pour le développement et le contenu d’un plan de mise en oeuvre pour l’Entente de gouvernance et la législation sur la gouvernance ainsi que les mesures de transition;
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  z.   un examen du rôle de la Commission Crie-Naskapie, et plus particulièrement pour éviter le chevauchement avec les processus ou organes prévus dans le cadre de cette Entente ou de l’Entente sur la gouvernance; et
  aa.   dans l’éventualité où le gouvernement de la Nation crie exercerait la compétence ou le pouvoir sur des individus qui ne sont pas Cris et qui résident dans les terres de catégorie I, des mécanismes seront établis pour assurer que ces personnes puissent avoir un intrant et des droits de redressement en ce qui a trait aux décisions du gouvernement de la Nation crie qui touchent leurs droits et intérêts.8

En ce qui a trait au calendrier du processus de négociation sur l’Entente de gouvernance, l’alinéa 3.14 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee précise ce qui suit :

« 3.14 Calendrier

Avec la participation du Québec, les Parties s’engagent à faire de leur mieux pour conclure les négociations sur une entente de principe portant sur la gouvernance dans un délai de trois (3) ans suivant l’entrée en vigueur de la présente Entente, et une Entente sur la gouvernance dans un délai de cinq (5) ans de l’entrée en vigueur de la présente Entente, ou dans tout délai supérieur convenu par écrit par le GCC(EI)/ARC, le Canada et le Québec. »9

De plus, le Grand Conseil des Cris précise que « l’étendue géographique des pouvoirs est un des sujets de discussion. D’une part, nous voulons développer une forme de gouvernance de la Nation crie et/ou régionale qui correspondra à la structure actuelle des pouvoirs et des autorités au Canada et au Québec. D’autre part, les parties doivent prendre en compte leurs engagements de traité et la réalité que les Cris ne sont pas des « Indiens dans la réserve » établis dans les régimes coloniaux mis en place par le Canada dans les années 1800, en grande partie par le ministère de l’Intérieur. Les Cris sont citoyens du Québec et du Canada, reconnus en vertu d’un traité signé par ces deux niveaux de gouvernement. Nous voulons une participation au Québec et au Canada par l’entremise du développement de nos terres traditionnelles. On pourrait dire que nous voulons faire partie intégrante du Québec et du Canada non seulement juste comme individus mais comme Nation crie vivant encore dans nos terres ancestrales. Il va sans dire que ces discussions seront complexes. »10

Paiements par le Canada

Le chapitre 6 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee prévoit des paiements du Canada aux Cris comme ci-après :

« 6.2 Paiements

Le Canada devra verser au Récipiendaire des paiements les montants forfaitaires suivants (collectivement les « Paiements »), au moyen de virements bancaires électroniques directs dans le compte désigné à cette fin par le Récipiendaire des paiements : 

  a.   dès l’entrée en vigueur de la présente Entente, un montant de UN MILLIARD CINQUANTE MILLIONS DE DOLLARS (1 050 000 000 $) (le « Premier paiement »);
  b.   dans les trente (30) jours suivant la sanction royale des modifications à la LCNQ prévues à la Partie 1 du Chapitre 3 de la présente Entente, un montant de CENT MILLIONS DE DOLLARS (100 000 000 $) (le « Deuxième paiement »); et
  c.   dans les trente (30) jours suivant la sanction royale de la Loi sur la gouvernance prévue à la Partie 2 du Chapitre 3 de la présente Entente, un montant de DEUX CENT MILLIONS DE DOLLARS (200 000 000 $) (le «Troisième paiement »). »11

Comme la nouvelle Entente Canada-Cris est entrée en vigueur lorsque le Parlement a voté les crédits, le premier paiement d’une somme d’un milliard cinquante millions de dollars

122               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

(1 050 000 000 $) a été versé par le Canada aux Cris. (On a déterminé que l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee était entrée en vigueur le 13 mars 2008.)

Le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee)/Administration régionale crie a établi un fidéicommis de la Nation crie qui assurera que les fonds seront adéquatement investis et qu’ils seront utilisés pour mettre en oeuvre les obligations du Canada assumées par les Cris en vertu de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee.12

Autres questions

Questions propres à la communauté

L’Entente concernant certaines questions propres à la communauté fournit une somme supplémentaire de cinquante millions de dollars (50 000 000 $) pour régler des revendications ayant trait à la route d’accès de Wemindji, la conversion de l’approvisionnement en électricité à la communauté de Waskaganish et le litige concernant certaines revendications de la Nation crie Oujé-Bougoumou. (Ce montant supplémentaire fait partie du premier paiement versé par le Canada en vertu de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee.)

Eeyous de Washaw Sibi

En vertu de la nouvelle Entente Canada-Cris, le Canada confirme, et le GCC(EI)/ARC reconnaît, qu’aucun financement supplémentaire ne sera fourni par le Canada, pour la durée de la présente Entente, en ce qui a trait à des coûts supplémentaires qui pourraient être liés à la reconnaissance et à l’établissement de toute nouvelle bande crie située dans le territoire.

Immédiatement après l’entrée en vigueur de la présente Entente, l’ARC convient d’amorcer des discussions exploratoires avec les Eeyous de Washaw Sibi afin de déterminer des options possibles pour les Eeyous de Washaw Sibi qui veulent être reconnus comme nouvelle bande séparée. L’ARC, et subséquemment le gouvernement de la Nation crie, sera responsable de tous les coûts liés à la mise en oeuvre d’une option convenue entre l’ARC et les Eeyous de Washaw Sibi.

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Processus de règlement des différends

La nouvelle Entente Canada-Cris établit les processus de règlement des différends qui prévoiront la médiation ou l’arbitrage mais confirme le droit des parties, après l’application régulière de la loi, de référer les dossiers aux tribunaux.

Comité permanent de liaison

La nouvelle Entente Canada-Cris établit un Comité de liaison Cris-Canada qui consolidera les relations entre le Canada et les Cris et qui tentera de régler les différends et les problèmes au fur à mesure qu’ils surviendront et qui toucheront la mise en oeuvre de la nouvelle Entente Canada-Cris et la CBJNQ. Les membres du comité de chaque partie seront des représentants de niveau élevé des deux administrations respectives.

Libérations et indemnisation

La nouvelle Entente Canada-Cris dégage le Canada et toutes les poursuites légales et revendications comprises dans ces poursuites, déposées par les Cris contre le Canada sauf pour l’affaire Vanadium et l’affaire MoCreebec. Elle indemnise aussi le Canada de toute revendication contre le pays en ce qui a trait à la mise en oeuvre antérieure de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, jusqu’à la date de l’entrée en vigueur de la nouvelle Entente Canada-Cris.

Conclusion

L’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee a été soumise à un référendum organisé par le GCC(EI) et l’ARC. Ce référendum a été réalisé conformément aux procédures convenues par les parties. Dans le cadre de ce référendum, 53,6 % des Cris admissibles se sont prévalus de leur droit de vote. De ce nombre, 90,17 % ont voté en faveur le la signature de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee.13

Le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) conclut que la Nation crie d’Eeyou Istchee s’est embarquée dans le trajet de la création de la Nation et de l’exercice du droit à l’autorégulation par l’entremise de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et les ententes connexes comme l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec et l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee.

