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Cree-Naskapi Commission
1998 Report Rapport 1998 Rapport 1998
Commission Crie-Naskapie

LETTRE À LA MINISTRE

Ottawa, Ontario

Le 5 juin 1998
L'Honorable Jane Stewart, CP, députée
Ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada
Chambre des Communes
Ottawa (Ontario)
K1A 0H4



Madame la Ministre,

Nous sommes heureux de vous présenter le sixième rapport biennal de la Commission crie-naskapie conformément au paragraphe 171(1) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

Le présent rapport est fondé sur les consultations et les audiences tenues auprès des communautés cries et naskapie et des divers organismes gouvernementaux et de tierces parties. Nous avons bon espoir que les questions qui y sont soulevées et les recommandations formulées feront l'objet de discussions de la part de toutes les parties visées qui prendront les mesures qui s'imposent. Dans cette optique, nous espérons avoir l'occasion de s'entretenir avec vous, les membres des comités permanents, les chefs cris et naskapi et les autres parties intéressées.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Ministre, l'assurance de notre considération la plus distinguée.

La Commission crie-naskapie

 
_______________________________________________________________
Philip AwashishRichard SaundersRobert Kanatewat
CommissairePrésident IntérimaireCommissaire

 

Rapport 1998
Table des matières

  Lettre à la Ministre
Message du président intérimaire
Remerciements
 
Chapitre  1  :Introduction
Chapitre  2  :Statut de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois
Chapitre  3  :Relations fédérales
Chapitre  4  :Questions d'ordre juridictionnel
Chapitre  5  :Questions territoriales
Chapitre  6  :Développement économique
Chapitre  7  :Relations cries locales/régionales
Chapitre  8  :Questions sur les Cris Ouje-Bougoumou
Chapitre  9  :Questions d'intérêt particulier pour les Naskapis
Chapitre 10 :Questions sur les autres communautés
Chapitre 11 :Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec
Chapitre 12 :Rôle et mandat de la Commission crie-naskapie
Chapitre 13 :Recommandations
Chapitre 14 :Conclusion
 
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REMERCIEMENTS

Sur une note personnelle, les commissaires aimeraient souligner les efforts déployés au fil des ans par Monsieur le juge Réjean Paul à titre de président de la Commission. La contribution du juge dans le processus de médiation auprès des Cris d'Oujé-Bougoumou est digne de mention par toutes les parties visées.

Les commissaires désirent faire état du travail toujours accompli avec brio par le personnel de la Commission crie-naskapie - Brian Shawana, Micheline Ayotte, Gloria Dedam, Nicole Cheechoo et Charlotte Kitchen.

Toutes les communautés cries et naskapie ayant participé à des audiences et à des rencontres ont bien accueilli les commissaires. Ces derniers ont reçu l'appui de tous les participants, ce qui a facilité et agrémenté leur travail. Les autres membres et organismes cris et naskapis ont offert leur collaboration. En outre, les remarques présentées par le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) lors de la préparation des anciens rapports ont été bien utiles et celui-ci a formulé de nombreuses suggestions pour l'élaboration du présent rapport.

Divers ministères et organismes fédéraux ont offert des renseignements des plus utiles au cours des audiences. Il s'agit de Développement des ressources humaines, de Transports et des Affaires indiennes et du Nord Canada ainsi que de la Société canadienne d'hypothèques et de logement.

Une rencontre non officielle a eu lieu entre M. Ted Moses et M. Michel Vennat, OC. QC., au sujet du processus de négociation cri-fédéral. Leurs remarques et opinions perspicaces sont bien accueillies.

L'Assemblée des Premières Nations a également présenté un exposé informatif et utile.


MESSAGE DU PRÉSIDENT INTÉRIMAIRE

Le rapport de la Commission crie-naskapie de 1998 découle d'une série d'audiences tenues auprès des communautés et d'entretiens de chefs et conseils cris et naskapi, des fonctionnaires gouvernementaux et d'autres parties. Les commissaires se sont réunis pour analyser et revoir les exposés qui ont été présentés et les questions soulevées de même que pour préparer le présent rapport.

Contraintes du rapport de 1998

Les ressources financières de la Commission crie-naskapie étant nettement inférieures à ce que les commissaires ou les membres du Comité de réxamen «Cowie» considèrent nécessaires, le présent rapport ne correspond pas aux normes appropriées pour une commission statutaire dont les rapports sont déposés à la Chambre des Communes et au Sénat. Voici ses principales contraintes :

  1. un manque de recherche concernant la validité des réclamations mettant en lumière des faits établis détaillés, d'où l'impossibilité pour la Commission de porter des conclusions relativement à ces questions;
  2. un manque d'avis juridiques sur certaines questions liées à des cas techniques et légaux;
  3. un nombre insuffisant de visites dans les communautés pour entendre toutes les parties intéressées;
  4. aucune ressource relative aux séances de compte rendu dans les communautés afin de relever la façon dont les réclamations ont été traitées;
  5. les ressources sont insuffisantes afin de rédiger un rapport complet qui sera porté à l'attention des comités permanents.

Un vent d'optimisme

Les limites du présent rapport suscitent d'importantes inquiétudes chez mes collègues et moi, mais un vent d'optimisme souffle sur l'ensemble des relations entre les Autochtones et le gouvernement fédéral, ce qui peut avoir comme effet d'apaiser les préoccupations des Cris et des Naskapis du Nord québécois.

Dans l'ouvrage Rassembler nos forces : le plan d'action du Canada pour les questions autochtones et au cours de déclarations publiques, la nouvelle ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada, l'honorable Jane Stewart, a reconnu que de graves erreurs ont été commises dans le passé relativement au sort réservé aux Autochtones canadiens. Elle a formulé un engagement important visant un changement de direction et un nouveau partenariat. Au cours de nos pourparlers avec elle, elle a indiqué que les mêmes intentions s'appliquent aux Cris et aux Naskapis. Je crois qu'elle est sincère. Sur une note réaliste, toutefois, je n'estime pas qu'elle puisse atteindre ses objectifs à moins d'apporter des changements profonds à la façon dont le gouvernement dans son ensemble gère les traités et les conventions. La structure actuelle est axée sur un modèle de gestion des affaires publiques entièrement discrétionnaire et non sur une mise en application des traités suscitant l'admiration. À la lumière de mes observations effectuées au cours des audiences, de plus, de nombreux fonctionnaires du Ministère ne comprenaient pas l'orientation du gouvernement et n'appuyaient pas la nouvelle approche. Il est déplorable de constater qu'ils semblent respecter les anciennes approches qui ont mené aux relations actuelles non harmonieuses entre le gouvernement fédéral et les Autochtones. Si la ministre entend mettre sur pied les mesures améliorées que ses collègues et elle ont adoptées, elle devra occuper un long mandat, obtenir l'appui constant du Cabinet, compter sur des ressources améliorées, des nouvelles structures ministérielles et extra-ministérielles et une nouvelle mentalité de la part des fonctionnaires.

Recommandations à être appliquées par la Commission

Les rapports précédents englobaient de nombreuses recommandations auxquelles le gouvernement et les autres parties devaient donner suite. La Commission crie-naskapie a souvent entendu que bon nombre de ces recommandations ne sont jamais appliquées. Dans le présent rapport, les commissaires ont relevé plusieurs suggestions que la Commission mettra de l'avant, dont voici la liste :

  • Un accroissement limité de notre mandat afin d'englober quelques questions énoncées dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois en autant que les pouvoirs et les fonctions s'y rattachant soient précisés dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, par exemple dans l'article 21(j).
  • Une demande formulée à l'effet que le rapport de la Commission crie-naskapie devienne un point à l'ordre du jour des comités permanents sur les Affaires autochtones de la Chambre des Communes et du Sénat. M. Guy Saint-Julien, député et président du comité de la Chambre, a accepté cette proposition.
  • La présentation du rapport à des rencontres dans les régions et les communautés afin que la Commission puisse avoir une certaine obligation de rendre compte aux communautés sur la façon dont elle a traité les réclamations. Il s'agit également d'une occasion de revoir les questions qui peuvent être traitées par les bandes cries et naskapie, les organismes régionaux, etc.

La Commission devrait conserver les dossiers et être un centre de ressources sur la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les conventions et les questions s'y rattachant. Cette suggestion est mise en application de façon régulière.

Bonnes nouvelles

Lorsqu'un organisme, tel que la Commission crie-naskapie, tient des audiences dans les communautés, les préoccupations et les plaintes semblent ressortir. Cette situation s'explique du fait qu'une partie du mandat de la Commission consiste malgré tout à entendre les préoccupations des gens. Il faut souligner toutefois qu'il existe de nombreux exemples de réalisations dans les communautés qui ont été couronnés de succès. Voici les exemples les plus marquants qui ont été portés à notre attention :

  • les projets novateurs de Nemaska visant la création d'un site culturel et historique à Vieux Poste;
  • l'ensemble de l'oeuvre d'Oujé-Bougoumou marquée par une communauté fonctionnelle, inspirée et en croissance en tenant compte du sort qui lui est réservé;
  • les réalisations des Naskapis qui ne cessent de se manifester, et ce, en tant que communauté solide et croissante, malgré la fermeture presque complète de Schefferville;
  • les concepts que doit traiter Mistissini devant la nécessité de disposer d'une constitution crie;
  • à l'heure des nouveaux défis déchirants, la quête des trappeurs cris qui désirent conserver leur économie traditionnelle ;
  • l'esprit et la détermination de Washaw Sibi Eeyou relativement au maintien de leur identité et à leur reconnaissance en tant que communauté;
  • la réapparation de la reconnaissance sur tout le territoire des aînés sur qui reposent les valeurs cries;
  • l'élaboration d'une forêt modèle à Waswanipi jumelée à l'exploitation avec succès d'une scierie;
  • la mise sur pied d'un programme récréatif efficace et la grande participation de la communauté de Chisasibi;
  • de nombreuses réalisations personnelles exceptionnelles, y compris le Prix national d'excellence décerné au chef Abel Bosum et les doctorats honorifiques attribués au chef Billy Diamond ainsi qu'à l'ambassadeur cri Ted Moses.

