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Cree-Naskapi Commission
Rapport 2000 Rapport 2000 Rapport 2000
Commission Crie-Naskapie

Crédits

COUVERTURE
M. Jimmy Sam " Chisasibi, Qc
RÉDACTEURS
Président Richard Saunders
Commissaire Philip Awashish
MISE EN PAGE ET CONCEPTION
The Gordon Creative Group
IMPRESSION
Gilmore Printing
TRADUCTION
M. George Guanish (naskapi)
Mme Mary Mokoush (naskapi)
C.I.L.F.O. Traduction (français)
Mme Anna Blacksmith (cri)
PHOTOGRAPHIE
M. Jimmy Sam
M. John Mameamskum
M. Philip Awashish
Edward Saunders Photography
La Nation
POUR PLUS DE RENSEIGNEMENTS, COMMUNIQUER AVEC LA :
Commission crie-naskapie
222, rue Queen, bureau 1305
Ottawa (Ontario) K1P 5V9
Tél. : 613-234-4288
Téléc. : 613-234-8102
Sans frais: 1-888-236-6603
Site Web : (Http//www.atreide.net/cnc)
DÉBUT

Ottawa, Canada
Juin 2000
L’Honorable Robert Nault, CP, député
Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)
K1A OH4

Monsieur le Ministre,

Nous sommes heureux de vous présenter, ci-joint, le septième rapport biennal de la Commission crie-naskapie, conformément au paragraphe 171(1) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

Ce rapport repose sur les consultations et les audiences où les Cris et les Naskapis de même que le gouvernement du Canada ont fait part de leurs vues et de leurs préoccupations en ce qui concerne la mise en "uvre de la Loi et des affaires connexes.

Nous avons bon espoir que les questions qui y sont soulevées et les recommandations formulées feront l'objet de discussions et que toutes les parties visées prendront les mesures qui s'imposent. Dans cette optique, nous espérons avoir l'occasion de nous entretenir avec vous, ainsi qu'avec les Cris et les Naskapis, les membres des comités permanents et les autres parties intéressées.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance de notre considération la plus distinguée.

La Commission crie-naskapie

________________ ________________ __________________
Richard Saunders Robert Kanatewat Philip Awashish
Président Commissaire Commissaire
DÉBUT

TABLE DES MATIÈRES

CRÉDITS

LETTRE AU MINISTRE

NOTES SUR LA PRÉPARATION DU RAPPORT " REMERCIEMENTS

MESSAGE DU PRÉSIDENT

CHAPITRE 1 INTRODUCTION

CHAPITRE 2 RAPPEL DES FAITS

CHAPITRE 3 GOUVERNEMENT LOCAL EEYOU (Cris et Naskapis)

CHAPITRE 4 Les ententes replacées dans leur CONTEXTE : DROITS ISSUS DE TRAITÉS 1975-2000

CHAPITRE 5 Les EENOUCH D’OUJÉ-BOUGOUMOU

CHAPITRE 6 (NATION) NASKAPI EEYOUCH DE KAWAWACHIMACH

CHAPITRE 7 QUESTIONS ET PRÉOCCUPATIONS DES EEYOUCH (PEUPLE CRI)

CHAPITRE 8 MISE EN APPLICATION ET AMENDEMENTS À LA LOI SUR LES CRIS ET LES NASKAPIS DU QUÉBEC

CHAPITRE 9 SUIVI DU RAPPORT DE 1998

CHAPITRE 10 Réponse du ministère des affaires indiennes aux Recommandations DU RAPPORT de 1998

CHAPITRE 11 RECOMMANDATIONS

CHAPITRE 12 CONCLUSION
 

Glossaire des termes
ANNEXE: RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION CRIE-NASKAPIE, TELLES QU’elles sont formulées DANS LE DOCUMENT DE TRAVAIL, et qui portent SUR LES ÉLECTIONS des administrations locales des (PREMIÈRES) NATIONS CRIES ET NASKAPIE.
DÉBUT

Note sur la préparation du rapport & remerciements

La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec stipule que :
165. (1) La Commission a pour mission :

d’établir les rapports bisannuels sur la mise en oeuvre de cette loi, prévus au paragraphe 171 (1);

Les trois commissionnaires dirigent la préparation des rapports bisannuels. Ils discutent, examinent en détail et approuvent chaque partie des rapports, sans égard à la personne qui a rédigé le texte de départ. Étant donné que les charges de commissionnaire (y compris de président) sont des postes à temps partiel et que la préparation des rapports représente une tâche considérable, différentes démarches de recherche et de rédaction ont été testées depuis le premier rapport en 1986.

Dans les premières années d’existence de la Commission, le personnel permanent ou temporaire effectuait les recherches nécessaires et préparait les textes de départ sous la direction des commissionnaires. Des avocats et des rédacteurs ont procédé à d’autres révisions. Les commissionnaires examinaient la substance et le ton des rapports avant de donner leur approbation finale.

À partir de 1998, une autre approche a été adoptée. Le fait que les commissionnaires sont responsables de l’intégralité du contenu des rapports et les ressources financières extrêmement limitées ont obligé les commissionnaires à s’acquitter seuls de la recherche et de la rédaction des textes, sans recourir à la contribution d’avocats et de rédacteurs.

Dans le cas du présent rapport, le commissionnaire Philip Awashish a fait les recherches et rédigé entre 75 et 80 % du texte. C’est le président Saunders qui s’est chargé du reste. Les trois commissionnaires ont discuté, examiné et approuvé en détail toutes les parties du texte.

Tous les documents, résolutions et lettres mentionnés dans le présent rapport sont disponibles au bureau de la Commission crie-naskapie. Ces documents peuvent également être consultés sur le site Web de la commission.


Remerciements

Les commissionnaires tiennent à exprimer leur reconnaissance à l’égard du personnel qui a fait preuve d’un professionnalisme sans faille dans ses efforts. Brian Shawana, Micheline Ayotte, Gloria Dedam et Charlotte Kitchen ont apporté des contributions remarquables à la préparation de ce rapport. Sans eux, la tâche aurait été impossible. Les commissionnaires aimeraient également souligner l’excellent travail de Nicole Cheechoo qui a quitté la Commission l’an dernier pour aller étudier à l’Université Carleton.

La Commission est redevable aussi aux représentants des Cris et des Naskapis présents lors des audiences spéciales sur l’application de la loi.

DÉBUT

MESSAGE DU PRÉSIDENT

« ...venez mes amis, il est encore temps de chercher un monde nouveau 1. » Tennyson

En écrivant ces mots en 1842, Tennyson exprimait l’espoir et la foi qui, de tout temps et en tous lieux, sous-tendent les plus nobles instincts de l’Homme, à savoir la conviction qu’il ne doit jamais cesser de tenter de transformer ce monde pour en faire un endroit meilleur où vivre.

Les espoirs et les rêves, et non seulement les contraintes pratiques et les exigences, qui motivaient les Cris et les Naskapis il y a un quart de siècle, alors qu’ils négociaient et signaient les premiers traités des temps modernes, ne doivent jamais s’enliser dans les marécages de l’opportunisme politique et fiscal ou dans le cynisme découlant d’attentes en décroissance constante quant à ce qu’il est possible d’obtenir au Canada.

Il ne faut pas laisser l’idéal des nations cries et naskapie, vibrantes, vigoureuses et épanouies à l’intérieur d’un Canada fort et progressiste, échouer devant les démêlés et les litiges découlant d’échecs de la mise en application des traités.

L’an 2000 offre des possibilités de réflexion et de solution. Les exigences posées aux gouvernements cris et naskapi ainsi qu’au gouvernement du Canada placent trop souvent ceux-ci devant un manque de temps pour la réflexion. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est maintenant en vigueur depuis seize ans. Cette loi était requise par la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. Dans ses grandes lignes, cette loi définit plusieurs aspects des gouvernements locaux cris et naskapi, le régime des terres prévu aux conventions ainsi que certains droits individuels et collectifs.

On n’exagère pas en disant que la loi représentait une étape audacieuse et innovatrice aussi bien pour les gouvernements locaux cris et naskapi que pour le gouvernement fédéral. Elle correspondait à une tentative honnête, non sans risque, d’appliquer certains des plans les plus créateurs et les plus définitifs élaborés jusqu’ici, afin de tourner le dos au colonialisme désuet incarné par la Loi sur les Indiens. Malgré des négociations ardues et des compromis difficiles, les conventions et la loi ont tenu leurs promesses d’un nouveau jour, réconciliant les droits et intérêts des peuples autochtones du Nord québécois, la souveraineté de la Couronne et les intérêts de tous les Canadiens. À l’époque et depuis lors, certains critiques ont avancé que les Cris et Naskapis avaient fait trop de concessions. D’autres soutiennent que les Cris et Naskapis en ont trop obtenu. Ces critiques font peut-être ressortir le fait que les conventions et la loi, telles qu’elles ont été conçues au départ, correspondaient non pas à un scénario comportant un gagnant et un perdant, mais à un compromis réaliste et harmonieux.

Problèmes rencontrés dans la mise en application des conventions

De nos jours, les conventions et la loi sont perçues bien différemment par les deux parties. De nombreux hauts fonctionnaires du gouvernement canadien expriment l’avis que les Cris reçoivent trop. Selon un haut fonctionnaire, les Cris touchent des subventions « énormes ». Les Cris, de leur côté, ont l’impression que le Canada omet délibérément de respecter les obligations découlant de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ). Le docteur Ted Moses, grand chef des Cris (Eeyou Istchee), affirme dans une lettre datée du 6 mars 2000 :

« Le manque d’empressement du Canada à reconnaître que la CBJNQ contient les droits issus de traités nous choque. Le Canada a publiquement désigné la CBJNQ le « premier traité des temps modernes » et, pourtant, aussi bien devant les tribunaux et qu’à la table de négociation, il réserve ses positions sur la reconnaissance de nos droits en vertu de la CBJNQ en tant que droits issus de traités… Le résultat direct de cette politique de non-reconnaissance de nos droits issus de traités est le défaut de mettre en application la CBJNQ et de reconnaître les autres obligations fédérales envers les Cris.2 »

Le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), tous les gouvernements locaux cris et quantité d’individus ont attiré l’attention de la Commission sur des exemples précis de ce qu’ils jugent être des violations, par le gouvernement fédéral, de ses obligations en vertu des conventions. Le gouvernement fédéral a, au fil des ans, avancé que la prise en considération de questions découlant des conventions allait au-delà du mandat de la Commission.

Les commissionnaires se sont penchés sur cette question en différentes occasions. Nous sommes d’avis que lorsque qu’une bande ne peut exercer adéquatement un pouvoir ou accomplir un devoir en vertu de la Loi, la Commission a le devoir d’examiner s’il en est effectivement ainsi et, dans l’affirmative, d’étudier le pourquoi de la situation. Les bandes tirent bon nombre de leurs pouvoirs et responsabilités des conventions en vertu du texte de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. La disposition pertinente affirme :

21. La bande a pour mission :

j) d'exercer les pouvoirs et fonctions que les lois fédérales ou leurs règlements ainsi que les Conventions lui confèrent ou conféraient à la bande antérieure.3 (C’est nous qui soulignons).

Les objets et les pouvoirs (y compris entre autres les devoirs prévus au paragraphe (j)) sont étendus et coûteux. La capacité d’assumer ces responsabilités dépend en grande partie de la volonté des gouvernements fédéral et provincial de respecter pleinement les obligations découlant des conventions et des programmes fournis normalement aux Premières Nations.

Pratiquement depuis le moment de la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois jusqu’à maintenant, il y a eu des différends entre le gouvernement fédéral et les Cris sur des questions touchant la portée et l’accomplissement des obligations du gouvernement découlant de la convention.

Le ministère des Affaires indiennes s’est objecté à maintes reprises à la pratique de la Commission qui consiste à écouter les préoccupations de la communauté sur des questions découlant des conventions, mais cette opposition est devenue moins virulente l’an dernier. En fait, le directeur du Bureau de mise en application de la Convention de la Baie James a reconnu, à l’occasion de son intervention aux audiences spéciales sur la mise en application de la convention, tenues en février 2000, que la Commission devait vraiment écouter les préoccupations réelles soulevées par les communautés.

Un des devoirs fiduciaires de la Couronne consiste à maintenir et à veiller à la réalisation des espoirs et aspirations légitimes des Cris et des Naskapis tels qu’ils sont reflétés dans les conventions en abordant la mise en application de ces dernières d’une manière positive et pleine de bonne foi. Tenter de lire à la baisse des privilèges des Cris et des Naskapis prévus aux conventions, d’obtenir l’abandon de dispositions permanentes en échange d’avantages ponctuels ou d’éviter d’autre façon le respect d’obligations issues de traités sont contraires à la lettre et à l’esprit des conventions, de la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie James et du Nord québécois et de la politique même du gouvernement formulée par le ministre Nault.

Imputabilité des politiques

Par ailleurs, les tentatives de minimiser ou de contourner les conventions dénotent un problème que les commissionnaires ont qualifié, dans leur rapport de 1998, d’« impuissance ministérielle ».

Le ministre Nault, au nom du Cabinet, a affirmé à maintes reprises qu’il s’est engagé à trouver des façons de garantir la mise en application des traités, y compris les conventions, dans le respect de leur esprit et de leur lettre. Son prédécesseur, la ministre Stewart, avait été aussi déterminée à établir une nouvelle relation et à tourner le dos à ce qu’elle appelait « les erreurs du passé ».

Le ministre Nault et ses collègues du Cabinet réussiront à asseoir leur crédibilité dans la mesure où leurs fonctionnaires accepteront leurs choix politiques et y donneront suite.

Ces derniers mois, on a amplement fait état dans les médias de la nécessité d’améliorer le contrôle des finances du gouvernement, notamment au sein du ministère du Développement des ressources humaines. En dépit de ces graves ratés, les mécanismes de contrôle financier internes du gouvernement fédéral demeurent remarquables. La Loi sur la gestion des finances publiques, avec ses règlements, directives, etc., procure un cadre d’imputabilité solide dans la gestion des fonds publics, conformément aux conditions établies par le Parlement et le Conseil du Trésor. Les échecs et défaillances du système sont relevés par le Vérificateur général ou par les activités de la Chambre des Communes.

Le moment est venu d’exiger un niveau d’imputabilité comparable dans le domaine de l’application des politiques. Tout comme il y a des exigences juridiques relativement à l’imputabilité financière, il devrait en exister pour l’imputabilité en matière de politiques. Les Canadiens élisent les gouvernements pour différentes raisons et, même s’ils sont parfois en désaccord avec certaines décisions prises par leurs représentants, ils s’attendent à ce que ce soit la direction politique adoptée par les élus qui s’impose. Bon nombre de fonctionnaires de rang élevé n’acceptent tout simplement pas la direction prise par le ministre Nault. Le résultat de cela, c’est que les positions du ministre sur les politiques risquent de paraître non pertinentes dans le meilleur des cas et hypocrites dans le pire. Ce problème est loin d’être nouveau ou propre à ce ministère. Il ne survient que trop souvent au sein du gouvernement et explique le cynisme généralisé d’une bonne fraction de la population à l’égard des politiciens. Le gouvernement aurait intérêt à envisager sérieusement la pertinence d’une loi analogue sur l’imputabilité en matière d’application des politiques.

Mise en application des traités et des conventions : dernières considérations

La nécessité

On reconnaît la nécessité d’un processus juste, opportun et durable de mise en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, de la Convention du Nord-Est québécois, des autres traités existants et à venir ainsi que des ententes relatives aux revendications territoriales.

Le concept de « juste » doit recouvrir l’exercice équitable et raisonnable du devoir fiduciaire du gouvernement d’une façon parfaitement cohérente avec l’honneur de la Couronne et en consultation avec les parties autochtones.

« Opportun » emporte l’idée de résolution des questions relatives à la mise en application des conventions et des autres traités aussitôt que possible et, dans le cas de nouvelles conventions, au moment de la ratification.

« Durable » suggère que le processus doit être conforme aux principes légaux applicables, réalisable sur le plan économique et défendable sur le plan politique. Les gouvernements doivent assumer activement leurs responsabilités afin d’obtenir un appui à ce processus aussi large que possible.

Nécessité de mesures particulières

Plusieurs conduites peuvent être adoptées; cependant, l’approche qu’on prendra doit reconnaître l’état lamentable des choses, déterminer pourquoi il en est ainsi et mettre en place des processus et structures susceptibles d’entraîner des changements positifs.

Gouverner, dans une large mesure, signifie faire des choix politiques, établir des priorités budgétaires et exercer un pouvoir discrétionnaire dans le cadre d’une imputabilité plus politique que juridique.

La mise en application des conventions et des traités comporte beaucoup moins d’exercice de pouvoir discrétionnaire. Les traités créent ce que la Cour suprême a appelé « obligations exécutoires ». La mentalité des institutions dont la tâche principale est la gestion de choix et l’établissement de priorités n’est pas idéale pour ceux dont la tâche consiste surtout à s’acquitter d’« obligations exécutoires »4. C’est pourquoi la Commission crie-naskapie, dans son rapport de 1998, recommandait la création d’un secrétariat chargé de la mise en application des traités avec les Autochtones, secrétariat qui serait encadré par une loi de mise en application des traités qui guiderait son travail, et par un tribunal sur les droits ancestraux et droits issus de traités chargé de trouver des solutions juridiques aux différends importants.

Ces propositions ont été examinées par le Comité sénatorial sur les peuples autochtones, lequel en est à envisager la possibilité d’un suivi législatif. Également, les propositions ont été discutées à l’occasion de différents congrès de l’Assemblée des Premières Nations et approuvées par les nations cries et naskapie ainsi que par la Confédération des chefs lors de la réunion de l’APN tenue le 9 décembre 1999.

Le temps est venu pour le gouvernement d’entamer un dialogue constructif visant l’élaboration d’une loi précise et détaillée sur la mise en application des traités, une loi « avec des dents ». Le temps où on se contentait de simples déclarations de bonnes intentions est depuis longtemps révolu.

Notre histoire et nos lois mettent en lumière la nécessité d’entretenir un dialogue constant avec les Cris, les Naskapis et tous les peuples autochtones canadiens. Mais le dialogue seul ne suffit pas. Le dialogue doit mener à une évolution législative solide. Les Cris et les Naskapis et autres peuples autochtones sont les fondateurs de notre passé, et ils doivent faire partie de la conception d’une vision nationale de l’avenir. La mesure dans laquelle nous, en tant que nation, honorons nos traités et conventions avec eux sera garante de l’intégrité de notre avenir collectif en tant que Canadiens.

Notes

  1. Tennyson, A., Ulysses, citation anglaise tirée du New Oxford Book of English Verse, Oxford Press, Oxford, 1972, p. 646.
  2. Lettre du Grand chef, le docteur Ted Moses, au président de la Commission, datée du 6 mars 2000.
  3. Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, article 21(j).
  4. [1996] 2 C.N.L.R. 77 (C.S.C.).

DÉBUT

CHAPITRE 1

INTRODUCTION

Alors que tous les États garantissent à leurs ressortissants certains droits civils, politiques et sociaux, c’est le droit international qui garantit à tous les peuples certains droits humains universels. Les droits des peuples autochtones ont été traités comme catégorie du droit international des droits humains.

L’article I du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU stipule que :

Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.

Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance.

Les États parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies.

Le Canada est signataire de ces pactes et doit par conséquent respecter ces derniers, lesquels sont entrés en vigueur le 19 août 1976.

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes prévu par ces pactes est un droit fondamental et renouvelé ou permanent, qui est aussi un principe fondamental.

Les Premières Nations cries et naskapie se considèrent comme des peuples ayant droit à disposer d’eux-mêmes. Les Premières Nations cries et naskapie constituent chacune un peuple, étant donné qu’elles possèdent une population permanente (environ 14 000 personnes), un territoire défini (avec lequel ces nations, descendantes des habitants originels de ces terres, entretiennent une relation historique et permanente), un système de gouvernement (inhérent aux Premières Nations cries et naskapie) et la capacité d’entrer en relation avec des États (relations de nation à nation et de gouvernement à gouvernement par l’intermédiaire de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois)1.

Le droit international ne semble pas disposer d’une définition bien arrêtée de « peuple ». Cependant, conformément au droit traditionnel, lequel est ce vaste code lois de l’Eeyou inhérent aux Premières Nations cries et naskapie, ces dernières ne font pas de distinction entre les concepts de « peuple » et de « nation ».

Pour les peuples cris et naskapi, « autodétermination » signifie gouvernement autonome réel, c’est-à-dire, l’exercice du droit pour un peuple de « déterminer librement son statut politique et d’assurer librement son développement économique, social et culturel ». En vertu de ce droit, les peuples cris et naskapi peuvent déterminer librement leurs relations avec le Canada et le Québec, dans un esprit de coexistence pacifique, et poursuivre librement leur développement politique dans des conditions de liberté et de dignité.

Les peuples cris et naskapi se considèrent comme des peuples ayant toujours pratiqué l’autonomie gouvernementale. Les Premières Nations cries et naskapie, comme toutes les autres premières nations, étaient, avant le contact avec les Européens, parfaitement indépendantes et, comme la Cour suprême du Canada l’a souligné, constituaient « des sociétés organisées occupant un territoire comme leurs ancêtres l’avaient fait depuis des siècles2 ».

Dans le dernier quart du millénaire qui s’achève, la vie, la culture et la société des peuples cris et naskapi ont connu, pour le meilleur et pour le pire, de nombreux bouleversements.

Cependant, il n’existe pas d’autre principe fondamental dans l’histoire et les relations avec autochtones que celui du droit des peuples de disposer d’eux-mêmes et de gouverner leur territoire conformément à leur volonté et à leurs aspirations.

Dans son rapport de 1996, la Commission royale sur les peuples autochtones
affirmait :

Le processus d’établissement des traités et la teneur de documents britanniques aussi importants que la Proclamation royale de 1763 sont des exemples qui montrent que les peuples autochtones bénéficiaient d’une autonomie politique. Comme nous l’expliquons ailleurs, cette autonomie n’a cessé d’être rognée par les gouvernements extérieurs tout au long des XIXe et XXe siècles, mais elle a quand même survécu sous une forme atténuée. Nous avons conclu que le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale compte parmi les «droits existants " ancestraux ou issus de traités» que reconnaît et affirme l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cette conclusion est en outre étayée par les principes internationaux naissants qui viennent appuyer le droit à l’autodétermination et à l’autonomie culturelle et politique des peuples indigènes3.

De plus, le gouvernement canadien a rendu publique en août 1995 sa politique sur le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale autochtone " Autonomie gouvernementale autochtone " dans laquelle il affirme :

Le gouvernement du Canada reconnaît à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, le droit inhérent à l’autodétermination comme droit autochtone existant4.

Le droit à l’autonomie gouvernementale est inhérent aux peuples cris et naskapi. Par conséquent, c’est à travers la nation que l’Eeyou (Cris et Naskapi) exprime son autonomie personnelle et collective. La nation Eeyou est l’unité traditionnelle et historique du pouvoir et de l’autorité autonome reconnus dans le processus de conclusion de traités et à travers les relations de nation à nation et de gouvernement à gouvernement.

Le 11 novembre 1975, le Grand Conseil des Cris (du Québec), au nom de la nation Eeyou (crie), a signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois à laquelle les gouvernements du Canada et du Québec sont parties et signataires (l’année en cours marque le 25e anniversaire de la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois).

Le 31 janvier 1978, la bande des Naskapis de Schefferville, au nom de la nation naskapie, a signé la Convention du Nord-Est québécois à laquelle les gouvernements du Canada et du Québec sont aussi parties et signataires.

Un jalon marquant dans l’histoire et les relations autochtones a été franchi en 1982, alors que la Loi constitutionnelle du Canada, la loi suprême du pays, a été modifiée, afin, entre autre, de reconnaître et de confirmer les droits ancestraux des Autochtones et les droits issus de traités.

L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit l’affirmation et la reconnaissance des droits et des traités autochtones existants, y compris les droits existant par voie de règlements sur les revendications territoriales.

Les Premières Nations cries et naskapie considèrent leurs conventions comme les traités ou ententes sur les revendications territoriales des temps modernes dans l’esprit et la lettre de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

De plus, les peuples Eeyou (Cris et Naskapis) possèdent des droits ancestraux en raison des relations historiques et continues qu’ils entretiennent avec leurs territoires traditionnels et de leur statut de peuples jouissant de l’autonomie gouvernementale.

Par conséquent, en ce qui concerne les Premières Nations cries et naskapie, la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les « droits ancestraux et les droits issus de traités5 ». Les droits issus de traités, selon l’Eeyouch, comprennent les droits prévus à la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à la Convention du Nord-Est québécois.

L’histoire, l’objectif et le statut de ces conventions et traités améliorent le statut des peuples et nations cris et naskapi. Ces conventions ou traités jettent les bases de nouvelles relations entre les Premières Nations cries et naskapie et les gouvernements du Canada et du Québec.

Ces conventions ou traités prévoient une expression partielle du droit à l’autonomie gouvernementale pour les peuples cris et naskapi.

L’article 9 (administration locale sur les terres de catégorie 1A) de la Convention de la Baie James et du Nord québécois stipule « qu’on recommande au Parlement l’adoption d’une loi spéciale prévoyant l’administration locale par les Cris de la Baie James des terres de catégorie IA qui leur ont été attribuées6. »

L’article 7 (administration locale sur les terres de catégorie IA-N) de la Convention du Nord-Est québécois prévoit des dispositions semblables au sujet de l’autonomie gouvernementale des Naskapis du Québec sur les terres de catégorie IA-N attribuées à cette nation7.

Par conséquent, conformément à l’article 9 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à la section 7 de la Convention du Nord-Est québécois, les Premières Nations cries et naskapie et le gouvernement du Canada ont traité des dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Cette loi spéciale a été promulguée par le Parlement et sanctionnée le 14 juin 1984.

Ainsi, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit « un régime d'administration locale organisé et efficace, ainsi que l'administration, la régie et le contrôle par les bandes cries et la bande naskapie des terres des catégories IA et IA-N, ainsi que la protection des droits individuels et collectifs prévus aux Conventions8. »

Les conventions et la loi n’épuisent cependant pas la question des droits et des pouvoirs liés à l’autonomie gouvernementale des Cris et des Naskapis. De plus, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, dans son préambule, affirme que la Loi « n'a pas pour objet d'empêcher les Cris de la Baie James et les Naskapis du Québec de bénéficier de toute mesure législative ou autre, compatible avec les Conventions, édictée à l'avenir en ce qui concerne le régime d'autonomie des Indiens du Canada9. »

Par conséquent, il semble que ces conventions et traités et la loi fédérale subséquente, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, correspondent à une expression partielle des droits à l’autonomie gouvernementale de l’Eeyou.

Puisque la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est de juridiction fédérale et qu’elle semble établir ou « créer » une administration locale, cette expression partielle de l’autonomie gouvernementale est une forme d’autorité déléguée d’un niveau de gouvernement (fédéral) à un autre niveau (administration locale établie par la Loi). Cette dérivation de la source de gouvernement autonome n’est pas compatible avec la nature inhérente du droit de l’Eeyou à l’autonomie gouvernementale. Le défi auquel font face les nations et peuples cris et naskapi est de garantir la compatibilité des traités et des lois avec la nature inhérente de leur droit à l’autonomie gouvernementale ainsi que d’assurer l’établissement d’un gouvernent bon et efficace.

La source, la nature, la portée et la mise en "uvre du droit inhérent de l’Eeyou à l’autonomie gouvernementale soulèvent de nombreuses questions intéressantes auxquelles les Premières Nations cries et naskapie sont le mieux en mesure de répondre. Ce sont elles qui doivent décider de leur parcours actuel vers l’autonomie gouvernementale, conformément à leurs aspirations et à leur volonté.

Toutefois, certaines questions demeurent de savoir si la politique de délégation de pouvoirs, d’autorité et de compétence pour le gouvernement local cri et naskapi, telle qu’envisagée dans les conventions et prévue par la suite aux dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, fonctionne ou non pour le bénéfice et l’avancement de l’autonomie gouvernementale crie et naskapie.

À cet égard, un examen de la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ainsi que de la Convention du Nord-Est québécois est susceptible de fournir certaines réponses et pistes de réflexion.

De plus, les relations entre les peuples et les nations ne constituent pas une entité statique. Elles changent et évoluent avec le temps en fonction des conditions nouvelles. Si on ne fait pas des efforts constants pour les maintenir et les actualiser, elles risquent de se détériorer rapidement.

Les nations et peuples cris et naskapi considèrent leurs traités, c’est-à-dire la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois, respectivement, comme des moyens privilégiés d’établissement et de reconnaissance des relations. La mise en application adéquate des conventions et des traités, dans leur esprit et dans leur lettre, constitue un mécanisme important et essentiel pour l’établissement et le redressement, avec le temps, de relations dans le but de tenir compte des nouveaux besoins et des nouvelles conditions.

Par conséquent, les relations passées et présentes entre les Premières Nations cries et naskapie et le gouvernement du Canada doivent être examinées afin de déterminer si des efforts constants sont déployés afin de maintenir et d’actualiser les relations pour le bénéfice et pour l’avancement de l’autonomie gouvernementale crie et naskapie.

La Commission crie-naskapie, établie par l’article 165 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, a pour mission « d’établir les rapports prévus au paragraphe 171(1)10 » et de présenter ceux-ci au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien qui le « dépose devant chaque chambre du Parlement11. »

Cependant, la Convention de la Baie James et du Nord québécois, la Convention du Nord-Est québécois et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec sont dans une grande mesure indissociables et, pour en comprendre l’esprit et la lettre et pour mettre en place l’autonomie gouvernementale de l’Eeyou, doivent être considérées comme un tout. À cet égard, la Commission crie-naskapie doit envisager la mise en application de ces conventions ou traités.

Le présent rapport de la Commission crie-naskapie constitue le septième rapport biennal présenté au ministre.

En préparation du présent rapport, la Commission a accompli les démarches suivantes :

  1. audiences spéciales sur la mise en application de la Convention afin de permettre les représentations faites par les autorités cries et naskapies et par le Gouvernement du Canada;

  2. examen de ses conclusions et de ses recommandations à partir des rapports passés;

  3. (3) suivi avec un programme d’action visant les conclusions et les recommandations du rapport de 1998.

Par conséquent, le présent document est un rapport spécial sur l’état de l’autonomie gouvernementale crie et naskapie. Plus particulièrement, le propos de ce rapport est de fournir de l’information qui favoriserait une meilleure compréhension des questions et des préoccupations que doivent traiter les parties et les autorités intéressées à l’avancement de l’autonomie gouvernementale de l’Eeyou. Également, ce rapport a été préparé de manière à éclairer le public sur l’histoire générale du gouvernement local de l’Eeyou. À cet égard, les conclusions et les recommandations du présent rapport doivent être prises à c"ur par les gouvernements et autorités (gouvernement fédéral ainsi que gouvernements et autorités cris et naskapis) afin d’entretenir et de renforcer le partenariat entre les nations et les gouvernements et de promouvoir et de réaliser le gouvernement autonome cri et naskapi.

Références :
  1. Dans l’arrêt Sioui, la Cour suprême du Canada a conclu que les droits conférés par le traité sont de nature sui generis et qu’ils commandent une approche interprétative libérale et généreuse, favorable aux peuples autochtones visés. Chose peut-être encore plus importante, cet arrêt illustre la reconnaissance du fait, par la Cour, que les nations autochtones étaient considérées par les Européens comme des « nations indépendantes », capables de signer des traités.
  2. Calder c. Procureur général de la Colombie-Britannique [1973] Rapports de la Cour Suprême
  3. Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, 1. 679-80

    Canada, L’autonomie gouvernementale des Autochtones : L’approche du gouvernement du Canada concernant la mise en "uvre du droit à l’autonomie gouvernementale et à la négociation de cette autonomie, Guide de la politique fédérale, Ottawa 1995, at. 3.

    Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, (R.-U.), 1982, c.11 telle qu’amendée par la Proclamation modifiant la Constitution, 1983, S.RC.,1985, appendice II., No.46 ajoutant les articles 35(3) et 35(4).

  1. Convention de la Baie James et du Nord québécois et conventions complémentaires [préparée par le Secrétariat aux affaires autochtones] " 1997, Sainte-Foy, Québec, Publications du Québec. © 1996.
  2. La Convention du Nord-Est québécois [préparée et publiée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien].
  3. Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, C. S., 1984. C. 46
  4. Ibid.
  5. Ibid.
  6. Ibid.

DÉBUT

CHAPITRE 2

CONTEXTE

Dans leur langue, les peuples cris et naskapi se nomment eux-mêmes « Eeyouch » (ou « Eenouch » dans le cas des Cris de l’intérieur), mot qui signifie « êtres humains » ou « personnes ». « Eeyouch » (ou « Eenouch ») est le terme utilisé par l’Eeyou depuis des millénaires, tandis que les appellations « Cris » et « Naskapis » ou leur variantes ont été utilisées par les peuples non-eeyou au cours des siècles passés.

Étant donné que les Eeyouch se considèrent comme des peuples jouissant de l’autonomie gouvernementale, les peuples cris et naskapi ont ajouté le principe de nationalité à leurs noms. Après tout, les nations cries et naskapie ont conclu leurs traités respectifs " la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois " avec un État. De plus, les Eeyouch se considèrent comme une nation à l’intérieur de l’État.