Selon le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), les « ressources fournies aux Cris dans la présente nouvelle Entente nous donnent les moyens financiers de faire un pas important pour améliorer le contrôle par les Cris, du développement de nos communautés et c’est une chance pour nous d’augmenter notre participation à la gouvernance des terres qui nous entourent. »14

2. NATION CRIE DE CHISASIBI

Violet Pachanos, représentante, Edith Sam, Elder et Kevin House, représentants des jeunes, de la Nation crie de Chisasibi soulèvent les questions et préoccupations suivantes :

A.     Amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec)

Violet Pachanos précise que l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee envisage certaines modifications à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec). Toutefois, ces amendements envisagés par la dite Entente visent à renforcer l’Autorité régionale crie afin que l’ARC puisse assumer certaines obligations du Canada et exercer les pouvoirs envisagés dans la nouvelle Entente Canada-Cris. Elle mentionne que les dispositions sur le quorum de la Loi doivent être amendées étant donné que les populations locales, y compris les électeurs des communautés cries augmentent. Les dispositions actuelles de la Loi sur le

124               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

quorum causent préjudice au processus décisionnel du gouvernement local. À titre d’exemple, les quorums actuels sur la réalisation des référendums pour les règlements administratifs sur les emprunts causent de sérieux problèmes. Elle suggère que les autorités locales devraient pouvoir établir les quorums, le cas échéant, d’une manière plus réaliste.15

B.     Élections locales

La décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire John Corbiere et al. contre la Bande indienne Batchewana et Sa Majesté la Reine a résolu que l’article 77 (1) de la Loi sur les Indiens, « et qui est normalement, un résident de la réserve, » violait les droits des membres hors réserve des Premières nations qui organisent des élections en vertu de la Loi sur les Indiens. Ce jugement, connu sous décision Corbiere, prévoit que les Premières nations qui organisent des élections ou référendums en vertu de la Loi sur les Indiens doivent permettre à leurs membres qui habitent hors réserve d’exercer leur droit de vote.

Si la décision Corbiere affecte les bénéficiaires cris qui organisent des élections ou des référendums en vertu de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec), alors, de nouveaux règlements administratifs sur les élections sont nécessaires pour se conformer à cette loi. De plus, il faudra envisager et tenir compte des coûts supplémentaires encourus pour les arrangements de financement avec le Canada.16

C.    Emprise pour accès public

La route actuelle le long de la communauté de Chisasibi a un corridor de cinq cents pieds de chacun de ses côtés. Ce corridor n’est pas jugé faire partie des terres de catégorie IA de la Nation crie de Chisasibi. Ce corridor fait partie des terres de catégorie II de Chisasibi. La situation actuelle du corridor constitue un obstacle à l’expansion de la communauté de Chisasibi.17

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D.     Bloc « D » de Chisasibi

En ce qui a trait au bloc « D » de Chisasibi, l’alinéa 5.5 du chapitre 5 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee précise ce qui suit :

« Le Canada convient, en principe, d’accepter le transfert des terres connues sous le nom de Bloc « D » dans la Communauté de Chisasibi, sous réserve de certaines questions relatives à la restauration de ces terres. Ces questions sont actuellement traitées conjointement par la Nation crie de Chisasibi, le GCC(EI), l’ARC, le Québec et le Canada. Les Parties conviennent que le Canada ne sera pas responsable des coûts relatifs au transfert de terre du Bloc « D », sauf les coûts d’arpentage. »18

Madame Pachanos précise que le bloc « D » de Chisasibi est un problème de longue date et se demande quand la question sera finalement réglée.

E.     Logement

Dans son Rapport 2006, la Commission Crie-Naskapi a mentionné les problèmes sérieux concernant la situation du logement à Chisasibi. Madame Pachanos précise que les graves problèmes de logement à Chisasibi ne sont pas encore réglés. Ces problèmes de logement comprennent la nécessité de remplacer des maisons en état de détérioration et malsaines. Comme le gouvernement du Canada n’a pas accordé le financement nécessaire pour aider Chisasibi aux prises avec ses problèmes de logement actuels, la Nation crie de Chisasibi utilise encore les fonds de la collectivité pour la situation du logement. La position de la Nation crie de Chisasibi est que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien devrait rembourser Chisasibi pour l’utilisation des fonds de sa collectivité en vertu de la CBJNQ et des ententes connexes, pour financer ses projets et programmes de logement.19

F.     Maintien de l’ordre

La communauté de Chisasibi fait l’expérience de certaines contraintes en matière d’application de la loi étant donné que les services de police locaux devraient tenir compte des pratiques traditionnelles touchant la justice réparatrice pour les jeunes et les contrevenants chroniques.

En outre, les membres de la collectivité sont aussi préoccupés du fait que la police locale refuse de s’impliquer dans les disputes conjugales.

De plus, les règlements administratifs de la collectivité concernant le couvre-feu, la nuisance publique, la consommation d’alcool en public, l’interdiction de la vente de drogues et d’alcool ne sont pas appliqués.

Madame Pachanos précise que des amendes pour les contraventions locales de circulation devraient être perçues par la collectivité et dépensées sur les opérations locales de service de police.

G.     Administration de la justice

Madame Pachanos explique que l’article 18 au sujet de l’administration de la justice (Cris) de la Convention de la Baie James et du Nord québécois n’a pas encore été mis en oeuvre avec succès par le Canada et le Québec. En vertu de la nouvelle Entente Canada-Cris, l’Autorité régionale crie, et subséquemment le gouvernement de la Nation crie assumera certaines responsabilités du Canada transférées aux Cris en vertu des dispositions de l’article 18 de la CBJNQ. Étant donné que le Canada approprie certaines responsabilités aux Cris, on peut se demander comment et quand l'article 18 de la CBJNQ sera en vigueur au complet et avec succès.

126               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

H.     Baux

Les dispositions de l’article 132 (3) de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) stipulent le quorum nécessaire pour permettre aux électeurs de la bande d’approuver l’accord d’un bail à des tierces parties en ce qui a trait à ses terres de catégorie IA. Ces dispositions sur le quorum sont difficiles à respecter dans de telles situations.

I.     Rôle de la Commission Crie-Naskapie

Madame Pachanos demande quel serait le rôle de la Commission Crie-Naskapie avec la constitution crie et le gouvernement de la Nation crie selon qu’ils sont envisagés dans l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee.

De plus, madame Pachanos aimerait savoir si le gouvernement du Canada « a l’intention d’agir en ce qui a trait aux anciennes préoccupations et recommandations que la Commission lui a présentées. »20

3. PREMIÈRE NATION CRIE DE WASWANIPI

Le Chef John Kitchen et d’autres représentants de la Première nation de Waswanipi se sont présentés devant la Commission Crie-Naskapie le 6 février 2008, et ont soulevé les questions et inquiétudes suivantes : 

A.     Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) et autonomie
        gouvernementale

Le Conseil de la Première nation crie de Waswanipi juge que la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) est « une personnification non déguisée du pouvoir fédéral sur la Nation crie… une simple reproduction de l’ancienne Loi sur les Indiens, une méthode utilisée par le gouvernement fédéral pour contrôler sévèrement les limites de notre gouvernance. »21

Toutefois, le Conseil de la Première nation crie de Waswanipi a aussi commenté sur la nécessité d’amender la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) et a présenté des suggestions au sujet de ces modifications pour les dossiers suivants :

  a)   exigence du référendum pour les emprunts à long terme;
  b)   exigence du référendum pour l’exemption de la saisie;
  c)   exigence du référendum pour le droit de superficie non résidentielle; et
  d)   des questions touchant l’étique.

Le Chef Kitchen explique que les exigences touchant le référendum ou le quorum contenues dans la Loi en ce qui a trait au processus décisionnel par les électeurs de la bande sur des questions touchant les règlements administratifs pour les emprunts à long terme, la renonciation à l’exemption de la saisie et d’accorder le droit de superficie non résidentielle sont devenus coûteux et sont des obstacles sérieux au processus décisionnel du gouvernement local.

A. (i) Exigence d’un référendum pour les emprunts à long terme

En vertu de l’article 97 (2) de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec), « les règlements administratifs autorisant des emprunts à long terme doivent être approuvés en assemblée extraordinaire ou par référendum, avec un taux de participation au vote d’au moins vingt pour cent. »22

Selon le Conseil de la Première nation crie de Waswanipi, l’exigence des vingt pourcent en vertu de cet article de la Loi est déraisonnable, difficile à atteindre et coûteuse au niveau du temps, entraînant des conséquences onéreuses.

Préoccupations et problèmes de la Nation (Crie) Eeyou et Naskapie de Kawawachikamach              127
 

Donc, le Conseil de la Première nation crie de Waswanipi exhorte la Commission à recommander des amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) qui serviront :

  a)   soit à abaisser le pourcentage requis (à 10 %) des électeurs votant pour l’approbation d’un règlement administratif autorisant un emprunt à long terme;
  b)   soit à adopter une procédure semblable au processus utilisé dans les municipalités du Québec qui exigent qu’un nombre suffisant d’électeurs signent un registre afin de ternir un référendum sur l’approbation d’un règlement administratif au sujet d’un emprunt à long terme.23

A. (ii) Exigence d’un référendum pour la renonciation à l’exemption de saisie

Le Conseil de la Première nation crie de Waswanipi ne s’oppose pas au principe de base ayant trait à la renonciation à l’exemption de saisie de la propriété telle qu’elle est prévue dans l’article 190 de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec).