De nombreux autres modèles à suivre pourraient faire l'objet de mention dans le présent rapport. Il ne faut pas oublier, malgré les difficultés et les problèmes énoncés dans le présent rapport, que de nombreux événements positifs ont cours dans toutes les communautés cries et naskapie.

Conclusion

Les problèmes relatés dans le présent rapport sont importants et souvent complexes. Je crois, toutefois, que, compte tenu de la détermination et des talents des Cris et des Naskapis et des intentions claires de la ministre actuelle, ces problèmes peuvent être résolus. La possibilité de les régler est tributaire en grand partie de la capacité des structures gouvernementales à évoluer et à s'adapter. La bureaucratie actuelle peut-elle s'adapter à la réalité des nouvelles relations entre les Autochtones et le gouvernement fédéral issues de la Constitution qui a été modifiée, du changement dans la jurisprudence, des conventions et de la loi ainsi que de la nouvelle mentalité du gouvernement canadien? Tout porte à croire que la bureaucratie ne peut changer assez rapidement pour se tenir au diapason des réalités d'aujourd'hui. Il importe que la ministre élabore une orientation claire, persistante et détaillée qui sera jumelée aux quelques principales innovations législatives et structurelles. Je demeure optimiste.


CHAPITRE 1
INTRODUCTION

En juin 1984, la Commission crie-naskapie a été établie conformément à la partie XII de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Quéebec et grâce à laquelle le gouvernement du Canada lui confère un statut spécial. La Loi, qui s'adresse principalement au gouvernement local cri et naskapi et au régime des terres relatif aux terres de la catégorie I A et de la catégorie I A-N, fait partie de la législation spéciale prévue à l'article 9 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (conclue le 11 novembre 1975) et à l'article 7 de la Convention du Nord-Est québécois (signée le 31 janvier 1978). Les dispositions, ainsi que les articles des conventions dont il vient d'être question, prévoient l'exercice des droits du gouvernement local et des autres droits reconnus et déclarés dans l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. De plus, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec remplace la Loi sur les Indiens, qui porte principalement sur les bandes cries ou la bande naskapie et leurs terres respectives des catégories I et I A-N.

Voici les fonctions de la Commission crie-naskapie, comme elles sont énoncées à l'article 165 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec ;

  • établir les rapports prévus . . . ;
  • . . . enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l'application de la présente loi, notamment l'exercice ou le défaut d'exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cette loi.

En particulier, la Commission «établit, en français, en anglais, en cri et en naskapi, un rapport sur l'application de la présente loi et l'adresse au ministre». Le rapport actuel représente le sixième rapport biennal présenté au ministère en quatorze ans d'existence de la Commission.

Les membres actuels de la Commission crie-naskapie ont été nommés le 4 novembre 1997 par le gouverneur en conseil, sur recommandation de l'Administration régionale crie et de la bande naskapie. Le délai dans la nomination des membres a retardé considérablement la préparation du présent rapport qui doit être présenté à la ministre d'ici le 5 juin 1998. La rédaction de ce rapport ainsi que les recommandations s'y rattachant découlent de consultations publiques menées avec un échéancier très serré et des ressources limitées. La Commission est aux prises avec des ressources inappropriées, d'où la grande difficulté d'exercer efficacement ses fonctions. Les fonctions de la Commission crie-naskapie visant à enquêter et à dresser un rapport sur l'application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec contribuent à la compréhension des questions et des préoccupations des parties et à leur sensibilisation. Après l'application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec en quatorze ans, sans aucun amendement, il est évident pour la Commission crie-naskapie que l'élément indispensable dans le respect des droits et dans la quête de justice pour les gouvernements cris et naskapi dépasse la justice et moralité, car la justice est tributaire de la volonté politique des partis au pouvoir. Un avenir plus viable pour le gouvernement local cri et naskapi ne peut être assuré que dans un effort plus sincère et dynamique afin d'étudier les anciennes et actuelles recommandations de la Commission et de dresser des mesures réalistes dont les actions sont opportunes et les ressources, adéquates.

On doit souligner que les moyens normaux et primaires de mise en application repose sur l'obligation bien arrêtée ou implicite du gouvernement du Canada à l'égard de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois de prendre les mesures législatives et administratives appropriées. Par conséquent, le principal objectif du présent rapport consiste à déterminer si des mesures législatives et administratives appropriées sont mises de l'avant afin de veiller à ce que le gouvernement local cri et naskapi et leur administration soient assurés efficacement.


CHAPITRE 2
Statut de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois

Le non-respect des obligations des gouvernements fédéral et provincial stipulées dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois suscite une très grande inquiétude et cette question a été fréquemment soulevée au cours des audiences spéciales de mise en application de 1998. Cette préoccupation revient depuis nos premières audiences tenues en 1986. À ce moment-là, la Commission a énoncé que :

«Dans l'histoire canadienne, une opinion persiste selon laquelle les gouvernements font des promesses pour amener les autochtones à abandonner leurs terres et autres droits et ensuite régulièrement rompent ces promesses, prétextant souvent des considérations techniques de nature légale. Il est regrettable que les témoignages à l'appui de cette opinion soient très nombreux.»1

Aujourd'hui, bien que cette observation s'applique toujours, il y a lieu d'être optimiste. L'honorable Jane Stewart, nouvelle ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada, a adopté quelques mesures afin d'améliorer les relations entre les Premières Nations et le gouvernement canadien. Le récent «Énoncé de réconciliation» émis par le gouvernement prouve son intention de reconnaître quelques erreurs du passé et de tendre la main aux Autochtones. L'énoncé englobe deux sections que la Commission envisage comme une raison de se réjouir prudemment. La première section indique que :

«Malheureusement, notre histoire en ce qui concerne le traitement des peuples autochtones est bien loin de nous inspirer de la fierté.»2

Cet énoncé ne se penche pas sur le problème actuel et historique des traités non respectés, mais il reconnaît qu'il existe un problème général et il s'agit d'un pas certain dans la bonne voie de la réconciliation. L'autre section porte sur le processus de réconciliation :

«La réconciliation est un processus continu. Pour renouveler notre partenariat, nous devons veiller à ce que les erreurs ayant marqué notre relation passée ne se répètent pas.»3

Cet énoncé traduit de bonnes intentions. S'il est respecté de façon uniforme et continue dans l'administration publique, les résultats seront positifs. Dans la négative, le scepticisme fera place au cynisme et les crises se succéderont jusqu'à ce qu'un autre gouvernement donne suite à ces intentions.

Quant aux préoccupations actuelles au sujet de l'échec des gouvernements à respecter leurs obligations en vertu des ententes, il faut comprendre entièrement la nature du problème. Par la suite, des solutions constructives peuvent être envisagées. Le problème est complexe. La Commission croit, toutefois, qu'il est attribuable au fait que plusieurs des concepts de base des structures et processus décisifs, utiles dans l'ensemble, sont entièrement inappropriés voire inefficaces lorsqu'il s'agit des traités et des ententes. Aux fins de la présente discussion, la Commission doit indiquer les questions conceptuelles comme étant la «question du mandat public», la «question de la sensibilisation collective», la «question de la mémoire de l'organisation» ainsi que la «question de l'impuissance ministérielle». L'ensemble de ces questions dresse l'histoire des gouvernements au chapitre des traités non respectés.

La question du mandat public

Dans une société démocratique comme la Canada, la plupart des questions d'intérêt public doivent être définies et résolues à l'aide de l'appareil politique. Quelques questions sont définies et résolues par la loi et il est juste de le faire. La protection des droits des minorités dans la Constitution en est un exemple dont l'application vise le milieu social. L'idée que les gouvernements sont en général soustraits à respecter les contrats pratiquement de la même façon que quiconque constitue un exemple qui est appliqué à moindre échelle. Dans les deux cas, les droits et les obligations visés sont définis, non au moyen de processus politiques, mais par les parties intéressées et, advenant un échec, par les tribunaux.

Les droits ancestraux et les droits issus de traité des peuples autochtones sont consacrés dans la Loi constitutionnelle de 1982. L'article 35 de la Loi constitutionnalise les droits issus de traité, y compris les règlements sur les revendications territoriales. Il s'agit d'un exemple similaire à la protection des droits des minorités dans les sections de la Charte de la Constitution. Les parties elles-mêmes (gouvernement et peuples autochtones) élaborent des ententes ou des traités. Au besoin, les tribunaux interprètent et appliquent ces ententes. Cette situation serait bien acceptable s'il ne s'agissait pas de ce que la Commission a appelé la «question du mandat public».

Si l'on songe pendant un moment aux sentiments d'un nouveau premier ministre qui vient d'être élu et des membres composant le nouveau Cabinet, la situation devient claire. Dans de telles circonstances, la plupart d'entre nous estimerions qu'en tant que chefs démocratiquement élus, nous avons le mandat de gouverner, de faire des choix et d'établir des priorités. Ce mandat régirait la plupart des activités de l'État. On assisterait à une opposition politique partisane par rapport à certaines décisions, des groupes d'intérêt s'objecteraient à certaines priorités, etc. La solution dans chaque cas reposerait sur l'action politique. On pourrait exercer des pressions, rédiger des lettres, présenter des pétitions, tenir des démonstrations ou voter en faveur d'un autre parti politique. Nous constaterions qu'il était légitime de décider, en outre, de sabrer dans le f inancement des soins de santé consacré aux provinces, de rajuster les cotisations au Régime de pension du Canada ou de réduire la taille de la fonction publique. De nombreux groupes d'intérêt pourraient s'opposer à ces initiatives; toutefois, le fait de prendre des décisions et de s'y opposer serait considéré comme une mesure légitime et essentiellement politique.