En outre, pour prendre leur place dans l’histoire de ce continent et de ce pays, à titre de premiers habitants permanents et actuels de leurs territoires traditionnels et historiques, certaines nations cries s’appellent « Premières Nations ». Les « Premières Nations » se considèrent aussi « premières » dans leur relation unique, continue et centrale avec leurs territoires (appelées « Istchee », ou « terre », par les Eeyouch) et, à titre de nation et de peuple, assurent la gestion et la garde de l’« Eeyou Istchee », c’est-à-dire les territoires et terres ancestraux et historiques de l’Eeyouch.

Le présent rappel des faits historiques n’entend pas faire la narration complète des événements et de la situation des Eeyouch (Cris et Naskapis) du Québec; il décrit les circonstances et les événements importants qui ont eu une influence marquante et une portée directe sur l’exercice du droit des Eeyou à l’autodétermination et, par conséquent, sur l’exercice et la pratique de l’autonomie gouvernementale dans les communautés locales Eeyou.

Les Eeyouch se considèrent comme des peuples jouissant de l’autonomie gouvernementale et qui étaient, avant l’arrivée des peuples européens, parfaitement indépendants et « organisés en sociétés et occupant le territoire comme leurs ancêtres l’avaient fait depuis des siècles1 ».

Ainsi, et en s’appuyant sur l’histoire, il est clair que les Eeyouch étaient les premiers habitants de la portion du Canada connue généralement comme le Nord du Québec.

L’histoire des relations des Cris et des Naskapis (Eeyou) avec les pouvoirs coloniaux et plus tard étatiques équivaut à une suite de dépossessions des terres et ressources de l’Eeyou, au déni subséquent des droits et à l’exclusion des peuples Eeyou du développement politique et économique du Canada et du Québec. Par voie de conséquence, les relations passées et présentes entre les Eeyouch et les pouvoirs étatiques du Canada et du Québec sont ponctuées de conflits tournant autour des territoires, des ressources et du pouvoir.

La colonisation des terres historiques et traditionnelles a touché les Eeyouch de bon nombre de façons et a conduit à la dépossession de leurs terres et de leurs droits. Les méthodes, la philosophie et les doctrines juridiques utilisées pour dessaisir les Premières Nations sont trop variées, complexes et étendues pour qu’on en fasse l’examen dans le présent rapport. Il est prudent de conclure que les attitudes, doctrines et politiques élaborées pour justifier la prise des terres et des ressources, avec le déni conséquent des droits des Eeyouch, étaient et continuent d’être mues par les objectifs politiques et économiques de l’État.

Les choses se sont déroulées dans les territoires traditionnels et historiques des Eeyouch comme ailleurs au Canada : la souveraineté et la compétence non Eeyou ont été exercées d’abord par le commerce de la fourrure, ensuite pas les missionnaires et plus tard par l’État.

Toutefois, le présent rapport examine en premier lieu les relations entre l’Eeyou et le gouvernement fédéral, notamment en ce qui a trait à l’exercice et à la pratique du gouvernement local de l’Eeyou (Cris et Naskapi).

L’article 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 confère au gouvernement fédéral le pouvoir de promulguer des lois visant « les Indiens et les terres réservées aux Indiens2 ». Cette responsabilité a été assumée par le gouvernement fédéral sans consultation avec les « Indiens » et sans leur consentement.

La Proclamation royale de 1763 a établi que la conclusion de traités avec les Indiens relevait uniquement de la Couronne impériale au nom du Royaume-Uni. Après la Confédération, c’est le gouvernement fédéral qui a naturellement assumé cette responsabilité ainsi que celle de toutes les affaires ayant trait aux « Indiens et aux terres réservées aux Indiens ».

À la fin du dix-neuvième siècle, le Parlement a promulgué, conformément à son autorité constitutionnelle sur les Indiens et leurs terres, la Loi sur les Indiens, basée sur les politiques relatives aux Indiens élaborées au dix-neuvième siècle. Ces politiques ont été conçues en postulant l’infériorité et l’incapacité des « Indiens » et en se fondant sur une approche assimilationniste au « problème indien ».

La mentalité qui dicte et perpétue de telles politiques veut que ses choix soient justes et ceux des autres erronés, leurs croyances vraies et celles des autres fausses. Ce relativisme, qui a envahi la société canadienne, remet en question la nature de la vérité et tend à susciter chez l’« Eeyou » le sentiment d’être coupable de son essence propre, de sa culture, de ses valeurs et de sa société. Une telle mentalité et un tel relativisme constituaient une menace à la société, aux valeurs et à la culture des Eeyouch, car les politiques de l’État ont été élaborées et mises en "uvre dans le but d’éliminer ou de modifier profondément la société et la culture Eeyou.

La Loi sur les Indiens était oppressive, comportait des disparités de droit considérables et prévoyait des pénalités et des interdits pour les Indiens. Si elle avait été appliquée à tous les citoyens, cette loi aurait été déclarée illégale et inconstitutionnelle. Les femmes indiennes étaient considérablement désavantagées par les dispositions inéquitables et discriminatoires de la Loi sur les Indiens. Ceci est vrai particulièrement en ce qui a trait aux dispositions discriminatoires touchant l’abandon des terres, les dispositions testamentaires, les élections dans les bandes, le statut d’Indien inscrit et l’émancipation.

De plus, la politique réglementant le droit de vote des « Indiens » constituait un cas clair de disparité de droits. En 1885, le droit de vote aux élections fédérales a été accordé aux Indiens de l’est du Canada; avaient le droit de vote les Indiens de sexe masculin qui occupaient une propriété immobilière, c’est-à-dire un lot dans une réserve d’une valeur d’au moins 50 $. Cependant, la loi qui accordait le droit de vote aux Indiens de l’est a été abrogée en 1898, ce qui privait tous les Indiens du droit de vote aux élections fédérales. Les lois provinciales ont alors établi les conditions d’admissibilité aux élections provinciales. De telles lois provinciales comportaient des exigences quant à des titres de propriété auxquelles les Indiens vivant en réserve ne pouvaient satisfaire, à moins de s’émanciper. En 1960, le droit de vote aux élections fédérales a finalement été accordé à tous les Indiens, sans condition. En 1969 enfin, le droit de vote au Québec a été accordé aux Indiens.

Il faut savoir que le gouvernement du Canada, en appliquant la Loi sur les Indiens et les politiques subséquentes, traitait les « Indiens » en enfants ou en pupille de l’État.

Avec les années, la Loi sur les Indiens et ses modifications ont empiété massivement sur la vie et la culture des Premières Nations autochtones, y compris les Premières Nations cries et naskapie.

Avant l’exécution de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois et des ordonnances subséquentes de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec par le Parlement, la Loi sur les Indiens était la principale loi concernant le gouvernement local Eeyou, le contrôle et l’administration des terres locales cries et naskapies.

La Loi sur les Indiens, dans sa version amendée, a divisé les nations autochtones, y compris les Cris et les Naskapis, en « bandes », a imposé une forme élective de gouvernement aux pouvoirs très limités et a accordé au ministre des Affaires indiennes un droit de veto sur les décisions prises par les gouvernements locaux. On a fait fi des formes traditionnelles de gouvernement fondées sur la loi et les coutumes traditionnelles pour les remplacer par des autorités fédérales en vertu de la Loi sur les Indiens. Le système électif visait à accélérer l’assimilation en éliminant les systèmes traditionnels de gouvernement.

Conformément à la Loi sur les Indiens, les peuples indiens, y compris les peuples cris et naskapi, ne pouvaient gérer leurs propres terres ni leurs finances et se trouvaient sous la tutelle d’agents nommés par le gouvernement fédéral dont la tâche était de s’assurer de l’application des politiques fédérales dans les différentes réserves et communautés dispersées dans le territoire canadien.

La Loi sur les Indiens, et ses modifications subséquentes, ont accordé au Surintendant général des Affaires indiennes le pouvoir de contrôler les conseils de bande et les élections, ce qui érodait les systèmes traditionnels de gouvernement.

En vertu des révisions apportées en 1951 à la Loi sur les Indiens, l’autorité du ministre des Affaires indiennes et du Gouverneur en conseil demeurait considérable, car plus de la moitié de l’application de la Loi était laissée à leur discrétion. Le système électif de gouvernement local était maintenu avec rôle de supervision, bien que le ministre des Affaires indiennes jouisse du droit de veto.

Le système juridique de pouvoirs législatifs des bandes, limités et supervisés, prévu par la Loi sur les Indiens était une entrave à l’exercice adéquat de l’autonomie gouvernementale locale.

De nombreuses mesures ont été adoptées pour accroître le contrôle fédéral et réduire l’autonomie politique et culturelle des « Indiens » dans le cadre de la Loi sur les Indiens.

La Loi réglementait presque tous les aspects importants de la vie quotidienne des « Indiens », de l’acquisition du statut d’Indien inscrit à la succession de la propriété à la mort d’un « Indien ».

Au fil des ans, bien des tentatives ont été faites pour libérer les Indiens du régime juridique de la Loi sur les Indiens. Certaines décisions des tribunaux ont débouché sur des modifications de la Loi visant à réduire les disparités juridiques.

Même si l’État avait tenté certaines consultations avec les peuples indiens, les propositions de réforme de la Loi sur les Indiens émanant des peuples autochtones n’ont presque jamais été prises au sérieux par le gouvernement fédéral.

Toutefois, en ce qui a trait au gouvernement local des « bandes » et de l’administration de leurs terres, les dispositions de la Loi sur les Indiens maintenaient en place, dans son essence, le régime juridique établi au dix-neuvième siècle.

La division des Affaires indiennes du gouvernement fédéral est par la suite devenue le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien actuel lequel assume le contrôle sur les « Indiens » ainsi que sur leurs affaires et relations gouvernementales et administratives.

Le contrôle sur les structures politiques, l’administration et la gestion des terres, le développement économique et social des Indiens a donné au gouvernement fédéral tout ce dont il semblait avoir besoin pour parfaire les politiques non encore menées à terme héritées de ses prédécesseurs coloniaux.

Les Eeyouch (peuples cris et naskapi) se souviennent très bien de la Loi sur les Indiens, qui a commencé pour eux avec l’arrivée de l’agent des Indiens dans leurs communautés et territoires.

Au début du vingtième siècle, les Cris de l’Eeyou Istchee (territoire historique et traditionnel de l’Eeyou) ont été inscrits par les agents des Indiens en tant qu’« Indiens » au sens de la Loi sur les Indiens.

Entre la Confédération du Canada, établie en 1867, et 1898, la portion de l’Eeyou Istchee située au sud de la rivière Eastmain faisait d’abord partie de la terre de Rupert et les Territoires du Nord-Ouest jusqu’à son transfert, en 1898 à la Province de Québec par le gouvernement du Canada. Ce transfert s’est effectué sans consultation avec les Cris qui habitaient ces territoires depuis des millénaires, et sans leur consentement. En 1912, les portions des terres de l’Eeyou Istchee et des Naskapis, ainsi que les terres des Inuit, situées au nord de la rivière Eastmain, ont été transférées à la Province de Québec par le gouvernement du Canada dans des circonstances semblables. Conformément à la Loi de l’extension des frontières du Québec de 1912, ce vaste territoire a été transféré à la Province de Québec par le gouvernement fédéral. En acquérant ce territoire, le Québec assumait l’obligation, en vertu de la Loi, de régler les revendications territoriales et autres des Autochtones vivant dans ce territoire.

Dans les années 30, la plupart des Cris, à l’intérieur de leurs communautés, ont été inscrits comme « bandes » dispersées dans tout l’Eeyou Istchee.

Pour ce qui est des Naskapis, les premiers contacts réguliers avec le gouvernement fédéral ont débuté en 1949, avec la visite de l’agent des Indiens à Fort Chimo3.

L’agent des Indiens a apporté une certaine assistance, d’abord sous forme de « rations » puis de bons de nourriture ou de vêtements. Bon nombre d’histoires circulent au sujet du don, aux Cris, de bottes et d’aliments en conserve tels que des tomates.

Un agent des Indiens comme Hervé Larivière, en tant que représentant du Surintendant général des Affaires indiennes, a exercé de nombreux pouvoirs dans presque tous les domaines de la vie quotidienne des peuples cris et naskapi. L’agent des Indiens, connu dans la plupart des communautés cries sous le nom de Chisa-Chemaou Kouhpahnehou (agent du grand patron) ou Weech-heewehou Oujemaaou (patron aidant), exerçait le contrôle des affaires locales de nature administrative, financière et juridique. L’agent des Indiens arrivait souvent dans les villages cris accompagné de la police " la Gendarmerie royale du Canada " pour établir la loi et l’ordre. On comprend facilement que l’agent des Indiens en soit venu à être considéré comme une personne toute-puissante, à l’influence énorme sur la vie quotidienne et villageoise des peuples cris et naskapi.

L’agent fédéral des Indiens était le premier représentant officiel du gouvernement à entretenir des relations directes d’une certaine importance et sur une base régulière avec les peuples cris et naskapi. De toute évidence, l’agent des Indiens était l’agent principal et le plus influent dans les relations entre le gouvernement fédéral et les Cris et Naskapis.

Abstraction faite de l’application et de l’exécution des lois et règlements provinciaux sur la chasse et la pêche, le gouvernement du Québec était considéré jusqu’à la fin des années 60 par les Cris (Eeyou) de l’Eeyou Istchee comme « absent » de ce territoire. En fait, le gouvernement du Québec estimait que les « Indiens » relevaient exclusivement du gouvernement du Canada. De plus, l’Eeyou Istchee était considéré par le Québec et le Canada comme terres de la Couronne ou terres publiques et constituait par conséquent une partie du territoire du Québec.

Bien que les agents des Indiens aient commencé a se retirer dès les années 60, les conseils de bande des peuples cris et naskapi continuaient de fonctionner dans le cadre restrictif de la Loi sur les Indiens, laquelle avait d’abord été conçue au dix-neuvième siècle.

Dans les années 60, les villages cris, isolés et fragmentés, ont été occupés par une ou plusieurs « bandes » reconnues et administrées par un bureau régional du ministère des Affaires indiennes.

Les villages de l’Eeyou ont été nommés et associés à des postes de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Les « bandes » administratives des « Indiens » cris ont par la suite conservé le nom. En fait, le peuple cri avait nommé ses villages en référence à ses attributs historiques, géographiques et autres.

Dans les années 60, la Compagnie de la Baie d’Hudson a fermé ses comptoirs aux postes de Waswanipi et de Nemaska. Entendant des rapports selon lesquels leurs territoires et villages traditionnels seraient inondés par des développements hydroélectriques à venir, les Cris de Waswanipi et de Nemaska n’eurent d’autre choix que d’abandonner leurs villages. Les Eenouch de Nemaska se sont déplacés vers les villages de Mistassini et de Rupert’s House (Waskaganish). Les Eenouch de Waswanipi ont été dispersés en plusieurs campements et dans certaines villes non Eeyou, comme Chapais, Miquelon et Matagami. Les Eenouch de Waswanipi et de Nemaska considèrent leur déplacement comme une initiative ne venant pas d’eux-mêmes. Il s’agit à leurs yeux d’un déplacement forcé par leur situation sociale et économique.

Les Eenouch d’Oujé-Bougoumou ont été dispersés et déplacés à plusieurs reprises vers différents lieux et campements dans leurs territoires historiques et traditionnels. Pour des raisons administratives et économiques, les Eenouch d’Oujé-Bougoumou ont été inscrits en tant que membres de la bande de Mistassini par le ministère des Affaires indiennes.

En outre, les Eenouch de Neoskweskow et de Nitchequon, lieux qui servaient de postes de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson, ont été inscrits, pour des raisons économiques et administratives, comme membres de la bande de Mistassini par le ministère des Affaires indiennes. Il est permis de douter que les Eenouch de ces postes aient été consultés sur leur déplacement vers le village de Mistassini.

En 1956, les Eeyouch naskapis sont parvenus à Schefferville au Québec, à la suite de plusieurs déplacements des communautés à partir de Fort Chimo, de Fort Nascapie et de Fort McKenzie sur une période de plus d’un siècle. Les Naskapis se sont établis sur un site adjacent au Lac John dépourvu des infrastructures et des services de base essentiels à un village4.

En 1969, le ministère des Affaires indiennes a fait l’acquisition, pour le bénéfice des Eeyouch naskapis, d’un site situé au nord du centre urbain de Schefferville. En 1972, de nouvelles maisons avaient été construites pour eux (ce nouveau site est connu sous le nom de réserve de Matimekosh, que se partageaient des bandes montagnaises et naskapie)5.

En 1971, les Eeyouch naskapis sont devenus une « bande » connue sous le nom de « bande des Naskapis de Schefferville » en vertu de la Loi sur les Indiens6.

La Loi sur les Indiens, avec son imposition d’un système électif, déterminait la structure officielle d’un gouvernement local limité par le chef et le Conseil de chacune des communautés ou « bandes » cries et naskapie. Cette structure officielle a été soulignée par le ministère des Affaires indiennes dans ses rapports avec les « bandes » cries et naskapie.

Les Eenouch d’Oujé-Bougoumou ont confirmé et exercé le droit à l’autonomie gouvernementale, conformément aux lois et coutumes traditionnelles, car le gouvernement fédéral ne les considérait pas comme une « bande » distincte conformément à la Loi sur les Indiens. Le gouvernement local des autres villages cris et naskapi fonctionnait également à l’intérieur des paramètres des lois et coutumes traditionnelles, sans égard au régime juridique en vertu de la Loi sur les Indiens.

Exemple classique d’administration et de gouvernement local par la « bande » dans les villages cris du début des années 70 : le chef recevait un salaire, habituellement à titre d’employé à mi-temps, et était secondé par un gestionnaire de bande et un secrétaire à temps plein qui dirigeaient le bureau de chacune des bandes, la plupart du temps dans une petite structure d’une pièce ou deux.

Souvent, les hauts fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes prenaient des décisions importantes que le chef et le conseil entérinaient sans discuter.

À l’intérieur des limites étroites du processus de prise de décisions imposé par la bureaucratie du ministère des Affaires indiennes, une action politique efficace par les Eeyouch et la direction de l’Eeyou était difficile. Le ministère des Affaires indiennes considérait généralement les structures officielles de gouvernement et d’administration de la bande comme instruments au service de la promotion et de la mise en place des politiques fédérales, car la Loi sur les Indiens n’accordait pas d’autorité réelle à ces structures locales.

La Loi sur les Indiens et le ministère des Affaires indiennes en sont venus à être considérés comme des instruments ou des agents d’intrusion dans la société Eeyou.

Les peuples cris et naskapi, comme les autres « bandes indiennes », se situaient aux échelons inférieurs de la hiérarchie bureaucratique. Dans le ministère des Affaires indiennes, Ottawa était au centre des instances qui prenaient les décisions touchant les Indiens pour les différents programmes et services administrés par le ministère. Dans ces bureaux, il n’y avait pas ou peu de consultation avec les « bandes indiennes » comme les « bandes » cries et naskapie. Les employés gouvernementaux déterminaient les budgets locaux, évaluaient les arrangements administratifs, concevaient les maisons des communautés indiennes, esquissaient les systèmes d’aqueduc et d’égouts, élaboraient les programmes scolaires, planifiaient et suggéraient les schémas de développement économique, menaient des recherches juridiques et faisaient en général tout ce qu’ils estimaient être dans l’intérêt de la « bande indienne », quand ce n’était pas dans le meilleur intérêt du ministère.

Chaque province avait un quartier général régional administrant toutes les bandes « indiennes » vivant dans son territoire. Québec était le siège social administratif régional des « bandes » indiennes du Québec. Dans les années 70, la majorité des « bandes » cries vivant dans le district abitibien étaient administrées à partir du Bureau de district des Affaires indiennes à Val d’Or au Québec (dans les années 60, le Bureau de district des Affaires indiennes était situé à Amos au Québec). En effet, le Bureau de district des Affaires indiennes était au centre des relations entre les bandes cries et le gouvernement fédéral.

Les « bandes » cries et naskapie entretenaient rarement des relations directes avec le gouvernement du Canada.

Cependant, le ministère des Affaires indiennes a permis à certaines bandes cries de s’administrer localement, mais non de déterminer, certains programmes ou services fédéraux grâce à des arrangements administratifs et contractuels. Ainsi, les bandes cries géraient dans une certaine mesure, limitée, les écoles locales.

En 1970, les Eeyouch ont compris et continuent de comprendre que le progrès de l’autonomie gouvernementale, le développement social et économique et l’éradication des maux sociaux qui les affligent ne peuvent et ne pourraient pas être accomplis à l’intérieur des limites imposées par la Loi sur les Indiens et par le bras administratif dominateur du ministère des Affaires indiennes.

Par conséquent, pour les Eeyouch, le contrôle étendu et la domination exercés par le gouvernement fédéral sur la société et le territoire Eeyou par la Loi sur les Indiens et le Ministère des Affaires indiennes sont devenus les catalyseurs du changement dans les relations Eeyou-fédérales.

NOTES
  1. Calder c Procureur général de la Colombie-Britannique, 1993, rapport de la Cour suprême
  2. Loi constitutionnelle de 1867, 30 et 31 Vict., c. 3 (R-U.), (S.R.C. 1985, App. II, No 5)
  3. A Parcel of Fools " Economic Development and the Naskapis of Quebec” " rapport soumis au Programme de développement économique des autochtones par la Naskapi Development Corporation, août 1989.
  4. Ibid.
  5. Ibid.
  6. Ibid.

DÉBUT

CHAPITRE 3

GOUVERNEMENT LOCAL EEYOU (CRIS ET NASKAPIS)

Le court texte qui suit décrit la situation et les conditions des Eeyouch (Cris et Naskapis), leurs administrations et gouvernement local ainsi que les relations avec le gouvernement fédéral au début des années 70, avant l’application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) et de la Convention du Nord-Est québécois (CNEQ) :

  1. Les Eeyouch étaient au nombre d’environ 6 000 Cris et de 350 Naskapis.

  2. Le mode de vie traditionnel basé sur la chasse, la pêche, le piégeage et les activités connexes constituait et demeure encore une composante essentielle de la culture et de la société Eeyou.

  3. Les Eeyouch (Naskapis) commençaient à s’établir dans la réserve montagnaise de Matimekosh dans les logements qu’on était en train de leur construire.

  4. Les Eeyouch (Cris) de l’Eeyou Istchee habitaient six (6) villages isolés " Poste-de-la-Baleine, Fort George, Paint Hills, Eastmain, Rupert’s House et Mistassini. Les Cris de ces villages vivaient dans des abris inadéquats dépourvus des infrastructures convenables pour les systèmes d’aqueduc et d’égouts.

  5. À l’exception des Cris d’Oujé-Bougoumou, les peuples cris et naskapi jouissaient du statut de « bande » en vertu de la Loi sur les Indiens.

  6. Seules trois (3) communautés " Mistassini, Waswanipi et Eastmain "étaient des terres allouées à titre de « réserves » établies par la loi provinciale, en vertu d’un arrangement administratif avec le gouvernement fédéral. Toutefois seuls les Cris de Mistassini résidaient dans leur « réserve ». Les Cris de Waswanipi n’avaient pas d’autres choix que d’abandonner le vieux poste de Waswanipi et leur « réserve ». La « réserve » destinée aux Cris d’Eastmain était située à l’extérieur du village cri d’Eastmain.

  7. Les Cris de Nemaska, ayant été déplacés du vieux poste de Nemaska, résidaient dans les villages de Rupert’s House et de Mistassini.

  8. Les Cris de Waswanipi et d’Oujé-Bougoumou étaient dispersés et résidaient dans de petits campements rudimentaires répartis dans leurs territoires traditionnels et dans certaines municipalités non autochtones.

  9. Les Cris d’Oujé-Bougoumou étaient inscrits, pour des raisons économiques et administratives, comme membres de la bande de Mistassini par le ministère des Affaires indiennes. Certains Cris d’Oujé-Bougoumou résidaient dans le village de Mistassini.

  10. La Loi sur les Indiens était appliquée aux peuples cris et naskapi. Le système juridique d’un régime de gouvernement local limité et supervisé était donc imposé aux « bandes » cries et naskapie.

  11. Sans égard au régime juridique prévu par la Loi sur les Indiens, les peuples cris et naskapi ont continué à faire valoir leurs traditions et coutumes lors des élections aux conseils de « bande » et dans le processus de prise de décision concernant les affaires locales, d’intérêt individuel ou collectif.

  12. Le gouvernement fédéral, principalement par l’intermédiaire du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC), offrait des programmes et des services aux « bandes » cries et naskapie.

  13. Les « bandes » cries et naskapie entretenaient des relations avec le gouvernement fédéral à travers les fonctionnaires du Bureau de district du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

  14. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a pris des mesures contractuelles et administratives dans le but de permettre à certaines bandes cries de gérer des programmes et des services fédéraux, tels que la gestion des écoles locales.

  15. Dans la plupart des communautés Eeyou, les relations avec le gouvernement du Québec étaient pratiquement inexistantes.

  16. L’imposition de la Loi sur les Indiens réglait presque tous les aspects importants de la vie des « Indiens » cris et naskapis.

  17. Des questions se posaient quant à la capacité des « bandes », en vertu de la Loi sur les Indiens, d’entreprendre des obligations contractuelles et d’assumer des responsabilités juridiques à titre de groupement reconnu ou de personnalité juridique.

  18. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a assuré le contrôle des structures politiques, l’administration et de la gestion des terres, le développement des communautés ainsi que le développement social et économique des « bandes » cries et naskapie.

  19. Le gouvernement du Québec considérait que le bien-être des « Indiens » cris et naskapis comme étant une responsabilité du gouvernement fédéral et ne fournissait donc pas ou peu de services et de programmes aux peuples cris et naskapis.

  20. Le MAINC contrôlait les affaires locales et administratives.

  21. Le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec ne reconnaissaient pas les droits des Autochtones. La Constitution du Canada était muette sur la question des droits des Autochtones et des droits issus des traités.

  22. Par conséquent, le Canada et le Québec ne reconnaissent pas le droit des Autochtones à l’autonomie gouvernementale. Les gouvernements fédéral et provincial étaient d’avis que les Autochtones n’avaient pas de droits gouvernementaux autres que ceux que le gouvernement choisissait d’enchâsser dans la Loi ou d’imposer, comme le régime prévu par la Loi sur les Indiens.

  23. Toutefois, le gouvernement du Canada reconnaissait la légitimité des revendications territoriales des Indiens à la lumière de l’arrêt Calder de 1973 de la Cour suprême du Canada sur la question des titres aborigènes.

  24. Les obligations du Québec de régler les revendications territoriales et autres des peuples autochtones au moment où ses frontières ont été étendues en 1898 et en 1912 demeuraient non respectées et en suspens.

  25. Le gouvernement du Canada, comme par le passé, continuait d’insister et de mettre en application la politique de l’extinction des droits, revendications, titres et intérêts des Autochtones dans tous les règlements, ententes ou traités portant sur les revendications territoriales des Autochtones.

  26. La Loi sur les Indiens et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en vinrent à être considérés comme des instruments et des agents d’intrusion dans les affaires Eeyou.

  27. En général, les tribunaux n’avaient pas encore clarifié le rôle et la responsabilité fiduciaire de la Couronne.

  28. Le développement des ressources, comme le développement hydroélectrique dans les territoires traditionnels et historiques des Cris, est devenu source de questions et de préoccupations de première importance.

En 1974, les Cris (Eeyou) de l’Eeyou Istchee établirent le Grand Conseil des Cris (du Québec) afin de protéger leurs droits et intérêts dans leurs territoires historiques et traditionnels et de promouvoir leur sens de la collectivité, de l’identité et du statut en tant que peuple et nation.

Pour le peuple cri et naskapi, il n’y a pas d’autres principes de base dans l’histoire et les relations des Autochtones que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de leurs territoires, conformément à leurs traditions, valeurs, buts et aspirations. En particulier, la reconnaissance mutuelle entre peuples coexistants et jouissant de l’autonomie gouvernementale est fondamentale dans le maintien des relations avec le Canada et le Québec.

Les négociations qui ont mené, tout au long des années 70, à l’application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois ont été une occasion rare pour les peuples cris et naskapi, respectivement, d’obtenir la reconnaissance de droits, garanties et bénéfices particuliers pour leurs sociétés distinctes et leur mode de vie basé sur leur relation centrale et privilégiée avec leurs territoires historiques et traditionnels. Ces négociations et conventions ont aussi fourni un moyen de faire valoir, dans une certaine mesure, leur vision d’autonomie gouvernementale pour leur peuple, leurs communautés et leurs terres, vision limitée cependant par l’environnement politique et juridique en place dans les années 70.

Par conséquent, le 11 novembre 1975, la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) a été signée par le Grand Conseil des Cris (du Québec), la Northern Québec Inuit Association, le Gouvernement du Canada, le Gouvernement du Québec et certaines sociétés d’État telles qu’Hydro-Québec.

La Convention du Nord-Est québécois (CNEQ) a été signée le 31 janvier 1978 par la bande des Naskapis de Schefferville, le Grand Conseil des Cris (du Québec), la Northern Québec Inuit Association, le Gouvernement du Canada, le Gouvernement du Québec et certaines sociétés d’État telles qu’Hydro-Québec.

La CBJNQ et la CNEQ émanent de ce qui, au début, était l’opposition des Cris de l’Eeyou Istchee à un projet de développement hydroélectrique dans leurs territoires historiques et traditionnels. Par conséquent, ces conventions ou traités sont également des arrangements à l’amiable ainsi que des ententes de revendications territoriales ou traités. En ce qui concerne les Eeyouch (Cris), la CBJNQ a été signée sous coercition : refuser le développement hydroélectrique n’a jamais été une option envisageable, car la construction de routes d’accès aux sites de développement hydroélectrique avait commencé dès 1971, le travail sur le premier barrage en 1973, et une injonction stoppant brièvement la construction du projet de développement hydroélectrique avait été renversée en appel.

Le 4 mai 1977, le Parlement passait la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie James et du Nord québécois laquelle approuvait, appliquait et déclarait valide la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Conformément à cette loi, le Gouverneur en conseil a par la suite approuvé, appliqué et déclaré valide la Convention du Nord-Est québécois.

En outre, l’Assemblée nationale du Québec a promulgué de nombreuses lois pour appliquer les articles particuliers de la CBJNQ et de la CNEQ.

L’article 9 (administration locale sur les terres de catégorie IA) de la CBJNQ prévoit « qu’on recommande au Parlement l’adoption d’une loi spéciale prévoyant l’administration locale par les Cris de la Baie James des terres de catégorie IA qui leur ont été attribuées ».

L’article 7 (administration locale sur les terres de catégorie 1A-N) de la CNEQ prévoit des dispositions semblables au sujet de l’autonomie gouvernementale des Naskapis du Québec sur les terres de catégorie IA-N attribuées à cette nation.

Le paragraphe 5.1.2 de l’article 5 de la CBJNQ définit les terres de catégorie IA comme des « terres réservées à l’utilisation exclusive des bandes cries de la Baie James, incluant la bande de la rivière Grande Baleine. Elles seront administrées, dirigées et contrôlées par le Canada, sous réserve des conditions de la présente Convention ».

De façon semblable, le paragraphe 5.1.2 de l’article 5 de la CNEQ définit les terres de catégorie IA-N comme des « terres mises de côté à l’usage et au profit exclusifs de la bande naskapie, relevant de l’administration, de la régie et du contrôle du Canada, sous réserve des conditions de la présente Convention ».

Tous les villages cris et naskapi sont (ou dans le cas d’Oujé-Bougoumou, seraient) situés sur les terres de catégories IA ou IA-N.

Il est clair que les peuples cris et naskapi souhaitaient maintenir une relation, mais une relation redéfinie avec le gouvernement du Canada sur la base de l’esprit et de la lettre des dispositions de la CBJNQ et de la CNEQ en tant que traités et responsabilités constitutionnelles du Canada.

Par conséquent, conformément à l’article 9 de la CBJNQ et à l’article 7 de la CNEQ et afin d’établir une relation redéfinie avec le Canada, les peuples cris et naskapi et le gouvernement du Canada ont discuté des dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, laquelle a reçu l’assentiment royal le 14 juin 1984.

La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit « un régime d'administration locale organisé et efficace ainsi que l'administration, la régie et le contrôle par les bandes cries et la bande naskapie des terres des catégories IA et IA-N, ainsi que la protection des droits individuels et collectifs prévus aux Conventions » en vertu de la CBJNQ et de la CNEQ.

Durant la période de discussions au sujet des dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (1975 à 1984), les déplacements des peuples cris et naskapi suivants ont eu lieu :

  1. Le peuple cri de Waswanipi a réuni et construit sa communauté actuelle de Waswanipi. La construction a commencé en 1976.

  2. Le peuple cri de Nemaska, conformément au paragraphe 7.4 de l’article de la CBJNQ, a été déplacé à son nouveau village de Nemaska sur les rives du lac Champion. La construction de la communauté actuelle de Nemaska a commencé en 1977.

  3. Le peuple cri de Fort George a été déplacé de l’île de Fort George vers un nouveau village, Chisasibi, vers la terre ferme, sur les rives méridionales de la rivière Chisasibi (La Grande) à cause de l’impact possible du développement hydroélectrique sur l’île de Fort George et du désir d’Hydro-Québec de modifier substantiellement son projet de développement hydroélectrique. (La CBJNQ a par la suite été modifiée en 1978 à cette fin.) La communauté de Chisasibi a été construite par les Eeyouch de Chisasibi.