Toutefois, l’exemption de saisie d’une propriété de la bande devient problématique dans le cadre d’un règlement administratif d’emprunt à court terme ou à long terme. Les institutions financières s’attendent à des renonciations à l’exemption de saisie pour certaines propriétés de la bande pour des emprunts à court terme ou à long terme par la bande. La renonciation à cette exemption précise doit être approuvée par les électeurs de la bande au cours d’une réunion spéciale de la bande ou d’un référendum à laquelle ou auquel au moins vingt-cinq pourcent des électeurs exercent leur droit de vote sur la question.24

Cette exigence précise et difficile à réaliser à l’effet qu’au moins vingt-cinq pourcent des électeurs exercent leur droit de vote pour approuver la renonciation à l’exemption de saisies des propriétés de la bande cause préjudice au développement économique et communautaire de Waswanipi.

Le Conseil de la Première nation crie de Waswanipi suggère donc que la Commission recommande des amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) « d’une façon telle qu’elle préserve le principe général entourant l’exemption de la saisie lorsqu’elle s’applique à des individus, mais qu’elle relâche les restrictions concernant la renonciation de l’immunité lorsque le Conseil le demande pour un règlement administratif sur les emprunts, lorsqu’une telle renonciation est attendue par une agence de prêts dans certaines catégories de situations impliquant le financement de maisons mobiles et autres biens meubles. »25

128               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

Le Conseil recommande « qu’un référendum sur la renonciation à l’exemption de saisie pour les questions touchant les règlements administratifs sur les emprunts – dans le but de financer des maisons mobiles et autres biens meubles à la suite d’une demande à cet effet par l’établissement de crédit – ne devrait pas impliquer plus de quinze pourcent des électeurs. »26

A. (iii) Exigence d’un référendum au sujet du droit de superficie

En vertu de l’article 132 (1), (2) et (3) de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec), une bande peut accorder, en ce qui a trait à ses terres de catégorie IA, un bail, un usufruit, une servitude, une superficie ou tout autre droit d’utilisation ou d’occupation pour une durée ne dépassant pas soixante-quinze ans. Toutefois, un « accord pour une durée de dix ans ou plus à des fins non résidentielles n’a pas d’effet à moins qu’il soit approuvé par les électeurs de la bande au cours d’une réunion spéciale de la bande ou d’un référendum à laquelle ou auquel :

  a)   Au moins dix pourcent des électeurs de la bande ont voté sur la question, dans le cas d’un accord de moins de vingt-cinq ans; ou
  b)   Au moins vingt-cinq pourcent des électeurs de la bande ont voté sur la question, dans le cas d’un accord de vingt-cinq ans ou plus. »27

Le Conseil de la Première nation crie de Waswanipi trouve que cette dernière exigence (au moins vingt-cinq pourcent des électeurs de la bande doivent voter sur la question, dans le cas d’un accord d’une durée de vingt-cinq ans ou plus) est déraisonnable.

Le Conseil est d’avis qu’une exigence précisant qu’au moins quinze pourcent des électeurs de la bande votent sur la question, dans le cas de l’octroi d’une durée de vingt-cinq ans ou plus, serait plus raisonnable et gérable.

A. (iv) Éthique

Selon le Conseil de la Première nation crie de Waswanipi, les modalités et dispositions actuelles de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) sont insuffisantes ou ont des lacunes touchant les questions d’éthique pendant les réunions du Conseil, sur la conduite des représentants élus et au cours des élections de bande.

Selon le Chef Kitchen, le Conseil a adopté un règlement administratif au sujet de l’adjudication de contrats publics.28

Néanmoins, le Conseil incite la Commission à « repenser à la question de l’éthique en ce qui a trait (au comportement) des représentants élus, à l’adjudication des marchés publics ainsi qu’aux pratiques électorales. Un examen complet de la Loi … est nécessaire pour aborder la déontologie et le comportement éthique. »29

B.     Logement

Joey Blacksmith, Chef des Jeunes de Waswanipi et membre du Conseil de la Première nation crie de Waswanipi, a parlé de la pénurie de logement et du surpeuplement dans les maisons de la communauté.

C.     Éducation

Joey Blacksmith a aussi présenté les problèmes ayant trait à l’accès aux programmes et au financement pour les études postsecondaires de la Commission scolaire crie. Plus particulièrement, monsieur Blacksmith explique des refus à un tel accès par la Commission scolaire crie lorsque les membres habitent dans le sud (vraisemblablement à l’extérieur de l’application territoriale de la CBJNQ).

Préoccupations et problèmes de la Nation (Crie) Eeyou et Naskapie de Kawawachikamach              129
 

4. NATION CRIE D'EASTMAIN

Le 27 février 2008, Daniel-Mark Stewart et Johnny Tomatuk, tous les deux membres du Conseil de la Nation crie d’Eastmain se sont adressés à la Commission Crie-Naskapie et ont soulevé les questions et préoccupations suivantes :

A.     Histoire des Cris

Daniel-Mark Stewart a parlé de la nécessité de faire rédiger l’histoire des Cris et de l’enseigner aux générations actuelles et à venir de peuples eeyous. Il a précisé qu’il était nécessaire et qu’il est encore nécessaire de mieux connaître l’histoire des Cris avant et après la Convention de la Baie James et du Nord québécois. M. Stewart désirait aussi obtenir plus de renseignements sur le rôle et le travail de la Commission Crie-Naskapie.

B.     Changements climatiques

De plus, Daniel-Mark Stewart a parlé des changements climatiques à Eeyou Istchee (et ailleurs dans le monde) et de leurs impacts sur l’environnement et le mode de vie des chasseurs et trappeurs eeyous. Monsieur Stewart a précisé que le Canada et le Québec devraient fournir les ressources appropriées pour s’attaquer à cette question importante.

5. NATION CRIE DE WASHAW SIBI

Le 7 février 2008, le Chef Billy Katapatuk; le représentant des jeunes, Billy Katapatuk; et George Mowatt se sont adressés à la Commission Crie-Naskapie et ont parlé des questions et préoccupations suivantes :

A.    Réinstallation des Eeyous de Washaw Sibi et obligations du Canada

Le Chef Billy Katapatuk a parlé de la réinstallation « forcée » des Eeyous de Washaw Sibi de leurs terres traditionnelles et de l’injustice ainsi produite les forçant à vivre ailleurs dans une situation minoritaire où ils sont les derniers à recevoir des avantages. De plus les Eeyous de Washaw Sibi, dans leur situation actuelle, risquent de perdre leur langue et leur culture. En outre, ils n’ont ni les pleins avantages de l’adhésion à la Première nation d’Abitibiwinni, ni la gamme complète d’avantages à laquelle ont droit les bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. En ce qui a trait aux Eeyous de Washaw Sibi, le gouvernement du Canada n’a pas, jusqu’à maintenant, assumé ses obligations de protéger les intérêts et le bien-être des Eeyous de Washaw Sibi Eeyou.30

B. Les Eeyous de Washaw Sibi et la Convention de la Baie James et du Nord québécois

Les Eeyous de Washaw Sibi Eeyou sont d’avis que le règlement de leur situation actuelle est une question fondamentale pour la mise en oeuvre complète et adéquate de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. La base de la question est que les Eeyous de Washaw Sibi Eeyou sont bénéficiaires de la CBJNQ mais ne reçoivent pas, à l’heure actuelle, plusieurs avantages importants de l’Entente. Ils sont d’avis que l’établissement d’un nouveau village pour les Eeyous de Washaw Sibi est une question fondamentale de la mise en oeuvre.