Le gouvernement canadien prétend sans l'ombre d'un doute qu'il exerce ses pouvoirs de façon légitime dans la prise de ces décisions au chapitre notamment des taux d'imposition, des dépenses sur les services sociaux, de la politique consacrée à la défense, des paiements de transfert ainsi que de la politique sur les Affaires indiennes. Dans le même ordre d'idées, les fonctionnaires des Affaires indiennes passent à la prochaine étape logique et voient la mise en application des dispositions de traité comme un aboutissement de la politique sur les Affaires indiennes. Cette politique peut bien entendu varier selon les critères budgétaires et d'autres conditions. Par conséquent, les activités liées à l'application des dispositions de traité ressemblent essentiellement à d'autres processus de prise de décisions, d'établissement de priorités et des fonctions du gouvernement dans la gestion des programmes.

Les Premières Nations considèrent généralement la mise en application des dispositions du traité comme une obligation plutôt qu'une option relative à la politique. En règle générale, les traités ont pour elles un caractère sacré. Lorsque les dispositions de traité ne sont honorées qu'en partie ou bien ne sont pas respectées du tout, il s'agit pour elles d'un extrême déshonneur. Les arguments que devraient présenter les Premières Nations sur la mise en application sont perçus comme étant trompeurs et redondants. En effet, les accords ont déjà été conclus et les obligations sont déjà en cours.

Existe-t-il une vérité objective dans ces différentes perceptions? Nous croyons qu'elle existe et qu'elle a déjà été perçue. Nous pensons que la vérité objective s'est approchée le plus de nous au moment des décisions qui ont été rendues par la Cour suprême du Canada en 1982, lorsque les droits issus de traité et les droits ancestraux ont été «reconnus et affirmés» dans la Constitution.

En 1996, dans le cas Badger, la Cour suprême a déclaré de façon claire :

«Les traités sont analogues aux contrats, encore qu'il s'agit d'un caractère public solennel et spécial. Ils profèrent un caractère exécutoire fondé sur le consentement mutuel des parties.»4 (traduction libre)

Le tribunal n'a pas déclaré que les traités créent des «options politiques», mais bien qu'ils profèrent un «caractère exécutoire».

D'autres ne tarderont pas à argumenter que ces traités sont ambigus et se prêtent à l'interprétation. Dans ce cas-ci, la Cour suprême a donné une orientation utile (et qui fait autorité). Dans le cas Badger, le tribunal a affirmé que :

«Il pourrait être utile, au départ, de rappeler certains des principes d'interprétation applicables. Premièrement, il convient de rappeler qu'un traité est un échange de promesses solennelles entre la Couronne et les diverses nations indiennes concernées, un accord dont le caractère est sacré. Deuxièment, l'honneur de la Couronne est toujours en jeu lorsqu'elle transige avec les Indiens. Les traités et les dispositions législatives qui ont une incidence sur les droits ancestraux ou issus de traités doivent être interprétés de manière à préserver l'intégrité de la Couronne. Il faut toujours présumer que cette dernière entend respecter ses promesses. Aucune apparence de «manoeuvres malhonnêtes» ne doit être tolérée. Troisièment, toute ambiguïté dans le texte du traité ou du document en cause doit profiter aux Indiens. Ce principe a pour corollaire que toute limitation ayant pour effet de restreindre les droits qu'ont les Indiens en vertu des traités doit être interprétée de façon restrictive. Quatrièment, il appartient à la Couronne de prouver qu'un droit ancestral ou issu de traité a été éteint. Il faut apporter la «preuve absolue du fait qu'il y a eu extinction» ainsi que la preuve de l'intention claire et expresse du gouvernement d'éteindre des droits issus de traité.»5

Cet extrait énonce clairement que toute ambiguïté «doit favoriser les Indiens». Les autres règles d'interprétation prévoient des façons de comprendre et d'appliquer les traités.

Lorsque l'on saisit finalement que les obligations figurant dans les traités sont exécutoires et lorsque les soi-disant difficultés d'interprétation inextricables sont résolues, il reste toujours un obstacle à franchir, celui du «manque d'argent». Encore là, il s'agit de percevoir une «obligation exécutoire» comme une «option politique» ou un «choix de dépenses». Là n'est pas la question. Les tenants les plus persistants du rejet des obligations figurant dans les traités prétexteront que le ministre ne peut dépenser ce que le «Cabinet», le «ministre des Finances» ou le «Conseil du Trésor» n'a pas approuvé. Ce raisonnement est essentiellement défaillant, car les obligations des traités ne reposent pas sur les obligations du ministre. Le Canada est assujetti à des obligations existantes de même que le Cabinet et c'est le cas également pour le Conseil du Trésor. Le respect en bonne et due forme de ces obligations existantes est une obligation fiduciaire du gouvernement, soit du Cabinet. De même, les tribunaux ont donné une orientation utile (et qui fait autorité). Dans le cas Kruger, Monsieur le juge Heald de la Cour fédérale du Canada (Section d'appel) a déclaré par écrit :

«Le gouverneur en conseil n'est pas en mesure de manquer à son engagement envers sa relation fiduciaire auprès des Indiens prétextant d'autres priorités et motifs.»6 (traduction libre)

Les autres priorités ne sont pas des excuses au non-respect des engagements. Les gouvernements n'ont jamais voulu comprendre que les obligations issues de traités sont exécutoires, qu'il existe des règles pour les interpréter et qu'ils ne peuvent pas invoquer d'«options politiques» concurrentes.

Il s'agit d'une erreur d'inclure le processus de mise en application du traité dans «l'option politique» et la structure de «gestion de programme» de la fonction publique. La gestion d'un processus de mise en application d'une «obligation exécutoire» est complètement différente par rapport à la gestion de programmes discrétionnaires. L'utilisation d'une structure élaborée pour faire des choix et gérer le respect des obligations licites n'a pas fonctionné.

D'autres prétexteront, sans aucun doute, qu'il n'existe véritablement aucune preuve selon laquelle le gouvernement considère les dispositions issues de traités comme étant simplement des «options politiques» qui peuvent être changées librement ou tout simplement ne pas être prises en compte. Malheureusement, plusieurs exemples de ces deux cas existent dans les anciens traités numérotés et dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois et dans la Convention du Nord-Est québécois.

Le traité 6 est un exemple du problème, car il a des répercussions sur les anciens traités. Ce traité, signé en 1876, comprenait la clause bien connue relative aux médicaments. Dès 1935, bien avant l'incorporation des droits issus de traité dans la Constitution et bien avant l'élaboration de règles d'interprétation libérale, la Cour de l'Échiquier du Canada (sommairement équivalant à la Cour fédérale du Canada) avait décidé dans le cas Dreaver «que les médicaments comprenaient tous les produits pharmaceutiques ou les fournitures médicales ... gratuits». Malgré ce jugement, Santé Canada a déclaré en 1990 «qu'aucun ... traité ne confère aux Indiens le droit à des soins de santé gratuits...»

La pratique du gouvernement de signer des traités et puis de refuser de les respecter ne vise pas seulement les anciens traités signés au XIXe siècle et avant. Elle s'applique également aux ententes actuelles de revendication territoriale ainsi qu'aux autres ententes conclues par les Cris et Naskapis du Nord québécois.

Dans le cas de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois ainsi que les diverses sous-conventions s'y rattachant, les exemples ne manquent pas sur les obligations distinctes fédérales et provinciales qui n'ont pas encore été mises en application. Le différend sur le «protocole d'entente», mentionné en détail dans notre rapport de 1986, est un excellent exemple.

La question de la sensibilisation collective

Les gouvernements représentent des organismes larges et complexes qui traitent de nombreuses questions disparates. Les ministères et agences sont rarement informés de toutes les activités pertinentes des autres organismes. Même les organismes centraux semblent accuser un manque de connaissance générale des questions d'ensemble, à l'exception de quelques éléments précis communs (principalement le contrôle financier, la politique sur le personnel, etc.). Quant aux conséquences de ce problème sur les conventions, nous avons constaté que les hauts fonctionnaires chargés de l'administration de la mise en application de ces conventions ne sont pas au courant des récentes décisions rendues par la Cour suprême du Canada relativement à la nature des traités, la façon dont on les a interprétés, etc. Il est clair que la perspective de la bureaucratie se limite à ses propres vues sur des questions très précises. On ne considère pratiquement pas les autres points de vue. De nombreux cas traitant des droits ancestraux et des droits issus de traité que les deux paliers de gouvernement ont perdu auraient pu être évités si les hauts fonctionnaires avaient été au courant des précédents jurisprudentiels actuels et avaient choisi de les respecter. On n'aurait pu économiser de façon considérable l'argent des contribuables sans mentionner que l'on aurait pu bénéficier largement de la bonne volonté des Autochtones. Plutôt que le ministère de la Justice joue tout simplement un rôle de conseiller juridique auprès du gouvernement, il devrait veiller à offrir des ateliers à l'intention des hauts fonctionnaires afin de les tenir au fait de l'évolution de la législation des droits ancestraux et des droits issus de traité ainsi que des obligations du gouvernement à titre de fiduciaire.

La question de la mémoire de l'organisation

Tant chez le gouvernement fédéral que provincial, le renouvellement des postes visant les ministères, la haute gestion, les politiques et les programmes est très élevé. Trop fréquemment, les fonctionnaires qui se succèdent ne sont tout simplement pas au courant des décisions, y compris celles qui rendent les obligations exécutoires. À l'occasion, des engagements précis sont même répudiés. Une grande partie du problème est attribuable au fait que la fonction publique perçoit trop souvent les hauts fonctionnaires comme des gestionnaires «génériques» interchangeables. Les habiletés sont considérées comme essentielles tandis que l'on perçoit la connaissance de fond comme sans importance.

Les commissaires recommandent que les particuliers à partir des niveaux de directeur jusqu'au sous-ministre ne soient choisis qu'entre ceux qui ont démontré une connaissance de fond des questions dont ils auront la responsabilité de gérer. Dans des circonstances exceptionnelles, il faudra peut-être demander aux personnes nommées de suivre avec succès une formation approfondie distincte au cours des six premiers mois de leur nomination.