  4. Conformément à l’article 20 de la CNEQ, le peuple naskapi a accepté de se déplacer de la réserve de Matimekosh et de fonder un nouveau village nommé Kawawachikamach. La construction du nouveau village a commencé en 1981 et était passablement avancée à la fin de 1984.

Dans les discussions concernant un nouveau régime au sujet du gouvernement local, de l’administration, de la gestion et du contrôle des terres communautaires, les Eeyouch (Cris et Naskapis) ont rejeté le régime juridique accordant au gouvernement local des pouvoirs supervisés et le droit de veto au ministre, en vertu de la Loi sur les Indiens. Par conséquent, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec remplace la Loi sur les Indiens, laquelle cesse de s’appliquer aux bandes cries et à la bande naskapie. Elle (la Loi sur les Indiens) ne s’applique pas non plus aux terres des catégories IA ou IA-N sauf aux fins de déterminer lesquels des bénéficiaires cris et naskapis sont des « Indiens » aux termes de la Loi sur les Indiens.

Par conséquent, en plus d’ériger de nouvelles communautés et d’accélérer le développement des communautés, comme par exemple le logement et les infrastructures pour les communautés nouvelles et existantes, les peuples cris et naskapi mettaient en place un nouveau régime d’administration, de gestion et de gouvernement local des terres de catégories IA et IA-N, respectivement.

La situation des Cris d’Oujé-Bougoumou est décrite au chapitre 5 du présent rapport. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et la Loi sur les Indiens ne s’appliquent pas aux Cris d’Oujé-Bougoumou qui, par conséquent, ne sont pas constitués en une corporation de bande distincte et séparée en vertu des lois. Néanmoins, les Cris d’Oujé-Bougoumou exercent leur droit à l’autonomie gouvernementale par la nation des Eenouch d’Oujé-Bougoumou, leur unité traditionnelle et historique d’autorité et de gestion.

Sans égard au régime juridique de gouvernement local en vertu de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les Eeyouch (peuples cris et naskapi) continuent à faire de la place à leurs traditions et coutumes dans l’exercice et la pratique du gouvernement local.

Pour mettre en place et fournir un système de gouvernement local cri et naskapi et pour l’administration, la gestion et le contrôle des terres communautaires par les bandes cries et naskapie, respectivement, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit les points essentiels et généraux suivants :

  1. Application de la Loi sur les Indiens (La Loi sur les Indiens ne s’applique pas)

  2. Incorporation et nom des bandes cries et naskapie et appartenance à ces bandes

  3. Missions et pouvoirs des bandes

  4. Conseil de bande et assemblées du Conseil

  5. Règlements relatifs au gouvernement local

  6. Procédures d’adoption de règlements et de résolutions

  7. Contestation de règlements et de résolutions

  8. Élections au Conseil de bande - Règlements relatifs aux élections

  9. Déclenchement d’élections

  10. Contestation des résultats d’élection

  11. Assemblées et référendums au sein des bandes

  12. Administration financière des bandes

  13. Droits de résidence et d’accès aux terres des catégories IA et IA-N

  14. Droits des bandes, du Québec et autres relativement aux terres des catégories IA et IA-N

  15. Expropriation des terres de catégories IA et IA-N par le Québec

  16. Disposition des droits et des intérêts dans les terres des catégories IA et IA-N et dans les biens immeubles

  17. Cession par les bandes

  18. Service de l’Enregistrement

  19. Expropriation par les bandes

  20. Commission crie-naskapie

  21. Successions

  22. Police

  23. Infractions

  24. Administration de la justice

Il semble donc que la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec soit un statut complet et complexe de gouvernement local et d’administration pour les Cris et les Naskapis.

Pendant les entretiens portant sur les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, un jalon historique dans l’histoire des relations avec les Autochtones a été posé lorsque la Constitution du Canada a été modifiée pour confirmer et reconnaître les droits des Autochtones et les droits issus de traités.

L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 affirme :

  1. Les droits existants - ancestraux ou issus de traités - des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

  2. Dans la présente loi, « peuples autochtones du Canada » s’entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada.

  3. Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d’accords sur les revendications territoriales ou ceux susceptibles d’être ainsi acquis.

  4. Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits - ancestraux ou issus de traités - visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes.

Par conséquent, en ce qui a trait aux peuples cris et naskapi, la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les « droits autochtones existants et les droits issus de traités ». Les droits issus de traités comprennent les droits visés par la Convention de la Baie James et du Nord québécois et par la Convention du Nord-Est québécois.

La source, les termes et les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec diffèrent donc considérablement de la Loi sur les Indiens sous les aspects suivants :

  1. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec découle des obligations et entreprises fédérales conformément à la CBJNQ et à la CNEQ en tant que traités.

  2. Les droits issus de traités, y compris la disposition prévoyant le gouvernement local et l’administration pour les Cris et les Naskapis, le contrôle et la gestion des terres, sont reconnus et confirmés par la Loi constitutionnelle de 1982.

  3. Les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ont été abordées par les représentants des peuples cris et naskapi et du gouvernement du Canada.

  4. La Loi prévoit des pouvoirs et un contrôle accrus par les corporations de bandes cries et naskapie et le gouvernement local sur les communautés, les terres et les affaires locales de celles-ci.

  5. Les gouvernements locaux cris et naskapi sont imputables envers leurs peuples.

  6. Le pouvoir du ministre d’approuver, de rejeter ou d’opposer un veto et le pouvoir du Gouverneur en conseil d’approuver ou de réglementer sont restreints et limités à certaines affaires.

  7. La Loi clarifie la capacité des corporations de bandes d’assumer des obligations et des responsabilités juridiques.

  8. En tant qu’organisme indépendant, la Commission crie-naskapie, a le devoir juridique de faire état de la mise en application de la Loi.

  9. La Loi tient compte de certaines traditions et coutumes, telles que les modes d’adoption et de succession.

  10. La LCNQ permet expressément l’emploi des langues crie et naskapie dans les assemblées du conseil en plus de tous les autres droits ayant trait à l’emploi de ces langues. En outre, le rapport de la Commission crie-naskapie doit être rédigé en cri et en naskapi ainsi qu’en anglais et en français.

Toutefois, la source, les termes et les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (LCNQ) sont semblables à ceux de la Loi sur les Indiens en ce qui a trait aux points importants suivants :

  1. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est une loi fédérale (bien qu’enchâssée dans la Constitution) qui prévoit un régime juridique pour les gouvernements locaux cris et naskapi.

  2. La LCNQ crée de nouvelles entités telles que les corporations de bande qui ont pour objet d’agir en tant qu’autorité du gouvernement, sans reconnaissance claire de la nation Eeyou, l’unité historique et traditionnelle d’autorité et de pouvoir.

  3. Le Gouverneur en conseil conserve l’autorité de faire des règlements ordonnant des affaires qui doivent être prescrites par la LCNQ.

  4. En vertu de la Loi sur les Indiens, le ministre des Affaires indiennes possède un pouvoir discrétionnaire étendu de surveillance et de contrôle du gouvernement local. En vertu de la LCNQ, l’autorité du ministre est beaucoup plus limitée et circonscrite.

  5. Certains règlements des gouvernements locaux cris et naskapi doivent être approuvés par le ministre des Affaires indiennes ou par le Gouverneur en conseil.

  6. La LCNQ ne reconnaît pas les formes traditionnelles de gestion et ne prend pas complètement en considération l’application des lois et coutumes traditionnelles par les peuples cris et naskapi.

  7. La LCNQ ne prévoit pas le développement et la mise en application du système d’administration de la justice des Cris et des Naskapis.

  8. La Loi sur les Indiens est administrée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le ministre est également responsable de l’administration de la LCNQ.

  9. Les services de l’Enregistrement sont sous le contrôle et la supervision du ministre.

La mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a été ardue pour toutes les parties concernées. Les nombreux problèmes, questions et préoccupations rencontrés par les peuples cris et naskapi et par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien sont décrits aux chapitres 5, 6, 7, 8, 9 et 10 du présent rapport.

Il convient de noter et de souligner que l’exercice et la pratique du gouvernement local cri et naskapi ne peuvent être compris que si on lit et considère comme un tout la CBJNQ, la CNEQ et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Après tout, d’autres sections de la CBJNQ et de la CNEQ portent sur la compétence et les responsabilités du gouvernement local et des autorités cris et naskapis.

L’esprit et la lettre de ces traités doivent aussi être compris et respectés pour maintenir et améliorer les relations entre le gouvernement fédéral, les Cris et les Naskapis.

À la lumière des arrêts récents de la Cour suprême touchant l’interprétation des traités et l’importance des rapports historiques oraux par les peuples autochtones, il devient nécessaire de rassembler des rapports oraux et écrits sur la conception et la signification des traités des temps modernes, c’est-à-dire la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. La plupart des intervenants majeurs engagés dans ces processus historiques sont toujours en vie et pourraient contribuer de façon marquante qui favoriserait et permettrait une meilleure compréhension de l’esprit et de la lettre de ces conventions et traités.

De plus, les peuples cris et naskapi possèdent un droit inhérent à l’autonomie gouvernementale. Le droit à l’autonomie gouvernementale est inhérent aux nations cries et naskapie. Par conséquent, c’est par la nation que les Cris et les Naskapis expriment leur autonomie personnelle et collective. La nation Eeyou est l’unité traditionnelle et historique du pouvoir d’autonomie gouvernementale reconnu dans le processus de conception de traité et par les relations de nation à nation et de gouvernement à gouvernement.

Dans son rapport de 1996, la Commission royale sur les peuples autochtones concluait que « le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale est un des droits des Autochtones et droits issus des traités » lequel est reconnu et confirmé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

De plus, le gouvernement du Canada, dans son énoncé de politique d’août 1995, reconnaît le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale en tant que droit autochtone existant en vertu de l’article 35 de Loi constitutionnelle de 1982.

Par conséquent, l’interprétation et la mise en application de la CBJNQ, de la CNEQ et de la LCNQ sont des expressions partielles du droit inhérent de l’Eeyou à l’autonomie gouvernementale. La reconnaissance implicite du droit inhérent de l’Eeyou à une autonomie gouvernementale, dotée de moyens viables pour la mise en application adéquate de l’autonomie gouvernementale dans la CBJNQ et la CNEQ et une législation telle que la LCNQ, constituerait une expression complète du droit des Cris et des Naskapis à l’autonomie gouvernementale locale.

Cependant, la signification, la source, la nature, la portée et les autres attributs associés à l’autonomie gouvernementale Eeyou doivent être déterminés et tirés au clair afin de déterminer la voie menant au gouvernement local Eeyou conformément aux besoins, aspirations et buts des Eeyouch. Idéalement, ces questions et points connexes peuvent être abordés par les Eeyouch et peut-être par des négociations et ententes subséquentes avec le gouvernement du Canada (et le gouvernement du Québec).

Dans la mesure où l’autonomie gouvernementale Eeyou est exercée et pratiquée actuellement, la Commission crie-naskapie est parvenue aux observations et conclusions suivantes :

  1. La principale autorité se trouve essentiellement au niveau du gouvernement local; cependant, les Eeyouch reconnaissent qu’en pratique, les pouvoirs, responsabilités et missions sont exercés par d’autres autorités Eeyou telles que le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee)/l’Administration régionale crie. Par conséquent, certains pouvoirs et devoirs sont répartis entre plusieurs institutions cries et naskapies, comme les conseils scolaires et les conseils de santé, tel qu’il a été établi en vertu des dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois.

  2. Les pouvoirs et l’autorité du gouvernement local Eeyou reposent sur des pratiques établies depuis longtemps basées sur les lois et coutumes traditionnelles et sur d’autres sources officielles telles que la Convention de la Baie James et du Nord québécois, la Convention du Nord-Est québécois et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

  3. Les Eeyouch ont profité de la transition entre le régime restrictif de la Loi sur les Indiens vers le régime de gouvernement local de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec pour développer leurs institutions politiques et administratives à leur propre rythme, en répondant aux exigences élevées d’adaptation requises pour un gouvernement local adéquat et efficace fondé sur les éléments traditionnels de la gestion Eeyou et sur le droit existant et inhérent de l’Eeyou à l’autonomie gouvernementale.

  4. La signification et la pratique du gouvernement local Eeyou ont évolué et ont été redéfinies au cours des seize (16) dernières années. Les Eeyouch utilisent actuellement leurs gouvernements locaux pour satisfaire des besoins tels que le logement, le développement économique, les activités traditionnelles (chasse, pêche et culture), la police, l’administration de la justice, l’éducation, la santé, la prestation et l’administration de programmes et de services, le développement communautaire, la protection de l’environnement et la représentation politique pour mener les relations de gouvernement à gouvernement.

  5. L’efficacité des gouvernements locaux Eeyou dépend de leur aptitude à consacrer leurs ressources et leurs énergies à l’amélioration du bien-être de leurs mandants plutôt que d’avoir constamment à défendre leurs droits et leurs intérêts dans une atmosphère d’aigreur et de confrontation. La nation crie de l’Eeyou Istchee a dû consacrer des ressources et des énergies considérables à la défense des droits et intérêts Eeyou, notamment en ce qui a trait au développement des ressources telles que l’hydroélectricité, la foresterie ainsi qu’à la mise en application adéquate de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

  6. Les Eeyouch et le gouvernement du Canada doivent s’engager dans un processus efficace de mise en application des droits de l’Eeyou dans la redéfinition de l’autonomie gouvernementale Eeyou.

  7. Fait remarquable, les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien sont absents des communautés Eeyou, et les relations Eeyou-gouvernement fédéral sont entretenues directement par l’entremise de fonctionnaires du gouvernement fédéral à Ottawa. De plus, les Eeyouch, par leurs gouvernements locaux et les autres autorités Eeyou, exercent un contrôle considérable sur leurs affaires.

  8. Le plein potentiel du gouvernement local Eeyou, avec sa nature dynamique et évolutive, n’a pas encore été réalisé par les Eeyouch parce que la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, étant l’une des principales contraintes, demeure un instrument inflexible, rigide et statique depuis sa promulgation il y a seize ans.

  9. Pour être adéquat et efficace, le gouvernement local Eeyou doit jouir de toute la légitimité, de tous les pouvoirs et de toutes les ressources possibles.

  10. Une relation redéfinie entre le gouvernement Eeyou et le gouvernement fédéral doit confirmer, reconnaître et assurer comme il se doit la légitimité, les pouvoirs et les ressources nécessaires au gouvernement local Eeyou.

  11. Des ressources suffisantes et des dispositions de financement adéquates doivent êtres mises en place pour permettre l’exercice d’un gouvernement local Eeyou efficace.

  12. Les relations Eeyou-gouvernement fédéral, y compris sa nature fiduciaire, doivent être redéfinies et clarifiées par les Eeyouch et le gouvernement du Canada.

  13. Les Eeyouch et le leadership Eeyou envisagent l’amélioration et la promotion du gouvernement local Eeyou sur la base des droits, buts, besoins et aspirations Eeyou. En particulier, la vision de l’autonomie gouvernementale Eeyou inclut les principes, éléments et attributs suivants :

  1. Exercice du droit à l’autodétermination;

  2. Expression et exercice pleins et entiers du droit inhérent de l’Eeyou à l’autonomie gouvernementale;

  3. Amélioration des pouvoirs et de l’autorité;

  4. Extension de la compétence territoriale;

  5. Redéfinition des formes et institutions de gestion;

  6. Attribution de ressources adéquates;

  7. Établissement d’une base économique solide pour favoriser l’autosuffisance;

  8. Clarification et reconnaissance de la légitimité de la gestion Eeyou;

  9. Redéfinition et établissement de rapports équitables;

  10. Établissement d’une administration de la justice à l’écoute des réalités Eeyou et ayant des assises dans la communauté;

  11. Reconnaissance et affirmation des lois et coutumes traditionnelles;

  12. Application des principes et des valeurs Eeyou;

  13. Conformité avec l’état actuel du droit autochtone;

  14. Octroi de pouvoirs aux Eeyouch.


DÉBUT

CHAPITRE 4

LES ENTENTES REPLACÉES DANS LEUR CONTEXTE : DROITS ISSUS DE TRAITÉS 1975-2000

Introduction

La Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois (« les conventions ») ont été signées en 1975 et en 1978 respectivement. Avec l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982, les droits des Cris et des Naskapis prévus aux conventions ont été déclarés « droits issus de traités » et ont été « reconnus et confirmés » comme faisant partie de la « loi suprême du Canada ». Depuis cette date, de nombreux arrêts de la Cour suprême du Canada ont précisé le sens et la mise en application de ces dispositions constitutionnelles et, ce faisant, la portée et l’effet des conventions.

Tout ceci peut sembler d’un intérêt quelconque pour toute personne qui se penche sur l’état des lois et des politiques relatives aux Autochtones en l’an 2000. La situation actuelle constitue toutefois un changement spectaculaire par rapport à celle qui régnait en 1975 et avant.

À la fin du dix-neuvième siècle et durant une bonne partie du vingtième siècle, les tribunaux, à l’encontre de l’opinion selon laquelle les gouvernements devaient respecter les traités, considéraient ces derniers comme de « simples promesses de la Couronne ». Sans loi pour encadrer la portée précise de leurs dispositions, ces traités étaient essentiellement non exécutoires devant un gouvernement peu disposé à coopérer. La plupart du temps, les gouvernements interprétaient les traités de façon tellement réductrice que même les « simples promesses » n’entraînaient que peu d’obligations réelles pour eux en ce qui a trait aux droits des peuples autochtones1.

Démocratie, minorités et peuples autochtones

Le Canada est l’un des rares pays dans lequel une très grande majorité de la population est constituée soit d’immigrants ou de descendants d’immigrants. Ceci a eu pour conséquence que notre politique a souvent comporté une forte composante de débats portant sur les relations entre les différentes communautés. Ceci s’est concrétisé de différentes façons en termes de relations entre Francophones et Anglophones, d’écoles distinctes, de politique de bilinguisme et de multiculturalisme, de politique d’immigration ainsi que de législation sur les droits de la personne. Dans l’ensemble, on a souvent pu constater une tension dynamique entre les concepts de melting pot et de « communauté de communautés ». Cette tension est souvent un élément bon et positif de notre conscience publique. Bien entendu, cette situation amène de temps à autre à notre attention des aspects plutôt négatifs de la vie politique. En d’autres termes, le Canada a toujours dû maintenir un équilibre délicat entre le respect des minorités d’une part et le besoin d’unité nationale et de prise de décision démocratique d’autre part. La primauté du droit, le système fédéral et la Charte des droits et libertés représentent des tentatives (la plupart du temps heureuses) pour atteindre cet équilibre.

Dans ce tourbillon de concepts et de réalités politiques, les peuples autochtones du Canada ont vu beaucoup trop souvent leurs droits ignorés. Encore en 1969, le premier ministre alors en poste, Pierre Trudeau, niait la pertinence des droits ancestraux des peuples autochtones et jouait avec l’idée de les abolir2. Il faut dire à la décharge du premier ministre qu’il a par la suite appuyé l’inclusion dans la Loi constitutionnelle d’articles qui « reconnaissent et confirment les droits ancestraux ou issus de traités des Autochtones ».

Être apte et disposé à faire la distinction entre les droits uniques (sui generis) ancestraux et issus de traités des peuples autochtones et les droits garantis par la Charte et autres dont jouissent tous les Canadiens représente un défi politique permanent, non seulement pour les peuples autochtones, mais pour tous les Canadiens. En tant que Canadiens, nous jouissons tous de droits individuels (et, dans une certaine mesure, de droits collectifs) définis dans la Charte des droits et libertés et dans les autres dispositions de la Constitution. Les droits existants des peuples autochtones sont les droits dont les peuples autochtones ont joui depuis les temps immémoriaux et qui n’ont jamais été modifiés par les traités signés avec la France, la Grande-Bretagne ou le Canada. Les droits issus de traités découlent de traités et de conventions en vertu desquels les signataires autochtones offraient au gouvernement certains avantages, tels que le territoire et les ressources, et recevaient, en retour, des bénéfices tels que le développement économique, les soins de santé, l’accès à l’éducation, etc. Ces bénéfices s’ajoutent aux services offerts à tous les Canadiens et représentent une forme de paiement analogue à un loyer du territoire et des ressources. Ceux qui critiquent les droits fonciers issus de traités oublient souvent les bénéfices énormes que tout le Canada a tirés de ces mêmes traités. Ainsi, les conventions touchant le Nord québécois ont donné aux Canadiens et aux Québécois accès à des produits forestiers et miniers, à des territoires et à des ressources hydroélectriques valant des milliards de dollars. Pour toutes ces raisons, les traités et conventions signés avec les Autochtones, tout en donnant des droits particuliers aux peuples autochtones, sont des moyens par lesquels les autres Canadiens ont eu accès à des territoires et à des ressources pratiquement illimités.

La primauté du droit

Une valeur centrale dans la théorie juridique canadienne est celle de la primauté du droit. S’il existe bon nombre de définitions de ce concept, celle de Hilaire Barnett est peut-être la plus éclairante :

« Dans l’essence, la primauté du droit est celle de la souveraineté ou la suprématie du droit sur l’homme. La primauté du droit insiste sur le fait que toute personne, sans égard à son rang ou à son statut social, est assujettie à la loi. Pour le citoyen, la primauté du droit est à la fois une prescription qui dicte la conduite exigée par la loi, et une protection de ce même citoyen car elle exige du gouvernement qu’il agisse conformément à la loi3. »

Plus récemment et d’une façon plus autoritaire, la Cour suprême du Canada, dans son renvoi sur la sécession du Québec de 1998, a abordé la question de la primauté du droit et du concept apparenté de « constitutionnalisme ». La cour a entre autres affirmé :

« En d'autres mots, le principe du constitutionnalisme exige que les actes de gouvernement soient conformes à la Constitution. Le principe de la primauté du droit exige que les actes de gouvernement soient conformes au droit, dont la Constitution4. »

Le fait que les amendements constitutionnels de 1982 enchâssaient les droits ancestraux et les droits issus de traités des premières nations dans la Constitution a eu une portée considérable. L’article 35 rappelle que :

"35.
  1. Les droits existants - ancestraux ou issus de traités - des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.
 
  1. Dans la présente loi, « peuples autochtones du Canada » s’entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada.
 
  1. Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d’accords sur les revendications territoriales ou ceux susceptibles d’être ainsi acquis.
 
  1. Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits - ancestraux ou issus de traités - visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes5
La Constitution affirme en outre à l’article 52 :
52.
  1. La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit6

Ces deux dispositions rendues applicables par le principe de la primauté du droit ont tout changé. Dans l’arrêt Badger, la Cour suprême du Canada a conclu que : « Les traités - créent des obligations exécutoires7 ». On est donc loin des « simples promesses » que les tribunaux ont vu dans les différentes décisions de la Confédération pendant une bonne partie du vingtième siècle.

La Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois sont reconnues constitutionnellement et confirmées comme faisant partie de la « loi suprême du Canada ». Les conventions ont en fait créé des « obligations exécutoires ». Il peut se produire parfois que les gouvernements trouvent peu pratique, coûteux et même peu rentable sur le plan politique de respecter ces obligations. Cela ne leur donne pas le droit pour autant de manquer à leurs engagements. On a jugé que la Couronne avait une relation fiduciaire qui l’exige à respecter les obligations découlant des traités, même lorsque les pressions fiscales ou politiques sont susceptibles de dicter une autre conduite8

La nature des conventions et traités

Les traités et conventions peuvent prendre des formes très différentes, allant de traités compacts, comme ceux négociés par les Cris et les Naskapis et qui contiennent des centaines de milliers de mots exposant une gamme étendue de responsabilités, jusqu’à la simple protection militaire identifiée comme traité dans l’arrêt Sioui. Dans cet arrêt, la Cour suprême a fait des commentaires éclairants de 1990 en affirmant :

« ...le mot ‘traité’ n'est pas un mot technique. Il ne fait qu'identifier les ententes où la ‘parole de l'homme blanc’ est donnée et par lesquelles ce dernier s'assurait de la coopération des Indiens9. »

« ...Il ne faut pas oublier qu'un traité est un accord solennel entre la Couronne et les Indiens, un accord dont le caractère est sacré10. »

La Cour suprême a compris assez clairement le jeu de la politique et du droit dans l’histoire des relations entre les gouvernements et les peuples autochtones. En faisant allusion à l’histoire de la Baie James, le tribunal a affirmé dans l’arrêt Sparrow :

« Au cours de la même période générale, Hydro-Québec a entrepris le développement de la Baie James sans d'abord tenir compte des droits des Indiens qui y vivaient, et ce, même si ces droits bénéficiaient d'une protection constitutionnelle expresse; voir la Loi de l'extension des frontières de Québec, 1912, C. S. 1912, ch 4511. »

Dans certains cercles, on a exprimé quelques préoccupations, à savoir entre autres que les tribunaux prennent, du moins en partie, la place des gouvernements dans la conception des politiques relatives aux affaires indiennes. Ceci s’explique en partie par le fait que pendant des décennies, les gouvernements ont non seulement élaboré des politiques sans consulter les peuples autochtones, mais aussi qu’ils ont souvent conçu ces politiques en dérogation directe aux droits issus de traités des premières nations. Étant donné le pouvoir politique limité dont jouissent les premières nations, bon nombre d’entre elles n’ont eu d’autre choix que de s’adresser aux tribunaux pour protéger leurs droits. Cette démarche a eu un certain impact sur le processus d’élaboration de politiques mais, trop souvent, lorsque les tribunaux ont indiqué une direction claire quant à la façon d’élaborer les politiques, le gouvernement s’est conformé à l’arrêt de la cour dans le cas précis en cause tout en omettant d’observer le principe établi et en ne l’appliquant pas dans des circonstances analogues. Dans l’arrêt Sparrow, la Cour suprême a observé :

« Il aura fallu un bon nombre de décisions judiciaires et notamment l'arrêt Calder de notre Cour (1973) pour que le gouvernement reconsidère sa position12. »

Bien sûr, la Cour n’avait jamais cherché à s’adjuger ce rôle extrajudiciaire. Au contraire, elle continue d’inciter les gouvernements et les peuples autochtones à négocier des ententes entre eux. Dans les cas des Cris et des Naskapis du Nord québécois, les conventions ont été négociées et signées en 1975 et en 1978 respectivement. La difficulté a résidé dans la mise en application des conventions, notamment de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Ce genre de difficultés a constitué le lot des Premières Nations qui ont signé les traités historiques aux XVIIIe et XIXe siècles. Dans le cas de ces anciens traités, les documents ont été rédigés par des représentants du gouvernement qui utilisaient leur propre langue ainsi que des concepts juridiques qui étaient les leurs. Par conséquent, dans bien des cas, le texte des traités écrits ne reflète pas toujours pleinement ou exactement les réalités abordées ou les termes sur lesquels les parties s’étaient entendues. Les tribunaux ont établi des règles d’interprétation qui remédient dans une grande mesure à cette difficulté.

Dans le cas de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois, la langue et les concepts juridiques étaient communs aux deux parties et bien compris d’elles. Les différends ont porté surtout sur l’interprétation des obligations ainsi que sur la question de savoir si oui ou non le gouvernement respectait les obligations prévues aux conventions (ainsi qu’en vertu des ententes conclues dans le cadre de ces conventions). Pour les communautés autochtones, il s’agissait là du principal problème associé aux conventions. Cette situation est source d’insatisfactions profondes, car les conventions étaient garanties d’abord légalement par la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones du Nord québécois et par la suite par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 (c. 35). De nombreux procès ont été intentés par les Cris qui n’avaient d’autre façon de faire valoir leurs droits.

Avant l’amendement de la Constitution en 1982, les droits ancestraux ou issus de traités des Autochtones se trouvaient dans une position précaire sur le plan juridique. Ils pourraient être abolis (selon les tribunaux) par la législation britannique et plus tard par la législation canadienne (fédérale) qui visait clairement une abolition de ces droits. Traditionnellement, les tribunaux n’attribuaient qu’une portée limitée aux traités. En 1897, le Comité judiciaire du Conseil privé à Londres (à l’époque la dernière cour d’appel du Canada) affirmait :

« Les juges n’ont pas eu de difficulté à en arriver à la conclusion que, en vertu des traités, les Indiens n’obtenaient aucun droit à leurs rentes, qu’elles fussent originelles ou augmentées, au-delà d’une promesse et d’une entente, lesquelles n’étaient rien de plus qu’une obligation personnelle engageant son gouverneur, représentant la vieille province, et selon laquelle ce dernier devait verser des rentes au moment où elles devenaient payables; » (Olmsted, vol. I, p. 401)13

Cette situation s’est maintenue, avec des variations minimes, jusqu’aux années 80. Encore en 1969, le premier ministre décrivait les traités comme des contrats et ajoutait qu’ils ne devaient peut-être pas être maintenus indéfiniment. Si les droits issus de traités devaient recevoir moins de protection juridique qu’ils ne méritaient, les droits des Autochtones se trouvaient en situation encore pire. Dans le même discours, le premier ministre affirmait en 1969 : « ...nous disons que nous ne reconnaîtrons pas les droits des autochtones14. » Comme nous le savons, le Premier Ministre Trudeau a par la suite changé d’avis (en partie peut-être à cause du raisonnement exposé dans l’arrêt Calder) et a accordé son appui à l’article 35 qui protège les droits des Autochtones.

L’obligation de fiduciaire de la Couronne

Au moment où est tombé l’arrêt Guérin en 1985, la Cour suprême du Canada a constaté qu’une relation de fiduciaire sui generis existait, laquelle imposait un certain nombre de responsabilités à la Couronne. Dans l’arrêt Guérin, ces responsabilités portaient sur le territoire, bien que les principes établis puissent s’étendre à certains aspects touchant les règlements de revendications territoriales. Dans l’arrêt Sparrow de 1990, une autre obligation de fiduciaire a été reconnue, laquelle exigeait du gouvernement qu’il agisse dans ses rapports avec les peuples autochtones, plutôt comme fiduciaire que de façon adversative. D’autres causes ont prolongé ces concepts.

La Commission crie-naskapie croit que le cadre d’interaction entre le gouvernement fédéral et les Cris est beaucoup trop adversatif. Le Bureau de mise en application de la Convention de la Baie James est, dans une mesure beaucoup trop grande, davantage une agence gouvernementale qui exerce des pouvoirs discrétionnaires et fixe ses propres priorités qu’un organisme qui vise à mettre en application l’esprit et la lettre de la Convention, laquelle jouit du statut de traité au sens de l’article 35. Peu importe la mesure dans laquelle le gouvernement en place souhaite changer l’histoire et ignorer les dispositions d’une convention qu’il juge peu pratiques, coûteuses ou peu rentables sur le plan politique, il a clairement le devoir d’agir honorablement et à titre de fiduciaire.

On peut trouver des exemples de cette difficulté dans la controverse entourant les propositions émanant du gouvernement fédéral sur la protection contre l’incendie. L’article 28. 1 1 .1 (c) de la Convention de la Baie James et du Nord québécois prévoit que le Canada et le Québec, en consultation avec les Cris, « doivent fournir financement et assistance technique pour : c) la protection contre l’incendie, y compris la formation des Cris, l’achat d’équipement et, lorsque cela s’avère nécessaire, la construction d’installations dans les différentes communautés cries ». Ceci signifierait pour les personnes les plus raisonnables que le Canada et le Québec ont accepté une responsabilité permanente dans le domaine de la protection contre l’incendie. Toutefois, le gouvernement fédéral a offert un paiement unique à la condition que les Cris libèrent le Canada de son obligation d’apporter indéfiniment son aide en matière de protection contre l’incendie. Ce type de comportement est incompatible avec l’obligation de fiduciaire et l’honneur de la Couronne. Un droit issu d’un traité est « reconnu et confirmé » par la Constitution et devrait être respecté par le gouvernement. Il est inique de tenter de manipuler les premières nations pour les amener à renoncer à de tels droits sous la pression des besoins immédiats. Également, un tel comportement mine la crédibilité des ministres Stewart et Nault, qui ont répudié publiquement les « erreurs du passé », invité à une nouvelle relation fondée sur la confiance et affirmé une résolution ferme d’assurer que les traités soient mis en application. Cette incohérence permanente entre les intentions gouvernementales formulées et le comportement bureaucratique fait ressortir le besoin urgent d’imputabilité pour les politiques du secteur public.** Les commissaires sont d’avis que si le ministre Nault est investi d’une autorité assez vaste et de portée assez profonde en matière de gestion de politiques, s’il jouit de l’appui constant de ses collègues du Conseil des ministres et si son mandat se prolonge au-delà de deux ou trois ans, il pourrait très bien réussir à faire appliquer les conventions, comme il se propose de le faire. Si l’une ou l’autre de ces trois conditions n’est pas remplie, il se verra confronté aux mêmes limites auxquelles ses prédécesseurs ont eu à faire face. La Loi sur la gestion des finances publiques prévoit l’imputabilité et le contrôle de la gestion des finances publiques. Une loi parallèle sur l’imputabilité des politiques pourrait garantir le devoir pour les fonctionnaires d’exécuter les politiques établies par le Cabinet et les ministres.

Bref, la mise en application des conventions doit s’effectuer selon l’esprit, la lettre et l’intention de leurs dispositions. Une telle loi compenserait, dans une large mesure, le manque de pouvoirs réels de la plupart des ministres en ce qui a trait à la gestion de politiques.