130               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

C. Les Eeyous de Washaw Sibi Eeyou et l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee

En ce qui a trait aux Eeyous de Washaw Sibi, l’alinéa 5.4 du chapitre 5 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee précise ce qui suit :

« Les bénéficiaires cris de la CBJNQ qui se sont identifiés comme les Washaw Sibi Eeyou, dont certains résident maintenant à Pikogan ou dans les environs, ont exprimé le désir d’être reconnus comme une bande crie distincte. Les Parties conviennent que cette question est entièrement réglée, en ce qui concerne les relations entre elles, par ce qui suit. Immédiatement après l’entrée en vigueur de la présente Entente, l’ARC s’engage à lancer des discussions exploratoires avec les Washaw Sibi Eeyou afin de déterminer les options possibles pour les Washaw Sibi Eeyou. L’ARC, et subséquemment le Gouvernement de la Nation crie, est responsable des coûts relatifs à la mise en oeuvre d’une option convenue par l’ARC et les Washaw Sibi Eeyou. Si l’ARC et les Washaw Sibi Eeyou décident d’aller de l’avant avec des négociations concernant la reconnaissance des Washaw Sibi Eeyou à titre de bande crie distincte, le Canada et le Québec seront invités à participer, sous réserve de l’article 2.8 de la présente Entente. »31

Le Chef Billy Katapatuk a exprimé l’espoir et la confiance que les aspirations et buts des Eeyous de Washaw Sibi seront réalisés par l’entremise de la nouvelle Entente Canada-Cris.

Avec la Nation crie ou le gouvernement de la Nation crie, les Eeyous de Washaw Sibi espèrent établir leur nouveau village et « ont hâte de recevoir l’éventail complet des pouvoirs, droits, services et avantages qui sont disponibles aux autres Nations cries, découlant de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et des législations et ententes subséquentes. »

Toutefois, même avec le transfert des responsabilités du gouvernement fédéral à l’Autorité régionale crie ou au gouvernement de la Nation crie subséquent en vertu de la nouvelle Entente Canada-Cris, les Eeyous de Washaw Sibi sont d’avis que le gouvernement du Canada a encore des fonctions et responsabilités importantes pour le développement des Eeyous de Washaw Sibi et l’incorporation des Eeyous de Washaw Sibi Eeyou dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec).


Préoccupations et problèmes de la Nation (Crie) Eeyou et Naskapie de Kawawachikamach              131
 

NATION NASKAPIE DE KAWAWACHIKAMACH

Dans son texte de présentation en date du 11 avril 2008, la Nation crie de Kawawachikamach soulève les questions et préoccupations suivantes :

A. Autonomie gouvernementale régionale

La Nation naskapie de Kawawachikamach résume son expérience et ses efforts en vue de protéger ses droits et intérêts dans le cadre des négociations avec le Québec, le Canada et la Corporation Makivik en relation avec les aspirations d’autonomie gouvernementale des Inuits du Nunavik. La Nation naskapie soulève les questions et préoccupations principales suivantes :

  a)   La juridiction territoriale faisant l’objet de négociations pour le gouvernement proposé du Nunavik comprend les territoires historiques et traditionnels de la Nation naskapie de Kawawachikamach. Ce territoire englobe aussi le secteur naskapi tel qu’il est défini dans l’alinéa 15.12.2 de la Convention du Nord-Est québécois et la région naskapie de premier intérêt définie dans l’alinéa 24.13.3A de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. (La Nation naskapie a toujours été d’avis que tous les nouveaux pouvoirs du gouvernement proposé du Nunavik devraient s’étendre seulement sur les terres traditionnelles inuites.33 En temps voulu, la Nation naskapie « a présenté une position à l’effet qu’aucun nouveau pouvoir ayant trait à des questions précises et s’appliquant dans le secteur naskapi ne devrait être accordé au gouvernement dominé par les Inuits sans le consentement préalable des Naskapis. »34)
  b)   Jusqu’à maintenant, la Nation naskapie de Kawawachikamach a été exclue des négociations actuelles entre le Québec, le Canada et la Corporation Makivik Corporation en relation avec les aspirations d’autonomie gouvernementale des Inuits du Nunavik.
  c)   Jusqu’à maintenant, le gouvernement du Canada, n’a pas vu à protéger les droits et les intérêts de la Nation naskapie de Kawawachikamach.

Le 5 décembre 2007, le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et la Corporation Makivik ont signé l’Entente de principe sur la création du gouvernement régional du Nunavik.

Le 25 février 2008, la Corporation Makivik, le Canada, le Québec et la Nation naskapie ont accepté d’activer le Comité conjoint de travail prévu à l’alinéa 6.5.8 de l’Entente de principe du 5 décembre 2007.

B. Logement

Le logement a toujours été et continue d’être un problème majeur pour la Nation naskapie. La Nation naskapie a profité de la Nouvelle initiative de trois ans en matière de logement du gouvernement du Canada, qui s’est terminée le 31 mars 2007. À l’heure actuelle, le sort de cette initiative est inconnu et les efforts de la part des Naskapis pour déterminer les intentions du Canada en ce qui a trait aux niveaux de financement pour la construction d’habitations n’ont pas donné de résultats.

  NOTES DE LA FIN
  1   Présentation du Grand Chef Matthew Mukash à la Commission Crie-Naskapie - avril 2008, p. 1 et 2.
  2   Ibid., p. 2 et 3.
  3   Ibid., p. 7 et 8.
  4   Ibid., p. 9.
132               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

  5.   Ibid., p. 10.
  6.   Ibid., p. 10 et 11.
  7.   Ibid., p. 11.
  8.   Ibid., p. 11 et 13.
  9.   Ébauche finale –Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee - Consolidation de l’entente provisoire finale initiée par Raymond Chrétien, le négociateur en chef du fédéral et Bill Namagoose, le négociateur cri en chef, le 23 février 2007 avec les changements convenus dans les lettres signées par Raymond Chrétien et Bill Namagoose, datées du 16 avril 2007 et du 11 juin 2007. Date de consolidation : 10 juillet 2007, p. 25. 
  10.   Présentation du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) à la Commission Crie-Naskapie, datée d’avril 2008, p. 13. 
  11.   Ébauche finale – Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee - Consolidation de l’entente provisoire finale initiée par Raymond Chrétien, le négociateur en chef du fédéral et Bill Namagoose, le négociateur cri en chef, le 23 février 2007 avec les changements convenus dans les lettres signées par Raymond Chrétien et Bill Namagoose, datées du 16 avril 2007 et du 11 juin 2007. Date de consolidation : 10 juillet 2007, p. 40 et 41. 
  12.   Présentation du Grand Chef Matthew Mukash à la Commission Crie-Naskapie - avril 2008, p. 14. 
  13.   Ibid., p. 16.
  14.   Ibid., p. 18.
  15.   Transcriptions des Audiences spéciales de la Commission Crie-Naskapie sur la mise en oeuvre, 5 février 2008, Montréal, (Québec), Nation crie de Chisasibi, p. 56. 
  16.   Présentation à la Commission Crie-Naskapie – 5 février 2008, p. 1.
  17.   Ibid., p.2.
  18.   Ébauche finale –Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee - Consolidation de l’entente provisoire finale initiée par Raymond Chrétien, le négociateur en chef du fédéral et Bill Namagoose, le négociateur cri en chef, le 23 février 2007 avec les changements convenus dans les lettres signées par Raymond Chrétien et Bill Namagoose, datées du 16 avril 2007 et du 11 juin 2007. Date de consolidation : 10 juillet 2007, p. 35. 
  19.   Présentation à la Commission Crie-Naskapie – 5 février 2008, p. 2.
  20.   Transcriptions des Audiences spéciales de la Commission Crie-Naskapie sur la mise en oeuvre, 5 février 2008, Montréal, (Québec), Nation crie de Chisasibi, p. 64 et 65. 
  21.   Soumission du Conseil de Waswanipi présentée à la Commission Crie-Naskapie – février 2008, p. 2. 
  22.   Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec), article 97 (2).
  23.   Soumission du Conseil de Waswanipi présentée à la Commission Crie-Naskapie – février 2008, p. 6.
  24.   Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec), article 193 (3).
  25.   Soumission du Conseil de Waswanipi présentée à la Commission Crie-Naskapie – février 2008, p. 7.
  26.   Ibid.
  27.   Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec), article 132 (3) (a) et (b).
  28.   Transcriptions des Audiences spéciales de la Commission Crie-Naskapie sur la mise en oeuvre, 5 février 2008, Montréal, (Québec), Nation crie de Waswanipi, p. 147. 
  29.   Soumission du Conseil de Waswanipi présentée à la Commission Crie-Naskapie – février 2008, p. 10.
  30.   Présentation de la Nation crie de Washaw Sibi à une Audience de la Commission Crie-Naskapie, Montréal – 7 février 2008, p. 1. 
  31.   Ébauche finale – Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee - Consolidation de l’entente provisoire finale initiée par Raymond Chrétien, le négociateur en chef du fédéral et Bill Namagoose, le négociateur cri en chef, le 23 février 2007 avec les changements convenus dans les lettres signées par Raymond Chrétien et Bill Namagoose, datées du 16 avril 2007 et du 11 juin 2007. Date de consolidation : 10 juillet 2007, p. 35. 
  32.   Présentation de la Nation crie de Washaw Sibi à une Audience de la Commission Crie-Naskapie, Montréal – 7 février 2008, p. 3. 
  33.   Présentation au Comité permanent sur les Affaires autochtones et le Développement du Nord – 11 décembre 2007, par la Nation naskapie de Kawawachikamach sur l’autonomie gouvernementale des Inuits. 
  34.   Exposé présenté à la Commission Crie-Naskapie –pour appuyer le Rapport semestriel 2008 au Parlement – par la Nation naskapie de Kawawachikamach – 11 avril 2008, p. 1. 
Préoccupations et problèmes de la Nation (Crie) Eeyou et Naskapie de Kawawachikamach              133
 