La question de l'impuissance ministérielle

À quelques rares exceptions, on prétend que les ministres prennent des décisions ou semblent le faire et la bureaucratie n'y donne suite que de façon partielle ou pas du tout. Dans certains cas, les bureaucrates attendent simplement que le ministre soit remplacé. Le ministre succésseur n'est souvent pas au courant des décisions prises ou n'est pas disposé à les honorer.

À moins que les hauts fonctionnaires ne respectent la décision du ministre, celle-ci risque de ne pas être mise en application. La crédibilité des engagements ministériels par rapport aux Premières Nations est minime. Des exemples de cette assertion relativement aux relations entre les divers ministères et les Cris et Naskapis depuis la signature des conventions abondent.

Quelles sont les solutions?

Trois mesures doivent être mises de l'avant afin de rétablir la fonctionnalité et la bonne volonté au chapitre des processus de mise en application des traités. Ces mesures englobent un secrétariat chargé de la mise en application des traités sur les Autochtones, une loi de mise en application des traités et des conventions avec les peuples autochtones et la création d'un tribunal sur les droits ancestraux et les droits issus de traité.

Secrétariat chargé de la mise en application des traités

Comme il a été mentionné précédemment, la mise en application des conventions et des traités sous-entend selon la Cour suprême des «obligations exécutoires». Les ministères dont le rôle consiste à choisir des options politiques, à gérer des programmes discrétionnaires ou à prioriser les décisions sur les dépenses ne sont pas disposés à remplir des obligations juridiques. À cette fin, un secrétariat chargé de la mise en application des traités qui serait totalement indépendant du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait être créé afin de veiller au respect des obligations du gouvernement en vertu des conventions et des traités.

Loi de mise en application des traités

En 1982, le Canada a inscrit les droits ancestraux et les droits issus de traité dans la Constitution. Dès lors, la Cour suprême a commencé à définir ce que constitue un traité, à dresser des règlements dans l'interprétation des traités, à formuler une définition sui generis du rôle fiduciaire de la Couronne et à élaborer les concepts constitutionnels des droits ancestraux et des droits issus de traité. Il faut maintenant compter sur une législation claire incorporant la plupart des principes de la nouvelle loi en un seul statut qui servirait de guide faisant autorité pour les fonctionnaires du gouvernement dans l'exercice de leurs responsabilités conformément aux divers accords et traités.

La loi suggérée, ou une partie d'une loi accompagnatrice, dont une loi sur la mise en application d'un traité (dispositions financières), devrait stipuler clairement la façon de traiter les aspects financiers des accords et des traités. De nombreux accords et traités semblent avoir fait l'objet de négociation sans que l'on ait envisagé convenablement les conséquences financières, d'où les différends et les litiges évitables ainsi qu'un éternel sentiment amer. Une loi régissant le traitement des aspects financiers des accords et des traités permettrait notamment de gérer de façon appropriée les ressources, de minimiser les différends sur les sommes à verser et obligerait les parties à disposer d'un processus plus discipliné et ouvert dans le cadre des négociations actuelles et futures. Même aujourd'hui, le traitement des questions financières est un obstacle de base qui est en cause dans la plupart de tous les principaux différends portés à l'attention de la Commission comme il a été mentionné précédemment.

Tribunal des droits ancestraux et des droits issus de traités

En raison de l'évolution des droits ancestraux et des droits issus de traité, des concepts juridiques sont élaborés et modifiés constamment. La quantité de litiges sur des questions importantes dans ce secteur a augmenté considérablement depuis les amendements constitutionnels de 1982. Ce secteur de droit sera probablement actif et en transition au cours des dix à vingt prochaines années. Cette période terminée, espérons que la plupart des principaux concepts juridiques aura été élaborée et que la plupart des questions épineuses aura été résolue. Dans l'intervalle, plusieurs décisions sont annulées en appel. Dans certains cas, les décisions des cours d'appel sont rajustées par la Cour suprême du Canada. Cette situation indique qu'il n'existe pas encore suffisamment de précédents qui permettraient aux cours inférieures d'examiner les questions de façon uniforme. De plus, les délais et les frais d'appel sont souvent excessifs.

En tenant compte de toutes ces raisons, le Parlement, en vertu de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, devrait envisager de créer une cour supérieure de compétence nationale afin de traiter les cas portant sur les droits issus de traité et les droits ancestraux. Cette cour aurait compétence originale dans ces secteurs de même que dans les cas découlant de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, de la Loi sur les Indiens, de la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte et d'autres lois similaires. De plus, elle pourrait être dotée d'un recours d'appel dans les cas provenant des futurs tribunaux sur les Premières Nations. Évidemment, un appel provenant d'un tribunal sur les droits ancestraux et les droits issus de traité serait entendu par la Cour suprême du Canada.

Les juges de cette cour pourraient être nommés par les Premières Nations et habilités par le gouverneur en conseil et elle pourrait être administrée en tant que section de la Cour fédérale du Canada. Après une période de dix ans, on pourrait réévaluer la nécessité d'une telle cour. La législation qui aura été élaborée à ce moment-là pourrait être largement connue dans tout l'appareil judiciaire et pourrait être appliquée de façon plus appropriée dans les tribunaux généraux.


CHAPITRE 3
Relations fédérales

Financement sur les opérations et l'entretien

Lorsque les Cris et le gouvernement du Canada ont convenu des dispositions de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, des ententes sur le financement et l'application de la loi ont fait l'objet de négociations et d'un accord par les parties visées par la Convention de la Baie James et du Nord québécois. En outre, les parties ont convenu que le gouvernement canadien offrirait une subvention continue sur les opérations et l'entretien afin d'appuyer le gouvernement local dans l'exercice de ces pouvoirs dans les communautés cries.

L'entente actuelle sur le paiement de transfert du financement sur les opérations et l'entretien prévoit une subvention annuelle de la part du gouvernement canadien à l'intention des Cris sur une période s'échelonnant du 1er avril 1995 au 31 mars 2000.

Selon les Cris, le gouvernement n'a pas respecté certaines dispositions essentielles de l'entente actuelle sur le financement des opérations et de l'entretien.

L'avenir de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec dépend de l'engagement des Cris et du gouvernement canadien et de la prestation de ressources adéquates.

Les gouvernements et les administrations cries locales oeuvrent dans des conditions socio-économiques et politiques précaires qui sont reconnues par le gouvernement canadien.

Selon les Cris, le gouvernement canadien, allant à l'encontre de la lettre et de l'esprit de l'entente sur le paiement de transfert du financement sur les opérations et l'entretien, s'est plutôt engagé dans un processus afin de :

  • restreindre le financement;
  • limiter son rôle et responsabilités;
  • refuser d'examiner la situation actuelle, les circonstances en évolution et les besoins des Cris, malgré le fait que la dite entente est prévue dans cet examen.

La Commission crie-naskapie passera en revue les circonstances ainsi que la situation visant à respecter les négociations et l'application de l'entente actuelle sur le paiement de transfert du financement sur les opérations et l'entretien.

Les Naskapis ont signé une entente quinquennale sur le financement des opérations et de l'entretien avec le gouvernement canadien en janvier 1997. Le versement de la subvention conformément à cette entente est rétroactif au 1er avril 1996.

Loi fédérale sur le contrôle des armes à feu

D'après les Cris et les Naskapis, leurs droits établis en vertu de l'article 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de l'article 15 de la Convention du Nord-Est québécois sont garantis, protégés, affirmés et reconnus dans les conventions, la loi habilitante fédérale et provinciale et la Constitution du Canada. Ces articles des conventions permettent d'assurer le mode de vie traditionnel reposant sur la chasse, la pêche, le trappage et autres activités du genre en respectant l'usage et l'occupation des territoires traditionnels des Cris et des Naskapis.

Ces droits ont préséance sur toutes les lois fédérales et provinciales. Par conséquent, la loi fédérale sur le contrôle des armes à feu va à l'encontre du mode de vie traditionnel et des activités s'y rattachant. Les Cris et les Naskapis reconnaissent la nécessité de contrôler les armes à feu; toutefois, ils demandent au gouvernement du Canada de modifier la loi afin de permettre aux gouvernements locaux des Cris et des Naskapis d'offrir des cours de sécurité sur les armes à feu et d'émettre des permis sur les armes à feu et des certificats d'enregistrement.

On recommande que le règlement sur le contrôle des armes à feu soit modifié afin de prévoir la nomination d'agents autochtones sur les armes à feu qui seraient dotés des mêmes pouvoirs et autorité qu'un officier en chef des armes à feu, ce qui est proposé dans la loi fédérale. Les Cris ainsi que les Naskapis demandent également une autorisation automatique et gratuite en faveur des bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois.

Obligations des gouvernements

Au cours des consultations et des audiences publiques tenues par la Commission crie-naskapie, la plainte la plus souvent formulée par les Cris et les Naskapis visait les gouvernements qui refusent de respecter leurs propres obligations, responsabilités et engagements en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois. Selon eux, ces conventions font partie d'une longue liste de traités non respectés.

Les nombreux engagements, obligations et responsabilités non honorés de la part des gouvernements figureront dans le rapport supplémentaire de la Commission. Les Cris et les Naskapis ont proposé un examen approfondi et significatif des conventions et l'élaboration d'un processus et d'un mécanisme qui lieraient toutes les parties afin qu'elles puissent respecter leurs obligations, responsabilités et engagements conformément à la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à la Convention du Nord-Est québécois.


CHAPITRE 4
Questions d'ordre juridictionnel

Selon les Cris, qui se nomment Eeyou, leur territoire commun, traditionnel, ancestral et historique a toujours été désigné comme Eeyou Istchee (terre des Cris). Les Naskapis possèdent également leurs propres terres. Les Cris réclament que leurs terres relèvent de leur compétence, car ils se considèrent comme les régisseurs d'Eeyou Istchee. À l'heure actuelle, ces terres sont mieux connues comme le territoire de la Baie James.

La Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois comptent une superficie de 410 000 carrés de terre. Elles prévoient un nouveau régime de terre pour le Nord et il en existe trois catégories. Les terres de la catégorie I sont mises de côté pour l'utilisation exclusive et le bénéfice des Cris et des Naskapis. Tous les villages cris et naskapis sont situés sur ces terres. Les Cris et Naskapis ont des droits exclusifs sur les récoltes et les ressources fauniques ainsi que d'autres droits importants sur les terres de la catégorie II. Un accès aux terres de la catégorie III est permis au public conformément aux lois et règlements provinciaux sur les terres publiques; toutefois, les Cris et les Naskapis exercent un droit de récolte et d'autres droits sur ces terres.

Les gouvernements canadien et québécois ont des champs de compétence sur le territoire. Les revendications des Cris en matière de compétence engendrent des conflits entre les Cris eux-mêmes ainsi que les gouvernements fédéral et provincial.

En outre, les Cris prétendent que le gouvernement canadien n'a pas respecté ses obligations relatives à l'examen social et environnemental d'un projet de construction d'une scierie sur la terre de la catégorie IA de compétence fédérale.

Pour les Cris, la compétence sur les terres et ressources est importante pour eux et les autres gouvernements. La classification des terres en catégorie et l'application de plusieurs statuts perpétuent les difficultés juridictionnelles liées à l'exercice des pouvoirs, à l'administration et à l'exécution de la loi sur le territoire visé par la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. L'application de plusieurs statuts complique également l'exécution de la loi et mène à la confusion lorsque vient le emps de déterminer et d'exercer la compétence pour le gouvernement et l'administration à l'échelon local.

Police et application

Quelques communautés ont déclaré qu'elles doivent obtenir des fonds afin d'offrir des services efficaces de maintien de l'ordre à leurs communautés. D'après les autorités locales cries, la police dans les communautés cries ne peut avoir recours à son champ de compétence à l'extérieur des terres de la catégorie I.

La Convention de la Baie James et du Nord québécois stipule que les routes régionales et provinciales existantes et les principales artères sur les terres de la catégorie I représentent des terres de la catégorie III. De plus, une bande de 500 pieds de l'un ou l'autre des côtés de ces routes est considéré comme une terre appartenant à la catégorie II. La police crie locale n'ayant pas de compétence officiellle sur les terres des catégories II et III, aux environs des villages cris, l'exécution de la loi et le maintien de l'ordre dans ces secteurs représentent un grave problème qui ne peut être traité de façon appropriée par la Sûreté du Québec. Waswanipi, situé en bordure d'une route provinciale importtante, craint pour la sécurité de ses habitants et en particulier celle des enfants.

Les chasseurs ainsi que les trappeurs cris se sont plaints de vols de matériel et de fournitures et du vandalisme causé à leur campement. Une partie de cette présumée activité criminelle est attribuable à l'accès non contrôlé aux parcours de piégeage sur les chemins forestiers d'intérêt commercial. La mention de cette activité n'a pas apaisé les problèmes liés au maintien de l'ordre sur le territoire.

L'application et l'exécution de la loi et les règlements fédéraux du contrôle sur les armes à feu constituent un obstacle à l'exercice des droits issus de traité relativement à la chasse, à la pêche et au trappage sur tout le territoire. Sur les terres de catégories II et III, la Sûreté du Québec revendique et exerce sa compétence relativement à l'application de la loi sur le contrôle des armes à feu, d'où les problèmes soulevés par les chasseurs et trappeurs cris au sujet du harcèlement de la police provinciale.

Les Cris s'inquiètent également du nombre relativement peu élevé d'agents de conservation sur le territoire. Dans le rapport présenté à la Commission, la nation crie d'Eastmain déclare <qu'il n'existe aucun pouvoir de compétence accordé aux Cris en matière de protection des ressources fauniques>.1 Toutefois, en vertu d'une loi traditionnelle d'un droit coutumier, les maîtres de trappage cris ont le pouvoir de gérer et de protéger les ressources fauniques. De plus, l'article 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois prévoit la nomination et la formation d'Autochtones à des postees d'agents de conservation.

Développement des ressources naturelles

Les Cris et les Naskapis, le gouvernement fédéral et, en particulier, le gouvernement québécois ont toujours réclamé leur compétence sur le territoire visé et l'abondance des ressources naturelles. Une demande croissante de ces ressources a engendré une élaboration intensive de politiques, une exploitation et une exploration de ces richesses. L'ampleur et la complexité des demandes et des besoins du gouvernement, de l'industrie et des gens ont augmenté considérablement en raison des taux démographiques élevés et d'un meilleur accès aux routes, sans compter les incidences sociales et environnementales. De plus, on n'a pas consulté les Cris ni obtenu leur approbation, ce qui a pour effet de préoccuper grandement les maîtres de trappage, les trappeurs et leurs familles cries. Ces incidences de même que les méthodes utilisées dans l'exploitation des ressources sur le territoire suscitent de graves inquiétudes chez les administrations cries locales ainsi que les maîtres de trappage. Les gouvernements cris locaux ne disposent pas de ressources afin de répondre efficacement auz préoccupations et aux besoins des membres de leurs communautés à l'égard de cette question.

L'intention et l'esprit de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois reconnaissent le droit des Cris et des Naskapis de tirer profit de l'exploitation des ressources sur leurs territoires. Ils prévoient bénéficier d'une telle exploitation, mais ce n'est souvent pas le cas. À titre d'habitants et de résidants permanents du territoire et de bénéficiaires des conventions, les Cris et Naskapis doivent être les premiers partenaires dans le développement et la gestion des ressources naturelles et ils doivent bénéficier entièrement des avantages économiques, de l'emploi et des revenus possibles qui en découlent.

Protection de l'environnement

Le régime de protection environnementale et sociale qui s'applique au secteur cri de premier intérêt est établi dans l'article 22 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Dans le cas du développement proposé sur les terres de la catégorie I, l'administrateur cri local de l'environnement veille à la protection de l'environnement.

Le 21 mars 1996, une proposition d'un projet de scierie a été présentée par Waswanipi à l'administrateur local de l'environnement qui l'a acheminée au Comité fédéral d'examen des répercussions sur l'environnement et le milieu social afin que celui-ci puisse assurer une évaluation et un examen complets. Ce Comité est chargé de l'examen et de l'évaluation des projets de développement sur le territoire de compétence fédérale. La scierie, dont le principal bailleur de fonds serait le gouvernement fédéral et la construction serait assurée sur la terre de la catégorie I A qui est de compétence fédérale, aurait des répercussions sur les bénéficiaires cris ou «Indiens». En clair, le projet englobe des questions de compétence fédérale et a été présenté de façon justifiée par l'administrateur local de l'environnement devant le Comité fédéral d'examen.

L'administrateur fédéral, les membres fédéraux du Comité d'examen et les fonctionnaires fédéraux ont participé de façon inappropriée à ce projet et ont interféré indûment avec la compétence, le pouvoir de prise de décisions et l'autorité de l'administrateur local de l'environnement en empêchant que le Comité d'examen passe en revue le projet. Les actions des membres fédéraux du Comité d'examen et des fonctionnaires fédéraux dans cette question représentent un précédent très défavorable à la lumière de l'article 22 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et un non-respect des droits issus de traité des Cris qui sont protégés et reconnus par la Constitution.

Le Comité fédéral d'examen des répercussions sur l'environnement et le milieu social, dont les représentants sont issus du Québec et des Cris, ainsi que le Conseil de révision environnementale d'Eeyou Nabakatuk établi par le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee)/Administration régionale crie, ont finalement étudié les répercussions du projet proposé. Le Conseil de révision environnementale d'Eeyou Nabakatuk ont examiné les champs de compétence cris et fédéraux.

Justice

L'appareil judiciaire canadien a été conçu principalement pour protéger la propriété privée et assurer les droits et libertés des citoyens. Lorsque les Cris font état des cours itinérantes, des procès, des jugements et des peines encourues à l'heure actuelle, ils estiment et ils ont déclaré que l'appareil actuel a été élaboré sans leur concours direct et a été imposé de l'extérieur. L'appareil judiciaire non seulement ne leur permet pas une participation directe à son élaboration et administration, mais ne tient pas compte des valeurs et principes des Cris et des Naskapis.

Quant aux communautés et aux gouvernements locaux, l'administration de la justice signifie bien plus que l'attribution des responsabilités et des sentences. Elle traduit, en partie, le maintien et le rétablissement de l'équilibre judiciaire, de l'harmonie et du bien-être du contrevenant et de la communauté. Les communautés font état de la «guérison» de même que de la «sentence» des contrevenants.

Les communautés et les gouvernements locaux ont déclaré que la justice doit être administrée à l'échelon local par les institutions communautaires dotées de ressources adéquates. L'administration locale de la justice ne signifie pas tout simplement l'application locale par les institutions communautaires d'un appareil judicaire qui a été élaboré par des institutions, des organismes et des gouvernements de l'extérieur. Les communautés veulent que l'appareil judiciaire actuel soit modifié afin de répondre aux objectifs suivants :

  • responsabilisation auprès de la communauté;
  • administration de la justice à l'échelon local;
  • détermination des «sentences» à l'échelon local;
  • augmentation de la compétence et des ressources adéquates pour une exécution appropriée de l'ordre public;
  • meilleure compréhension des relations entre les nations qui reposent sur des droits et responsabilités mutuels;
  • meilleure administration de l'élaboration des politiques et des programmes à l'échelon local;
  • utilisation des approches traditionnelles cries et naskapies aux questions de justice;
  • reconnaissance appropriée et disposition de ressources adéquates pour un appareil judiciaire local assuré par les autorités et institutions locales.

Ces changements à l'appareil judiciaire actuel sont garantis en raison des préoccupations suivantes soulevées par les communautés et gouvernements locaux :

  • inefficacité et non pertinence de l'appareil actuel;
  • augmentation des activités illicites par les étrangers qui pénètrent sur le territoire;
  • longs délais entre la période au cours de laquelle l'offense a été commise et le date de comparution devant une cour itinérante;
  • planification, élaboration, mise en application et examen de la justice par des institutions, des organismes et des gouvernements extérieurs;
  • compétence indûment limitée de la police locale dont le rôle vise à faire règner l'ordre public sur le territoire;
  • manque de financement des agents de conservation et des agents auxiliaires cris et naskapis;
  • refus de reconnaître les pointeurs cris à titre d'agents de conservation auxiliaires;
  • manque de ressources à l'intention des bandes et des gouvernements locaux afin de mener à bien leurs rôles et responsabilités;
  • appareil judiciaire local traitant les délits locaux, dont les offences au code la route, non reconnu par le Québec;
  • nécessité d'assurer un examen complet et significatif des articles portant sur la justice et la police dans le cadre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois afin de faciliter l'établissement et la mise en application d'un appareil judiciaire local et d'assurer une administration appropriée de la justice.