Notes
  1. [1932] D.L.R. p. 788 En général voir aussi Cumming, P.A. et Mickenberg, N.H., Native Rights in Canada, 2e édition, General Publishing, Toronto, 1971.
  2. Trudeau, Pierre, Discours tenu à Vancouver le 8 août 1969, (cité dans Cumming et Mickenberg à la p. 336).
  3. Barnett, H. Constitutional et Administrative Law, 2e édition, Cavendish, Londres, 1998, p. 87
  4. Renvoi sur la sécession du Québec, C.S.C., 1998 (non rapporté) paragraphe 72.
  5. Canada, Ministère de la Justice, Les Lois constitutionnelles de 1867 à 1982 , consolidées au 1er janvier 1986; article 35.
  6. Ibid., article 52 (1)
  7. R. c. Badger [1996] 2 C.N.L.R. 77 (C.S.C.), paragraphe 76
  8. Pour un traitement général de cette question, voir R. c. Kruger, [1985] D.L.R. (4e)
  9. R. c. Sioui, [1990] 3 C.N.L.R. 127 (C.S.C.)
  10. Ibid.
  11. R. c. Sparrow [1990] S.C.N.L.R. 160 (C.S.C.)
  12. Ibid.
  13. P.C. du Canada et P.C. de l’Ontario [1897] A.C. rapporté dans (Olmsted), R.A., Decisions of the Judicial Committee of the Privy Council Relating to the British North America Act 1867 and the Canadian Constitution 1867-1954, vol. I, Ministère de la Justice, Ottawa, 1954 p.  401
  14. Supra. P. E. Trudeau.

DÉBUT

CHAPITRE 5

LES EENOUCH D’OUJÉ-BOUGOUMOU

L’histoire des Eenouch d’Oujé-Bougoumou est l’épopée de la dépossession territoriale d’un peuple, de déplacements continuels d’une communauté pour des motifs d’administration et de développement, et de la lutte d’un peuple pour avoir une place au soleil dans son territoire historique et traditionnel.

Historiquement et traditionnellement, les Eenouch d’Oujé-Bougoumou ont toujours constitué un groupe distinct des Eenouch, et a exploité et occupé son territoire traditionnel, qui comprend environ 1 000 milles carrés de terres dans le Eeyou Istchee (terre des Cris). La découverte et l’exploitation de ressources minérales dans le territoire traditionnel et historique des Eenouch d’Oujé-Bougoumou ont conduit à la dépossession territoriale et au déplacement continuel de ce peuple.

Les Eenouch d’Oujé-Bougoumou, en tant que nation autochtone distincte, n’est pas partie prenante de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ). Au moment des négociations qui ont mené à la conclusion de la (CBJNQ), les Eenouch d’Oujé-Bougoumou étaient enregistrés comme membre de la bande de Mistissini par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) pour des fins administratives et économiques. Par conséquent, les Cris d’Oujé-Bougoumou sont bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Cependant, la CBJNQ ne prévoit pas le transfert de terres des catégories IA, IB et II aux Cris d’Oujé-Bougoumou. Le droit aux terres des catégories I et II des Cris d’Oujé-Bougoumou, en tant que membres de la bande de Mistassini en 1974 et en 1975, a été calculé et inclus dans les terres des catégories I et II de Mistassini dans la CBJNQ. Étant donné que la nation crie d’Oujé-Bougoumou n’est pas une partie prenante distincte à la CBJNQ, cette dernière ne dit rien sur la question de l’attribution de terres des catégories I et II aux Cris d’Oujé-Bougoumou. Par conséquent, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ne s’applique pas à la nation crie d’Oujé-Bougoumou.

Au moment des négociations qui ont conduit à la conclusion de la CBJNQ, les Cris et les parties gouvernementales ont reconnu que la situation des Cris d’Oujé-Bougoumou, au nombre d’environ 200 Eenouch en 1974-75, serait visée par la CBJNQ une fois celle-ci entrée en vigueur.

Les gouvernements du Canada et du Québec ont d’abord refusé une telle reconnaissance, mais les Eenouch d’Oujé-Bougoumou ont continué d’insister pour la tenue de négociations. Les Cris de Mistissini et le Grand conseil des Cris du Québec ont admis et reconnu que les Cris d’Oujé-Bougoumou constituaient un groupe séparé et distinct et qu’ils avaient par conséquent droit à leurs terres propres et à un nouveau village.

Le gouvernement du Québec s’est présenté à la table des négociations dans les années 80. Le 6 septembre 1989, les Cris d’Oujé-Bougoumou et le gouvernement du Québec ont signé la Convention d’Oujé-Bougoumou. Les principales dispositions de la convention portaient, entre autres, sur le financement de la construction d'un nouveau village, sur un fonds de développement socio-économique et sur la reconnaissance par Québec des Cris d’Oujé-Bougoumou en tant que Première Nation distincte.

En ce qui a trait à un territoire pour les Cris d’Oujé-Bougoumou, la Convention d’Oujé-Bougoumou avec le Québec prévoit les dispositions suivantes** :

4.1 Les parties ont comme objectif qu’après une éventuelle entente avec le gouvernement du Canada, les Cris d’Oujé-Bougoumou disposeront de terres de la catégorie I d’une superficie de 167 km2 et de terres de la catégorie II d’une superficie de 2 145 km2. L’attribution de ces terres serait assujettie à la mise en application de la convention avec les Cris de Mistissini.

4.4 Les parties reconnaissent que le village d’Oujé-Bougoumou devrait éventuellement être situé sur des terres de la catégorie I A et que, moyennant une entente expresse dans ce sens entre les parties concernées, les dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois portant sur les terres de la catégorie I A s’appliqueront à ce village.

Les Cris d’Oujé-Bougoumou ont poursuivi leurs objectifs et aspirations tout au long de leurs négociations avec le gouvernement du Canada. Le 22 décembre 1990, les Cris d’Oujé-Bougoumou ont signé une entente de principe avec le Canada. Celle-ci repose sur la reconnaissance de la nation d’Oujé-Bougoumou en tant que Première Nation distincte et sur la participation financière du Canada à la construction d’un nouveau village. Cette entente de principe a ouvert la voie à d’autres négociations avec le gouvernement du Canada.

La Convention Oujé-Bougoumou/Canada a été signée le 22 mai 1992 par les Cris d’Oujé-Bougoumou, le Grand Conseil des Cris (du Québec)/l’Administration régionale crie, et le gouvernement du Canada. La Convention Oujé-Bougoumou/Canada prévoit aussi la reconnaissance par le Canada des Cris d’Oujé-Bougoumou en tant que Première Nation distincte et reconnaît de plus la nécessité d’accorder des terres aux Cris d’Oujé-Bougoumou.

Dans cette optique, le Canada et les Cris ont entrepris d’amender la CBJNQ au moyen d’une Convention complémentaire qui inclurait les Cris d’Oujé-Bougoumou comme signataires de la CBJNQ de plein droit. De plus, le Canada a entrepris, dans la Convention Oujé-Bougoumou/Canada, de recommander l’adoption par le Parlement d’une loi visant à amender la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec de manière à incorporer les Cris d’Oujé-Bougoumou en tant que neuvième bande crie de la Baie James et à prévoir l’attribution de terres de la catégorie IA à la nouvelle bande d’Oujé-Bougoumou.

La Convention Oujé-Bougoumou/Canada et la Convention entre la nation d’Oujé-Bougoumou et le Québec envisagent un « transfert » de terres à partir de portions actuelles de terres des catégories I et II de Mistissini afin de constituer un territoire pour les Cris d’Oujé-Bougoumou. Pour en arriver à une réattribution et à une réorganisation ordonnée, équitable et juste de ces terres, le Québec et la nation crie de Mistissini ont signé un protocole d’entente le 6 décembre 1989. Ce protocole d’entente prévoit également, avant tout « transfert » de terre, un règlement ou une entente portant sur des questions et des préoccupations précises de Mistissini.

Le 30 mai 1991, les Cris d’Oujé-Bougoumou ont tenu une cérémonie historique sur les rives du lac Opemiska, à l’endroit où le nouveau village doit être construit.

En 1994, les Cris d’Oujé-Bougoumou et le Gouvernement du Québec ont signé une Convention réglant certaines questions en suspens relativement à la Convention d’Oujé-Bougoumou (signée le 6 septembre 1989). Dans cette entente particulière, le Québec accepte, entre autres engagements, de «réserver provisoirement 2,7 kilomètres carrés de terres à l’usage et au profit exclusifs des Cris d’Oujé-Bougoumou… et relativement au village d’Oujé-Bougoumou. La constitution officielle de ces terres en terres de la catégorie IA, en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, sera ordonnée par décret, lequel sera soumis à l’approbation du gouvernement dès la fin des consultations… » Le village d’Oujé-Bougoumou, avec une population actuelle d’environ six cents (600) Eenouch de la nation Oujé-Bougoumou, a été construit sur le territoire de 2,7 km2 mentionné plus haut.

La nation crie d’Oujé-Bougoumou peut avoir choisi provisoirement les terres qui seront désignées terres des catégories IA et IB et terres de la catégorie II pour la nation crie d’Oujé-Bougoumou dès qu’on se sera entendu sur les mesures suivantes et qu’elles auront été appliquées :

convention complémentaire en vue d’amender les articles pertinents de la CBJNQ qui incorporerait les Cris d’Oujé-Bougoumou dans la CBJNQ;

  1. amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec en vue d’incorporer les Cris d’Oujé-Bougoumou Cris en tant que « bande »;

  2. amendements aux lois québécoises habilitantes de manière à établir la Société du village d’Oujé-Bougoumou et la Société immobilière d’Oujé-Bougoumou. D’autres lois québécoises habilitantes peuvent aussi être amendées;

  3. entente sur le choix des terres par la nation d’Oujé-Bougoumou ainsi que sur les terres devant être cédées, « transférées » et approuvées par Mistissini;

  4. ententes sur les questions, préoccupations et points associés de Mistissini, conformément au protocole d’entente signée en 1989;

  5. cession et « transferts » des terres accordées, conformément à la loi applicable.

En mars 2000, la nation crie d’Oujé-Bougoumou n’avait pas encore reçu officiellement ses terres des catégorie I et II. Actuellement, les Cris d’Oujé-Bougoumou occupent néanmoins leurs terres historiques et traditionnelles, que les gouvernements du Québec et du Canada considèrent comme publiques (ou comme terres de la catégorie III en vertu de la CBJNQ).

Cependant, les Eenouch d’Oujé-Bougoumou exercent leur droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, conformément aux lois et aux coutumes traditionnelles des Eenouch, et continuera de le faire, car ni la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ni la Loi sur les Indiens ne s’appliquent à eux ou à leurs terres communales.

Le 14 février 2000, le chef et les représentants de la nation crie d’Oujé-Bougoumou ont fait une présentation devant la Commission crie-naskapie lors de ses audiences spéciales sur la mise en application de la convention tenues à Oujé-Bougoumou (Eeyou Istchee).

La plupart des points soulevés par les Eenouch d’Oujé-Bougoumou ne sont pas nouveaux, mais il vaut la peine de les rappeler à la lumière de leur importance pour la Première Nation d’Oujé-Bougoumou.

  1. Entente Oujé-Bougoumou/Canada1
    La nation crie d’Oujé-Bougoumou est très préoccupée et espère que la convention Oujé-Bougoumou/Canada signée en mai 1992 sera mise en application dans sa totalité. Cette entente prévoit entre autres :
    une participation fédérale à la construction d’un nouveau village;
    le financement des opérations et de l’entretien de la communauté sur une base continue;
    une entente sur un financement continu des projets d’immobilisations;
    un engagement envers l’offre de programmes et de services normaux;
    des démarches en vue de négocier une Convention complémentaire par laquelle Oujé-Bougoumou serait officiellement incorporé à la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
  2. Convention complémentaire2
    La convention Oujé-Bougoumou/Canada et l’entente entre Oujé-Bougoumou et le Québec prévoient des négociations avec les Cris d’Oujé-Bougoumou menant à une Convention complémentaire qui incorporerait officiellement la Première Nation d’Oujé-Bougoumou à la Convention de la Baie James et le Nord québécois (CBJNQ).
    Pour les Eenouch d’Oujé-Bougoumou, l’incorporation à la CBJNQ comme un traité et les négociations menant à cette inclusion constituent un processus de traité qui tiendrait compte de l’état actuel de la loi sur les Indiens, des droits humains et des principes. Pour les Eenouch d’Oujé-Bougoumou, ces négociations devraient être davantage qu’un exercice mécanique de rédaction conduisant à l’adhésion au traité, basé sur la loi sur les Indiens, les politiques gouvernementales et les affaires indiennes des années 70.
  3. Financement des projets d’immobilisations3
    La nation crie d’Oujé-Bougoumou envisage une disposition de la convention Oujé-Bougoumou/Canada qui prévoirait que le financement des projets d’immobilisations d’Oujé-Bougoumou, commençant avec l’exercice financier 1994-95, soit déterminé selon les besoins. Les négociations ont plutôt débouché sur une continuation de la formule des rajustements aux subventions liées aux projets d'immobilisations des Cris. Par conséquent, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) a adopté une démarche dans laquelle les futurs projets d’immobilisations pour les Eenouch d’Oujé-Bougoumou sont financés de façon différente des projets d’immobilisations des autres communautés cries.
    De plus, l’entente Oujé-Bougoumou/Canada stipule clairement que le financement accordé aux communautés cries ne sera pas diminué à cause du financement mis à la disposition des Cris d’Oujé-Bougoumou. Néanmoins, le MAINC a affirmé qu’il n’est nullement obligé de rembourser les Cris pour le financement de 1,7 million de dollars reçus par Oujé-Bougoumou pour les projets d’immobilisations après 1994-95.
  4. Financement des opérations et de l’entretien4
    Tout comme les autres communautés cries, la nation crie d’Oujé-Bougoumou reçoit actuellement un financement annuel pour les opérations et l’entretien. Cependant, les Eenouch d’Oujé-Bougoumou entretiennent des inquiétudes graves sur la base et les conséquences du niveau ou de la formule des rajustements élaborée en 1984. L’application de la présente formule de rajustement du financement des opérations et de l’entretien ne tient pas compte des nouvelles réalités, des nouvelles préoccupations et des nouveaux besoins des communautés.
    Par conséquent, la nation crie d’Oujé-Bougoumou recommande une refonte de la formule de financement des opérations et de l’entretien qui réponde aux besoins dont on n’a pas tenu compte en 1984.
  5. Table ronde avec le gouvernement du Canada5
    La table ronde réunissant le gouvernement du Canada et la nation crie, formée pour se pencher sur les questions de mise en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, n’a pas permis, jusqu’à présent, de satisfaire aux attentes des Eenouch d’Oujé-Bougoumou.

  1. Audiences spéciales sur la mise en application, présentation faite par le chef Sam Bosum devant la Commission crie-naskapie, 14 février 2000 (Oujé-Bougoumou, Eenou, Istchee)
  2. Ibid.
  3. Ibid.
  4. Ibid.
  5. Ibid.

DÉBUT

CHAPITRE 6

NASKAPI EEYOUCH (NATION) DE KAWAWACHIKAMACH

Comme nous l’avons indiqué dans la section «Contexte» du présent rapport, Naskapi Eeyouch (nation naskapie) est devenue, en 1971, une bande connue sous le nom de « bande des Naskapis de Schefferville », conformément à la Loi sur les Indiens.

La « bande des Naskapis de Schefferville » a signé son traité, ou Convention du Nord-Est québécois (CNEQ), le 11 janvier 1978. En ce qui concerne les Naskapis, les Eeyouch, comme ils s’appellent eux-mêmes, avaient conclu un traité ou une convention portant sur leurs revendications territoriales avec les gouvernements du Canada et du Québec. Après tout, l’Eeyou est l’unité historique et traditionnelle de l’autorité gouvernementale autonome.

Les droits, avantages et garanties consentis aux Naskapis Eeyouch en vertu du CNEQ sont, dans l’ensemble, comparables à ceux prévus accordés aux Cris et aux Inuits en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ). La CNEQ prévoit cependant certains avantages qui ont été négociés de façon à tenir compte des aspirations et des besoins propres aux Naskapis.

Par conséquent, conformément à l’article 20 (Déplacement) de la CNEQ, la nation naskapie Eeyouch a décidé par voie de scrutin en janvier 1980 de se déplacer à Block Matemice, où on procéderait à la construction du village de Kawawachikamach. La construction du nouveau village a débuté en 1981 et, vers la fin de 1984, l’édification de Kawawachikamach était presque achevée1.

La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec incorpore la bande des Naskapis de Schefferville de la Loi sur les Indiens comme bande des Naskapis du Québec ou nation Kobac naskapie, laquelle agit comme autorité du gouvernement local sur ses terres de la catégorie I A-N.

Le 4 mars 1999, le Cabinet fédéral a approuvé le règlement 131 (touchant le changement du nom de la bande). La bande des Naskapis du Québec s’appelle actuellement Naskapi Eeyouch Kawawachikamach (en Naskapi), Naskapi Nation of Kawawachikamach (en anglais) et nation naskapie de Kawawachikamach (en français).

La population actuelle de Kawawachikamach dépasse légèrement les sept cents (700) âmes.

Le 14 février 2000, le chef et les représentants de la nation naskapie Eeyouch de Kawawachikamach ont fait une présentation à la Commission crie-naskapie lors des audiences spéciales tenues à Oujé-Bougoumou, Eeyou Istchee (Québec).

Dans sa présentation, la nation naskapie Eeyouch de Kawawachikamach soulevait les points suivants :

  1. Amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec1

    Dans sa représentation de 1998, la nation naskapie Eeyouch a exprimé sa préférence pour la conclusion d’une entente avec les Cris sur les amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et de la présentation, par la suite, de propositions conjointes au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

    Les amendements souhaités par la nation naskapie Eeyouch sont décrits dans le chapitre 8 «Mise en application et amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec» du présent rapport.

  2. Entente quinquennale sur le financement2

    Une nouvelle entente quinquennale sur le financement, que le Conseil considère juste et acceptable, a été conclue avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en juillet 1999.

  3. Mise en application du traité3

    La Commission crie-naskapie, dans son rapport de 1998, a fait certaines recommandations au sujet de mesures administratives, judiciaires et législatives en vue de la mise en application des traités.

    La nation naskapie Eeyouch donne son accord de principe à la recommandation de la Commission en vue de la création d’un secrétariat de mise en "uvre du traité, lequel serait indépendant du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et aurait pour mission de voir au respect des obligations du Gouvernement en vertu des traités et des conventions.

    La nation naskapie reconnaît le bien-fondé d’une nouvelle loi sur les droits issus des traités et les droits et mérites ancestraux dans la recommandation en vue de la création d’une cour supérieure de compétence nationale.

  4. Financement d’une force de police4

    La nation naskapie est sur le point de conclure une entente tripartite intérimaire d’une durée d’un an à partir du 1er avril 2000. Cependant, le niveau de financement prévu par l’entente ne permettra pas l’embauche de quatre agents à temps plein, soit le nombre minimum d’agents que les Cris ont été en mesure de garder dans leurs forces de police, dans leurs communautés peu populeuses.

    La nation naskapie Eeyouch a fait une demande de subvention de 467 533 $ auprès des gouvernements canadien et québécois afin de payer son nouveau poste de police et l’entretien de celui-ci.

  5. Appareil judiciaire local5

    La nation naskapie de Kawawachikamach appuie le concept de l’intégration, poussée autant que faire se peut, des valeurs et des approches traditionnelles dans l’appareil judiciaire local. Cependant, la nation souhaite suivre les progrès effectués par les Cris dans ce domaine et déterminer de quelle façon l’administration de la justice peut être adaptée à sa condition.

    La nation naskapie Eeyouch de Kawawachikamach a fait des progrès considérables grâce à l’établissement du Comité de justice de guérison naskapi, lequel aide les juges dans le prononcé des sentences, apporte son soutien aux agents de surveillance et aide les membres de la communauté sortant de prison à réintégrer la société.

  6. Rapports et négociations avec le gouvernement6

    La nation naskapie Eeyouch signale que ses rapports avec le gouvernement canadien sont généralement bons.

    Outre les ententes susmentionnées (sur le financement et la police), la nation naskapie a conclu une entente de principe avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien sur le financement des opérations et de l'entretien pour la période commençant le 1er avril 2000.

  7. Droits issus des traités et droits ancestraux7

    La nation naskapie juge que la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ne peut être amendée unilatéralement au cas où le Canada percevrait un conflit quelconque entre cette loi et la Charte canadienne des droits et libertés, à moins et jusqu’à ce qu’une entente ait été conclue avec la partie naskapie sur les amendements appropriés à la Convention du Nord-Est québécois.

  8. Gouvernement et administration naskapis - Vision8

    Dans l’ensemble, la nation naskapie est satisfaite de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et souhaite continuer à l’améliorer.

    La vision du gouvernement et de l’administration locale de la nation naskapie Eeyouch comprend les éléments suivants :

    1. l’élargissement des responsabilités du Conseil;

    2. le renforcement du contrôle local par la fusion de toutes les autorités (c’est-à-dire par l’éducation et la santé) sous l’égide d’un Conseil étendu;

    3. l’atteinte d’un niveau meilleur de gouvernement public local par des négociations avec les gouvernements du Canada et du Québec.

    La nation naskapie de Kawawachikamach déplore cependant le fait que le gouvernement canadien n’ait pas réussi à protéger ses droits et ses intérêts dans les négociations avec les Inuit au sujet du gouvernement régional autonome.

  1. “A Parcel of Fools - Economic Development and the Naskapis of Quebec,” rapport présenté au Programme de développement économique des autochtones par la Société de développement des Naskapis.
  2. Audiences spéciales de mise en application de la convention, 14 février 2000, Dossier présenté aux audiences de consultation de la Commission crie-naskapie, Oujé-Bougoumou, Québec, 14-18 février 2000, par la nation naskapie de Kawawachikamach.
  3. Ibid.
  4. Ibid.
  5. Ibid.
  6. Ibid.
  7. Ibid.
  8. Ibid.

DÉBUT

CHAPITRE 7

QUESTIONS ET PRÉOCCUPATIONS DES EEYOUCH (PEUPLE CRI)

La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec demande à la Commission crie-naskapie de présenter un rapport bisannuel sur la mise en application de la loi. Dans l’exercice de ses devoirs, la Commission observe certains principes d’enquête et d’examen équitable et compétent. Par conséquent, la Commission a établi et mis en place un processus de consultation publique qui prévoit des audiences publiques telles que les audiences spéciales sur la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis, tenues à Oujé-Bougoumou du 14 au 18 février 2000 et à Ottawa les 11 février 2000 et 10 mars 2000.

Les premières nations cries et naskapie suivantes ont fait un exposé devant la Commission crie-naskapie à l’occasion des audiences spéciales sur la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis :

nation crie d’Oujé-Bougoumou

nation naskapie de Kawawachikamach

nation crie de Mistissini

nation crie de Chisasibi

première nation de Waskaganish

première nation de Whapmagoostui

première nation de Nemaska

première nation crie de Waswanipi

nation crie d’Eastmain

De plus, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et le Washaw Sibi Eeyou ont fait des démarches devant la Commission crie-naskapie. Le directeur du Bureau de mise en application des Conventions de la Baie James a également fait un exposé devant la Commission au nom du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Le tableau I suivant indique le nombre d’habitants cris des neuf communautés au 3 juin 1999. Le nombre d’habitants des différentes communautés est en réalité plus élevé si l’on recense aussi les habitants non cris.

Tableau I1    Population Nation Crie
Communauté   Population
   Mistissini   2,816
   Chisasibi   3,129
   Waskaganish   2,076
   Waswanipi   1,473
   Wemindji   1,104
   Eastmain   552
   Whapmagoostui   687
   Nemaska   546
   Ouje-Bougoumou   583
Total   12,966

On peut avancer en toute prudence que le nombre actuel d’habitants de nation crie dépasse légèrement les 13 000 personnes. La population crie a donc plus que doublé au cours du dernier quart de siècle, soit depuis l’exécution de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Questions et préoccupations communes

La démarche des Eenouch (Cris) s’intéresse aux questions et aux préoccupations communes suivantes :

  1. Mise en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois

    D’abord et avant tout, la nation et le peuple cri, représenté par ses autorités et son gouvernement local et régional, a évoqué des préoccupations graves et profondes touchant la nature et la mise en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Les principales préoccupations et questions portant sur la nature et la mise en application de cette convention ou de ce traité sont les suivantes :

    1. Le défaut et le refus des gouvernements du Canada et du Québec de respecter et d’honorer l’esprit et la lettre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ).

    2. La nouvelle relation, censée croître et s’épanouir grâce à la CBJNQ, a été tuée dans l’"uf par un processus de déni et de non-respect du traité par le Canada et le Québec. Les articles de la CBJNQ qui ont été systématiquement ignorés portaient sur des programmes, des politiques, des règlements et des ententes nouveaux touchant la protection de l’environnement, le gouvernement local de la nation crie, le développement communautaire et économique, les services policiers, l’administration de la justice, la santé et l’éducation2.

    3. Le défaut de mise en application de la CBJNQ a entraîné un manque de capacité des communautés cries de gérer et d’assurer le développement communautaire et économique nécessaire à l’octroi de pouvoirs3.

    4. La mise en application de traités par le gouvernement fédéral comporte un processus d’abolition progressive des droits des peuples autochtones, et le Canada se montre réticent à reconnaître la nature permanente de ses obligations en vertu de la CBJNQ4.

    5. Le gouvernement fédéral refuse de reconnaître la Convention de la Baie James et du Nord québécois en tant que traité aux fins de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 19825.

    6. Les besoins fondamentaux des communautés cries, tels que le logement, l’emploi, les infrastructures, les systèmes d’aqueduc et d’égouts, les grands travaux doivent être satisfaits afin d’assurer et de garantir les conditions d’un développement social et économique adéquat6.

    7. Les gouvernements du Canada et du Québec font preuve d’un manque d’engagement, de volonté politique et de bonne foi pour une mise en "uvre efficace de la CBJNQ7.

    8. Les processus passés et présents ne fonctionnent pas et n’atteignent pas les résultats désirés pour la mise en application efficace de la CBJNQ8.

    9. Un nouveau processus de mise en application du traité, doté d’un mécanisme convenable pour la résolution des différends et des griefs, doit être établi par entente des parties prenantes autochtones et gouvernementales à la CBJNQ9. La nation crie de Mistissini a suggéré la mise en place d’un processus jouissant d’une autorité obligatoire sur le règlement de différends et sur la mise en application efficace de la CBJNQ.

    10. Le défaut du gouvernement d’exercer ses responsabilités fiduciaires d’une manière qui préserve l’« honneur de la Couronne » dans ses rapports avec la nation crie. La première nation de Whapmagoostui a affirmé que le Canada «[traduction] doit modifier sa stratégie et négocier de bonne foi, car les tribunaux de l’État les y exhortent, au nom de l’honneur de la Couronne10. »

    11. Au lieu de la confirmation et de la reconnaissance des droits des peuples autochtones, la Convention de la Baie James et du Nord québécois obéit à un schéma colonial dépassé et à une politique d’abolition des droits des peuples autochtones11.

    Les dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois n’ont pas évolué par des mesures adéquates qui tiennent compte de la situation, des besoins et des aspirations actuels de la nation et du peuple cri. Ainsi, les régimes ou obligations des gouvernements suivants exigent la prise de mesures législatives, financières et administratives adéquates, qui doivent respecter l’esprit et la lettre de la CBJNQ et tenir compte des droits, des valeurs, des traditions, des aspirations, de la culture et de la société cris :

    1. régime de protection sociale et environnementale;

    2. administration de la justice;

    3. régimes d’utilisation de la terre et des forêts;

    4. gouvernements locaux et régionaux;

    5. contrôle et prestation de services de police;

    6. prestation et contrôle des services et des programmes de santé et d’éducation;

    7. développement économique et social;

    8. régime de chasse, de pêche et de piégeage.

    Pour le peuple cri, tous ces régimes et toutes ces obligations ont un impact sur l’exercice et la pratique du gouvernement Eeyou.

    Depuis sa signature, la Convention de la Baie James et du Nord québécois a été modifiée formellement douze (12) fois par les conventions complémentaires nos 1 à 12. La convention complémentaire numéro 1 modifie certains articles de la CBJNQ de manière à permettre l’exécution et la mise en application de la Convention du Nord-Est québécois pour le bénéfice des Naskapis du Québec. Par conséquent, la CBJNQ n’est pas « statique ni coulée dans le béton » et peut être modifiée avec le consentement des parties prenantes à la convention. Cependant, les articles (de la CBJNQ) portant sur les points litigieux concernant la terre, les ressources naturelles et le pouvoir demeurent inchangés, en dépit des aspirations, des besoins, des droits et de l’état actuel du droit autochtone Eeyou.

    Cependant, toute modification de la CBJNQ constitue un changement fondamental du traité. Par conséquent, tout processus de modification doit être mené avec circonspection et prudence, car les droits en vertu de la CBJNQ sont des droits issus de traités aux fins de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

    Il convient de souligner que les moyens essentiels et normaux de mise en application sont l’obligation expresse ou implicite, reposant sur les gouvernements du Canada et du Québec dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois (et dans la Convention du Nord-Est québécois pour la nation naskapie), de prendre les mesures législatives et administratives appropriées. Les gouvernements du Canada et du Québec doivent donc s’engager dans un processus sensé et efficace visant à faire « fonctionner » les droits Eeyou plutôt que dans un processus de dénégation de ces droits.

    La transformation des belles paroles, promesses et des beaux principes en réalités sociales et politiques est une fonction de la loi, de l’administration et des procédures d’application qui exige une certaine mesure de bonne foi et de bonne volonté. De plus, il est clair que « faire fonctionner les droits Eeyou » exige des lois, structures, procédures, processus et ressources adéquats.

    L’établissement de nouvelles relations ou le renouvellement de celles-ci a été un principe commun dans le processus de préparation et de mise en application des traités. Dans l’établissement ou le renouvellement de relations entre le gouvernement fédéral et les Eeyouch, « faire fonctionner les droits Eeyou issus de traités » doit être une composante et un objectif essentiel.

    Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a adopté une position selon laquelle la production de rapports sur les questions et les préoccupations soulevées par les Eeyouch relativement à la mise en application de leurs traités ou conventions n’est pas la mission de la Commission crie-naskapie. La Commission s’inscrit en faux contre cette position du gouvernement fédéral, car bon nombre de questions et problèmes portant sur la mise en application de la loi empiète sur et affecte l’exercice du gouvernement local et le droit de l’Eeyou à l’autonomie gouvernementale.

    Un devoir entraîne une obligation légale et morale. Par conséquent, la Commission ne peut simplement ignorer les questions et les préoccupations soulevées par les Eeyouch relativement à la mise en application de la CBJNQ et de la CNEQ. Agir de la sorte constituerait une entorse grave au droit traditionnel, aux coutumes et au protocole des relations Eeyou.

    Conformément à l’article 10 de la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie James et du Nord québécois, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien doit présenter un rapport annuel à la Chambre des communes sur la mise en application des dispositions de ladite loi, pour la période allant de 1978 à 1998 inclusivement. Le ministre a par conséquent l’obligation et le devoir légal de déposer un rapport sur la mise en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois, car la loi et le règlement concernant la CNEQ faits en vertu de la Loi, approuvent, appliquent et valident les conventions.

    À l’exception du manque d’opportunité de ses actions, le ministre semble avoir honoré ce devoir et cette obligation. Le directeur du Bureau de mise en application de la Convention de la Baie James a affirmé devant la Commission que le rapport final et définitif sur la mise en application de la CBJNQ et de la CNEQ est sur le point de paraître. Ce rapport annuel sera le dernier préparé conformément à la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie James et du Nord québécois.

    Étant donné que la période durant laquelle le ministre doit faire son rapport annuel sur la mise en application de la CBJNQ et de la CNEQ prévue par la loi a expiré, les peuples cris et naskapi (ainsi que les Inuit du Nunavik) se retrouvent actuellement dans une situation difficile dans laquelle un système ou processus adéquat, efficace et acceptable de mise en application de la CBJNQ et de la CNEQ est pratiquement inexistant.

    Le directeur du Bureau de mise en application de la Baie James a affirmé devant la Commission que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) a la ferme intention de continuer, peut-être en partenariat avec les signataires de la CBJNQ et de la CNEQ, la production de tels rapports annuels. Toutefois, si l’un des signataires ne manifeste pas d’intérêt, le MAINC doit alors réexaminer la situation et juger de la faisabilité du maintien de la production de tels rapports en l’absence d’un des signataires.

    Toutefois, les membres de la nation crie présents à l’Assemblée générale du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) tenue en 1999 et les membres de la nation naskapie présents à l’Assemblée générale de la Nation naskapie de Kawawachikamach tenue en 1999 ont adopté des résolutions qui commandent à la Commission crie-naskapie de faire rapport sur la mise en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois. Les membres des nations cries et naskapie ont signifié leur intention de faire en sorte que la Commission crie-naskapie observe son devoir de faire rapport en l’absence d’un mécanisme de présentation de rapports, et ce, jusqu’à ce que les parties concernées en soient arrivées à une entente sur un mécanisme de présentation de rapports adéquat et efficace ou sur un processus de mise en application des conventions. Ces résolutions adoptées par les membres des nations cries et naskapie figurent à la fin du présent rapport, en tant qu’annexes A et B, respectivement.