Chapitre 6 :
Rôle et importance de l’Association des trappeurs cris

INTRODUCTION

Le paragraphe 28.5 de l’article 28 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois décrit l’Association des trappeurs cris de la façon suivante :

« 28.5 Association crie des trappeurs

28.5.1 Dans le plus bref délai possible après la signature de la Convention, des études de faisabilité relatives à la création d’une association crie de trappeurs sont entreprises conjointement par le Canada, le Québec et l’Administration régionale crie.

28.5.2 Les parties mentionnées à l’alinéa 28.5.1 étudient la possibilité de créer un Comité conjoint de fondation au sein duquel sont représentées les communautés cries afin d’aider et de participer aux études de faisabilité.

28.5.3 Les études de faisabilité impliquent la consultation de trappeurs cris ou de groupes de trappeurs cris dans chaque communauté.

28.5.4 Dans la mesure du possible, les études de faisabilité doivent être terminées le premier juillet 1976.

28.5.5 Les études de faisabilité concernant l’Association crie de trappeurs doivent formuler des recommandations pertinentes après avoir étudié les questions suivantes :

  a)   un programme de développement des terrains de trappage, y compris des mesures relatives aux camps, aux communications et aux services de transport :
  b)   l’amélioration des possibilités de trappage y compris des mesures destinées à accroître la disponibilité et les sources de financement relatives au transport, à l’équipement et aux fournitures;
  c)   la commercialisation des fourrures et la publicité destinées d’accroître les revenus des trappeurs, y compris des services pour la collecte des fourrures;
  d)   l’amélioration de la productivité biologique, y compris l’amélioration de l’habitat, le rétablissement des espèces et les relevés de la faune;
134               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

  e)   des programmes de formation des trappeurs, des cours de classement des fourrures, de commercialisation et de gestion des dépôts de fourrure; 
  f)   le transfert à l’Association de services et de programmes gouvernementaux appropriés ayant trait au trappage; 
  g)   le développement éventuel d’autres secteurs de l’industrie des fourrures; 
  h)   la gestion et l’administration des programmes;
  i)   les installations nécessaires au fonctionnement de l’Association;
  j)   les objets, le financement et l’administration de l’Association des trappeurs cris, y compris, entre autres choses, la participation respective du Canada, du Québec et des Administrations cries au financement de l’Association. 

28.5.6 Sous réserve des conclusions des études de faisabilité et dans l’éventualité de la création de l’Association des trappeurs cris, le Canada, le Québec et l’Administration régionale crie contribuent, dans une proportion convenue conjointement et dans la mesure du possible, au financement de l’Association en ce qui a trait à ses objets, y compris :

  a)   Les programmes qui seront mis en oeuvre par l’Association des trappeurs cris;
  b)   L’investissement de capitaux en vue de la construction d’installations dans chaque communauté crie ainsi que d’installations centrales, au besoin, de même que pour des fonds servant à des prêts.
  c)   Les coûts reliés aux activités de l’Association. »1

Les études de faisabilité ont conclu que l’Association des trappeurs cris devrait être établie.

En conséquence, en vertu de la Loi sur les corporations canadiennes, l’Association des trappeurs cris a été incorporée par lettres patentes datées du 10 mars 1978.

En vertu desdites lettres patentes, les objets de l’Association des trappeurs cris sont les suivants :

  a)   Représenter et agir pour le compte des trappeurs cris du Québec en ce qui a trait aux problèmes survenant dans tous les secteurs de l’industrie de la fourrure au Canada et de protéger et de défendre leurs intérêts dans ces dossiers;

Rôle et importance de l’Association des trappeurs cris              135
 

  b)   Encourager la conservation des animaux à fourrure comme ressource renouvelable et encourager et promouvoir les méthodes humaines de récolte;
  c)   Promouvoir la vente et aider la collecte méthodique et la commercialisation des fourrures sauvages par ses membres dans tous les marchés du monde; 
  d)   Agir comme groupe, association ou conseil régional pour régler et aider à régler tous les problèmes affectant le bien-être des trappeurs cris du Québec; 
  e)   Aider les trappeurs du Québec par tous les moyens permis par la loi pour affirmer, exercer, protéger, étendre et assurer que leurs droits, leurs garanties, leurs revendications et leurs intérêts soient reconnus et acceptés; 
  f)   Favoriser, promouvoir, protéger et aider à préserver le mode de vie, les valeurs, les activités et les traditions des trappeurs cris du Québec et sauvegarder le système des territoires de trappage cris; 
  g)   Fournir des conseils sur les méthodes et moyens d’obtenir et d’aider à obtenir les profits et avantages les plus importants possibles pour les trappeurs cris du Québec; 
  h)   Protéger et promouvoir les droits, garanties, revendications et intérêts des trappeurs cris du Québec en ce qui a trait aux effets du développement et étudier, organiser et mettre en oeuvre des travaux et mesures de redressement, ainsi que des mesures relatives à la protection et à l’amélioration des espèces sauvages; 
  i)   Discuter et traiter avec tous les gouvernements, les autorités publiques et les autres agences, avec toutes les corporations et personnes en relation avec les droits, garanties, revendications et intérêts des trappeurs cris du Québec et, plus particulièrement en ce qui a trait au développement et à l’amélioration du traitement, de la gestion et le marketing des fourrures, et le transfert à l’Association des services et programmes appropriés du gouvernement en ce qui a trait au trappage; 
  j)   Poursuivre la recherche et fournir ou faire les arrangements pour la prestation de programmes de formation et d’aide technique, professionnelle, éducative et autre pour améliorer le bien-être des trappeurs cris du Québec; 
  k)   Fournir, administrer et gérer les services et programmes régionaux ayant trait au développement des territoires de trappage, aux communications, aux camps, au transport, à l’approvisionnement, à tous les aspects du traitement, de la gestion et du marketing des fourrures, à la construction et à l’entretien d’installations physiques et à toutes les autres activités qui peuvent toucher les trappeurs cris du Québec ou leur profiter; 
  l)   Agir comme intermédiaire pour obtenir, gérer, conserver, administrer, investir, distribuer et placer les fonds des trappeurs cris du Québec ou les utiliser pour le profit des trappeurs cris du Québec; 
  m)   Travailler avec d’autres associations de trappeurs et d’autres organisations autochtones pour atteindre les aspirations, poursuites et buts communs; 
  n)   Faire toutes les autres choses nécessaires, secondaires ou propices à l’atteinte des objets cités plus haut. 

Le Canada, le Québec et l’Administration régionale crie, se sont entendus sur une portion convenue conjointement et ont fourni le financement à l’Association des trappeurs cris pour réaliser ses objets.