CHAPITRE 5
Questions territoriales

La Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois comptent une superficie de 410 000 milles carrés de terre qui a été transférée au Québec en vertu des lois de délimitation de 1898 et de 1912. Les territoires traditionnels, ancestraux et historiques des Cris et des Naskapis se situent au-delà de ce secteur. Par conséquent, les Cris et les Naskapis réclament les terres à l'extérieur du territoire visé par la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. Les conventions prévoient un régime territorial. En particulier, les terres des catégories I et II ont été mises de côté à l'intention des communautés cries et naskapie suivantes:

  • Fort Rupert (connu aujourd'hui comme étant Waskaganish)
  • Eastmain
  • Nouveau Comptoir (connu aujourd'hui comme étant Wemindji)
  • Mistassini (portant aujourd'hui le nom de Mistissini)
  • Waswanipi
  • Nemiscau (connu comme étant Nemaska)
  • Poste-de-la-baleine (connu comme étant Whapmagoostui)
  • Naskapis de Schefferville (habitant actuellement à Kawawachikamach)
  • Par le passé et de façon traditionnelle, les Cris d'Oujé-Bougoumou ont toujours été un groupe séparé d'Eenouch (peuple cri), mais le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada les a traités comme membres de la bande de Mistassini au cours des négociations qui ont mené à l'exécution de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Par conséquent, l'admissibilité aux terres des catégories I et II à l'intention des Cris d'Oujé-Bougoumou a été calculée et comprise dans les terres des catégories I et II pour la communauté de Mistassini. Au cours des négociations, les Cris et les gouvernements canadien et québécois ont entrepris de résoudre la situation des Cris d'Oujé-Bougoumou.

    En 1998, 23 ans après la mise en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et 20 ans après l'application de la Convention du Nord-Est québécois, les Cris, les Naskapis ainsi que les gouvernements canadien et québécois doivent continuer de résoudre les principales questions des terres sur les territoires. Ces questions sont essentielles pour attribuer les terres appropriées et afin que les Cris et Naskapis puissent assurer l'administration locale de leur territoire.

    Transfert des Terres et Attribution

    Conformément à l'article 5 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, «les terres de la catégorie I A sont des terres mises de côté pour l'utilisation exclusive et le bénéfice des différentes bandes cries de la Baie James». Dans le même ordre d'idées, l'article 5 de la Convention du Nord-Est québécois prévoit une disposition pour la terre de la catégorie I A-N à l'intention des Naskapis. Les communautés cries et naskapie sont situées sur leurs terres des catégories respectives I A et IA-N. Les conventions prévoient également l'établissement et la mise de côté des terres de la catégorie I B en faveur des Cris et des Naskapis. Elles définissent également les terres de la catégorie II à l'intention des Cris et des Naskapis.

    Conformément aux conventions, les descriptions des territoires et le transfert des terres de la catégorie I (I A, I B, I B spéciale, I A-N et I B-N) pour l'utilisation et l'avantage exclusifs des Cris et des Naskapis devaient être achevés et fondés sur les enquêtes techniques du territoire. Les limitations et l'attribuation des terres de la catégorie II, dont le droit exclusif à la chasse, à la pêche et au trappage ainsi que les droits figurant à l'article 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à l'article 15 de la Convention du Nord-Est québécois, devaient être terminées conformément à ces conventions.

    L'intention des parties reposait sur le transfert des terres de la catégorie I, en fonction des enquêtes techniques du territoire, qui aurait eu lieu immédiatement après l'entrée en vigueur de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois. Les parties prévoyaient les mêmes dispositions pour l'attribution des terres de la catégorie II fondée sur une description finale du territoire, mais sans effectuer d'enquête technique du territoire. Au mois de mars 1998, toutefois, les transferts finals des terres de la catégorie I à l'intention des Cris et des Naskapis n'avaient pas eu lieu. Selon les Cris, l'attribution et la description technique des terres de la catégorie II n'ont pas été conclues et finalisées par les parties.

    En 1979 et en 1980, une série de transferts provisoires de la terre aux Cris, par décret en conseil et lettres patentes, a été effectuée en fonction de la description des délimitations préliminaires en vertu de l'article 4 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. On a reconnu également les délimitations préliminaires des terres de la catégorie II à l'intention des communautés cries grâce à un règlement du gouvernement québécois.

    Les transferts finals des terres de la catégorie I (I A et I B) à l'intention des communautés cries devaient reposer sur les enquêtes techniques du territoire. La plupart des enquêtes requises, à l'exception de Wemindji, ont été terminées. Cependant, les Cris n'ont pas approuvé les plans de l'enquête en raison de questions non résolues, dont la configuration des délimitations, l'abornement au sol des délimitations, les bandes de 200 pieds le long des rivages, la nature des plans d'enquête, les préambules aux jugements provisoires élaborés par le Québec ainsi que les autres conflits qui préoccupent les communautés cries et les conseils des Premières Nations cries.

    Au cours des trois dernières années, il semble que le gouvernement québécois a décidé de procéder aux transferts finals des terres de la catégorie I, ne traitant qu'avec le gouvernement canadien sans tenir compte des Cris. Une série de décrets en conseil portant sur ces dits transferts a été publiée sans avoir entamé de pourparler avec les Cris ni obtenu leur consentement. Le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) et l'Administration régionale crie s'opposent vivement à l'exclusion des Cris au processus des transferts finals des terres de la catégorie I.

    Selon les Cris, l'intention des parties au moment des négociations de la Convention de la Baie James et du Nord québécois reposait sur les transferts finals des terres de la catégorie I et l'attribution des terres de la catégorie II qui n'auraient lieu qu'avec l'entière approbation du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) et des Premières Nations cries locales relativement aux délimitations et aux questions s'y rattachant.

    Quant au transfert des terres de la catégorie I pour les Naskapis, le gouvernement québécois a émis un décret en conseil (92-29) relatif au transfert des terres de la catégorie I A-N au gouvernement canadien en vue de l'utilisation et de l'avantage exclusifs de la bande naskapie du Québec. Le gouvernement canadien, par l'entremise du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, a retardé le transfert des terres de la catégorie I A-N et cette situation se poursuit pour les raisons suivantes :

    • vérification de la description technique de la terre;
    • évaluation environnementale exigée;
    • révision du Conseil du Trésor.

    Le retard du transfert final des terres de la catégorie I A-N est inacceptable pour les Naskapis.

    Service de l'Enregistrement

    La partie X (articles 150-152) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec prévoit l'établissement et le maintien d'un Service de l'Enregistrement, sous le contrôle et la supervision de la ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada, qui vise l'enregistrement des droits et des intérêts sur les terres des catégories I A et I A-N. Le gouverneur en conseil a adopté les règlements (DORS/86-1070) du 6 novembre 1986 pour l'établissement, le maintien et l'exploitation de ce service conformément à l'article 151 de la Loi.

    Ce service est divisé en deux parties et il faut assurer l'enregistrement des droits et des intérêts relatifs aux terres des catégories I A et I A-N au bureau d'enregistrement foncier central de même que dans toutes les communautés cries et naskapie relativement à leurs intérêts respectifs. Un tel service complique l'enregistrement des droits et des intérêts.

    Au mois de mars 1997, on a ouvert des bureaux d'enregistrement foncier dans chaque communauté crie, à l'exception de Waswanipi. Quant à la bande naskapie, leur service d'Enregistrement est exploité à Kawawachikamach (Québec). La nation crie d'Eastmain a relevé que plusieurs entités, dont le ministère des Transports ainsi que la Société d'énergie de la Baie James, essayaient d'enregistrer des documents ou des plans à l'insu de la bande. La bande d'Eastmain est en train d'élaborer un protocole d'examen pour contrer ces tentatives d'enregistrement de documents ou de plans. Cependant, il n'existe aucun financement pour assurer cet examen.

    La bande de 200 pieds et la réserve à trois chaînes

    Le paragraphe 5.1.5 de l'article 5 (régime des terres) de la Convention de la Baie James et du Nord québécois stipule en partie que «la côte maritime ainsi que le lit et les rives des lacs et rivières indiqués dans les descriptions territoriales ... sont exclus des terres de la catégorie I. Les rives de ces lacs et rivières et les terres de chaque côté de ces rivières et autour des lacs sur une distance de deux cents pieds (200 pi) sont des terres de la catégorie II ... Il est entendu que cette restriction quant à cette bande réservée de deux cents pieds (200 pi) ne s'applique pas sur une distance d'un mille (1 mi) des deux côtés, le long de la rive, à partir du centre de la communauté crie intéressée».

    Au cours des pourparlers du régime des terres en 1975, le gouvernement québécois a insisté sur cette bande de 200 pieds et l'a décrite comme étant l'application générale de la «réserve à trois chaînes» en faveur de la Couronne pour le droit du Québec dans toute la province. Cette bande a empêché aux Cris de sélectionner les rivages ou les terres à l'intérieur de 200 pieds de tout cours d'eau important. Cependant, le Québec n'a pas appliqué cette bande de 200 pieds aux Inuit, ni, semble-t-il, aux Naskapis.