    Le MAINC a réagi à ces résolutions adoptées par les membres des nations cries et naskapie lors de leurs assemblées en exprimant la préoccupation quant au fait que la Commission, en tant qu’organisme indépendant et impartial, puisse être mandatée par les parties pour entreprendre certaines actions. Le MAINC préfère une entente dans laquelle les parties signataires, y compris le gouvernement fédéral, s’entendent sur la production de rapports annuels sur la mise en application de la CBJNQ et de la CNEQ.

    En outre, il semble que les processus passés et présents de mise en application efficace de la CBJNQ se sont avérés jusqu’ici inefficaces. La Commission, dans son rapport de 1991, a suggéré une approche qui englobe le dialogue direct et les négociations entre les parties, associée à un mécanisme de règlement des différends. Des processus de dialogue et de négociations ont bien été établis, mais les mécanismes de résolution des différends sont inexistants pour la mise en application des traités. Cependant, les communautés cries ont affirmé que les processus actuels de dialogue et de négociations, tels que la Table ronde Cris-Canada et le processus Namagoose-Vennat, n’ont pas, jusqu’ici, répondu aux attentes. Dans certains cas, y compris les différends portant sur les obligations du gouvernement du Québec en vertu des traités, les Eeyouch (Cris) n’ont eu d’autre choix que d’intenter des procès. (L’annexe C du présent rapport donne la liste des causes actuellement devant les tribunaux).

    De plus, la Commission crie-naskapie, dans son rapport de 1998, a formulé certaines recommandations au sujet des mesures judiciaires, administratives et législatives relatives à la mise en application des traités. Ces recommandations de la Commission crie-naskapie sont appuyées, en principe, par les résolutions adoptées par les nations cries et naskapie à leurs assemblées générales respectives de 1999.

    Plus particulièrement, la Commission crie-naskapie a recommandé les mesures suivantes de mise en application des traités :

    • Création d’un secrétariat distinct et indépendant chargé de veiller à la mise en application des traités avec les Autochtones;

    • élaboration d’une Loi sur la mise en application des traités avec les Autochtones;

    • institution d’un tribunal supérieur temporaire de compétence nationale chargé de se pencher sur les questions touchant les droits issus de traités des peuples autochtones.

    La recommandation numéro 5 du rapport de la Commission crie-naskapie de 1998 explique, en termes généraux, la nature et l’objectif de la Loi proposée sur la mise en application des traités de la façon suivante :

    1. Une loi sur la mise en application des traités devrait être élaborée en englobant la plupart de la nouvelle loi sur les droits ancestraux et les droits issus de traités de même que la loi fiduciaire en un seul statut qui servirait de guide faisant autorité à l'intention des fonctionnaires du gouvernement dans l'exercice de leurs responsabilités en vertu des divers traités et conventions. Cette nouvelle législation, ou une partie de la législation correspondante, dont une loi de mise en application de traités (dispositions financières) devrait stipuler clairement la façon dont les aspects financiers des traités et conventions devraient être réglés.

    La confédération de l’Assemblée des Premières nations (APN) a, par voie de résolution, appuyé en principe la « proposition de loi sur la mise en application des traités ». La résolution de l’APN correspond à l’annexe D du présent rapport.

  2. Questions touchant les communautés et questions connexes

    Les démarches des Eeyouch (Cris) faites devant la Commission ont fait valoir que beaucoup de questions touchant les communautés et de questions connexes ont été soulevées à maintes reprises lors des consultations publiques tenues en vue de la préparation des rapports antérieurs de la Commission. Les chefs et représentants des Eeyouch (Cris) sont frustrés et déçus, car ils ont le sentiment que leurs préoccupations et questions, même si elles sont exposées par la Commission dans ses rapports bisannuels, sont tout simplement ignorées par le gouvernement fédéral et qu’elles restent donc lettre morte. Ces questions touchant les communautés et questions connexes couvrent les sujets suivants :

    i)   Financement des opérations et de l’entretien

    La présente « Convention sur le transfert de financement des opérations et de l’entretien », qui prévoit l’octroi continu de subventions pour soutenir le gouvernement local et l’administration, n’est pas toujours à la hauteur de la situation (elle ne tient pas compte par exemple du coût de la vie élevé dans le Nord), des circonstances changeantes et des besoins actuels des communautés locales Eeyou (cries). Cet aspect est abordé plus loin au chapitre 8 du présent rapport intitulé « Mise en application et amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ».

    (ii)   Logement

    La nécessité de construire de nouvelles maisons, de remplacer ou de rénover les maisons existantes continue d’être une question pressante, car le manque de logement se fait de plus en plus sentir au sein des communautés cries. La nation crie de Chisasibi, dans un rapport détaillé, établit un lien entre l’insalubrité des maisons et les différentes maladies qui affectent leurs occupants. La nation crie de Chisasibi a donc présenté une demande sur les besoins et l’état du logement et ses conséquences sociales au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ainsi qu’à Santé Canada. Les ministères fédéraux concernés n’ont pas répondu aux négociations sur le logement. La demande a été présentée en janvier 1999.

    Selon la Première Nation crie de Waswanipi, la situation du logement au sein de la communauté peut être qualifiée de critique, étant donné les réalités suivantes :

    1. Le nombre d’habitants par foyer est quatre fois plus élevé que la moyenne canadienne;

    2. on aurait besoin de deux cents (200) nouvelles habitations pour répondre à la demande et pour être à la hauteur des normes canadiennes;

    3. l’octroi de logement n’a pas crû de manière à satisfaire les besoins de la population, lesquels vont croissant.

    Des mesures radicales sont requises pour répondre aux besoins actuels des communautés cries en matière de logement.

    (iii)   Développement économique et emploi

    Avec l’arrivée, chaque année12, d’environ 400 jeunes cris sur le marché du travail, le taux de chômage élevé au sein des communautés cries (environ 40 p. cent) est un problème considérable et sérieux, aggravé par le manque de ressources pour le développement économique. De plus, le développement des ressources naturelles comme l’hydroélectricité et la foresterie n’a pas entraîné la création d’un nombre important d’emplois pour les Eeyouch (Cris). Qui plus est, on a besoin de ressources pour les programmes et les projets pour promouvoir le développement économique et pour réduire le taux de chômage actuel. Le défaut des gouvernements du Canada et du Québec de respecter l’article 28 (Développement économique et social des Cris) a encore aggravé la situation des Cris au chapitre de l’emploi et du développement économique. La nation crie d’Eastmain a signalé un besoin urgent de développement économique étendu et durable à titre de partie intégrante et essentielle d’une autonomie gouvernementale authentique. À cet égard, on ressent le besoin de mesures pour appuyer le secteur privé de l’économie et pour soutenir l’économie locale.

    (iv)Projets d’immobilisations pour le développement communautaire

    Le manque actuel et permanent de ressources financières pour les projets d’immobilisations, tels que les infrastructures pour la communauté, des maisons de jeunes, des foyers pour les personnes âgées, demeure une préoccupation essentielle au sein de certaines communautés cries.

    (v)Contrôle des armes à feu

    La mise en application de la loi sur le contrôle des armes à feu du gouvernement fédéral est en train de devenir un fardeau administratif pour des communautés cries comme celle de Waswanipi. Le gouvernement local des communautés cries devrait recevoir les ressources et le soutien nécessaire à la mise en application efficace de la loi sur le contrôle des armes à feu.

    En général, dans les questions touchant les communautés et les questions connexes, les chefs Eeyou (cris) et les représentants des communautés cries et du gouvernement local ont déclaré devant la Commission que les autorités concernées devraient examiner et appliquer les conclusions et recommandations des rapports antérieurs de la Commission. Les démarches faites par les Cris n’ont donc pas évoqué de nouveau les questions et préoccupations du passé, lesquelles demeurent non résolues.

  3. Mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec

    Les chefs et représentants Eeyou (cris) ont fait des démarches au cours des processus de consultation actuels et passés sur la mise en application et les amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Ces préoccupations et questions particulières et communes font l’objet du chapitre 8 du présent rapport, lequel porte sur la « Mise en application et les amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ».

    Préoccupations et questions particulières

    Certaines premières nations Eeyou (cries) ont évoqué les préoccupations et questions particulières suivantes qui intéressent leur communauté :

  1. Déplacement des communautés Eeyou

    Par le passé, certaines communautés Eeyou (cries) ont été déplacées et délocalisées pour des raisons d’administration et de développement.

    Les Eeyouch (Cris) d’Oujé-Bougoumou, de Fort George, de Old Factory, de Nitchequon, de Neoskweskow, de Nemaska et de Waswanipi ont été déplacés et délocalisés pour des raisons d’administration, de développement ou les deux.

    Les Eeyouch (Cris) entretiennent une relation particulière et privilégiée avec leurs communautés et leurs terres, dans lesquelles ils reconnaissent leurs ancêtres, leur histoire, leur spiritualité, leur identité et leur mode de vie. Le déplacement et la délocalisation des Eeyouch de leurs communautés et de leurs terres sont des expériences traumatisantes. Les Eeyouch estiment avoir subi des épreuves à cause de déplacements et de délocalisations qu’ils n’ont pas souhaités. Ces délocalisations ont eu et continuent d’avoir des effets sur les aspects culturels, spirituels, sociaux, économiques et politiques de la vie des Eeyouch.

    Par conséquent, la Première Nation crie de Waswanipi et la Première Nation de Nemaska ont demandé une enquête indépendante (Nemaska) ou la possibilité d’une enquête ou recherche (Waswanipi) sur les circonstances ainsi que sur leur situation particulière et les répercussions de ce qu’ils considèrent être des déplacements et des délocalisations forcés de leurs communautés ou peuples. Dans les deux cas, on avait planifié un développement hydroélectrique dans leurs territoires. Le projet de développement hydroélectrique connu sous le nom de complexe Nottaway-Broadback-Rupert aurait inondé leurs communautés ainsi que des portions importantes de leurs territoires traditionnels et historiques. Cependant, l’avenir de ce projet demeure controversé et douteux.

    En ce qui a trait aux demandes particulières concernant la délocalisation, la résolution pertinente de la Première Nation de Nemaska et la lettre de la Première Nation crie de Waswanipi sont jointes au présent rapport en tant qu’annexes E et F, respectivement.

  2. Circonstances particulières de la nation Whapmagoostui

    La nation crie de Whapmagoostui hérite de complications particulières à cause de l’emplacement géographique de sa communauté eu égard à son milieu physique restrictif. Les frontières naturelles et l’environnement (rivière et collines rocheuses) limitent le développement, l’expansion, les activités et l’exercice des droits de la communauté. Les Eeyouch de Whapmagoostui ont envisagé de se déplacer ou de vivre à l’extérieur des limites de leur village actuel, mais à l’intérieur des terres de catégorie IA. Ils envisagent la construction de campements extérieurs à des fins d’activités résidentielles et traditionnelles. On a besoin d’infrastructures pour les camps existants et nouveaux.

    De plus, les Eeyouch (Cris) de Whapmagoostui et les Inuit de Kuujjuarapik reçoivent un financement des gouvernements fédéral et provincial respectivement pour les projets d’immobilisations. L’entente actuelle sur les compétences et les responsabilités du Canada et du Québec a débouché sur des défis et des problèmes eu égard aux projets d’immobilisations pour les deux communautés. Ainsi, le centre local de soins de santé, construit conjointement par les Eeyouch locaux et les Inuit, comprend deux (2) cliniques administrées par différents conseils de santé.

    Pour répondre aux besoins des deux communautés, la nation crie de Whapmagoostui a suggéré que les gouvernements du Canada et du Québec concluent une entente sur le financement des projets d’immobilisations particuliers en collaboration avec les gouvernements locaux de Whapmagoostui et de Kuujjuarapik et conformément aux besoins et aux aspirations des communautés locales.

  3. Washaw Sibi Eeyou

    Les Washaw Sibi Eeyou sont un groupe d’environ deux cents (200) personnes d’ascendance crie qui vivent dans différentes municipalités et communautés autochtones, comme des villages algonquins situés à l’intérieur du territoire visé par la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Ils ont créé l’Association Washaw Sibi Eeyou qui représente les intérêts et protège et défend les droits de ces personnes. Les Washaw Sibi Eeyou sont bénéficiaires ou ont droit d’être bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

    Le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) reconnaît les liens historiques, culturels et familiaux existant entre les Washaw Sibi Eeyou et la nation Eeyouch (Cris) et plus particulièrement les Eeyouch de la Première Nation de Waskaganish.

    De plus, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) appuie les efforts de l’Association Sibi Eeyou en vue d’obtenir pour ses membres l’intégralité des droits et des bénéfices prévus par la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

    L’association est actuellement engagée dans l’élaboration d’un plan d’action incluant la faisabilité de différentes options touchant l’avenir des Washaw Sibi Eeyou. L’association a toutefois besoin de fonds pour exécuter son plan d’action et étudier la faisabilité des différentes options qui s’offrent à eux à l’avenir en tant que communauté des Eeyouch.

  4. Chisasibi

    La nation crie de Chisasibi a soulevé à maintes reprises et avec insistance les questions depuis longtemps en suspens du bloc D et de la piste d’atterrissage.

    Le bloc D correspond à la portion de terre sur laquelle se trouve la piste d’atterrissage de Chisasibi. La nation crie de Chisasibi considère cette portion de terre comme terre de catégorie I, par conséquent sous sa juridiction. Le statut de cette portion de terre, ou bloc D, demeure en suspens, malgré les promesses du Québec de résoudre la question.

    La nation crie de Chisasibi ne possède pas les ressources nécessaires pour entretenir et exploiter comme il se doit la piste d’atterrissage de Chisasibi. La piste d’atterrissage ne dispose pas des installations, des équipements, des infrastructures et des commodités nécessaires à son exploitation et à son entretien. L’état présent de l’aéroport représente un risque grave et un danger pour les passagers des vols. De toute évidence, on a besoin de fonds pour l’utilisation, l’exploitation et l’entretien adéquats de la piste d’atterrissage de Chisasibi.

  5. Waskaganish

    La Première Nation de Waskaganish a connu de graves problèmes d’administration et de gestion de ses ressources financières. Cette situation et cette expérience particulière de la Première Nation de Waskaganish ont conduit à la conclusion que l’intention, les termes et les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec doivent être revus à fond afin de s’assurer de l’intention et de la clarification des points suivants :

    1. imputabilité des autorités et des officiels locaux devant l’électorat local;

    2. octroi de pouvoir au peuple cri;

    3. pouvoirs, devoirs et rôles du chef et du Conseil;

    4. procédure pour l’exercice des pouvoirs législatifs du gouvernement local;

    5. prise de décision au sein de la communauté;

    6. assemblées du Conseil;

    7. transition du pouvoir;

    8. conflit d’intérêts;

    9. gestion des documents des « bandes »;

    10. administration financière correcte;

    11. devoirs et responsabilités du gouvernement fédéral;

    12. reconnaissance, devoirs et responsabilités du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et de l’administration régionale crie.

  6. Waswanipi

    La Première Nation crie de Waswanipi a fait état des préoccupations, questions et problèmes suivants :

    A. usage et contrôle de l’Eenou Istchee, le territoire et les parcours de piégeage cris;
    B. défaut du gouvernement fédéral de résoudre les questions découlant des recommandations de la Commission crie-naskapie;
    besoins en logement non satisfaits;
    D. manque de ressources pour :
    (i)   le développement économique afin de réduire le taux de chômage qui se situe à 23 % au sein de la communauté de Waswanipi;
    (ii)   les projets d’immobilisations tels que l’achèvement de la maison des jeunes, l’église, le centre d’accueil pour personnes âgées, les rénovations de l’aréna local, les routes et les trottoirs;
    (iii)   l’administration de la justice et la création d’un poste d’ombudsman;
    E. le manque de processus et de ressources en vue de la mise en application efficace de la loi sur le contrôle des armes à feu et du Service de l’Enregistrement;
    F. l’inobservation par le gouvernement fédéral de la convention actuelle sur les paiements de transfert du financement des opérations et de l’entretien;
    G. l’extension de la compétence des autorités locales eu égard aux terres adjacentes (c’est-à-dire les corridors des routes et des autoroutes ainsi que les lignes de transport d’électricité) à l’extérieur des terres de catégorie 1A pour des raisons de sûreté (par exemple, l’affichage de messages d’intérêt public) et autres;
    H. le défaut du gouvernement fédéral d’assumer sa responsabilité fiduciaire;
    I. l’examen de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec dans le but :
    (i)   de déterminer et de clarifier les rôles de la Commission crie-naskapie et du gouvernement fédéral;
    (ii)   de tenir compte des principes d’autonomie gouvernementale Eenou tels que ceux vus dans l’ébauche de constitution de la Loi sur le gouvernement de Waswanipi (ébauche de constitution du gouvernement de Waswanipi actuellement à l’étude par les Eenouch Waswanipi).

NOTES
  1. membres des communautés (Liste de la Commission d’inscription du 3 juin 1999).
  2. Proposition du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) faite devant la Commission crie-naskapie, 10 mars 2000, Ottawa, Ontario.
  3. Ibid.
  4. Ibid.
  5. Ibid.
  6. Ibid.
  7. proposition faite lors des audiences spéciales de la Commission crie-naskapie, 14 février 2000 " Nation crie de Mistissini.
  8. Ibid.
  9. Ibid.
  10. Mémoire de la Première Nation de Whapmagoostui " soumis à la Commission crie-naskapie à l’occasion d’une audience tenue le 16 février 2000 par le chef David Masty.
  11. Proposition du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) faite à la Commission crie-naskapie le 10 mars 2000 " Ottawa, Ontario
  12. Ibid.

DÉBUT

CHAPITRE 8

MISE EN APPLICATION ET AMENDEMENTS À LA LOI SUR LES CRIS ET LES NASKAPIS DU QUÉBEC

Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec

Conformément à l’article 9 de la CBJNQ et à l’article 7 de la CNEQ, le gouvernement du Canada a entrepris de recommander au Parlement l’adoption d’« une loi spéciale concernant l’administration locale des Cris de la Baie James sur les terres de la catégorie IA1 » et d’« une loi appropriée... concernant l’administration locale des Naskapis du Québec sur les terres de la catégorie IA-N2 ».

Par conséquent, de 1976 à 1984, les gouvernements du Canada, les Cris et plus tard les Naskapis, ont discuté des termes et dispositions de cette « Loi spéciale et appropriée » ainsi que des ententes sur le financement nécessaire à sa mise en application. Dans son préambule, cette loi spéciale, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, prévoit, pour les Cris et les Naskapis, « un régime d’administration locale organisé et efficace, ainsi que l’administration, la régie et le contrôle par les bandes cries et la bande naskapie des terres des catégories IA et IA-N...3 ».

Sauf pour établir lesquels des bénéficiaires cris et naskapis sont des « Indiens » aux termes de la Loi sur les Indiens, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec remplace la Loi sur les Indiens, qui ne s’applique pas aux Premières Nations cries et naskapies, pas plus que la Loi sur les Indiens ne s’applique aux terres des catégories IA ou IA-N.

Les représentants des parties cries et naskapies et le gouvernement du Canada sont arrivés à s’entendre sur les conséquences et les répercussions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, dans le Protocole d’entente de 1984, lequel peut être décrit de la façon suivante :

« [traduction] La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est la pierre angulaire de la réalisation du plein potentiel de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ainsi que de la Convention du Nord-Est québécois. Les nouvelles structures créées par les conventions étaient conçues pour faire interface avec les gouvernements locaux dûment constitués. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est aussi la base sur laquelle les rapports avec le gouvernement fédéral seront redéfinis. Avec la nouvelle Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les Cris et les Naskapis seront en mesure de passer outre aux restrictions inhérentes à la Loi sur les Indiens et ils pourront, par conséquent, prendre le plein contrôle de l’administration de leurs communautés et gérer entièrement les terres des catégories IA et IA-N4 ».

Par conséquent, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec de 1984 est la première loi canadienne à accorder une certaine reconnaissance de l’autonomie gouvernementale autochtone. Elle redéfinit les rapports entre le gouvernement du Canada et les nations cries et naskapie, car ce n’est plus la Loi sur les Indiens qui s’applique aux bandes cries et naskapie et à leurs terres communales.

Par ailleurs, nonobstant le régime juridique de l’administration et du gouvernement local en vertu de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les nations Eeyouch et naskapie continuent d’intégrer leurs traditions et coutumes à l’exercice et à l’application de leur gouvernement local.

En vue de la mise en place d’un gouvernement local cri et naskapi ordonné et efficace, ainsi que de l’administration, de la gestion et du contrôle des terres des catégories IA et IA-N par les nations cries et naskapie, respectivement, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit les dispositions principales et générales suivantes :

PARTIE I " GOUVERNEMENT LOCAL

  • Constitution des bandes en personnes morales

  • Appartenance aux bandes

  • Missions et pouvoirs des bandes

  • Siège social des bandes

  • Conseil de bande

  • Assemblées du conseil

  • Comités du Conseil

  • Organismes, fonctionnaires, employés et agents des bandes

  • Règlements relatifs au gouvernement local

  • Procédures d’adoption de règlements et de résolutions

  • Contestation de règlements et de résolutions

  • Dispositions transitoires

PARTIE II " ÉLECTIONS AUX CONSEILS DE BANDE

  • Droit de vote et exceptions pour le directeur du scrutin ou pour l’assistant-directeur du scrutin

  • Règlements relatifs aux élections

  • Éligibilité et droit de siéger au Conseil

  • Directeurs du scrutin

  • Déclenchement d’élections

  • Contestation des résultats d’élections

PARTIE III " ASSEMBLÉES ET RÉFÉRENDUMS

  • Utilisation des langues crie et naskapie

  • Assemblées ordinaires

  • Assemblées extraordinaires et référendums

PARTIE IV " ADMINISTRATION FINANCIÈRE DES BANDES

  • Exercice financier et dispositions budgétaires

  • Règlements relatifs à la préparation et à l’application des budgets

  • Livres comptables et vérification des états financiers

  • Pouvoirs d’emprunts de la bande

  • Contrats

  • Nomination d’administrateur

PARTIE V " DROITS DE RÉSIDENCE ET D’ACCÈS AUX TERRES DES CATÉGORIES 1A ET 1A-N

  • Interdiction générale

  • Règlements relatifs aux droits de résidence et d’accès

  • Droits de résidence

  • Droits d’accès

  • Généralités (dispositions particulières pour les Naskapis, obstruction et intrusion et autres recours préservés)

PARTIE VI " DROITS DES BANDES, DU QUÉBEC ET DES AUTRES RELATIVEMENT AUX TERRES DES CATÉGORIES 1A ET 1A-N

  • Le Québec conserve la nue-propriété des terres des catégories IA et IA-N

  • Utilisation et bénéfice exclusifs par la bande de ses terres des catégories IA e IA-N et des richesses naturelles s’y trouvant

  • Gisements de stéatite (pierre de savon)

  • Ressources forestières

  • Gravier

  • Droits miniers et souterrains

  • Droits et intérêts préexistants sur les terres des catégories IA et IA-N

PARTIE VII " EXPROPRIATION DE LA TERRE DES CATÉGORIES 1A ET 1A-N PAR LE QUÉBEC

  • Pouvoir d’expropriation du Québec

  • Expropriation des terres des catégories IA et IA-N pour services ou structures publics

  • Droit de la bande à une indemnisation

PARTIE VIII " DISPOSITION DES DROITS ET DES INTÉRÊTS SUR LES TERRES DES CATÉGORIES 1A ET 1A-N ET LES BÂTIMENTS

    Subventions accordées par la bande

    Droit de superficie

    Transferts subséquents de droits ou d’intérêts

PARTIE IX " CESSION PAR LES BANDES

  • La cession de terres des catégories IA ou IA-N est faisable, mais seulement au profit du gouvernement du Québec

  • Conditions de validité d’une cession

PARTIE X " SERVICE DE L’ENREGISTREMENT

  • Applicabilité des droits et des intérêts

  • Règlement relatif à l’établissement et au maintien du Service de l’Enregistrement

  • Fonctions de la bande

PARTIE XI " EXPROPRIATION PAR LES BANDES

  • Droits et intérêts en fonction desquels une bande a le droit d’exproprier

  • Règlements relatifs aux aspects procéduraux de l’expropriation

PARTIE XII " COMMISSION CRIE-NASKAPIE

  • Constitution et composition de la commission

  • Nomination des commissaires

  • Fonctions de la commission

PARTIE XIII " SUCCESSIONS

  • Successions non testamentaires

  • Aliénation de propriété traditionnelle sur une succession non testamentaire

PARTIE XIV " EXEMPTIONS FISCALES

  • Interprétation et propriété exonérée d’impôt

PARTIE XV " EXEMPTIONS DE SAISIE

  • Interprétation et propriété exempte de saisie

  • Abandon de l’exemption de la saisie

PARTIE XVI " POLICE

  • Compétences de la police

  • Ententes portant sur les services de police

PARTIE XVII " INFRACTIONS

  • Infractions à la Loi

  • Contravention aux règlements

  • Règlements pour la peine maximale

PARTIE XVIII " ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

  • Compétence des juges de paix

  • Cour des poursuites sommaires

PARTIE XIX " GÉNÉRALITÉS

  • Commissaire à l’assermentation

  • Attestation de documents

  • Admissibilité d’un document attesté

PARTIE XX " AMENDEMENTS À D’AUTRES LOIS

  • Amendements, abrogations et remplacements d’autres lois fédérales

À l’exception de la partie XII de la Loi, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est entrée en vigueur le 3 juillet 1984 (la partie XII de la Loi, relative à l’établissement, aux obligations et aux activités de la Commission crie-naskapie, est entrée en vigueur le 1er décembre 1984).

Le défi et le but des nations Eeyouch cries et naskapie est le développement social et économique adéquat et l’autonomie politique dans l’exercice de leurs droits à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale, dans le respect de leurs droits, libertés et intérêts élémentaires, dans la préservation et le maintien de leur caractère distinct et leur identité culturelle, et ce, conformément à leurs aspirations et à leurs besoins.

À cet égard, la mise en application, dans l’esprit et dans la lettre, de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, doit permettre et faciliter le développement et l’évolution des gouvernements locaux des nations cries et naskapie en tenant compte des réalités sociales, économiques et politiques ainsi que des conditions existantes au sein des nations cries et naskapies. Par conséquent, la mise en application adéquate de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec revêt une signification exceptionnelle et entraîne des conséquences énormes pour les aspirations et les buts des Premières Nations cries et naskapie en tant que peuples jouissant de l’autonomie gouvernementale.

Plus particulièrement, pour être « ordonné et efficace », le gouvernement local des nations cries et naskapie doit posséder les attributs suivants : légitimité, pouvoir et ressources. Grâce au remplacement de la Loi sur les Indiens et à la mise en application adéquate de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois, les rapports redéfinis entre les peuples cris et naskapis et le gouvernement du Canada doivent être de nature telle que ces attributs soient fournis de façon adéquate par des mesures législatives et administratives. De plus, la lettre et l’esprit des conventions et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec doivent être pris en compte pour assurer « un régime d’administration locale organisé et efficace... ».

Mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec

1.     Fonctions et responsabilités du gouvernement du Canada

Les gouvernements promulguent des lois afin de procurer à la population un mode de gouvernance digne et de fournir une source de lois qui fasse autorité. En promulguant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (LCNQ), le gouvernement du Canada remplit certaines obligations envers les Cris et les Naskapis, conformément à l’article 9 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à l’article 7 de la Convention du Nord-Est québécois. En tant que source de loi qui fait autorité, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec accorde certains droits et protections au gouvernement local des Cris et des Naskapis et à l’administration des terres ainsi qu’une protection de certains droits individuels et collectifs, conformément aux conventions.

En appliquant la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, en tant que mode de gouvernance digne, et conformément aux obligations posées par les traités, le gouvernement du Canada assume certaines fonctions et responsabilités dans l’administration et la mise en application adéquates de la Loi. Les fonctions et responsabilités du Canada découlent des dispositions suivantes :

  1. obligations et engagements conformément au traité de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à la Convention du Nord-Est québécois;

  2. article 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le pouvoir fédéral de promulguer des lois relatives aux « Indiens et aux terres réservées aux Indiens »;

  3. Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec;

  4. article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui prévoit la reconnaissance et l’affirmation des droits autochtones et des traités signés avec eux;

  5. responsabilité fiduciaire en vue de protéger les intérêts des peuples autochtones;

  6. politique fédérale relative à la reconnaissance du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale en tant que droit autochtone existant conformément à l’article 35 de Loi constitutionnelle de 1982;

  7. plan d’action fédéral, tel qu’exposé dans le document intitulé Rassembler nos forces, et axé sur le renouvellement des partenariats, la construction de collectivités fortes, le renforcement des gouvernements autochtones et l’établissement de nouveaux rapports fiscaux;

  8. devoir du gouvernement de maintenir l’honneur de la Couronne;

  9. coutume, usage et pratique;

  10. principes du droit public et de l’administration publique;

  11. responsabilité ministérielle et imputabilité devant le Parlement;

  12. pression morale.

Il est clair que les devoirs et responsabilités du gouvernement du Canada vont au-delà de la promulgation de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Le Canada doit aussi respecter et honorer ses fonctions et responsabilités premières dans l’administration et la mise en application adéquate de sa loi " la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. (Les gouvernements locaux cris et naskapi assument également certaines fonctions et responsabilités dans la mise en application de la Loi.)

Depuis sa promulgation de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec par le Parlement en 1984, la mise en application de cette loi, dans l’esprit et dans la lettre, n’a pas été menée d’une façon qui reconnaisse et améliore la pratique et le plein potentiel du gouvernement local autonome des Cris et des Naskapis.

On avait prévu que la mise en application adéquate de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ne serait pas un processus aisé et simple. D’abord, ce sont les peuples cris et naskapi qui ont eu la vision et la volonté politique d’exiger et de mettre sur pied un gouvernement local. Dans ce processus, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, tel qu’envisagé dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois et dans la Convention du Nord-Est québécois, devait prendre la relève de la Loi sur les Indiens, au régime juridique restrictif. Par conséquent, les peuples cris et naskapi attendent du gouvernement canadien qu’il trouve la volonté politique et qu’il fournisse les mesures législatives, administratives et financières nécessaires à l’avancement et à la réalisation de ce projet. À bien des égards, ce changement comporte la redéfinition des rapports entre le gouvernement du Canada et les (Premières) Nations cries et naskapie. Dans une large mesure, la mise en application adéquate et réussie de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a été entravée par l’absence de compréhension ou d’accord sur la nature des rapports qui devraient exister entre le Canada et les peuples cris et naskapi.

Habituellement, le processus de mise en application, comme dans le cas la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, prenait la forme d’une promulgation par le Parlement d’une loi, tandis que l’administration et la mise en application de la loi demeure du ressort du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Dans le meilleur des cas, on fait face à quelques questions d’organisation, comme l’actuel bureau de mise en oeuvre de la Baie James. Dans tout ce processus traditionnel de mise en application de la loi, on refuse aux peuples cris et naskapi un rôle important dans le processus de prise de décision, même si les Eenouch sont les premiers touchés par l’administration et la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Souvent, ce mode de mise en application traditionnel est marqué par un manque de sensibilité aux aspirations et aux besoins réels des peuples cris et naskapi, et débouche sur une mise en application symbolique, ce qui équivaut à une absence de changement réel du processus de prise de décision et de la manière de procéder.

La mise en application adéquate et réussie de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec fait partie intégrante du processus politique par lequel les fonctions et responsabilités du gouvernement fédéral et du gouvernement local des Cris et des Naskapis, ainsi que des conseils régionaux de la nation crie, devraient être tirées au clair et convenues entre les parties.

Commission crie-naskapie

Cependant, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit un mécanisme par lequel certaines fonctions et responsabilités seraient dévolues à la Commission crie-naskapie. En l’absence d’un processus global et approfondi de mise en application adéquate et réussie de la Loi, la Commission crie-naskapie a comme fonction de préparer des rapports bisannuels sur la mise en application de la Loi et d’examiner toutes les réclamations qui lui sont présentées relativement à la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Le rapport bisannuel est présenté au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, lequel fait en sorte que le rapport soit déposé devant chaque Chambre du Parlement.

En vertu de l’article 165 (1) (b) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, il incombe à la Commission « d’enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées, concernant l’application de la présente loi, notamment l’exercice ou le défaut d’exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cette loi. » Qui plus est, l’article 21, (j) de la Loi stipule qu’un des pouvoirs et missions des bandes est « d’exercer les pouvoirs et fonctions que les lois fédérales ou leurs règlements ainsi que les Conventions lui confèrent ou conféraient à la bande antérieure (Loi sur les Indiens). » (c’est la Commission qui souligne.)

La Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois " une loi promulguée par le Parlement " approuve, rend exécutoire et déclare valide la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Conformément à cette Loi, le gouverneur en conseil, par ordre, a approuvé, rendu exécutoire et déclaré valide la Convention du Nord-Est québécois.