Le 5 février 2008, monsieur Isaac Masty, président de l’Association des trappeurs cris et monsieur Thomas Coon, vice-président de l’Association des trappeurs cris ont fait une présentation devant la Commission Crie-Naskapie lors de ses Audiences spéciales sur la mise en oeuvre.

En résumé, monsieur Masty a communiqué les préoccupations et questions suivantes au sujet de l’Association des trappeurs cris (ATC) :

136               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 
  a)   la survie de l’ATC;
  b)   le rôle changeant de l’ATC;
  c)   l’importance continue de l’économie de la chasse crie; et
  d)   l’ATC et les récentes ententes concernant les nouvelles relations.

ÉVOLUTION DE L'IMPORTANCE ET DU RÔLE DE L'ASSOCIATION DES TRAPPEURS CRIS

D’une façon semblable aux rôles des associations de trappeurs des années 1970, l’Association des trappeurs cris a été conçue à l’origine pour premièrement protéger et promouvoir le trappage et ses activités connexes à titre d’activité économique pour les trappeurs cris.

L’Association des trappeurs cris fonctionne depuis trente (30) ans, depuis son incorporation..

Il y a trente (30) ans, le trappage était une activité importante et essentielle de l’économie et de la culture de la société crie.

Toutefois, le paysage politique, économique et social des Eeyou Istchee a changé dramatiquement au cours des dernières trente (30) années surtout en conséquence des activités de développement dans le Nord.2

Néanmoins, le trappage est encore une source importante de revenu pour les trappeurs cris. De plus, le trappage continue de constituer une composante essentielle de la culture crie et de la vie crie.

Cependant, il est impossible de séparer le trappage et ses activités connexes de l’existence, de l’exercice et de la poursuite du mode de vie traditionnel cri.

Comme composante principale de la culture et de la société crie, le mode de vie traditionnel cri est basé sur les activités et principes fondamentaux suivants :

  1.   Exercice, pratique et poursuite de la chasse, de la pêche et du trappage et des activités connexes;
  2.   Entretien et continuation d’une relation étroite et d’un lien serré avec les Eeyou Istchee et les Nituuhuuschii (territoires de chasse traditionnels);
  3.   Respect de la « Iiyiyiu Wiishuwaawin » (loi traditonnelle crie), et de la « Iiyiyiu Tipaayihchichaawin » (gouvernance et autorité cries); et
  4.   Respect de la « Iiyiyiu Iyihtiwin » (façon crie de faire les choses) qui englobe l’ensemble complexe des croyances, valeurs, principes, pratiques, institutions, attitudes, coutumes, traditions, connaissances et de la moralité.

Dans la langue crie, le terme « Indoho-suu » est utilisé pour définir et identifier la personne crie qui continue l’exercice et la poursuite du mode de vie traditionnel cri de la façon décrite plus haut.

En conséquence, l’expression « Indoho-suu » représente beaucoup plus qu’un trappeur ou un chasseur occasionnel. De plus, le terme « Indoho-suu » est utilisé pour faire référence à l’Association des trappeurs cris étant donné que l’ATC est perçue comme organe ou groupe « Indoho-suu » par les peuples cris. 3 Les personnes « Indoho-suu » de la société crie assistent aux rassemblements, réunions ou assemblées de l’ATC. Les programmes et les services de l’ATC aident et profitent surtout aux membres « Indoho-suu » de la société crie.

Donc, en pratique, l’Association des trappeurs cris est en réalité, une organisation qui protège les droits et les intérêts des « Indoho-suu » et qui promeut le bien-être des « Indoho-suu » de la société crie. Il s’agit d’un rôle essentiel et d’une nécessité pour la conservation et la perpétuation de la culture crie et du mode de vie traditionnel cri.

En outre, entre autres dispositions, la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) prévoit la reconnaissance, les garanties et la protection des droits permettant aux Cris de poursuivre

Rôle et importance de l’Association des trappeurs cris              137
 

le mode de vie traditionnel. Donc, un des principaux objets de la CBJNQ visait à conserver, renforcer et assurer la perpétuation du mode de vie traditionnel cri. À cette fin, la CBJNQ prévoit ce qui suit :

  a)   Le régime de chasse, de pêche et de trappage, établi par et conformément à l’article 24 de la CBJNQ est une pierre angulaire du traité des jours modernes de 1975. Ce régime prescrit les droits et les garanties pour les Cris de chasser, de pêcher et de piéger ainsi que de participer à la gestion des espèces sauvages. 
  b)   Le régime de protection sociale et environnementale, établi par et conformément à l’article 22 de la CBJNQ, protège les droits et les garanties des peuples cris établis par et conformément à l’article 24 de la CBJNQ. 
  c)   L’article 30 de la CBJNQ établit un programme de sécurité du revenu qui fournit une garantie de revenu et des avantages ainsi que d’autres incitatifs pour les peuples cris qui désirent poursuivre le mode de vie traditionnel cri. 
  d)   L’article 5 de la CBJNQ établit le régime des terres applicable dans le territoire et fournit un territoire propre aux Indiens pour les Cris. 
  e)   Le paragraphe 28.5 de l’article 28 de la CBJNQ envisage l’établissement de l’Association des trappeurs cris. 

En conséquence, l’établissement et la continuation de l’Association des trappeurs cris constituent un moyen important de la mise en oeuvre de la CBJNQ pour assurer la conservation et la perpétuation du mode de vie traditionnel cri.

Les Cris d’Eeyou Istchee dépendent encore de leurs territoires de chasse, de la faune sauvage et des ressources naturelles qui leur accordent leur bien-être spirituel et physique dans la poursuite de

138               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

leur mode de vie traditionnel. « Pour de nombreuses raisons, l’implication continue des Cris dans la chasse et les activités sociales qui accompagnent la chasse est perçue comme aspect important de la santé continuelle des peuples cris. » 4 En conséquence, le mode de vie traditionnel cri est aussi important et essentiel aujourd’hui qu’il l’était, il y a trente ans.

« L’ATC juge qu’elle a un rôle essentiel à jouer pour appuyer les valeurs des chasseurs cris et de leurs familles et pour maintenir leurs liens étroits avec la terre » 5 – Eeyou Istchee qui est essentiel et central au « miyupimaatisiiwin » – ou au bien-être holistique de l’individu et qui forme la base de la gouvernance, de la culture, de l’identité, de l’histoire, de la spiritualité et du mode de vie traditionnel des Cris.

Au fil des ans, l’Association des trappeurs cris, en représentant les « Indoho-suu » de la société crie, assume en vérité, un rôle fondamental et exerce une fonction essentielle en vue de la conservation et de la perpétuation de la culture crie et du mode de vie traditionnel cri.

Selon monsieur Masty, l’Association des trappeurs cris est « engagée à un long combat pour obtenir une reconnaissance claire du rôle que les chasseurs cris désirent qu’elle joue. » 6 En outre, le président de l’ATC précise que l’ATC « conserve encore son rôle de base en regard du trappage commercial et de la commercialisation des fourrures, mais ceci fait réellement partie de l’histoire. L’ATC se bat aussi pour fournir une grande variété d’autres services pour soutenir l’économie de chasse des Cris. Je dis « se bat » parce qu’il lui manque plusieurs ressources dont elle a besoin pour faire ce travail efficacement. » 7

L’ASSOCIATION DES TRAPPEURS CRIS ET LES ENTENTES CONCERNANT LA NOUVELLE RELATION

En vertu de l’article 28.5.6 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, le Canada, le Québec et l’Administration régionale crie, dans une proportion conjointement convenue, aident l’Association des trappeurs cris, dans la mesure du possible, avec un financement pour réaliser ses objets. Toutefois, les parties ont concentré ce financement pour appuyer les activités de l’ATC relatives à l’industrie commerciale du trappage. Ce point de vue limité du rôle réel de l’ATC cause préjudice à la réception de fonds pour soutenir et aider les « Indoho-suu » de la société crie.