    Le gouvernement québécois a finalement aboli la réserve à trois chaînes dans toute la province, mais il a maintenu l'application de la bande de 200 pieds le long des rivages des cours d'eau sur les terres de la catégorie I des communautés cries, à l'exception de Nemaska, dont l'emplacement sur les rives du lac Champion a été déterminé après l'entrée en vigueur de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

    Selon les Cris, l'application de cette bande de 200 pieds a été dictée par le principe de la réserve à trois chaînes et devrait être traitée dans ce contexte et simplement annulée. De plus, l'application de la bande de la réserve à trois chaînes des communautés cries n'est pas raisonnable ni garantie, car la réserve à trois chaînes a été abolie dans toute la province. Ils considèrent, de plus, que les transferts finals des terres de la catégorie I ne devraient pas avoir lieu jusqu'à ce que cette question ne soit réglée par les parties visées. La restriction du choix des terres et la classification le long des rivages des cours d'eau sur les terres de la catégorie I nuisent au pouvoir d'autorité et à la compétence des gouvernements cris locaux et au maintien de l'ordre public par les Cris.

    Îles au large des côtes, eaux et fonds marins en cause de la Baie James et de la Baie d'Hudson

    Les Cris, ou Eeyou, ont fait des revendications en fonction des droits et des intérêts sur les îles au large des côtes, les eaux et fonds marins en cause de la Baie James et de la Baie d'Hudson. Ces secteurs ne sont pas visés dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois; on considère les îles comme faisant partie des Territoires du Nord-Ouest.

    Lorsque la Convention de la Baie James et du Nord québécois a été signée, en 1975, le gouvernement canadien, par lettre au Grand chef Billy Diamond, a entrepris, entre autres, de résoudre les revendications des Cris de la Baie James sur les îles au large de la Baie James et de la Baie d'Hudson et de conclure un règlement. Les pourparlers ont débuté un peu après l'entrée en vigueur de cette convention, mais ils ont été interrompus et aucun règlement n'a été conclu. L'obligation et l'engagement du gouvernement canadien à résoudre ces revendications demeurent sans réponse.

    De nombreuses communautés cries le long des côtes ont exprimé un profond désir de résoudre ces revendications par des négociations auprès du gouvernement canadien pour le règlement de leurs droits et intérêts de façon satisfaisante et acceptable. Ces mêmes communautés s'inquiètent également des répercussions de la création de Nunavut en 1999, car l'on a proposé d'envisager les îles au large des côtes, les eaux et les fonds marins en cause comme faisant partie du territoire de Nunavut.

    Le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee)/Administration régionale crie ont affirmé que l'on obtiendra un mandat visant à entamer des pourparlers afin de résoudre les revendications des Cris et qu'un négociateur fédéral sera nommé conformément à la lettre du ministre Ron Irwin du 25 avril 1997. La Commission se demande la raison pour laquelle il est nécessaire d'obtenir un mandat fédéral afin de négocier ces revendications lorqu'un engagement fédéral relatif à la négociation des revendications des Cris sur les îles au large des côtes (comme en fait foi la lettre adressée au Grand chef Billy Diamond) n'est pas réglé.

    Washaw Sibi Eeyou

    Les Washaw Sibi Eeyou représentent un groupe d'environ 200 personnes qui habitent dans divers villages et communautés autochtones, notamment dans des villages algonquins, à l'intérieur du territoire prévu dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. Ils proclament leur héritage cri et désirent être reconnus à titre de bénéficiaires des conventions et participer à la gestion et au développement de la nation crie. Les Washaw Sibi Eeyou veulent également entretenir un dialogue avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada au sujet de leurs revendications, de leurs droits et de leurs préoccupations sur le territoire.

    Questions extraterritoriales

    Les Cris et Naskapis ont affirmé que leurs terres dépassent les limites du territoire prévu dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. Le Conseil de la Première Nation crie de Mistissini a mentionné que les pointeurs, les chasseurs et les trappeurs de sa communauté ont des parcours de piégeage à l'extérieur du territoire. Par conséquent, ces pointeurs, chasseurs et trappeurs sont soumis aux lois d'application générale selon le gouvernement du Québec. Le Québec ayant tenté de restreindre les activités cries relatives à leur mode de vie traditionnel et à l'exercice de leurs droits autochtones, ils veulent un régime de chasse, de pêche et de trappage semblable à celui établi en vertu de l'article 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

    En décembre 1989, un protocole d'entente portant sur le transfert des terres des Cris d'Oujé-Bougoumou a été conclu par le Québec et la Première Nation crie de Mistissini. Parmi les questions devant faire l'objet de négociation et d'un règlement, on compte les parcours de piégeage des Cris situés à l'extérieur du territoire prévu dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

    Le territoire historique, traditionnel et ancestral de la nation naskapie du Québec se répartit jusqu'au Labrador et sur ce territoire. À la fin des années 1980 jusqu'au milieu des années 1990, les Naskapis ont mené et conclu une recherche exhaustive pour appuyer leur revendications de leurs droits et intérêts visant le Labrador. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada a demandé d'obtenir des renseignements supplémentaires sur cette revendication. Les Naskapis sont inquiets, car la politique sur les revendications territoriales doit évoluer afin de respecter l'actuel statut de la loi et de la jurisprudence portant sur le titre et les droits des Autochtones.


CHAPITRE 6
Développement économique

Le territoire des Cris et des Naskapis regorge de ressources. Il a permis d'assurer la subsistance des nations cries et naskapie pendant des milliers d'années. Au cours de la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois, on prévoyait que les peuples cri et naskapi et leurs descendants pourraient toujour compter économiquement sur ces ressources tout en étant partagées avec d'autres personnes à l'extérieur du territoire.

Les activités traditionnelles de la chasse, du trappage, de la pêche et de la récolte représentaient, et représentent toujours, des moyens viables de gagne-pain pour de nombreuses familles. On s'attendait à ce que ces moyens de subsistance ne seraient pas entravés ni restreints à moins que les peuples en décident autrement. Cette attente a été brimée. Des intérêts extérieurs détruisent la faune et ne tiennent pas compte de façon générale des droits sur les zones de piégeage. Les communautés, les familles et les particuliers visés ne sont pas consultés, ils n'approuvent pas les mesures prises et ne sont pas indemnisés. Parmi les exemples relatés par des témoins, mentionnons des organismes publics érigeant des barrières et des clôtures dans les zones de piégeage, des particuliers construisant des édifices dans ces zones, des sociétés détruisant l'habitat faunique autour de ces zones sans compter les personnes dérobant des pièges et du matériel.

On prévoyait que l'utilisation plus récente du territoire à des fins d'abattage forestier, d'exploitation minière et d'activités touristiques ainsi que la production d'énergie hydro-électrique seraient faites de concert avec les Cris et les Naskapis. On s'attendait à ce que toutes ces activités sur le territoire soient effectuées en consultation avec les «bénéficiaires» des conventions et avec leur accord. Tout vrai partenariat d'égal à égal comprend une consultation et un consentement global. D'après les témoignages entendus au cours des audiences de la Commission, il est évident que ni les Cris ni les Naspakis ne s'opposent au développement ni au partage des ressources du territoire. Pour eux, il est inacceptable d'assister à un développement unilatéral des ressources sans obtenir leur opinion ni leur consentement, d'où violation de leurs droits existants, bouleversement de leur économie, dommages à l'environnement et peu d'avantages leur sont versés en retour.

Les Cris et les Naskapis qui se sont adressés aux membres de la Commission ont indiqué que leurs communautés doivent atteindre une indépendance et une viabilité sur le plan économique à court et à long terme. Pour y parvenir, ils doivent participer sur un même pied d'égalité à la planification et à la gestion de l'exploitation des ressources et du développement économique sur le territoire. Les peuples cri et naskapi doivent également en bénéficier directement. On doit alors assurer une formation et un développement direct à l'intention de leurs membres et un partage des recettes en faveur des communautés. Ces avantages ne peuvent être limités à ceux négociés projet par projet, mais ils devraient être le fondement d'une politique de développement économique à l'échelle du territoire. Une tel le politique devrait être élaborée en collaboration avec les Cris, les Naskapis et le gouvernement.


CHAPITRE 7
Relations cries locales/régionales

Le 8 août 1974, à Eastmain, Eeyou Istchee, les chefs et dirigeants cris ont mis sur pied le Grand conseil des Cris du Québec. Depuis son établissement et sa constitution en personnes morales, le Grand conseil, mieux connu comme étant le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee), représente le porte-parole politique des Cris de la Baie James. Il a représenté les Eeyouch/Eenouch d'Eeyou Istchee et protégé leurs droits et intérêts comme il a été mandaté par les communautés cries et les chefs Eeyou de temps à autre.

L'Administration régionale crie, établie et constituée en personnes morales le 23 juin 1978 en vertu d'une loi de l'Assemblée nationale du Québec conformément à la Convention de la Baie James et du Nord québécois, est l'organe administratif des Cris et détient les pouvoir généraux suivants :

  • nommer des représentants des Cris à tous les organismes, les structures et les entités établis en vertu des conventions;
  • accorder un consentement valide, lorsque la Convention l'exige, au nom de la nation et du peuple cri.

L'Administration régionale crie offre des programmes et services déterminés par les communautés cries et leurs conseils.

Le conseil d'indemnisation, établi en vertu de l'article 25 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, est une composante de l'Administration régionale crie et l'on a séparé l'administration, les opérations et les objets relativement à la réception, à la gestion et à l'investissement des indemnisations devant être versées aux Cris conformément à la Convention.

En vertu du droit coutumier d'Eeyouch/Eenouch d'Eeyou Istchee, les communautés cries et les gouvernements locaux doivent accorder un consentement valide à tout processus et question qui touchent leurs droits et intérêts.

D'après les Cris, le fondement du pouvoir politique et la prise de décisions collective sont établis de concert avec l'Eenouch/Eeyouch à l'échelon local et sont issus de celui-ci. Lorsque l'on a adopté la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec en 1984, le gouvernement local cri veillant à l'administration, à la gestion et au contrôle de la terre de la catégorie I A a été reconnu par le gouvernement du Canada. Toutefois, le gouvernement local cri, au moyen de l'exercice du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, a été initialement mis sur pied et continue de s'articuler, en fonction de l'histoire Eeyou, autour de la loi et de la pratique Eeyou de l'autonomie gouvernementale.