Par conséquent, la Commission crie-naskapie considère qu’elle a au moins le devoir et la responsabilité de faire état de la mise en application des conventions, dans la mesure où celles-ci ont trait à l’exercice du pouvoir et à l’accomplissement d’une fonction des gouvernements locaux cris et naskapis.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) n’est pas d’accord avec cette interprétation particulière du devoir de la Commission. Même si le MAINC admet que « la Commission joue actuellement un rôle important dans la présentation de rapports sur la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, ainsi que dans l’étude des réclamations appuyées sur la Loi5 », le ministère adopte une position selon laquelle la Commission crie-naskapie n’a pas le mandat ou la fonction de faire état de la mise en application des conventions. Par conséquent, le MAINC, s’appuyant sur son interprétation de la fonction de la Commission, continue à ignorer les conclusions et les recommandations des rapports précédents de la Commission crie-naskapie.

Depuis sa mise sur pied le 1er décembre 1984, la Commission crie-naskapie a présenté six (6) rapports sur la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et, dans une certaine mesure, sur la mise en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois. Comme les conclusions et les recommandations des six (6) derniers rapports de la Commission ont été effectivement ignorées par le MAINC, les conclusions et les recommandations de la Commission n’ont pas de portée, d’impact ni d’influence dans les processus de prise de décision et d’élaboration des politiques du gouvernement du Canada d’une manière qui reconnaisse et améliore l’état présent, les pratiques et le potentiel des gouvernements locaux des Cris et des Naskapis.

Cependant, les conclusions et recommandations de la Commission crie-naskapie, telles qu’exposées dans le rapport de 1998, sont appuyées en principe par les résolutions des membres du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et par la nation naskapie de Kawawachimach (voir les annexes A et B du présent rapport). De plus, les membres de la nation crie d’Eastmain, à l’occasion de leur assemblée annuelle locale de 1999, ont adopté une résolution qui appuie inconditionnellement les recommandations du rapport de la Commission crie-naskapie de 1998 (une copie de la résolution des membres de la nation crie d’Eastmain figure à l’annexe G du présent rapport). Ces résolutions font autorité et devraient par conséquent être respectées par des actions et mesures appropriées du gouvernement canadien.

Actuellement, la Commission crie-naskapie elle-même souffre du manque ou de l’absence d’un mécanisme propre et efficace de mise en application de la Loi. Cette absence de mécanisme capable d’assurer la mise en application adéquate des recommandations de la Commission crie-naskapie est source de préoccupations.

Les commissions sont des instruments importants dans l’élaboration de politiques. Leur but est de favoriser une compréhension plus approfondie par le public des points débattus et de fournir une base plus solide aux choix de politiques que font les preneurs de décisions.

La partie I de la Loi sur les enquêtes régit les commissions de grande envergure, telles que les commissions royales et les groupes de travail, qui sont des organismes temporaires créés pour étudier des incidents précis ou des préoccupations relatives aux grandes politiques et pour en faire rapport au gouvernement. Ces organismes sont habituellement dissous après la présentation de leur rapport et ne sont pas engagés dans la mise en application de leurs recommandations.

Cependant, la Commission crie-naskapie a été mise sur pied par une loi fédérale spéciale, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, promulguée par le Parlement conformément aux obligations des traités en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois. Comme il a été précisé, la Commission crie-naskapie, depuis sa mise sur pied en 1984, a présenté six (6) rapports contenant ses conclusions et ses recommandations pour la mise en application adéquate de la Loi par les stratèges des gouvernements.

De plus, la Commission crie-naskapie a produit les documents de travail suivants, destinés à stimuler le dialogue dans le processus d’élaboration des politiques :

  • proposition pour une loi sur la mise en application des traités signés avec les autochtones;

  • mise en application et amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec;

  • élections au gouvernement local des Premières Nations cries et naskapie.

Ces documents de travail ont été produits par la Commission en résultat direct des réclamations faites par les Cris et les Naskapis concernant leurs problèmes et leurs préoccupations relativement à la mise en application des traités signés récemment, c’est-à-dire la Convention de la Baie James et du Nord québécois, la Convention du Nord-Est québécois et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

En tant que telles, les recommandations existantes tirées de ces documents de travail sont incorporées aux recommandations du présent rapport de la Commission crie-naskapie.

Cependant, comme la majorité des recommandations de la Commission concernent la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, le gouvernement du Canada est placé devant une question de politique importante concernant l’exercice du Gouvernement local cri et naskapi. Qui plus est, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est la première loi canadienne qui reconnaît l’autonomie gouvernementale autochtone (Cris et Naskapis) conformément aux obligations fédérales en vertu des traités des temps modernes signés avec les Premières Nations cries et naskapie. Par conséquent, le droit et l’exercice de l’autonomie gouvernementale autochtone (Cris et Naskapis) sont clairement une question d’importance majeure qui exige étude et conseil. Cependant, les recommandations de la Commission crie-naskapie ne sont vraiment pertinentes que quand elles sont mises en application de façon adéquate et réussie, d’une façon qui corresponde aux besoins et aux aspirations des gouvernements locaux cris et naskapi. Comme le gouvernement canadien semble engagé dans un processus de retards institutionnalisés dans les questions touchant les droits et l’exercice de l’autonomie gouvernementale autochtone, la Commission crie-naskapie a apparemment perdu sa pertinence aux yeux des stratèges et des décideurs du gouvernement.

Par conséquent, après environ seize (16) ans d’existence, la question de la pertinence de la Commission crie-naskapie dans le processus de prise de décision et d’élaboration de politiques relatives à la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec se pose avec acuité.

Pendant les discussions menées de 1975 à 1984 avec les représentants du gouvernement du Canada sur les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, la partie crie a envisagé un processus dans lequel l’efficacité de la Commission crie-naskapie ferait l’objet d’un examen.

Par conséquent, conformément à l’article 172 (1) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, après une période initiale de cinq (5) ans de fonctionnement, un Comité de réexamen indépendant a été institué pour « réexaminer les pouvoirs et fonctions de la Commission ainsi que son fonctionnement6 ».

Le rapport du Comité de réexamen de la Commission crie-naskapie a été présenté au Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien en avril 1991.

Dans la lettre de présentation de leur rapport datée du 4 avril 1991, les membres du Comité de réexamen de la Commission crie-naskapie affirment :

« Nous espérons que le présent rapport aidera les Cris, les Naskapis et le gouvernement fédéral à redéfinir ensemble l’avenir de la Commission, afin que cet organisme, unique dans l’histoire des relations entre les autochtones et le gouvernement du Canada, serve mieux les intérêts communs des parties à la première loi canadienne accordant une autonomie gouvernementale aux Indiens7. »

Neuf (9) années se sont écoulées depuis la présentation du rapport du Comité de réexamen de la Commission crie-naskapie. Le statu quo persiste, alors que le gouvernement du Canada semble ignorer les recommandations du Comité de réexamen.

De plus, les membres du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), l’Administration régionale crie et la nation naskapie de Kawawachikamach, lors de leurs assemblées générales annuelles respectives de 1999, ont adopté des résolutions qui prévoient que les pouvoirs, les fonctions et le fonctionnement de la Commission crie-naskapie soient examinés et révisés de façon adéquate par les gouvernements du Canada, de la nation crie et de la nation naskapie (de Kawawachikamach) de façon à tenir compte des expériences de la Commission crie-naskapie, des gouvernements locaux cris et naskapi ainsi que des conclusions et des recommandations découlant du réexamen de la Commission crie-naskapie effectué en 1991 (voir les textes intégraux des résolutions aux annexes A et B du présent rapport).

Dans une lettre datée du 16 mars 2000, adressée au président actuel de la Commission, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien répond aux résolutions des Cris et des Naskapis de la façon suivante :

  • «[traduction] Je remarque dans votre lettre que les assemblées générales des Cris et des Naskapis ont proposé de revoir les pouvoirs et les fonctions de la Commission crie-naskapie. Même si la Commission joue actuellement un rôle important dans la présentation de rapports sur la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, ainsi que dans l’étude des réclamations basées sur la Loi, le gouvernement fédéral ne prévoit pas, à l’heure actuelle, réviser le mandat de la Commission crie-naskapie. J’ai l’impression qu’une telle révision ne devrait être envisagée que dans le contexte d’une initiative beaucoup plus large visant à redéfinir l’autonomie gouvernementale des Cris, des Naskapis ou de ces deux nations.8 »

  • Par conséquent, au niveau du gouvernement fédéral, toute révision du mandat actuel de la Commission crie-naskapie ne devrait être envisagé que dans le contexte d’une initiative beaucoup plus large, visant à redéfinir l’autonomie gouvernementale des Cris, des Naskapis ou de ces deux nations.

    AMENDEMENTS À LA LOI SUR LES CRIS ET LES NASKAPIS DU QUÉBEC

    Eeyouch (Questions touchant les peuples cris et naskapi)

    Les rapports précédents de la Commission crie-naskapie renferment des conclusions et des recommandations concernant l’examen et la révision de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec visant à atteindre les objectifs principaux suivants :

    • retrait des barrières ou des entraves au processus de prise de décision;

    • amélioration et simplification du processus d’amendement de la Loi;

    • renforcement et amélioration du processus d’exécution de la loi;

    • élaboration et établissement d’un ou de plusieurs systèmes adéquats d’administration de la justice;

    • prise en compte des réalités et des besoins actuels du gouvernement local;

    • constitution des cris d’Oujé-Bougoumou en personnes morales;

    • amélioration de l’efficacité de la Commission crie-naskapie;

    • garantie des sources et des dispositions financières appropriées et adéquates.

    Dans les audiences spéciales sur la mise en application des conventions tenues en prévision du présent rapport, les représentants des Cris et des Naskapis ont réitéré leurs préoccupations et leurs questions, dans l’espoir que ces points soient traités de façon adéquate par les autorités compétentes et d’une façon qui améliore et serve les gouvernements locaux cris et naskapi (Eeyouch).

    Néanmoins, les représentants des Cris et des Naskapis ont formulé les recommandations et commentaires principaux suivants concernant la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, ses amendements ainsi que l’exercice de l’autonomie gouvernementale Eeyou :

    1. La mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a établi des relations entre la nation crie, composée de neuf (9) communautés, et le gouvernement du Canada9.

    2. Le droit de l’Eeyou n’est exprimé que très timidement dans l’article 9 de la CBJNQ et partiellement par la convention10.

    3. Le droit inhérent du peuple Eeyou de gouverner est cependant beaucoup plus étendu que ce qui est établi à l’article 9 ou en fait dans toute la convention11.

    4. Le préambule de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec affirme que les Cris ne seraient pas limités par la Loi dans l’avenir et qu’ils pourraient bénéficier « de toute mesure législative ou autre compatible avec les conventions12. »

    5. Les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec doivent évoluer et être en harmonie avec la situation actuelle, les besoins, les aspirations et la réalité du gouvernement local de l’Eeyou13.

    6. Les Eeyou ch d’Oujé-Bougoumou doivent être intégrés à la Convention de la Baie James et du Nord québécois au moyen d’une convention complémentaire et doivent, par conséquent, être incorporés à titre de bande Eeyouch d’Oujé-Bougoumou par des amendements adéquats à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec14.

    7. La Commission crie-naskapie doit jouer un rôle plus efficace dans la résolution des différends, des questions et des griefs. La Commission doit être plus indépendante, et ses décisions doivent être obligatoires pour les parties concernées15.

    8. La modernisation de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec demeure en suspens16.

    9. Les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec doivent être tirées au clair ou amendées pour les points suivants17 :

      1. imputabilité des autorités locales et des responsables devant l’électorat;

      2. fonctions du chef et du chef-adjoint;

      3. pouvoirs du chef et du Conseil tels que déterminés par la nation crie;

      4. façon de légiférer et de promulguer des règlements;

      5. assemblées du Conseil;

      6. processus de transition d’autorité avec changement de leadership;

      7. assemblées générales;

      8. règles régissant les conflits d’intérêt;

      9. rôles et fonctions du secrétaire et du trésorier de bande;

      10. administration financière;

      11. reconnaissance d’un gouvernement national cri ainsi que du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et de l’administration régionale crie.

    10. Des ressources financières sont nécessaires pour la mise en application des règlements.18

    11. En tant que gouvernement local doté uniquement de pouvoirs délégués, l’autorité de la Société de bande doit être étendue de manière à permettre la promulgation de règlements qui répondent aux besoins de la communauté19.

    12. Les dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec portant sur l’« éligibilité et le droit de siéger au Conseil » devraient être amendées pour empêcher les cadres tels que le directeur des opérations et le directeur administratif de la Société de bande de détenir des postes publics élus de la Société de bande20.

    13. Les amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec souhaités par la nation naskapie de Kawawachikamach sont les suivants21 :

      • abaissement de certains quorums

      • pouvoir accordé aux agents de la paix d’émettre des contraventions plutôt que des sommations en vertu du Code criminel aux contrevenants aux règlements de la nation

      • autorisation accordée au Conseil de faire des affaires dans certaines circonstances sans convoquer d’assemblée.

    14. Les dispositions relatives à l’exemption fiscale de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec exigent d’être clarifiées et étendues de manière à inclure tous les bénéficiaires de la Baie James et du Nord québécois ainsi que les bandes, organismes, entités ou sociétés22 en toute propriété.

    15. Les pouvoirs de la bande doivent être étendus et viser le développement économique local soutenu23.

    16. La Loi doit être actualisée en vue d’un système plus souple qui permet la renonciation à l’exemption de saisie d’une certaine propriété située sur les terres de la catégorie IA, afin de fournir aux entreprises locales des options de financement commercial plus nombreuses24.

    17. La nation crie d’Eastmain devrait avoir le pouvoir d’établir ses propres exigences en matière de quorum nécessaire au processus de prise de décision public25.

    18. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec devrait être amendée de manière à ce que la nation crie d’Eastmain dispose toujours des outils et des ressources nécessaires à son fonctionnement adéquat et à une autonomie gouvernementale authentique26.

    19. Les pouvoirs d’imposition de la nation crie d’Eastmain doivent être clarifiés et étendus à titre d’attribut des finances du gouvernement local27.

    20. Les pouvoirs législatifs de la bande doivent être clarifiés, notamment en ce qui a trait à l’application ou à la non-application générale des lois provinciales28.

    21. La nation crie d’Eastmain doit avoir le pouvoir législatif de contrôler et d’administrer le Service de l’Enregistrement local.

    22. La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec devrait être amendée de manière à fournir le paiement, à la nation crie d’Eastmain, d’amendes imposées et levées en raison de violations de certains règlements, ainsi que de contraventions émises en raison d’infractions au code de la route, de préférence non seulement sur les terres de catégorie IA, mais sur toutes les terres des catégories I et II qui font partie du chemin d’accès d’Eastmain à partir de l’autoroute Matagami-LG229.

    23. La nation crie, par le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee/Administration régionale des Cris) devraient élaborer, établir et mettre au point une norme ou une loi relative à toutes les questions touchant les élections. Cette norme ou loi sur les élections devrait être adoptée par la nation crie et remplacer les dispositions sur les élections envisagées par la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec30.

    24. Le Service de l’Enregistrement et son application doivent tenir compte du mode de vie et des traditions des Cris. Le Service de l’Enregistrement des Cris devrait être reconnu et appliqué intégralement, car le gouvernement fédéral tente d’imposer à la nation crie son propre service d’enregistrement31.

    25. La nation crie d’Eeyou Istchee devrait procéder à un examen approfondi des points suivants32 :

      1. l’application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec depuis son entrée en vigueur en 1984;

      2. le rôle de la Commission crie-naskapie;

      3. le rôle du gouvernement fédéral.

      Pour aider à la mise en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et pour assurer un bon gouvernement, les gouvernements cris locaux devraient disposer de pouvoirs supplémentaires et étendus33.

      Les fonctionnaires du gouvernement local déplorent le manque d’un soutien institutionnel qui les aiderait s’acquitter de leurs fonctions et à prendre leurs responsabilités34.

    2.     Financement des opérations et de l’entretien

    Pour être en harmonie avec l’esprit et la lettre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, de la Convention du Nord-Est québécois et, en particulier, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec de 1984, les représentants du gouvernement du Canada, les gouvernements cris et naskapi et les autorités ont conclu une entente sur le mécanisme de financement des administrations et des gouvernements locaux cris et naskapi.

    En particulier, les parties ont convenu que le gouvernement du Canada assurerait une subvention continue des opérations et de l’entretien pour soutenir l’exercice du gouvernement local des peuples cris et naskapi. La présente Entente sur le paiement de transfert du financement des opérations et de l’entretien assure une subvention continue des opérations annuelles et de l’entretien aux gouvernements locaux cris et naskapi.

    Ces ententes sur le paiement de transfert du financement des opérations et de l’entretien assure une subvention annuelle sur une période de cinq (5) ans, après quoi, de nouvelles ententes doivent être négociées.

    Les gouvernements cris locaux ont exprimé les préoccupations principales suivantes au sujet de l’entente sur le paiement de transfert du financement des opérations et de l’entretien :

    1. Le gouvernement du Canada a, paraît-il, omis de se conformer à des dispositions importantes et essentielles de l’entente sur le financement des opérations et de l’entretien;

    2. Le gouvernement du Canada n’a pas assumé sa responsabilité fiduciaire de manière à protéger les intérêts de l’Eeyouch;

    3. Le Canada a refusé de réexaminer la situation actuelle, les circonstances et les besoins en évolution des Cris malgré que l’entente sur le financement prévoie un tel examen;

    4. Les niveaux ou critères de financement établis en 1984 doivent être réexaminés et révisés de manière à tenir compte des circonstances actuelles, de la réalité et des besoins des administrations et des gouvernements cris locaux.

    Plus haut dans le présent chapitre, on a reconnu dans les ressources un attribut essentiel pour assurer un gouvernement efficace et ordonné. Par conséquent, des moyens financiers suffisants et des ententes financières satisfaisantes doivent être disponibles pour permettre l’exercice efficace du gouvernement local.

    La partie crie a fait état de difficultés dans la mise en application et le renouvellement quinquennal de ces dispositions financières. Le temps est venu de redéfinir les rapports fiscaux à l’aide de nouvelles dispositions financières qui seront nettement en harmonie avec les obligations du traité et qui soutiendront la démarche vers une autonomie gouvernementale efficace, ordonnée et étendue, conforme aux besoins et aux aspirations de l’Eeyouch.

    3.     Loi C-23 (Loi en vue de moderniser les lois du Canada en rapport avec les avantages)

    À la suite d’une décision de la Cour suprême du Canada, le gouvernement du Canada a déposé la Loi C-23, qui régit les droits et les bénéfices des couples du même sexe. La Loi C-23, si elle est adoptée, amenderait la définition de ‘conjoint’ à l’article 174 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

    Les nations cries et naskapie adoptent la position selon laquelle le gouvernement du Canada ne peut amender unilatéralement l’article pertinent de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Conformément à la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à la Convention du Nord-Est québécois, de tels amendements à la Loi exigent l’assentiment des parties cries et naskapie.

    Élections au gouvernement local

    Au cours des dernières années, bon nombre des réclamations présentées par la nation crie, conformément à l’article 165 (b) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, ont trait aux élections au gouvernement local. En plus des rapports particuliers présentés aux individus, aux fonctionnaires et aux autorités concernés, la Commission crie-naskapie a, comme nous l’affirmions plus haut, produit un document de travail intitulé « Élections au gouvernement local des (Premières) nations cries et naskapie » daté du 22 septembre 1999.

    Les recommandations contenues dans le document de travail, que les gouvernements et les peuples cris et naskapi appuient, sont comprises dans les recommandations du présent rapport.

    Autres questions et motifs de préoccupation

    De plus, la Commission crie-naskapie a également produit un document de travail intitulé « Mise en application et amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ». À la lumière des constatations, conclusions et rapports des nations cries et naskapie, les points suivants constituent des questions et motifs de préoccupation importants :

    1. politique fiscale et financement fédéral

    2. rapports intergouvernementaux

    3. forums publics et quorums nécessaires à la prise de décision

    4. police et application de la loi

    5. administration de la justice

    6. pouvoirs et juridiction des gouvernements

    7. mise en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois

    8. pouvoirs, fonctions et fonctionnement de la Commission crie-naskapie

    9. nation crie d’Oujé-Bougoumou

    10. application des lois et coutumes traditionnelles de l’Eeyou

    11. processus d’amendement des lois

    12. appartenance aux groupes et noms des Premières Nations

    13. pouvoir législatif des gouvernements locaux cris et naskapi dans les domaines suivants :

      • Service de l’Enregistrement

      • élections aux conseils de bande

      • conflits d’intérêt

      • code d’éthique

      • contestations des règlements ou des résolutions

      • commerce

      • Conseils de gouvernement local

      • activités culturelles

      • pouvoir de pénétrer [dans les territoires]

      • comptes en souffrance

    14. imposition

    15. autorité existante des règlements

    16. mise en application de la loi fédérale sur le contrôle des armes à feu

    17. exemptions de saisie

    18. administration financière des bandes

    19. droits miniers

    20. compétence sur certaines parcelles de terre de la catégorie II

    21. paiement d’amendes

    22. système de contraventions aux infractions au code de la route

    23. pouvoir de promulguer des règlements conformément à la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à la Convention du Nord-Est québécois

    24. administrateurs locaux de l’environnement

    25. autorité des maîtres de trappage et des agents de conservation cris

    26. bénéfices de la future législation et des autres mesures relatives au gouvernement indien.

    27. Ces questions, qui pourraient faire l’objet d’amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, reçoivent également l’accord de principe des peuples et gouvernements cris et naskapi.

    Conclusions

    L’Eeyouch (Cris et Naskapis) exerce le droit à l’autonomie gouvernementale d’une façon qui dépasse le cadre de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Cette évolution du gouvernement local est coutumière et naturelle, car le pouvoir politique est universel et inhérent à la nature humaine.

    Cependant, au cours des seize (16) années (depuis sa promulgation par le Parlement), la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec n’a pas évolué au même rythme que l’exercice et la pratique du gouvernement local de l’Eeyou.

    Par voie de résolutions, les membres du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et la nation naskapie de Kawawachimach ont décidé qu’un processus de négociations doit être établi par le gouvernement canadien, la nation crie d’Eeyou Istchee et la nation naskapie de Kawawachimach en vue de la mise en application adéquate de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, de la Convention du Nord-Est québécois et de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (voir les annexes A et B du présent rapport).

    De plus, le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) a demandé à la Commission crie-naskapie de travailler avec les Cris (ainsi qu’avec la nation naskapie) au déclenchement d’un processus étalé sur deux (2) ans en vue de la préparation d’un rapport, qui serait présenté au cabinet fédéral, sur des amendements appropriés à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

    Au surplus, les relations entre les Eeyou (Cris) et le gouvernement fédéral doivent être clarifiées et, dans certains cas, redéfinies, afin d’assurer un système adéquat et efficace de gouvernement local cri Eeyou, en harmonie avec les vues, les besoins et les aspirations du peuple Eeyouch.

    Notes :
    1. Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, C. S., 1984, c. 46
    2. Ibid.
    3. Ibid.
    4. Protocole d’entente sur les points de convergence principaux auxquels le Groupe de travail sur la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a donné son aval, 9 août 1984
    5. Lettre de l’honorable Robert D. Nault, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, datée du 16 mars 2000 et adressée à M. Richard Saunders, président de la Commission crie-naskapie
    6. Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, C. S., 1984, c. 46
    7. Lettre des membres du Comité de réexamen de la Commission crie-naskapie datée du 4 avril 1991 et adressée à l’honorable Thomas E. Siddon, C.P., député, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien
    8. Lettre de l’honorable Robert D. Nault, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, datée du 16 mars 2000 et adressée à M. Richard Saunders, président de la Commission crie-naskapie
    9. Proposition du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) faite devant la Commission crie-naskapie, 10 mars 2000, Ottawa, Canada
    10. Ibid.
    11. Ibid.
    12. Ibid. et Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, C. S., 1984, c. 46
    13. Proposition du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) faite devant la Commission crie-naskapie, 10 mars 2000, Ottawa, Canada
    14. Exposé fait par le chef Sam Bosum (nation crie d’Oujé-Bougoumou) devant la Commission crie-naskapie, 14 février 2000, Oujé-Bougoumou, Eenou Istchee
    15. Ibid.
    16. Proposition faite aux audiences spéciales de la Commission crie-naskapie, 14 février 2000, nation crie de Mistissini
    17. Proposition faite par le chef Robert Weistche, première nation de Waskaganish, à la Commission crie-naskapie, 16 février 2000
    18. Mémoire soumis par la Première Nation de Whapmagoostui à la Commission crie-naskapie à l’occasion d’une audience tenue le 16 février 2000, par le chef David Masty
    19. Ibid.
    20. Ibid.
    21. Mémoire présenté aux audiences de consultation de la Commission crie-naskapie, Oujé-Bougoumou, 14 au 18 février 2000 par la nation naskapie de Kawawachikamach
    22. Exposé fait devant la Commission crie-naskapie par la nation crie d’Eastmain, 14 au 18 février 2000, Oujé-Bougoumou, Eeyou Istchee
    23. Ibid.
    24. Ibid.
    25. Ibid.
    26. Ibid.
    27. Ibid.
    28. Ibid.
    29. Ibid.
    30. Ibid.
    31. Exposé fait aux audiences spéciales sur la mise en application de la loi de la Commission crie-naskapie par la première nation Waswanipi. Soumis par le chef Paul Gull, 17 février, Oujé-Bougoumou, Québec (présenté personnellement le 10 mars 2000 par le chef Gull)
    32. Ibid.
    33. Proposition faite par le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) devant la Commission crie-naskapie, 10 mars 2000, Ottawa, Canada
    34. Ibid.

    DÉBUT

    CHAPITRE 9

    SUIVI DU RAPPORT DE 1998

    L’obligation de présenter des rapports

    La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec impose à la Commission crie-naskapie le devoir de présenter des rapports. La loi exige de la Commission qu’elle prépare aux deux ans un rapport sur la mise en application de la loi. La loi exige aussi que le rapport soit soumis au ministre des Affaires indiennes, lequel doit le déposer devant la Chambre des communes et le Sénat.

    Dans les cas des six rapports préparés de 1986 à 1998, la Commission a tenu des audiences, préparé ses conclusions et recommandations et présenté ses rapports, lesquels ont été déposés devant le Parlement, comme le requiert la loi. Les commissaires n’ont pas assuré de suivi. On avait d’abord cru que les ministères gouvernementaux, les communautés cries et naskapie et autres réagiraient à ces recommandations, et qu’un suivi par la Commission n’était pas indiqué. On avait l’impression, qu’à cet égard, du moins, la Commission était semblable à bien d’autres commissions, tribunaux, etc. en ceci qu’elle devait tenir des audiences, analyser les dépositions, tirer des conclusions et soumettre des recommandations. Il n’était pas nécessaire ou indiqué de procéder à d’autres démarches. C’est en fait la façon de faire de bien des commissions. Dans bon nombre de cas, cette démarche est la bonne. Souvent, la production des commissions prend la forme de décisions ayant force de loi, et un suivi ne s’avère donc pas nécessaire. Bien d’autres commissions ne visent qu’à soumettre des options de politiques qui pourront être suivies ou non par le gouvernement. Le suivi assuré par ce type de commissions serait vu comme du « lobbying » et non comme un élément légitime de leur rôle.

    Avec le temps, toutefois, la Commission crie-naskapie en est venue à constater que, lorsque les communautés soulevaient des questions aux audiences, elles s’attendaient à ce que ces questions soient abordées de façon pratique et concrète et pas seulement traitées dans un rapport devant mourir sur les tablettes des bibliothèques et dans les classeurs du gouvernement. Ne constatant jamais de résultats tangibles, les chefs et les membres des communautés ont commencé à remettre en question le bien-fondé des présentations faites devant la Commission.

    En tenant les audiences dans le cadre du rapport de 1998, les commissionnaires eux-mêmes se sont mis à repenser leur rôle. Après tout, si le Parlement a promulgué une loi exigeant que la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec fasse l’objet de rapports bisannuels et que ces rapports soient déposés devant la Chambre des communes et le Sénat, cette loi doit bien viser davantage que de remplir les étagères de papier. Quel est l’objectif visé par l’obligation de présenter des rapports ? Le fait est que les tribunaux ont régulièrement rappelé que la Loi possède une finalité. Les communautés cries et naskapie, elles, ont certainement vu une finalité dans l’obligation de déposer rapport.

    En se fondant sur les attentes des communautés, lesquelles ont été exprimées avec force, et sur notre réflexion sur la finalité des rapports, les commissaires ont décidé d’assurer un suivi de leur rapport de 1998, du moins à un niveau fondamental. Cette démarche comportait quatre processus : a) suivi auprès de Chambre des communes et le Sénat, b) suivi auprès des communautés cries et naskapie, c) suivi auprès du ministère des Affaires indiennes, d) suivi auprès des autres groupes autochtones, e) préparation des documents de travail sur la mise en application des traités et les amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

    Suivi auprès de la Chambre des communes et du Sénat

    Les commissaires ont d’abord demandé une audience devant le comité permanent des Affaires autochtones de la Chambre des communes. Le président, Guy St. Julien, député, a rapidement accédé à la demande, et les commissaires ont témoigné le 27 octobre 1998. Leur témoignage incluait un aperçu des principaux points soulevés dans le rapport de 1998 ainsi que les réponses aux différentes questions posées par les députés. Le président St. Julien a indiqué que la Commission serait la bienvenue aux audiences ultérieures et qu’on profiterait de cette invitation pour présenter les principales conclusions du rapport de l’an 2000, l’année en cours.

    Après les audiences formelles devant le comité de la Chambre, les commissaires ont également rencontré individuellement plusieurs membres du comité ainsi que d’autres députés intéressés.

    Les commissaires ont également demandé une audience auprès de l’honorable Charlie Watt, OQ, président du comité sénatorial sur les peuples autochtones. Le sénateur Watt a accédé à cette demande, et les commissaires ont fait une longue présentation le 3 novembre 1998.

    En conséquence de cette comparution, la table ronde du comité sénatorial sur la gouvernance a invité la Commission à participer et à discuter de nos recommandations au sujet du besoin d’une mise en application adéquate des conventions et traités, y compris la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. Ces questions ont été abordées au chapitre 2 du rapport de 1998 et sont couvertes par les recommandations nos 4, 5, et 6 de ce rapport.

    Par la suite, l’honorable Charlie Watt, OQ, président du comité sénatorial, a invité la Commission à soumettre un projet de loi pour examen. Ce projet de loi a fait l’objet d’un document de travail de la Commission sur la mise en application des traités qui a été distribué aux communautés cries et naskapie le 3 mars 1999.

    Le comité du sénateur Watt a continué de travailler sur ces questions et, en février 2000, il a publié un rapport intitulé Forging New Relationships: Aboriginal Governance in Canada. Ce rapport formule cinq recommandations, dont quatre portent sur des questions soulevées par la Commission crie-naskapie dans son rapport de 1998. Les commissaires ont le plaisir de signaler que le travail se poursuit avec le comité sénatorial et son personnel, et qu’on a bon espoir de voir ces questions traitées efficacement.

    Suivi auprès des communautés cries et naskapie

    Le rapport de 1998 a été abordé dans certains détails avec le Grand Conseil des Cris (Eeyou/Istchee) et l’administration régionale crie à Montréal le 20 janvier 1999. Une autre rencontre s’est tenue le 28 octobre 1999 à Val d’Or. À ces deux occasions, les commissaires ont présenté les fondements de leurs conclusions et recommandations, et ont fait état des suivis qui se menaient ailleurs. À l’occasion de son assemblée générale annuelle tenue à Whapmagoostui en août 1999, le Grand Conseil des Cris (Eeyou/ Istchee) et l’administration régionale crie ont donné leur accord de principe aux recommandations du rapport de 1998. Les commissaires ont également discuté du rapport lors de différentes rencontres avec les chefs et les conseils, quand l’occasion s’est présentée.

    Le 15 mars 1999, les commissaires ont rencontré le chef et le conseil naskapi à Kawawachikamach et ont examiné le rapport. Tout en appuyant ce dernier et les recommandations globales, la direction naskapie a noté que la Commission doit être plus précise dans les distinctions qu’elle fait entre les vues et priorités des Naskapis et celles des Cris. Ce conseil a été retenu, et les commissaires ont bon espoir qu’il se traduise concrètement dans le présent rapport et dans les rapports à venir. L’assemblée générale naskapie tenue à Kawawachikamach en septembre 1999 a donné son accord de principe aux recommandations contenues dans le rapport de 1998.

    Les commissaires espèrent que les parties cries et naskapie réagiront également d’une façon tout aussi claire et opportune au présent rapport de la Commission et à ses rapports à venir.

    Suivi auprès du ministère des Affaires indiennes

    Les commissaires ont rencontré l’honorable Jane Stewart, C.P., députée, ministre des Affaires indiennes, le 5 octobre 1998 afin de soumettre le rapport de 1998, conformément aux exigences de la loi, et de discuter les différentes questions soulevées. Le problème du financement de la Commission a été abordé. Pendant la rencontre, la ministre Stewart a affirmé que le ministère examinerait le rapport et élaborerait une réponse détaillée dans un délai raisonnable. Comme il a été noté ailleurs, jamais une réponse écrite n’a été fournie. Ce n’est qu’un an et demi plus tard qu’une réponse verbale et quelque peu superficielle a été faite et là encore, uniquement à titre de préliminaire au témoignage aux audiences spéciales de mars 2000 sur la mise en application des traités.