En conséquence, l’ATC se retrouve « prise dans un cycle annuel en vue de tenter d’obtenir et de défendre les affectations budgétaires qui rend très difficile… de planifier à l’avance et plus particulièrement de s’attaquer aux problèmes qui exigent du travail sur une période de plusieurs années, sinon plus. C’est une situation qui rend aussi très difficile la planification d’une saison à l’autre et la capacité de répondre aux besoins exprimés par nos leaders politiques. »8

L’ATC croit qu’une révision exhaustive de la base financière de ses opérations devrait être effectuée et que cet examen devrait refléter un point de vue constructif du mandat et du rôle de l’ATC pour soutenir et aider les « Indoho-suu » de la société crie.

En vertu de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec, pour une période de 50 ans débutant le 1er avril 2002, les Cris prennent en main les obligations du Québec, d’Hydro-Québec et de la Société d’énergie de la Baie James concernant le développement économique et communautaire en vertu des dispositions de la CBJNQ.

L’appropriation par les Cris de ces obligations est faite moyennant les engagements de financement du Québec en vertu du chapitre 7 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec.

Rôle et importance de l’Association des trappeurs cris             139
 

En conséquence, pour une période de 50 ans, à compter du 1er avril 2002, le Québec versera aux Cris ou au bénéficiaire du financement une somme annuelle permettant aux Cris de prendre en main les obligations du Québec, d’Hydro-Québec et de la Société d’énergie de la Baie James en vertu de certaines dispositions de la CBJNQ, notamment le développement économique et communautaire.

Conformément aux articles 6.2 et 6.3 du chapitre 6 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec, les Cris prennent en main les obligations du Québec pour l’Association des trappeurs cris.

En outre, conformément à l’article 4.1 du chapitre 4 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee, pour la durée de vingt ans de la présente Entente, l’Administration régionale crie, et par la suite, le gouvernement de la Nation crie, assumera les responsabilités du Canada, appropriées par la Nation crie et les Cris en vertu des dispositions de la CBJNQ, exposées à l’article 4.3 de la présente Entente.

En vertu de l’article 4.3 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee, l’Administration régionale crie, et par la suite, le gouvernement de la Nation crie, prend en main la portion fédérale des coûts en immobilisations, du fonctionnement et de l’entretien (y compris les assurances) et des programmes et services, en ce qu’ils sont applicables, pour la durée de la présente Entente, en ce qui a trait, entre autres éléments et dispositions de la CBJNQ, au paragraphe 28.5 concernant l’Association des trappeurs cris.

Toutefois, les appropriations à l’égard des dispositions de la CBJNQ au sujet de l’Association des trappeurs cris, de l’Association crie de pourvoirie et de tourisme (ACPT) et de l’Association crie d’artisanat autochtone (ACAA) sont basées sur les prémisses du financement annuel continu du Canada pour lesdites associations pour la durée de la présente Entente.

En conséquence, l’Association des trappeurs cris doit obtenir son financement de l’Administration régionale crie et par la suite, du gouvernement de la Nation crie.

140               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

  NOTES DE LA FIN
  1   Convention de la Baie James et du Nord québécois - p. 419 – Les Publications du Québec – édition 1991.
  2   Association des trappeurs cris – Présentation à la Commission Crie-Naskapie – Isaac Masty, Président – 5 février 2008, p. 2.
  3   Ibid., p. 3.
  4   Ibid., p. 6.
  5   Ibid., p. 6.
  6   Ibid., p. 4.
  7   Ibid., p. 4.
  8   Ibid., p. 7.
Rôle et importance de l’Association des trappeurs cris             141
 

Chapître 7 :
Recommandations de la Commission
Crie-Naskapie

Version provisoire 8 juin 2008

Après un examen et une analyse des présentations, des soumissions et des commentaires des représentants des Cris, des Naskapis et des autorités fédérales et un examen de certains anciens rapports de la Commission, la Commission Crie-Naskapie présente les commentaires et recommandations ci-après : 

AMENDEMENTS À LA LOI SUR LES CRIS ET LES NASKAPIS (DU QUÉBEC)

Les représentants du gouvernement local des Cris et des Naskapis ont, à plusieurs reprises et obstinément, suggéré des amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) et au cours d’une période de plus de vingt (20) ans, la Commission a sans cesse répondu en présentant certaines recommandations dans ses anciens rapports exhortant une révision complète et détaillée de la Loi dans le but d’identifier et de déterminer les amendements adéquats à la Loi pour l’avancement et l’avantage du gouvernement local cri et naskapi. En effet, les administrations cries et naskapies ont demandé et se demandent encore quand le Canada agira, de façon appropriée, pour s’occuper de ces anciennes recommandations de la Commission.

1. Les administrations cries et naskapies et les représentants du gouvernement du Canada devraient établir un processus significatif pour un examen complet et détaillé de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) dans le but d’identifier et de déterminer les modifications adéquates à la Loi pour l’avancement et l’avantage du gouvernement local cri et naskapi.

2. Dans un délai de dix-huit (18) mois, les administrations cries et naskapies et les représentants du gouvernement du Canada devraient déterminer, à titre de priorité, les amendements adéquats et suggérés aux articles de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) qui ont nui le plus au processus décisionnel du gouvernement local cri et naskapi et à son bon fonctionnement. (Certains de ces préjudices qui devraient être réglés de façon prioritaire sont identifiés et discutés dans le présent rapport de la Commission.)

142               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

Élections de la bande locale

La décision dans l’affaire Corbiere, prévoit que les Premières nations qui organisent des élections ou des référendums en vertu de la Loi sur les Indiens permettent à leurs membres qui habitent hors réserve d’exercer leur droit de vote. Si la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) permettent aux bénéficiaires, qui habitent hors des terres de catégorie 1A et de catégorie 1A-N, de voter, la Commission présente donc les recommandations suivantes :

3. Les gouvernements locaux cris et naskapis devraient réviser leurs règlements administratifs respectifs au sujet des élections de la bande pour assurer la conformité avec l’exigence découlant de la décision dans l’affaire Corbiere.

4. Les administrations cries et naskapies et les représentants du gouvernement du Canada devraient déterminer des arrangements de financement pour assurer le respect de l’exigence découlant de la décision dans l’affaire Corbiere.

Situation du corridor de la route

La situation du corridor actuel d’une distance de cinq cents (500) pieds de chaque côté de la route le long de la communauté de Chisasibi constitue un obstacle pour l’expansion de la communauté de Chisasibi.

5. Les administrations locales et régionales cries et les représentants du Canada et du Québec devraient examiner cette situation et déterminer des solutions adéquates qui permettraient l’expansion de la communauté de Chisasibi.

Chisasibi Block D

En ce qui a trait au bloc « D » de Chisasibi, l’alinéa 5.5 du chapitre 5 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee précise ce qui suit :

« Le Canada convient, en principe, d’accepter le transfert des terres connues sous le nom de Bloc « D » dans la Communauté de Chisasibi, sous réserve de certaines questions relatives à la restauration de ces terres. Ces questions sont actuellement traitées conjointement par La Nation crie de Chisasibi, le GCC(EI), l’ARC, le Québec et le Canada. Les Parties conviennent que le Canada ne sera pas responsable des coûts relatifs au transfert de terre du Bloc « D », sauf les coûts d’arpentage. »

6. Les « certaines questions relatives à la restauration de ces terres » devraient être réglées par les parties d’une façon opportune et efficiente afin que le transfert du bloc « D » puisse être effectué de la manière envisagée et convenue par la Nation crie de Chisasibi, le GCC(EI), l’ARC, le Québec et le Canada.

Logement

Le logement a toujours été un problème non réglé pour les communautés cries et naskapies. Certains problèmes touchant le logement ont trait aux éléments suivants :

  a)   la nécessité de remplacer les maisons en état de détérioration et malsaines;
  b)   le remboursement par le ministère des Affaires indiennes à la communauté de Chisasibi, pour l’utilisation des fonds de la collectivité de la CBJNQ et les ententes connexes pour
Recommandations de la Commission Crie-Naskapie             143
 

      financer ses projets et programmes en matière de logement;
  c)   la pénurie et le surpeuplement des maisons dans la communauté; et
  d)   les intentions du Canada en ce qui a trait aux niveaux de financement pour la construction des maisons en vertu des initiatives fédérales actuelles et nouvelles en matière de logement.