    La ministre Stewart a également consenti à tenir compte de la demande d’augmentation de financement de la Commission et, dans un court délai, a augmenté le montant accordé, bien que pas au niveau demandé. Ce geste est apprécié des commissaires, car il a permis à la Commission de maintenir son niveau de travail minimum requis par la loi.

    Il faut certes trouver une façon de faciliter le travail du Ministère et de la Commission quand ils se penchent sur les questions soulevées durant les audiences et abordées dans les rapports. De toute évidence, le prédécesseur de la ministre actuelle souhaitait que ceci se produisît. Le Ministère n’a cependant pas donné suite aux intentions du ministre. Les commissaires proposent que le ministère des Affaires indiennes prenne dorénavant l’habitude de fournir une réponse écrite aux rapports de la Commission crie-naskapie dans les six mois suivant son dépôt devant la Chambre des communes et le Sénat.

    Suivi auprès d’autres groupes autochtones

    Certaines des recommandations contenues dans le rapport de 1998 (notamment celles touchant la mise en application des traités) pourraient avoir un impact sur d’autres groupes autochtones dans le pays. De plus, ces recommandations auraient de bien meilleures chances d’être appliquées si d’autres groupes autochtones les jugeaient souhaitables. Pour ces raisons, les commissaires ont tenu des pourparlers avec le chef national de l’Assemblée des Premières Nations Phil Fontaine, Harry Daniels, président du Congrès des peuples autochtones, Marilyn Buffalo, de la Native Womens Association of Canada, et Okalik Eegeesiak, président de l’Inuit Trapirisat du Canada. Tous ont donné leur accord de principe aux activités et aux objectifs de la Commission.

    Dans le cas de l’Assemblée des Premières Nations, les commissaires ont été invités à faire une présentation aux congrès nationaux convoqués précisément pour se pencher sur les questions touchant la mise en application des traités. Les présentations ont été faites aux congrès tenus à Victoria et à Sault Ste. Marie. Une autre présentation a été faite lors de la rencontre de la Confédération des chefs de l’Assemblée des Premières Nations, tenue à Ottawa au printemps de 1999. À la suite de ces efforts, une confédération de chefs de l’APN a adopté, en décembre 1999, à Ottawa, une résolution donnant un accord de principe aux recommandations de la Commission crie-naskapie touchant la mise en application des traités. Un travail de suivi avec l’Assemblée des Premières Nations est en cours.

    Préparation de documents de travail

    La Commission reconnaît que certaines des questions soulevées lors des audiences spéciales sur la mise en application des traités sont d’une importance et d’une complexité telles qu’elles commandent un traitement plus profond qu’il n’est possible de faire dans les rapports bisannuels. Dans ces cas, la Commission a décidé que, sous réserve de ses limites financières, elle a la responsabilité d’assurer un suivi basé sur la reconnaissance plus poussée des faits et de l’analyse. Les résultats de ce travail forment la base des documents de travail largement diffusés au sein des communautés, aux fonctionnaires gouvernementaux et à d’autres dans l’espoir d’approfondir la prise de conscience des questions et de stimuler la discussion sur les solutions possibles.

    En ce qui concerne le rapport de 1998, les questions touchant le besoin d’une mise en application adéquate des conventions et des autres traités ainsi que la nécessité d’apporter des amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ont été suivies grâce à des documents de travail précis. Pour ce qui est du document portant sur la mise en application des traités, la principale réaction, comme il a été noté plus haut, est venue du comité sénatorial sur les peuples autochtones. Quant au document sur la nécessité d’apporter des amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, le gouvernement a indiqué qu’il en était toujours à envisager un processus d’examen et de révision de la loi. Un tel processus engagerait les parties cries et naskapie et mettrait à contribution la Commission crie-naskapie*.

    * À noter que des documents de travail de la Commission sont également préparés sur des sujets n’émanant pas des rapports bisannuels, mais d’autres sources, comme des démarches particulières de portée générale étendue. Depuis le rapport de 1998, par exemple, on a élaboré un document de travail sur les élections au gouvernement local.


    DÉBUT

    CHAPITRE 10

    Réponse du ministère des Affaires indiennes aux recommandations du rapport de 1998

    À la suite de la présentation de chacun des cinq premiers rapports de la Commission crie-naskapie, le ministère des Affaires indiennes n’a pas fait de réponse officielle aux recommandations qui s’y trouvaient. Cela est bien malheureux, et les commissionnaires y voient un malentendu de l’esprit et de la lettre de l’article 165 (1) (a) et de l’article 171 (1) et (2) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Ces articles précisent que :

    «165 (1) La Commission a pour mission :

    1. d'établir les rapports prévus au paragraphe 171 (1);

    171 (1) Dans les deux ans suivant la date d'entrée en vigueur de la présente partie et, par la suite, dans les six mois suivant chaque deuxième jour anniversaire de cette date, la Commission établit, en français, en anglais, en cri et en naskapi, un rapport sur l'application de la présente loi et l'adresse au ministre; celui-ci le fait déposer devant chaque chambre du Parlement dans les dix premiers jours de séance suivant sa réception.

           (2) Dès le dépôt du rapport devant le Parlement, le ministre en adresse le texte à l'Administration régionale crie, à la Société de développement des Naskapis, au conseil de chaque bande crie et au conseil de la bande naskapie.»

    La loi adoptée par le Parlement est considérée par la plupart des autorités comme une loi poursuivant une finalité. L’article 171 ne vise pas seulement l’accumulation d’archives ou l’encombrement des rayons de la bibliothèque des parlementaires.

    L’article vise à fournir l’information aux députés, aux sénateurs, aux autorités cries et naskapies ainsi qu’au ministre grâce à un rapport bisannuel sur la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Dans ces circonstances, il est raisonnable d’attendre de la Commission qu’elle procède à un examen poussé de la mise en application de la loi, d’enregistrer les réalisations et les échecs, d’écouter les opinions des personnes le plus directement touchées par la loi et de formuler des recommandations fondées sur ses conclusions.

    Si l’on songe que la plupart de ceux qui font des présentations devant la Commission lors des audiences sur la mise en application de la loi ont fait une préparation poussée de leurs idées et de leurs préoccupations, il est raisonnable d’attendre des différents fonctionnaires du gouvernement qu’ils examinent le rapport et se penchent sérieusement sur ses conclusions et recommandations.

    Il est encourageant de constater que la ministre Stewart, en recevant le rapport, s’est engagée à ce que son ministère y réponde en détail. Elle a répété cet engagement à deux occasions subséquentes. Il est regrettable que les fonctionnaires du ministère aient mis presque un an à respecter effectivement l’engagement de la ministre et qu’ils n’aient fourni que des réponses orales et superficielles. Ces réponses ont été faites durant les audiences spéciales sur la mise en application de la loi tenues en février 2000 en préparation du présent rapport. Les commissionnaires espèrent que le ministre actuel, l’honorable Robert Nault, C..P., député, réagira de façon opportune et professionnelle aux questions et aux préoccupations touchant les communautés sur la mise en application de la loi, lesquelles sont abordées dans le présent rapport. Comme nous l’avons discuté plus loin (commentaires suivant la recommandation n° 7), ceux qui font des présentations sérieuses et qui soulèvent des préoccupations légitimes devant une commission statutaire sont pour le moins en droit d’attendre que leurs préoccupations soient prises au sérieux et qu’on y donne suite de manière opportune et adéquate.

    Le 11 février 2000, M. Jeff Moore, alors directeur du Bureau de mise en application de la Convention de la Baie James, a comparu devant la Commission au nom du ministère des Affaires indiennes. À cette occasion, il a fourni des réponses verbales brèves aux recommandations contenues dans le rapport de la Commission crie-naskapie de 1998. Des 41 recommandations faites, M. Moore a soutenu que 29 étaient soit « non directement pertinentes » soit « pas nécessairement pertinentes » à la mise en application de la loi. Étant donné que cette affirmation revient dans un grand nombre de ses réponses, nous avons noté au début de la réponse [« pas nécessairement pertinente »] plutôt que de citer sans cesse le même commentaire. Les recommandations originelles du rapport de 1998 sont reproduites en italiques.

    Réponses particulières du ministère des Affaires indiennes

    Recommandation n° 1

    DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

    Des discussions devraient avoir lieu entre les hauts représentants du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee), des gouvernements locaux cris et naskapi, du gouvernement du Québec ainsi que du gouvernement du Canada afin d'élaborer des paramètres de négociation d'une entente portant sur le futur développement des terres et des ressources des catégories II et III. Une telle entente devrait au moins comprendre les éléments suivants :

    ÉDUCATION ET FORMATION

    1. achèvement et mise à jour régulière d'un répertoire sur la formation et les aptitudes des membres des communautés cries et naskapie;
    2. nécessité d'englober dans les propositions de développement un énoncé des besoins en matière d'éducation et de formation pour la dotation à court et à long terme du projet;
    3. engagement de la part des parties fédérales et provinciales de même que des entités cries et naskapie appropriées d'offrir de la formation sur des emplois précis et des projets, au besoin;
    4. engagement dans chaque proposition de projet et conforme aux directives canadiennes sur les droits de la personne visant à offrir de l'emploi aux candidats cris et naskapis qui sont dûment formés.

    INFRASTRUCTURE

    1. élaboration à long terme d'un plan renfermant des dates cibles et les ressources financières afin de mettre sur pied une infrastructure correspondant aux nouveaux besoins liés au territoire et à sa croissance économique;

    2. plans précis afin de former et d'employer le plus possible des membres des communautés cries et naskapie dans l'élaboration et le maintien de cette infrastructure.

    PLANIFICATION ET GESTION DU DÉVELOPPEMENT

    1. étude et mise en application (ou modification visant à améliorer, le cas échéant) des mécanismes figurant dans les conventions (ou au moyen des conventions complémentaires) afin de s'assurer que les communautés cries et naskapie représentent des partenaires égaux dans le processus de planification et de gestion de tout le développement effectué sur le territoire.

    PARTAGE DES GAINS

    1. élaboration d'une législation provisoire afin de s'assurer que les gains issus du développement des terres des catégories II et III sont dorénavant partagés avec les gouvernements cris et naskapi locaux et régionaux ainsi que les autres avantages déterminés par les communautés cries et naskapie1.

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a observé que la formation et l’infrastructure sont abordées dans le cadre du processus Vennat-Namagoose tout comme le sont certaines des exigences essentielles. Il a également affirmé, qu’en ce qui a trait aux questions touchant les terres des catégories II et III et le partage des gains, le « Canada a clairement besoin du Québec à la table2. »

    Commentaires :
    Compte tenu de l’importance que les communautés accordent au développement économique et des recommandations détaillées fournies, la réponse est d’une brièveté décevante et révèle qu’on ne prend pas sérieusement en considération la question.

    Recommandation n° 2

    « Le ministère de la Justice devrait prévoir des ateliers à l'intention des hauts fonctionnaires afin de les tenir au fait de l'évolution de la législation sur les droits ancestraux et les droits issus de traités de même que des obligations du gouvernement à titre de fiduciaire.3 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a affirmé qu’il existe des ateliers et que les documents pertinents sont régulièrement mis à la disposition des hauts fonctionaires4.

    Commentaires : Encore une fois, la réponse est superficielle et pour la forme, et ne révèle chez les hauts fonctionnaires de besoin de se tenir au courant de la loi en évolution rapide dans le domaine des droits des peuples autochtones et des droits issus de traités. Le simple fait d’avoir des documents disponibles ne suffit pas. Une méthode plus efficace serait d’organiser des ateliers périodiques animés par des spécialistes compétents.

    Recommandation n° 3

    « Parmi les personnes occupant des postes de directeur ou de sous-ministre, on ne devrait nommer que celles qui possèdent une très bonne connaissance des questions dont elles seront responsables. Dans des circonstances exceptionnelles, certaines personnes nommées peuvent être tenues de suivre avec succès une formation précise et importante au cours des six premiers mois de leur nomination.5 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    Dans sa réponse, M. Moore prétendait que cette recommandation avait fait l’objet d’attention, car les hauts fonctionnaires « sont nommés en fonction de certains facteurs, dont l’expérience, les connaissances, le leadership et d’autres aptitudes associées aux tâches propres à de tels postes6 ».

    Commentaires :
    La réponse ne s’attache pas à la préoccupation en cause ici et omet de se pencher sur la recommandation.

    Recommandation n° 4

    « On devrait mettre sur pied un secrétariat de mise en application de traités totalement indépendant du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada afin que le gouvernement remplisse ses obligations en vertu des traités et des conventions.7 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a dit que « depuis 1986, il est de la politique du Canada d’inclure les plans de mise en application avec chaque traité [ou] convention signé depuis8 ». Il a aussi souligné qu’une Assemblée conjointe des Premières Nations et une instance du ministère des Affaires indiennes se penchent sur la mise en application des traités signés avant la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

    Commentaires :
    Il est louable que le ministère tente de s’intéresser à la mise en application adéquate des traités signés avant la Convention de la Baie James et du Nord québécois ainsi que des conventions signées depuis 1986. Les commissionnaires espèrent que le gouvernement se penchera sérieusement sur le besoin d’une mise en application adéquate de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois et qu’il comblera les lacunes évidentes. Dans sa réponse, M. Moore évite de se pencher sur la question d’un secrétariat indépendant de mise en application des traités.

    Recommandation n° 5

    « Une loi sur la mise en application des traités devrait être élaborée en englobant la plupart de la nouvelle loi sur les droits ancestraux et les droits issus de traités de même que la loi fiduciaire en un seul statut qui servirait de guide faisant autorité à l'intention des fonctionnaires du gouvernement dans l'exercice de leurs responsabilités en vertu des divers traités et conventions. Cette nouvelle législation, ou une partie de la législation correspondante, dont une loi de mise en application de traités (dispositions financières) devrait stipuler clairement la façon dont les aspects financiers des traités et conventions devraient être réglés.9 »

    Commentaire :
    Ce qui a été dit de la réponse de M. Moore à la recommandation n° 4 s’applique également à la recommandation n° 5. Ici encore, M. Moore a réussi à ne pas aborder de front la question.

    Recommandation n° 6

    « Une cour supérieure de compétence nationale devrait voir le jour afin de traiter les cas mettant en cause les droits ancestraux et les droits issus de traités. Cette cour serait dotée d'une compétence dans ces secteurs et les cas découlant de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, la Loi sur les Indiens, la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte et d'autres parties de la loi. De plus, on pourrait lui conférer un pouvoir de juridiction d'appel dans les cas issus de futurs tribunaux des Premières Nations. Les appels provenant de ces tribunaux sur les droits ancestraux et les droits issus de traités seraient entendus par la Cour fédérale d'appel et la Cour suprême du Canada.

    Les juges de ce tribunal seraient nommés par les Premières Nations et le gouverneur en conseil et le tribunal pourrait être administré par une section de la Cour fédérale du Canada. Après dix ans, on pourrait réévaluer le besoin de disposer de ce tribunal.10 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a observé que des tribunaux existants entendent des causes portant sur les droits des peuples autochtones et les droits issus de traités et il se demande quelle valeur la création d’un tel tribunal ajouterait au système de justice.

    Commentaires :
    La réponse élude simplement les questions. La recommandation était fondée sur le long raisonnement exposé au chapitre 2 du rapport de 1998, selon lequel le présent système nécessitait quelques améliorations sur le plan de la spécialisation, du calendrier, de la réduction des coûts et des nominations. Malheureusement, ici aussi, le ministère n’a pas réussi à répondre à la question soulevée, à l’analyse proposée ou à la recommandation faite.

    Recommandation n° 7

    « Un processus de consultation devrait être entrepris par les gouvernements fédéral, cris et naskapi afin de passer en revue la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et d'atteindre les objectifs suivants :

    abattre les barrières ou les obstacles au processus de prise de décision;
    améliorer et simplifier le processus d'amendement de la Loi;
    permettre et améliorer l'exécution de la Loi;
    tenir compte de la réalité actuelle et de la situation des gouvernements locaux;
    constituer la nation crie d'Oujé-Bougoumou en tant que bande;
    améliorer l'efficacité de la Commission crie-naskapie.11 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a affirmé qu’il ne pouvait voir la Commission jouer un rôle dans un tel processus. Il a ajouté qu’il n’y avait pas eu de demande officielle ni des Cris ni des Naskapis pour un tel examen.

    Commentaires :
    En fait, l’Entente sur le financement des opérations et de l'entretien signée le 8 septembre 1995 par les Cris et le Canada prévoyait un tel examen. (Une entente semblable a été signée par les Naskapis et le Canada la même année.) Ici, comme dans de nombreuses réponses, M. Moore a observé qu’il n’y avait pas eu de requête officielle. L’avis du ministère selon lequel les présentations faites devant la Commission crie-naskapie ne constituent pas des demandes officielles est fallacieux. Cette approche souligne l’incapacité du ministère à comprendre les engagements qu’il a déjà pris ainsi que son manque remarquable de mémoire institutionnelle. Le ministère doit s’efforcer de comprendre ce que les personnes qui font des présentations aux commissions statutaires accomplissent réellement.

    Lorsque le Parlement crée explicitement une commission, se charge de la nomination de commissionnaires par décret selon les recommandations des Premières Nations, autorise et demande à la commission de présenter rapport devant la Chambre des communes et le Sénat, les gens sont en droit de croire que les présentations faites devant ces commissions sont aussi adéquates et officielles que possible. Attendre d’eux qu’ils refassent les mêmes présentations devant le personnel du ministère n’est pas raisonnable. Les peuples cris et naskapi s’attendent à ce que le ministère accomplisse son devoir, prenne ses responsabilités et réponde aux questions et préoccupations qui ont été soulevées devant la Commission. Cette question est abordée plus en profondeur dans le chapitre du présent rapport portant sur la mise en application et les amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

    Recommandation n° 8

    « Le gouvernement canadien ainsi que les administrations cries devraient immédiatement passer en revue l'entente de financement actuelle, dont l'Entente sur le paiement de transfert du financement sur les opérations et l'entretien en tenant compte de la situation actuelle et à venir et des besoins des communautés cries et des gouvernements locaux.12 »

    M. Moore a affirmé que la recommandation avait été mise en "uvre et que les ententes sur le financement des opérations et de l’entretien avaient été conclues à la satisfaction de toutes les parties.

    Commentaires :
    Le commentaire de M. Moore selon lequel les ententes sur le financement des opérations et de l'entretien satisfont toutes les parties n’est pas exact. Un certain nombre de nations cries comparaissant devant la Commission ont signalé qu’elles n’estimaient pas que la formule d’opération et d’entretien actuelle était juste ou satisfaisante. Étant donné leurs besoins en marge brute d’autofinancement et le calendrier serré qui leur est imposé, l’Administration régionale crie et les communautés ont été, en fait, forcées de signer les conventions telles qu’elles ont été présentées par le ministère, sans avoir la possibilité de négociations sensées, basées sur les besoins démontrables de la communauté. Cette question a été abordée en détail dans le chapitre du présent rapport portant sur la mise en application et les amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

    Recommandation n° 9

    « Le ministère de la Justice, de concert avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, devrait amender la loi sur le contrôle des armes à feu afin de prévoir la nomination d'agents autochtones affectés aux armes à feu, qui seraient dotés des mêmes pouvoirs et de la même autorité qu'un agent en chef sur les armes à feu, proposée par la loi fédérale. Les peuples cri et naskapi ne devraient pas être assujettis aux droits de permis et d'enregistrement. De plus, les amendements devraient permettre aux gouvernements cris et naskapi locaux d'offrir un cours sur la sécurité des armes à feu et de délivrer des permis sur les armes à feu et des certificats d'enregistrement.13 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a affirmé que la loi sur les armes à feu était sur le point d’être promulguée et qu’aucun amendement n’était prévu.

    Commentaires :
    Le ministère devrait étudier en détail la question de savoir si oui ou non la loi sur les armes à feu constitue une violation des droits des peuples autochtones, aux droits issus de traités des Cris et des Naskapis et, le cas échéant, si cette loi est justifiable. Un niveau approprié de consultation sur les éventuelles infractions s’avère nécessaire. Comme la Cour suprême l’a signalé dans différentes causes récentes, la négociation est une démarche plus salutaire que la confrontation. Ces questions devraient être abordées par les Cris et les Naskapis aussitôt que possible.

    Recommandation n° 10

    « Un examen approfondi et significatif de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois devrait être mené par toutes les parties visées. Il faut également établir un processus et un mécanisme qui lieraient toutes les parties afin qu'elles puissent respecter leurs obligations, responsabilités et engagements conformément aux conventions.14 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a noté que certains articles de la Convention du Nord-Est québécois faisaient l’objet d’un examen. Il a fait remarquer que le Québec et peut-être les autres parties devraient s’engager dans un examen plus approfondi.

    Commentaires :
    Les commissionnaires croient qu’un examen des conventions donnerait la chance de considérer l’expérience de l’application quotidienne des conventions au cours des 25 dernières années, et de réfléchir sur la portée des amendements à la Constitution de 1982 touchant les droits des peuples autochtones et les droits issus de traités ainsi que sur les développements consécutifs de la jurisprudence touchant le droit autochtone. Un tel examen permettrait aussi de clarifier l’interprétation de différentes dispositions des conventions et des obligations qui en découlent.

    Recommandation n° 11

    « Les communautés cries et naskapie doivent disposer de ressources financières adéquates afin d'offrir efficacement des services de maintien de l'ordre à l'intention de leurs communautés et leurs policiers devraient avoir et exercer leur compétence à l'extérieur des terres de la catégorie I.15 »

    M. Moore était d’avis que ceci relevait des compétences de la Commission crie-naskapie et a noté qu’une convention tripartite avait été signée.

    Commentaires :
    M. Moore a en partie raison. Une convention a été signée. Il existe des préoccupations concernant le besoin de clarification et de résolution des compétences de la police à l’extérieur des terres de catégorie I.

    Recommandation n° 12

    « On devrait accorder aux pointeurs le pouvoir d'agir à titre d'agents de conservation sur tout le territoire. 16 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a affirmé que ceci était la responsabilité du Québec et que personne n’avait soulevé la question officiellement.

    Commentaires :
    L’observation s’appliquant à la recommandation n° 7 au sujet des questions soulevées « officiellement » s’applique ici aussi. Les commissionnaires s’entendent pour dire que le Québec doit s’impliquer, et nous sommes d’avis que le Canada devrait, dans son rôle de fiduciaire, défendre les intérêts des Premières Nations auprès des provinces et des autres parties quand ces intérêts sont menacés.

    Il convient de souligner que, dans la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie James et du Nord québécois, le Parlement a affirmé explicitement, au cinquième point :

    « ET ATTENDU que le Parlement et le gouvernement du Canada reconnaissent et confirment une responsabilité spéciale envers les Cris et les Inuit; »

    On pourrait se demander « est-ce que ceci a un sens » ? À tout le moins, ceci « reconnaît et confirme » le devoir fiduciaire existant. Les commissionnaires sont d’avis que ce devoir exige du gouvernement du Canada qu’il fasse des efforts particuliers pour s’assurer que la lettre et l’esprit des droits des peuples autochtones et des droits issus de traités soient respectés, et ce, non seulement par les agences et ministères gouvernementaux, mais aussi par les provinces et autres instances.

    Recommandation n° 13

    « L'administrateur fédéral, les membres fédéraux du Comité fédéral d'examen des répercussions sur l'environnement et le milieu social et les fonctionnaires fédéraux ne devraient pas s'immiscer dans la compétence, le pouvoir de prise de décisions et l'autorité de l'administrateur local de l'environnement. De plus, le gouvernement du Canada devrait respecter ses obligations, ses responsabilités et son rôle conformément à l'article 22 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.17 »

    M. Moore a admis que la recommandation se situait à l’intérieur du mandat de la Commission crie-naskapie. Il a noté qu’une table sectorielle environnementale avait été mise sur pied dans le cadre du processus Vennat-Namagoose, et que le Québec devrait être mis à contribution à un certain moment. Il a aussi observé que certains points touchant les questions environnementales étaient actuellement devant les tribunaux.

    Commentaires :
    Bien des questions ont été renvoyées au processus Vennat-Namagoose. Les commissionnaires s’intéresseront aux résultats.

    Recommandation n° 14

    « Les méthodes traditionnelles des Cris et des Naskapis devant les questions juridiques devraient être reconnues. Un examen complet et valable des articles portant sur la justice et la police figurant dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois devrait être effectué afin de faciliter l'établissement et la mise en application de l'appareil judiciaire local et faire régner la justice en bonne et due forme. 18 »

    Encore une fois, le ministère des Affaires indiennes était d’avis que la question de la police était liée au mandat de la Commission crie-naskapie et qu’elle était encadrée par le processus Vennat-Namagoose. Le MAINC était généralement disposé à discuter de questions de justice avec les Cris, mais exprimait la préoccupation que le Québec devait également être à la table.

    Commentaires :
    Comme il a été noté précédemment, les commissionnaires considèrent que le Canada devrait faire des efforts particuliers pour s’assurer que différentes tierces parties participent au processus, comme il se doit. Les communautés cries et naskapie devraient aussi prendre des initiatives pour s’assurer de l’établissement de systèmes de justice locaux.

    Recommandation n° 15

    « Les transferts finals des terres de la catégorie I et l'attribution des terres de la catégorie II ne devraient être finalisés qu'après des pourparlers et une entente avec le Grand consei1 des Cris (Eeyou Istchee) et les Premières Nations cries locales relativement aux limitations et aux questions s'y rattachant. Toutefois, les transferts finals des terres de la catégorie I devraient être effectués dès que possible. 19 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a affirmé que les transferts de terre étaient achevés, et que les questions de frontières pourraient être discutées, mais que le Québec avait là la principale responsabilité et qu’il devrait être à la table. La nation crie s’est objectée au transfert final unilatéral de terres de catégorie IA sans qu’on n’ait résolu les questions frontalières et connexes.

    Commentaires :
    Encore une fois, le Canada devrait s’efforcer de réunir à la même table tous les joueurs importants afin que les questions en suspens puissent être résolues efficacement et de manière opportune.

    Recommandation nos 16 et 17

    La bande de 200 pieds le long des rivages des lacs et rivières sur les terres de la catégorie I des Cris devrait être abolie.

    Les autorités visées (y compris les Cris) devraient procéder à un choix final des terres et à une classification le long des rivages des cours d'eau sur les terres de la catégorie I des Cris.20 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore estimait que c’est le Québec qui avait la première responsabilité dans ces domaines.

    Commentaires :
    De toute évidence, ces questions auraient été résolues par les parties avant le transfert final des terres de catégorie I. Comme pour les autres questions que M. Moore jugeait être de la responsabilité première de la province de Québec, les commissionnaires étaient d’avis que la « responsabilité spéciale » du Parlement et du gouvernement du Canada exige que le MAINC joue davantage qu’un rôle de spectateur détaché lorsque des responsabilités provinciales envers les Cris et les Naskapis sont en jeu.

    Recommandation n° 18

    « Le statut des revendications des Cris sur les eaux et les lits mettant en cause les îles au large des côtes de la Baie d'Hudson et de la Baie James devrait être résolu dès que possible par des négociations entre les Cris et le Canada. 21 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a noté que le Canada et les Cris en sont actuellement à nommer des négociateurs.

    Commentaires :
    La Commission suivra les développements dans ce domaine avec un intérêt particulier, car cette question est en suspens depuis longtemps.

    Recommandation n° 19

    « Le gouvernement fédéral devrait accélérer le processus du transfert final des terres de la catégorie I A-N aux Naskapis et l'approbation du changement de nom officiel de la bande. 22 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    Le MAINC a signalé que le transfert est maintenant achevé, et que le changement de nom a été approuvé.

    Commentaires :
    Voici un domaine ou les progrès enregistrés sont encourageants.

    Recommandation n° 20

    « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait engager des pourparlers avec les Washaw Sibi Eeyou à l'égard de leurs revendications, de leurs droits et de leurs inquiétudes au sujet de leur territoire. 23 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a signalé que le MAINC avait maintenant entamé un dialogue avec les Washaw Sibi Eeyou et qu’il avait fourni 25 000 $ aux fins d’une étude.

    Commentaires :
    À court terme, on a besoin de dialogue soutenu et d’un financement adéquat. À long terme, ce travail doit mener à la négociation de toutes les demandes en suspens des Washaw Sibi Eeyou. Dans leur démarche, les Washaw Sibi Eeyou ont indiqué qu’une somme de 75 000 $ serait requise à court terme.

    Recommandation n° 21

    « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait amorcer un dialogue avec la nation naskapie afin de résoudre dès que possible les revendications des Naskapis en ce qui a trait au Labrador.24 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a dit que les Naskapis avaient soumis la documentation trois ans auparavant, et que le MAINC avait demandé des informations supplémentaires, mais qu’il ne les avait pas reçues.

    Commentaires :
    Espérons que ce dossier pourra être mené un peu plus énergiquement afin qu’on puisse résoudre les revendications à la satisfaction de toutes les parties concernées.

    Recommandation n° 22

    « Les gouvernements cris locaux et le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) devraient mettre de l'avant un processus visant à clarifier les rôles et responsabilités des entités et des institutions locales et régionales en faveur d'une autonomie gouvernementale des Cris.25 »

    Le MAINC est d’avis qu’il s’agissait d’une idée positive, relevant du mandat de la Commission crie-naskapie.

    Commentaires :
    Il est intéressant de constater que les recommandations de la Commission qui mettent en cause les Cris sont toujours considérées par le ministère comme faisant partie du mandat de la Commission alors que la plupart des recommandations touchant le ministère ne le sont pas. Le lien entre une recommandation et la lettre de la loi semble secondaire. Ceci dit, la Commission espère qu’un tel processus sera entrepris par la nation crie.

    Recommandation n° 23

    « La constitution officielle des Cris d'Oujé-Bougoumou en personnes morales dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois devrait être terminée. 26 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a affirmé que les discussions mettant en cause Mistissini et Oujé-Bougoumou sont déjà en cours. Le Canada prévoit qu’on lui demandera d’y participer sous peu.

    Commentaires :
    La Commission continuera de suivre cette question et d’en faire rapport d’ici à ce qu’elle soit résolue. La question du MAINC qui attend une demande « officielle » avant de se pencher sur les recommandations de la Commission est abordée dans nos commentaires sur la réponse du ministère à la recommandation n° 12.

    Recommandation n° 24

    « La formule de rajustement dans l'entente actuelle de financement sur les opérations et l'entretien d'Oujé-Bougoumou devrait être revue afin de tenir compte des réalités actuelles et des besoins réels de la communauté. 27 »

    M. Moore a admis que ceci relève du mandat de la Commission. Il a ajouté qu’Oujé-Bougoumou fait partie de l’Entente sur le financement des opérations et l’entretien des Cris, et que des rajustements au financement avaient été faits pour les exercices 1998-1999 et 1999-2000, ce qui fournit des ressources supplémentaires.

    Commentaires :
    La Commission examinera cette réponse avec la communauté afin de s’assurer que les exigences particulières d’Oujé-Bougoumou soient prises en compte. De plus, la Commission croit que la formule d’ajustement en soi doit être révisée par les parties, comme le recommandait Oujé-Bougoumou.

    Recommandation n° 25

    « Le gouvernement fédéral devrait participer au processus de mise à jour de l'article 15 de la Convention du Nord-Est québécois et les Cris et les Naspakis devraient envisager la possibilité d’entreprendre des mesures parallèles avec les deux ententes. 28 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a dit que rien n’avait été fait, mais que le ministère aimerait obtenir davantage de détails et qu’il était d’avis que le Québec devait nettement jouer un rôle ici.

    Commentaires :
    Lorsque le ministère a besoin d’informations supplémentaires pour se pencher sur une recommandation, il devrait faire la demande des renseignements désirés plutôt que d’attendre seize mois et d’affirmer que rien n’a été fait.

    Recommandation n° 26

    « Le gouvernement fédéral devrait participer ou jouer un rôle d'observateur dans l'examen de l'article 11 de la Convention du Nord-Est québécois. 29 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a dit que l’éducation était une question relevant essentiellement du Québec, mais que le MAINC avait certaines obligations. Le MAINC n’avait pas été invité officiellement à participer aux discussions.

    Commentaires :
    Comme il a été noté dans les commentaires précédents, le MAINC ne devrait pas attendre d’autres invitations « officielles ». Comme nous l’avons fait observer précédemment, le MAINC devrait s’assurer que le Québec se penche sur les questions intéressant les Naskapis et les Cris dans le cadre de la relation fiduciaire du gouvernement fédéral.

    RECOMMANDATIONS PROPRES AUX COMMUNAUTÉS

    Recommandation n° 27 (CHISASIBI)

    « Le gouvernement fédéral, en tant que fiduciaire de la nation crie de Chisasibi, en particulier en ce qui a trait aux droits de Chisasibi conformément à la Convention de la Baie James et du Nord québécois, devrait aider Chisasibi dans la reconnaissance de ses droits relativement au Bloc D.30 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore était d’avis qu’il s’agissait essentiellement d’une question touchant le Québec, mais qu’une solution au problème ne devrait pas tarder.

    Commentaires :
    Les commissionnaires continueront à suivre ce dossier. Celui-ci est en suspens depuis des années et doit être résolu si l’on souhaite en arriver à une administration et à un contrôle adéquats des terres de catégorie I et au développement opportun et adéquat de l’aéroport de Chisasibi.