7. Les administrations cries et naskapies et les représentants du gouvernement du Canada devraient examiner la situation actuelle du logement des communautés cries et naskapies et régler les problèmes actuels et non réglés concernant le logement dans les communautés.

Maintien de l’ordre

Des améliorations sur l’application des règlements administratifs locaux sont nécessaires dans certaines communautés cries.

8. Les Administrations cries, le Canada et le Québec devraient établir une table de discussion sur les méthodes visant à améliorer le maintien de l’ordre dans les communautés.

9. Les administrations cries, le Canada et le Québec devraient discuter des arrangements de financement (en plus des arrangements déjà en place) comme la possibilité de percevoir des amendes par les administrations locales pour des infractions locales à la loi et transférer ces fonds aux gouvernements locaux pour les opérations locales de maintien de l’ordre.

Code de déontologie

Selon le Conseil de la Première nation Crie de Waswanipi, les modalités et dispositions actuelles de la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec) sont insuffisantes et omettent d’aborder des situations ayant trait à l’étique pour les réunions du conseil, la conduite des représentants élus et les élections de bande.

10. Le gouvernement local cri et naskapi adopte un règlement administratif au sujet du code de déontologie et la conduite professionnelle des représentants élus et administratifs pour leurs membres et communautés respectifs. (Cette recommandation est proposée aux gouvernements locaux cris et naskapis qui n’ont pas de tels règlements administratifs à l’heure actuelle.)

WASHAW SIBI EEYOU

Le Chef Billy Katapatuk a parlé de la situation passée et actuelle des Washaw Sibi Eeyou au sujet de leur réinstallation et de ses impacts conséquents à titre de bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de ses ententes connexes. À cause de leur situation particulière, les Washaw Sibi Eeyoune ne reçoivent pas à l’heure actuelle, plusieurs avantages importants des ententes.

En ce qui a trait aux Washaw Sibi Eeyou, l’alinéa 5.4 du chapitre 5 de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee précise ce qui suit :

« Les bénéficiaires cris de la CBJNQ qui se sont identifiés comme les Washaw Sibi Eeyou, dont certains résident maintenant à Pikogan ou dans les environs, ont exprimé le désir d’être reconnu comme une bande crie distincte. Les Parties conviennent que cette question est entièrement réglée, en ce qui concerne les relations entre elles, par ce qui suit. Immédiatement après l’entrée en vigueur de la présente Entente, l’ARC s’engage à lancer des discussions exploratoires avec les

144               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

Washaw Sibi Eeyou afin de déterminer les options possibles pour les Washaw Sibi Eeyou. L’ARC, et subséquemment le Gouvernement de la Nation crie, est responsable des coûts relatifs à la mise en oeuvre d’une option convenue par l’ARC et les Washaw Sibi Eeyou. Si l’ARC et les Washaw Sibi Eeyou décident d’aller de l’avant avec des négociations concernant la reconnaissance des Washaw Sibi Eeyou à titre de bande crie distincte, le Canada et le Québec seront invités à participer, sous réserve de l’article 2.8 de la présente Entente. » 

11. L’Administration régionale crie devrait immédiatement « amorcer des discussions exploratoires avec les Washaw Sibi Eeyou afin d’identifier des options possibles pour les Washaw Sibi Eeyou » au sujet des aspirations des Washaw Sibi Eeyou visant à être reconnus comme bande crie séparée.

12. Le gouvernement du Canada devrait exercer ses fonctions et responsabilités continues pour le développement des Washaw Sibi Eeyou et l’incorporation des Washaw Sibi Eeyou dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec).

IMPORTANCE ET RÔLE DE L'ASSOCIATION DES TRAPPEURS CRIS

En pratique, l’Association des trappeurs cris est une organisation qui protège les droits et les intérêts des « Indoho-suu » et qui promeut le bien-être des « Indoho-suu » de la société crie. Il s’agit d’un rôle essentiel et d’une nécessité pour la conservation et la perpétuation de la culture crie et du mode de vie traditionnel cri.

En vertu de l’article 28.5.6 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, le Canada, le Québec et l’Administration régionale crie, dans une proportion conjointement convenue, aident l’Association des trappeurs cris, dans la mesure du possible, avec un financement pour réaliser ses objets. Toutefois, les parties ont concentré ce financement pour appuyer les activités de l’ATC relatives à l’industrie commerciale du trappage. Ce point de vue limité du rôle réel de l’ATC cause préjudice à la réception de fonds pour soutenir et aider les « Indoho-suu » de la société crie.

13. Le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et l’Administration régionale crie devraient réviser le paragraphe 28.5 (Association des trappeurs cris) de l’article 28 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois dans le but d’amender ledit paragraphe, de façon à reconnaître l’Association des trappeurs cris comme organisation qui protège les droits et intérêts des « Indoho-suu » et qui promeut le bien-être des « Indoho-suu » de la société crie.

14. L’Administration régionale crie, et par la suite, le gouvernement de la Nation crie devrait fournir le soutien nécessaire pour permettre à l’Association des trappeurs cris de continuer à fournir l’aide et le soutien pour les « Indoho-suu » de la société crie.

15. Les Eeyous d’Eeyou Istchee, dans leur Constitution, devraient reconnaître et affirmer l’importance, le rôle et la nécessité de l’Association des trappeurs cris, ou de son successeur, pour le maintien et la perpétuation du mode de vie traditionnel cri et par conséquent, la culture crie.

Recommandations de la Commission Crie-Naskapie             145
 

Chapître 8 :
Conclusions

Au cours des premières relations avec les gouvernements non cris, la Nation crie d’Eeyou Istchee était surtout composée d’administrateurs et de gestionnaires qui dirigeaient des programmes et des services conçus par des gouvernements de l’extérieur. C’est donc dire que cette relation consistait surtout en une administration plutôt qu’un gouvernement. Dans ce cas, les Cris, comme les autres Premières nations à travers le Canada, ont pris à leur charge et géré les programmes fédéraux du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada et d’autres ministères de l’administration fédérale.

Toutefois, les Cris d’Eeyou Istchee ont changé ce modèle à l’aide de la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Les Nations cries (et les Naskapis) se sont

146               Rapport de la Commission Crie-Naskapie
 

saisies d’une plus grande autorité. Les Cris ont aussi exercé leur forme de gouvernance de la nation par l’entremise du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee). Les Nations cries et naskapies ont gouverné, faisant respecter leurs droits et affirmant leurs capacités non seulement de gérer la prestation des services et des programmes, mais aussi de bâtir leurs nations conformément à leurs desseins, à promulguer et à appliquer des lois, à développer et à poursuivre des stratégies à long terme pour le développement communautaire, à négocier de nouvelles relations avec d’autres gouvernements et à exercer un contrôle significatif sur les terres et les peuples à l’intérieur de leurs territoires. En optant pour ce cheminement, les Nations cries et naskapies ont balisé la voie de l’autonomie administrative à l’autonomie gouvernementale. Ce déplacement de l’autonomie administrative à l’autonomie gouvernementale est un aspect fondamental de la construction de la nation étant donné que les Nations cries et naskapies ont repris la gouvernance à titre de droit et d’activité autochtones.

Cependant, la construction de la nation et donc, l’autonomie gouvernementale sont des activités continuelles qui doivent développer et soutenir des sociétés qui prospèrent – du point de vue économique, social, culturel et politique.

À cet égard, l’appropriation par la Nation crie d’une plus grande responsabilité pour le développement économique et communautaire cri jumelé à une autonomie accrue, conformément aux modalités et aux dispositions de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec et de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istche, amélioreront la gouvernance et l’administration cries.

En outre, l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istche envisage l’établissement d’un gouvernement de la nation crie par l’entremise de négociations entre le Canada et les Cris et par la suite, par l’adoption de mesures législatives fédérales. Voilà des mesures positives et prometteuses pour l’avancement et l’exercice de la gouvernance crie.

Toutefois, il est tout aussi important que le gouvernement du Canada et la Nation crie manifestent leur nouvelle relation en avançant et en améliorant le gouvernement local cri (et naskapi) par l’entremise de modifications adéquates à la Loi sur les Cris et les Naskapis (du Québec).

Conclusions             147