    Recommandation n° 28 (EASTMAIN)

    « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada ainsi que le chef et conseil d'Eastmain devraient entamer des pourparlers afin de s'entendre sur les frais à verser pour la création d'un nouveau bureau pour la bande et les frais de remplacement de l'équipement lourd.31 »

    Le ministère des Affaires indiennes était d’avis que ceci pourrait être du ressort de la Commission crie-naskapie. Le MAINC tente de venir à terme avec ces questions dans le contexte des négociations en cours au sujet de l’Entente sur le financement des opérations et de l'entretien.

    Commentaires :
    Les commissionnaires examineront cette question avec les officiels d’Eastmain.

    Recommandation n° 29 (EASTMAIN)

    « Un nettoyage sur le plan environnemental des réservoirs d'huile ancienne n'ayant pas servi et des autres débris sur l'emplacement de l'ancienne usine génératrice diesel devrait être assuré par le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada.32 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    Encore ici, le ministère des Affaires indiennes était d’avis que la question se situait à l’extérieur du mandat de la Commission crie-naskapie. La question était à l’étude, et une médiation était en cours, selon M. Moore.

    Commentaires :
    Voici bien le genre de questions qui devraient être réglées sans recours à la médiation. C’est le genre d’affaires qui, si elles ne peuvent être réglées par les parties en peu de temps, appellerait un règlement extrajudiciaire.

    Recommandation n° 30 (EASTMAIN)

    « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, de concert avec le chef et conseil d'Eastmain, devrait élaborer des plans pour la création d'un nouveau site d'évacuation des déchets.33 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a affirmé que le MAINC considérait qu’il s’agissait d’une question urgente pour Eastmain, et que son ministère tentait de trouver les fonds.

    Commentaires :
    Cette recommandation a été faite au ministre des Affaires indiennes en octobre 1998. Le ministère était d’avis qu’il s’agissait d’une question urgente, et on s’attendrait à ce qu’il ait déjà trouvé les fonds nécessaires.

    Recommandation n° 31 (EASTMAIN)

    « Eastmain, les Services sociaux et de santé des Cris ainsi que la Direction générale des services médicaux du ministère de la Santé devraient conjuguer leurs efforts dès que possible afin de se pencher sur les besoins d'Eastmain en matière de santé, en particulier en ce qui a trait aux problèmes respiratoires et de diabète. 34 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a signalé que rien n’avait été fait, et qu’il s’agissait d’une question intéressant le Québec dans la mesure où les services de santé avaient été transférés aux Services sociaux et de santé cris.

    Commentaires :
    Comme il a été observé ailleurs, le Canada, à titre de fiduciaire du peuple d’Eastmain, ne peut se contenter d’être un spectateur passif quand il se rend compte que des problèmes graves ne reçoivent pas l’attention qu’ils méritent.

    Recommandation n° 32 (EASTMAIN)

    « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait s'entretenir avec Eastmain afin de mettre sur pied et de financer des programmes et des installations nécessaires à l'intention des jeunes. 35 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    Le MAINC a affirmé qu’une table de négociations avait été mise sur pied, et qu’un dialogue était en cours.

    Commentaires :
    La Commission surveillera les développements dans ce domaine.

    Recommandation n° 33 (MISTISSINI)

    « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, la Société canadienne d'hypothèques et de logement ainsi que Mistissini devraient commencer à élaborer des plans afin d'éliminer le problème de pénuries de logements et à se fixer un échéancier.36 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a dit que l’Administration régionale crie avait reçu un paiement non renouvelable de 6,5 millions $ en 1997-98 en vertu de la nouvelle politique de logement du MAINC. Il a ajouté que Mistissini avait accès aux programmes de logement de la SCHL ainsi qu’aux subventions du MAINC. Il était d’avis que la pénurie de logements était un problème considérable pour toutes les Premières Nations et pour tous les Canadiens, et qu’elle nécessitait des solutions plus larges.

    Commentaires :
    Les commissionnaires croient que se pencher sur la pénurie criante de logements au sein des communautés cries serait une priorité urgente pour le ministère des Affaires indiennes ainsi que pour la SCHL.

    Recommandation n° 34 (MISTISSINI)

    « Le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) et les gouvernements cris locaux ainsi que les communautés devraient amorcer des pourparlers sur l'élaboration d'une constitution crie.37 »

    M. Moore a exprimé l’avis qu’il s’agissait d’une excellente idée.

    Commentaires :
    M. Moore a toujours réagi aux recommandations qui ne concernent pas directement le ministère des Affaires indiennes en affirmant qu’elles étaient du ressort de la Commission crie-naskapie et qu’il s’agissait d’excellentes idées. Il n’y a pas d’exception ici. On notera que le sujet fait l’objet de discussions non officielles au sein du peuple cri.

    Recommandation n° 35 (MISTISSINI)

    « Transports Canada devrait terminer l'évaluation environnementale du site de Nitchiquon comme il a été prévu et mener à bien l'assainissement environnemental requis.38 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a signalé que l’évaluation environnementale avait été faite et qu’un assainissement était en cours ou terminé.

    Commentaires :
    Voici une évolution positive et bienvenue à condition que la nation crie de Mistissini soit satisfaite de l’évaluation environnementale et de l’assainissement environnemental.

    Recommandation n° 36 (WEMINDJI)

    « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait se pencher sur les inquiétudes au sujet des droits d'utilisation de l'eau de la communauté et les régler avec le chef et conseil de Wemindji.39 »

    Le ministère des Affaires indiennes a reconnu que la Commission crie-naskapie pourrait jouer le même rôle. M. Moore a affirmé qu’il n’y avait pas eu jusqu’ici de demande de la communauté, et que le Québec devait être mis à contribution.

    Commentaires :
    Notre commentaire suivant la réponse du ministère à la recommandation n° 7 s’applique à ce cas également.

    Recommandation n° 37 (WEMINDJI)

    « Un processus devrait être établi afin de traiter les besoins urgents des pointeurs relativement à la violation de leurs parcours de piégeage et des territoires de chasse.40 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a affirmé que la question n’avait pas été soulevée auprès du ministère, que celui-ci avait besoin d’un complément d’information et que le Québec devrait être mis à contribution.

    Commentaires :
    La question de la reconnaissance du rôle et des droits traditionnels des pointeurs devient de plus en plus urgente et doit être abordée.

    Recommandation n° 38 (WASWANIPI)

    « Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait s'occuper des besoins spéciaux des aînés et des jeunes et un plan d'action devrait être élaboré.41 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore était d’avis que cette question pourrait être abordée dans le cadre des négociations sur les centres communautaires (voir recommandation n° 32).

    Commentaires :
    Ces besoins sont de plus en plus aigus. La Commission continuera à suivre la situation.

    Recommandation n° 39 (NEMASKA)

    « Nemaska ainsi que le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devraient entamer des pourparlers afin de régler la revendication non résolue de Nemaska sur la somme de 3,85 millions de dollars pour avoir accès à une route, y compris les immobilisations et l'entretien.42 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a signalé que les pourparlers avaient été entamés, mais qu’ils s’étaient maintenant enlisés. M. Moore a également dit qu’il ne pensait pas que le Canada avait des obligations juridiques, mais qu’une solution négociée de l’affaire était souhaitable.

    Commentaires :
    Le fait que M. Moore désire une solution négociée est louable. Toutefois, le ministère devra engager des ressources avant que les négociations puissent être menées avec succès.

    Recommandation n° 40 (NEMASKA)

    « Vieux Poste devrait être désigné comme lieu historique en raison de ses peintures rupestres et d'autres caractéristiques d'intérêt historique.43 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    M. Moore a dit qu’il n’y avait pas eu de demande de la part de la communauté mais qu’on devrait peut-être se tourner vers le ministère du Patrimoine canadien.

    Commentaires :
    La Commission est d’accord pour que le ministère du Patrimoine canadien désigne Vieux Poste site historique.

    Recommandation n° 41 (NEMASKA)

    « Le Québec devrait renoncer aux frais de coupe sur le bois d'"uvre utilisé dans la construction du site Vieux Poste.44 »

    [« pas nécessairement pertinente »]

    Le ministère des Affaires indiennes estimait que la solution de cette question relevait de la province de Québec.

    Commentaires :
    Le Québec devrait renoncer aux frais de coupe sur le bois utilisé aux fins personnelles ou communautaires.

    Notes
    1. Rapport de la Commission crie-naskapie de 1998, p. 44.
    2. Tous les commentaires attribués à M. Jeff Moore, alors directeur du Bureau de mise en application de la Convention de la Baie James, sont basés sur les transcriptions de son témoignage aux audiences de la Commission crie-naskapie tenues à Ottawa en Ontario le 11 février 2000.
    3. Rapport de la Commission crie-naskapie de 1998, p. 45.
    4. Ibid. p. 45.
    5. Ibid. p. 45.
    6. Ibid. p. 45.
    7. Ibid. p. 45.
    8. Ibid. p. 45.
    9. Ibid. p. 46.
    10. Ibid. p. 46.
    11. Ibid. p. 46.
    12. Ibid. p. 46.
    13. Ibid. p. 46.
    14. Ibid. p. 46.
    15. Ibid. p. 46.
    16. Ibid. p. 46.
    17. Ibid. p. 46.
    18. Ibid. p. 47.
    19. Ibid. p. 47.
    20. Ibid. p. 47.
    21. Ibid. p. 47.
    22. Ibid. p. 47.
    23. Ibid. p. 47.
    24. Ibid. p. 47.
    25. Ibid. p. 47.
    26. Ibid. p. 47.
    27. Ibid. p. 47.
    28. Ibid. p. 47.
    29. Ibid. p. 47.
    30. Ibid. p. 48.
    31. Ibid. p. 48.
    32. Ibid. p. 48.
    33. Ibid. p. 48.
    34. Ibid. p. 48.
    35. Ibid. p. 48.
    36. Ibid. p. 48.
    37. Ibid. p. 48.
    38. Ibid. p. 48.
    39. Ibid. p. 48.
    40. Ibid. p. 48.
    41. Ibid. p. 48.
    42. Ibid. p. 48.
    43. Ibid. p. 48.
    44. Ibid. p. 48.

    DÉBUT

    CHAPITRE 11

    RECOMMANDATIONS

    La Commission crie-naskapie présente les recommandations suivantes; ce faisant, son objectif est que les autorités fédérales, cries et naskapie prennent les mesures qui s'imposent pour améliorer et pour avancer l'administration Eeyou locale ainsi que les droits Eeyou :

    Recommandations générales

    1.    Avec le soutien du fédéral, les nations cries et naskapie élaborent et mettent en "uvre un projet de collecte de récits oraux et écrits portant sur la préparation de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ainsi que de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec afin de favoriser et de permettre une meilleure compréhension de l'esprit, de l'intention et de la signification de la Convention et de la Loi.

    2.    Le gouvernement du Canada, la nation crie d'Eeyou Istchee, ainsi que la nation naskapie de Kawawachikamach, repensent et déterminent des relations justes et équitables reposant sur la signification, l'esprit et l'intention de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, de la Convention du Nord-Est québécois et de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

    3.    Le Canada, la nation crie d'Eeyou Istchee ainsi que la nation naskapie de Kawawachikamach négocient des mesures législatives, judiciaires et administratives, notamment fiscales, en vue de l’application et de la mise en "uvre adéquates des modalités et dispositions pour la Convention de la Baie James et du Nord québécois, de la Convention du Nord-Est québécois et de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Ces mesures devraient comprendre une législation pertinente, des relations, des structures, des processus et des ressources. Les modalités et les dispositions Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois devraient être revues pour que les conventions, y compris les modifications subséquentes, soient approuvées, mises en vigueur et officiellement valides.

    4.    Les modalités et dispositions d'une Loi sur la mise en "uvre des traités sont déterminées par les parties concernées. (La Loi sur la mise en "uvre des traités a été envisagée à la recommandation n° 5 du rapport de la Commission publié en 1998.)

    5.    Le gouvernement du Canada, la nation crie d'Eeyou Istchee et la nation naskapie de Kawawachikamach examinent et étudient les conclusions et les recommandations des rapports antérieurs de la Commission crie-naskapie. Ces autorités devraient répondre de façon détaillée aux recommandations passées de la Commission et indiquer les interventions et les mesures appropriées qui s'imposent.

    6.    Le gouvernement du Canada devrait déposer à la Chambre des communes et au Sénat une « loi sur la responsabilité en matière de gestion des politiques », assurant ainsi que les décisions politiques prises par le Cabinet et les ministres sont mises en "uvre comme prévu et en temps opportun. La conformité à cette législation devrait être scrutée régulièrement par un organisme central ainsi que par un comité parlementaire.

    7.    Oujé-Bougoumou Eenouch (nation crie)

    8.    Le gouvernement du Canada, le Grand Conseil des Cris (Eeyou/Istchee) et les Oujé-Bougoumou Eenouch s'engagent dans un processus concret axé sur la mise en "uvre complète et adéquate de l'accord Oujé-Bougoumou/Canada, signé le 22 mai 1992. À cet égard, les parties concernées devraient conclure, à l'aide d'une procédure de conclusion des traités, un accord complémentaire qui inclurait officiellement la nation crie Oujé-Bougoumou dans la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois. La Commission reconnaît que la participation et le consentement du gouvernement du Québec sont essentiels, mais le Canada doit assumer ses responsabilités fiduciaires et assurer la protection des droits et des intérêts des Oujé-Bougoumou Eenouch dans ce processus.

    9.    Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada (MAINC), le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et la nation crie Oujé-Bougoumou examinent les modalités du financement des projets d'immobilisations de cette dernière afin d'assurer la conformité à l'accord Oujé-Bougoumou/Canada. Cette étude devrait comporter une entente et une solution pour la revendication non réglée de 1,7 million de dollars, somme reçue du MAINC par la nation crie d'Oujé-Bougoumou pour des projets d'immobilisations après l'exercice de 1994-1995 et apparemment due à la nation crie de l'Eeyou Istchee.

    Nation naskapie de Kawawachikamach

    10.    La nation naskapie de Kawawachikamach a élaboré un système judiciaire local communautaire, conçu en fonction des Eeyou.

    11.    Le Canada et les Naskapis Eeyouch amorcent des discussions portant sur un système judiciaire local reflétant les valeurs et les principes des Eeyou.

    12.    Le Canada et la nation naskapie de Kawawachikamach règlent tous les problèmes des services policiers, y compris le recouvrement des coûts du nouveau poste de police et de son amélioration.

    13.    Le gouvernement du Canada assume ses responsabilités fiduciaires et protège les intérêts et les droits des Naskapis Eeyouch lors des négociations avec les Inuit du Nunavik portant sur l'administration autonome régionale.

    Administration autonome Eeyou

    14.    Les nations cries et naskapie déterminent et/ou clarifient la source, la nature, la portée et la mise en "uvre du droit inhérent Eeyou à l'administration autonome.

    15.    Les nations cries et naskapie assurent la compatibilité de leurs traités et de leur législation habilitante avec leur compréhension du droit inhérent Eeyou à l'administration autonome.

    16.    La nation crie d'Eeyou Istchee, la nation naskapie de Kawawachikamach et le gouvernement du Canada amorcent un processus concret par lequel les droits Eeyou valent dans la redéfinition de l'administration autonome des Eeyou.

    17.    Le gouvernement du Canada, la nation crie d'Eeyou Istchee et la nation naskapie de Kawawachikamach lancent une vaste projet de redéfinition et de mise en "uvre de l'administration autonome Eeyou. Ce projet devrait tenir compte de ce qui suit :

    (i)        vision de l'administration autonome précisée par les Eeyouch;
    (ii)       exercice du droit à l'autodétermination;
    (iii)      évolution, exercice et besoins actuels de l'administration locale Eeyou;
    (iv)      principes et valeurs des Eeyou ;
    (v)      expression et exercice complet du droit inhérent des Eeyou à l'administration autonome;
    (vi)      redéfinition et mise en place de relations justes et équitables;
    (vii)     légitimité, pouvoir et ressources;
    (viii)    conformité à la loi autochtone, à la loi et aux coutumes traditionnelles Eeyou.

    Convention de la Baie James et du Nord québécois et Convention du Nord-Est québécois

    18,    Le gouvernement du Canada, le Grand Conseil des cris (Eeyou/Istchee) et la nation naskapie de Kawawachikamach procèdent à un examen approfondi et concret de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) et de la Convention du Nord-Est québécois (CNEQ) afin d'en venir à une compréhension complète de la signification, de l'interprétation, de l'esprit et des intentions de ces traités.

    19.    Lors de l'examen de la CBJNQ et de la CNEQ, le gouvernement du Canada, la nation crie d'Eeyou Istchee et la nation naskapie de Kawawachikamach veillent à ce que les modalités et les dispositions de ces conventions évoluent par des mesures appropriées tenant compte des besoins actuels, de la situation comme des aspirations présentes des nations et des peuples cris et naskapi.

    20.    Le gouvernement du Canada, le Grand Conseil des Cris (Eeyou/Istchee) et la nation naskapie de Kawawachikamach conviennent d'un commun accord d'un mécanisme approprié pour faire rapport sur la mise en "uvre de la CBJNQ et de la CNEQ.

    Financement de l'exploitation et de l'entretien (E&E)

    Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada et le Grand Conseil des Cris (Eeyou/Istchee) examinent le présent « accord sur le transfert du financement de l'exploitation et de l'entretien » afin de tenir compte des besoins et des préoccupations de l'heure de la nation crie d'Eeyou Istchee. En particulier, les modalités du financement et la formule de l'accord sur le financement d'E&E devraient être revues et mises à jour afin de refléter les besoins, la situation et les préoccupations de l'heure des administrations locales Eeyou et des autorités régionales Eeyou.

    21.    Le gouvernement du Canada et les nations cries et naskapie devraient redéfinir les relations fiscales qui favoriseraient une administration autonome efficace, ordonnée et concrète.

    Habitations

    22.    Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada et les autorités cries et naskapies examinent et déterminent les besoins actuels en fait de logement, y compris la rénovation de maisons existantes des collectivités cries et naskapie. Les autorités du Ministère et les Eeyou devraient déterminer les ressources permettant de répondre à ces besoins et les répartir.

    23.    Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada ainsi que Santé Canada répondent à la revendication de la nation crie de Chisasibi en ce qui concerne les besoins en logement et les maladies liées à l'état actuel des habitations.

    Développement économique et emploi

    24.    Le Canada et le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) examinent et mettent adéquatement en "uvre l'article 28 (Développement économique et social " Cris) de la Convention de la Baie James et du Nord québécois afin de redresser la situation des Cris en matière d'emploi et de développement économique.

    Projets d'immobilisations

    25.    Le Canada et le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), dans le processus Vennat-Namagoose en cours, tiennent compte des projets d'immobilisations identifiés par les collectivités cries et dont elles ont besoin.

    Contrôle des armes à feu

    26.    Les administrations locales Eeyou disposeront d'un soutien suffisant et de ressources adéquates pour la mise en "uvre satisfaisante de la législation fédérale sur le contrôle des armes à feu.

    Préoccupations collectives spécifiques

    27.    Le gouvernement du Canada et le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) donnent suite aux demandes de la Première nation crie de Waswanipi et de la Première nation de Nemaska, demandes relatives à une enquête indépendante dans le cas de Nemaska, et à la possibilité d'une enquête ou d'une recherche dans le cas de Waswanipi au sujet des circonstances et des répercussions de leur déplacement.

    28.    Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada tient compte des circonstances spéciales de Whapmagoostui lors de l'examen et de la détermination des besoins, des projets et du financement de la collectivité crie.

    29.    Les gouvernements du Canada et du Québec s'entendent sur le financement de projets d'immobilisations spécifiques, de concert avec les administrations locales de Whapmagoostui et de Kuujjuarapik, et conformément aux besoins et aux aspirations des collectivités locales.

    30.    Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada (MAINC) et les Washaw Sibi Eeyou amorcent un processus concret, accompagné des mesures appropriées, afin d'assurer l'avenir et le bien-être des Washaw Sibi Eeyou comme le voient et le déterminent les Eeyouch en cause. En particulier, les fonds nécessaires pour terminer le plan d'action et de faisabilité portant sur les diverses options pour l'avenir des Washaw Sibi Eeyouch doivent être fournis par le MAINC.

    31.    Le gouvernement du Canada aide la nation crie de Chisasibi à régler le statut du bloc « D » et à répartir les fonds essentiels au bon fonctionnement et à l'entretien de la piste d'atterrissage.

    Mise en "uvre et modification de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec

    32.    Le Grand Conseil des Cris (Eeyou/Istchee) et la nation naskapie de Kawawachikamach élaborent et mettent en "uvre un processus de détermination de ce qui suit :

    (a)    modification appropriée de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec;
    (b)    mise en "uvre adéquate de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

    Le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et la nation naskapie de Kawawachikamach devraient déterminer le rôle de la Commission crie-naskapie au cours du processus devant se terminer par la présentation d'un mémoire au Cabinet fédéral, au plus tard dans deux (2) ans. (La Commission a préparé un document de travail intitulé « Mise en application et amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ».)

    33.    Le gouvernement du Canada et les nations cries et naskapie prennent immédiatement les mesures appropriées, selon leurs compétences et responsabilités respectives, en vue de garantir que les procédures afférentes aux élections des administrations locales reflètent la volonté, les besoins et les aspirations des Eeyouch. À ce sujet, la Commission a préparé un document de discussion intitulé « Élections des administrations locales des Premières nations cries et naskapie ». Les recommandations dudit document de travail se trouvent à l'Annexe H et font partie des recommandations formulées par la Commission pour le présent rapport.

    34.    Le gouvernement du Canada reconnaît le principe voulant que la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ne puisse être unilatéralement modifiée par le gouvernement fédéral. Toute modification des modalités et des dispositions de la Loi exige, par voie de négociation, le consentement et l'aval des parties cries et/ou naskapie.


    DÉBUT

    CONCLUSION

    Au cours des seize années qui se sont écoulées depuis la proclamation de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, il y a eu beaucoup de changements. Les collectivités des Cris et des Naskapis ont grandi et se sont développées. Les administrations locales ont évolué et progressé. Les Cris comme les Naskapis sont plus conscients de former des nations, ce qui a dans une large mesure remplacé l'ancienne notion de « bande » indienne. Cette évolution est, pour une bonne part, attribuable aux accords qui ont été conclus. De plus, la nation crie prétend que les gouvernements fédéral et provincial n'ont pas assumé leurs responsabilités de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. L'honorable Robert Nault, ministre des Affaires indiennes, a déclaré à de nombreuses occasions qu'il veillait à ce que les traités et les accords soient correctement mis en "uvre. Plusieurs des accords plus récents sur les revendications territoriales contiennent des mécanismes de règlement des conflits. Tel n'est pas le cas pour la Convention de la Baie James et du Nord québécois et pour la Convention du Nord-Est québécois. Beaucoup trop de modalités de la Convention de la Baie James et du Nord québécois sont contestées et prêtent à litige. Il devient évident que la Cour suprême du Canada, et de plus en plus les tribunaux, sont généralement à la fine pointe lorsqu'il s'agit d'assurer dans la pratique le respect des droits des Autochtones ainsi que ceux conférés par les traités et qui sont garantis par la Constitution. En revanche, les gouvernements combattent invariablement cela avec beaucoup de ténacité. Il est temps que le gouvernement fédéral assume le leadership et apporte son soutien aux droits constitutionnels des Autochtones du Canada et, certes, à ceux de tous les Canadiens au lieu de persister à nier ces droits.

    Dès qu'un accord complexe est signé, tel un règlement en matière de revendications territoriales, il est à prévoir qu'il y aura des divergences légitimes pour l'interprétation des dispositions en cause. Un mécanisme quelconque de résolution des conflits est nécessaire. Pour l'instant, il nous semble clair que seuls les tribunaux ont suffisamment d'autorité pour résoudre définitivement ces conflits, tout en ayant la capacité d'imposer leurs décisions. C'est pourquoi la Commission crie-naskapie croit que si le ministre Nault est sérieux quant au besoin de respecter l'esprit et l'intention des traités, il doit faire plus qu'offrir des énoncés sur ses bonnes intentions. Nous croyons que trois recommandations de notre rapport de 1998 peuvent servir de fondement pour garantir une mise en "uvre efficace. Voici ces trois recommandations :

    1. Il faudrait créer un secrétariat de mise en "uvre des traités, qui soit complètement indépendant du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien; il serait chargé de gérer l'exécution des obligations gouvernementales découlant des traités et des conventions.
    2. Il faudrait concevoir une loi sur la mise en "uvre des traités, laquelle engloberait une bonne partie de la nouvelle loi sur les droits des Autochtones et ceux issus de traités, de même que le droit fiduciaire, en une loi unique servant de guide jurisprudentiel aux représentants gouvernementaux dans l'exercice de leurs attributions prévues par les divers accords et traités. Cette nouvelle législation, ou une législation complémentaire, par exemple, une loi sur la mise en "uvre des traités (conventions financières), devrait stipuler clairement comment il faut gérer les aspects financiers des conventions et des traités.
    3. Un tribunal supérieur, de compétence nationale, devrait être créé pour s'occuper des cas touchant les droits des Autochtones et ceux issus de traités. Ce tribunal serait compétent dans ces domaines ainsi que dans les cas liés à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, à la Loi sur les Indiens, à la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte à d'autres documents législatifs semblables. En outre, il pourrait avoir juridiction d'appel pour les cas provenant des futurs tribunaux des Premières nations. Les appels d'un tel tribunal pour les droits des Autochtones et ceux issus de traités seraient entendus par la Cour d'appel fédérale et, ensuite, par la Cour suprême du Canada.

    Les juges d'un tel tribunal seraient recommandés par les Premières nations et nommés par le gouverneur en conseil, et le tribunal constituerait une division de la Cour fédérale du Canada. Après une période de dix ans, il faudrait réévaluer le besoin d'un tel tribunal.

    Il devient de plus en plus évident que la gouvernance Eeyou est d'abord et avant tout une affaire de valeurs, de culture et de changement. Au niveau local, la mise en "uvre de la gouvernance Eeyou continuera d'être guidée par la convergence des pratiques traditionnelles et contemporaines. Le défi des autorités fédérales, cries et naskapie consiste à articuler et à faire avancer des stratégies, mesures et changements efficaces visant l'amélioration de l'administration locale Eeyou.

    Enfin, les commissaires croient qu'il y a de nombreux signes positifs indiquant que les parties sont prêtes à résoudre les problèmes en suspens. L'engagement personnel évident du Ministre est très encourageant. Au niveau ministériel, le défi consiste à passer des intentions personnelles aux mesures concrètes. La réalité est simplement que le Ministre, comme ses prédécesseurs, sera remplacé dans une année ou deux. Si le processus de mise en "uvre véritable et de bonne foi des traités qu'il recherche doit aboutir, il doit livrer une législation solide, spécifique et pratique qui garantira, après son départ, les droits constitutionnels des peuples autochtones et confirmera l'intégrité du Canada à titre de signataire de traités.

    Document révisé le 29 mai 2000


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    GLOSSAIRE

    Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec :
    Loi fédérale spéciale sur le gouvernement local cri et naskapi promulguée par le Parlement conformément aux obligations découlant de traités en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois.

    Convention de la Baie James et du Nord québécois :
    Traité des temps modernes, règlement de revendications territoriales et arrangement à l’amiable conclu le 11 novembre 1975 entre le Grand Conseil des Cris du Québec, la Société des Inuit du Nord québécois, le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et certaines sociétés d’État comme Hydro-Québec.

    Convention du Nord-Est québécois :
    Traité des temps modernes et règlement de revendications territoriales conclu le 31 janvier 1978 entre la bande des Naskapis de Schefferville, le Grand Conseil des Cris du Québec, la Société des Inuit du Nord québécois, le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et certaines sociétés d’État comme Hydro-Québec.

    Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie James et du Nord québécois :
    Loi fédérale spéciale qui approuve, applique et déclare valide la Convention de la Baie James et du Nord québécois et promulguée par le Parlement conformément aux obligations découlant de ladite convention. (Conformément à la Loi, le Gouverneur en conseil approuve, applique et déclare valide la Convention du Nord-Est québécois.)

    Eeyouch ou Eeyou :
    Terme utilisé par les peuples et nations cris et naskapi pour se désigner eux-mêmes et qui signifie « êtres humains » ou « peuple ». Le terme « Eeyou » s’utilise aussi au singulier pour désigner un Cri, un Naskapi ou un Autochtone. (Les Cris de la côte de la Baie James et les Naskapis s’appellent eux-mêmes « Eeyou » ou « Eeyouch ».)

    Eenouch ou Eenou :
    Les Cris des communautés de l’intérieur des terres de l’Eeyou Istchee s’appellent eux-mêmes « Eenouch » ou « Eenou », ce qui signifie « êtres humains » ou « peuple ». Le terme « Eenou » est également utilisé au singulier pour désigner un Cri ou un Autochtone.

    Eeyou Istchee :
    Terme utilisé par les Eeyouch ou Eenouch (Cris) pour désigner leurs terres ainsi que les territoires traditionnels et historiques occupés par leurs ancêtres et leurs descendants actuels.

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    ANNEXE

    RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION CRIE-NASKAPIE, TELLES QU'ELLES SONT FORMULÉES DANS LE DOCUMENT DE TRAVAIL, ET QUI PORTENT SUR LES ÉLECTIONS DES ADMINISTRATIONS LOCALES DES (PREMIÈRES) NATIONS CRIE ET NASKAPIE.

    RECOMMANDATIONS

    En ce qui concerne les élections des administrations locales Eeyou (nations crie et naskapie), la Commission crie-naskapie recommande les mesures suivantes :

    1. De nouvelles sources et modalités de financement devraient être déterminées par les autorités cries et le gouvernement fédéral relativement au processus de contestation des résultats électoraux prévu à l'article 78 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. En particulier, des ressources financières devraient être mises à la disposition des personnes contestant les résultats électoraux, agents publics et représentants élus, afin qu'elles aient accès aux autorités pertinentes de l'administration de la justice.

    2. Les autorités et les membres locaux devraient procéder à un examen complet et approfondi de la Partie II, Élection de la Bande, (articles 63 à 78) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ainsi que des règlements locaux pour les élections. Cet examen devrait viser les préoccupations des collectivités ainsi que les conclusions de la Commission. En particulier, cet examen devrait refléter la volonté de la population et tenir compte des coutumes et de la loi traditionnelle.

    3. L'examen du processus général actuel des élections des « bandes » devrait porter sur les inquiétudes et les questions d'équité et d'opportunité que soulève le système existant à majorité simple. De plus, la notion de majorité devrait être clarifiée dans le processus relatif aux élections générales des bandes, conformément à la volonté, aux coutumes et à la loi ancestrale des collectivités.

    4. La Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois devraient être étudiées et modifiées au besoin :

      1. reconnaître et affirmer les lois, pratiques et coutumes ancestrales en matière d'élections,
      2. se conformer aux besoins et aux aspirations des Cris et des Naskapis en matière d'élections.

    5. La partie II (Élections) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et les règlements existants des Premières nations (Bande) devraient être revus et modifiés aux fins suivantes :

      1. reconnaître et affirmer les lois, pratiques et coutumes ancestrales en matière d'élections,
      2. fournir une marche à suivre locale simplifiée pour dresser et mettre à jour les listes électorales,
      3. permettre aux nations cries et naskapie de voter des lois pour toutes les affaires d'admissibilité à voter et à exercer une charge,
      4. habiliter les nations cries et naskapie à prévoir la contestation des procédures et des résultats électoraux par voie législative,
      5. habiliter les nations cries et naskapie à déclencher l'élection d'un chef et/ou de tout autre membre du Conseil,
      6. permettre aux nations cries et naskapie d'adopter une autre approche que la majorité simple lors de l'élection d'un chef et/ou de d'un conseiller,
      7. permettre aux nations cries et naskapie de voter des lois sur toutes les autres affaires d'élections,
      8. déterminer si les pouvoirs du Ministre et du Gouverneur en conseil sont appropriés.

    6. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devraient négocier avec les Cris et les Naskapis un accord sur le financement du processus électoral, lequel prévoirait des fonds pour ceci :

      1. l'examen et la révision de dispositions pertinentes de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois,
      2. l'élaboration et la révision de règlements électoraux spécifiques pour la collectivité ainsi que des ateliers d'information préélectoraux,
      3. les avis juridiques pour les bandes et (de façon indépendante) pour les directeurs du scrutin,
      4. l'accès au processus de contestation des résultats électoraux,
      5. la formation permanente des agents électoraux,
      6. la mise sur pied et la gestion d'un processus local servant à mettre à jour les listes de la collectivité et des électeurs.

    7. Les nations cries et naskapie devraient organiser des ateliers communautaires afin que les membres de la collectivité puissent contribuer à l'élaboration et à la révision des règlements administratifs et des sections appropriées de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Elles devraient aussi offrir des ateliers préélectoraux destinés aux candidats, aux agents électoraux et aux parties intéressées au processus électoral.

    8. La Commission crie-naskapie devrait continuer à fournir des observateurs électoraux, à la demande des collectivités, de même que de l'information sur son rôle (y compris les restrictions) dans le processus électoral.

    9. Les gouvernements fédéral, des Cris et des Naskapis devraient se pencher sur les anciens rapports de la Commission crie-naskapie quant aux représentations portant sur les élections ainsi que sur les conclusions et recommandations spécifiques de ces rapports.

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