Au cours du processus de consultation de la Commission, les communautés cries, et en particulier les conseils locaux, ont mis l'accent sur la nécessité de clarifier les rôles et responsabilités des entités et institutions locales et régionales dans l'exercice de l'autonomie gouvernementale des Cris. Les conseils des communautés cries désirent mener et entretenir des relations directes avec le gouvernement canadien afin de discuter des questions qui les intéressent et de résoudre certains problèmes directement avec lui.

Lorsque les conseils locaux cris désirent résoudre des problèmes et des préoccupations particuliers, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada veut tout simplement renvoyer ces questions au processus de négociation fédéral portant le nom de processus «Vennat-Moses». Les communautés cries et leurs conseils locaux désirent que le processus de négociation fédéral se poursuive et s'appuie sur les mandats des communautés et des conseils locaux visant à régler les questions particulières et communes avec le gouvernement canadien. Toutefois, l'administration des gouvernements cris locaux afin de représenter et de négocier leurs intérêts et préoccupations particuliers directement avec le gouvernement canadien ne doit pas être entravée par tout processus de négociation fédéral comme il a été déterminé et convenu par les administrations locales et régionales cries et le gouvernement du Canada. Dans la même veine, l'exécution des programmes et la prestation des services fédéraux qui sont financés ne doivent pas être compromises en raison de la situation actuelle dans les relations locales et régionales cries. Cette situation est perpétuée par l'insistance du gouvernement fédéral à traiter directement avec les entités cries régionales.


CHAPITRE 8
Questions sur les Cris d'Oujé-Bougoumou

Dans un cadre historique et traditionnel, les Cris d'Oujé-Bougoumou ont toujours représenté un groupe distinct d'Eenouch (peuple cri) qui a utilisé et occupé le territoire traditionnel qui compte environ 1 000 milles carrés de terre dans l'Eeyou Istchee (terre crie). Ce territoire traditionnel regorge de ressources naturelles : minéraux, forêt et faune. La découverte et l'exploitation des ressources minières et forestières ont eu et ont toujours des conséquences importantes sur les Cris d'Oujé-Bougoumou, car on les a expatriés de leur terre, on les a privés de leurs droits et on leur a retiré leurs avantages issus du développement des ressources en plus de les déplacer plusieurs fois en 50 ans. La création des villages non autochtones de Chibougamau et de Chapais, situés dans le nord québécois, découle de l'exploitation minière sur le territoire traditionnel des Oujé-Bougoumou.

Au moment des négociations pour l'élaboration de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada considérait les Cris Oujé-Bougoumou (comptant environ 200 personnes Eenouch) comme des membres de la bande de Mistassini. Toutefois, ils ont été décimés sur leur territoire ancestral dans plusieurs petits campements primaires sans eau courante, ni toilette, ni lavabo.

Les Cris et les gouvernements ayant participé aux négociations de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois ont convenu que la situation des Cris Oujé-Bougoumou, dont leurs revendications, leurs intérêts et leurs inquiétudes, serait considérée après que la Convention eut entrée en vigueur. Les gouvernements canadien et québécois se sont opposés initialement à une telle reconnaissance, mais le peuple d'Oujé-Bougoumou s'est acharné à obtenir des négociations. Dans les années 1980, le gouvernement québécois a participé aux négociations, de même que le Grand conseil des Cris du Québec qui est venu prêter main forte, et les parties ont signé la convention Oujé-Bougoumou le 6 septembre 1989. Les principales dispositions de l'entente portent, entre autres, sur le financement visant la construction d'un nouveau village et sur un fonds de développement socio-économique.

En 1990, les Cris d'Oujé-Bougoumou et le Grand conseil des Cris du Québec/Administration régionale crie ont entamé des négociations avec le gouvernement canadien et la convention Oujé-Bougoumou/Canada a été signée le 22 mai 1992. Cette entente offre les dispositions suivantes :

  • la participation financière du Canada dans la construction du nouveau village d'Oujé-Bougoumou;
  • la création d'un fonds socio-économique Oujé-Bougoumou;
  • le financement sur les opérations et l'entretien assuré par le Canada;
  • l'entente par les parties afin d'amender la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec afin que les Cris d'Oujé-Bougoumou soient reconnus comme la neuvième bande crie;
  • la mise en oeuvre de mesures initiales grâce auxquelles les Cris d'Oujé-Bougoumou seront traités de la même façon que les autres bandes cries de la Baie James.

Le nombre de Cris d'Oujé-Bougoumou s'élève actuellement à 650. Au cours des audiences de consultation et des rencontres organisées par la Commission crie-naskapie, le Conseil de la nation crie d'Oujé-Bougoumou ainsi que les membres de la communauté ont fait état d'inquiétudes et de questions portant sur l'application de la convention Oujé-Bougoumou/Canada. Ils s'attendent à ce que toutes les parties honorent leurs obligations pour la mise en application de la Convention. Dans cette optique, ils ont formulé les inquiétudes suivantes :

a) Convention complémentaire

La constitution officielle des Cris d'Oujé-Bougoumou en personnes morales dans le cadre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois exige l'élaboration d'une convention complémentaire. Les négociations tardent à venir en raison des questions qui doivent être réglées par le Québec, Mistissini et Oujé-Bougoumou relativement au transfert des terres. Comme il a été mentionné précédemment, le droit à la terre des catégories I et II en faveur des Cris d'Oujé-Bougoumou (qui étaient inscrits à titre de membres de la bande de Mistassini) a été calculé et compris dans les terres des catégories I et II qui ont été mises de côté à l'intention de la communauté de Mistassini dans le cadre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Dans les faits, les Cris d'Oujé-Bougoumou n'ont pas été désignés comme faisant partie d'une bande dans la Convention et, depuis 1975, ils ont cherché à être reconnus comme bande conformément à la convention et à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Les Cris d'Oujé-Bougoumou envisagent les négociations prochaines comme faisant partie d'un processus de traité qui doit tenir compte des droits des Autochtones et du présent statut relatif au principe d'extinction des droits, des revendications, du titre et des intérêts des Autochtones.

Dès que la question du transfert de la terre a été réglée et que la convention complémentaire a été conclue de façon satisfaisante, les Cris d'Oujé-Bougoumou prévoient un amendement officiel à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec afin qu'ils soient constitués comme la neuvième bande des Cris de la Baie James. Ne faisant pas encore partie d'une bande constituée en personnes morales en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, et leur nouveau village étant situé sur des terres qui n'ont pas encore été désignées comme faisant partie de la Catégorie I A, ils sont aux prises avec des difficultés sur le plan de la gestion d'un gouvernement local, de l'exécution de programmes et de la prestation de services.

b) Gestion d'un gouvernement local

Les règlements promulgués par la nation crie d'Oujé-Bougoumou ne sont pas reconnus par le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada. Par conséquent, il semble que le Ministère envisage la constitution de la bande d'Oujé-Bougoumou en personnes morales comme étant nécessaire pour la gestion d'un gouvernement local. Cet impératif va à l'encontre du droit inhérent des Cris d'Oujé-Bougoumou à l'autonomie gouvernementale.

c) Accès aux programmes

On a avisé les Cris d'Oujé-Bougoumou qu'un ensemble de programmes et de services fédéraux n'est offert que dans les réserves indiennes situées sur les terres de la catégorie I A. La terre de leur communauté n'ayant pas été désignée comme faisant partie de la catégorie I A, on leur refuse l'accès à ces programmes et à ces services. Il s'agit d'une violation de l'article 5 (Accès aux programmes) de la convention Oujé-Bougoumou/Canada qui mentionne que dans la période précédant la constitution des Cris d'Oujé-Bougoumou en bande sous le régime de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, les Cris d'Oujé-Bougoumou doivent avoir accès au financement des programmes du ministère. De plus, les Cris d'Oujé-Bougoumou doivent être admissibles à tous les programmes fédéraux généralement offerts aux personnes ainsi qu'aux communautés.

d) Financement des opérations et de l'entretien

Bien que les Cris d'Oujé-Bougoumou reçoivent actuellement un financement des opérations et de l'entretien de la même façon que les autres communautés cries, la présente formule des rajustements annuels à la subvention est inappropriée et ne correspond pas à la réalité actuelle et aux nouveaux besoins et préoccupations de la communauté.

e) Financement des projets d'immobilisations

Depuis l'exercice financier 1994-1995, les Cris prévoyaient négocier le financement des projets d'immobilisations selon les besoins exprimés plutôt que l'application de la formule des rajustements annuels aux subventions liées aux projets d'immobilisations. Toutefois, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada a préféré la mesure des rajustements annuels à la subvention. Cette mesure change la façon de financer les futurs projets d'immobilisations pour les Cris d'Oujé-Bougoumou et diffère de la méthode de financement des projects d'immobilisations à l'intention des autres communautés cries. Le Ministère affirme, de plus, qu'il ne doit pas rembourser aux Cris le financement des immobilisations reçu par les Cris d'Oujé-Bougoumou dont le montant s'élève à 1 700 000 $ après 1994-1995. Ces mesures prises par le Ministère vont à l'encontre de la lettre et de l'esprit de la convention Oujé-Bougoumou/Canada.


CHAPITRE 9
Questions d'intérêt particulier pour les Naskapis

La Commission a également entendu les Naskapis dont les questions qui les intéressent sont pratiquement les mêmes que celles des communautés cries. Quelques questions, toutefois, leur sont particulières. Pour cette raison et du fait que les Naskapis représentent une nation distincte et possèdent une convention séparée (Convention du Nord-Est québécois), les commissaires ont convenu d'englober un chapitre distinct dans le présent rapport afin de se pencher sur les questions et inquiétudes des Naskapis. On en dresse la liste dans la partie suivante.

  1. Amendements à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec
    • réduction du quorum exigé dans le cas d'une approbation d'un emprunt à long terme et nouvel examen de la nécessité d'obtenir l'approbation de membres de la bande sur certaines autres questions;
    • pouvoir conféré aux agents de la paix pour qu'ils puissent émettre des contraventions plutôt que des sommations dans le cas d'une infraction au règlement;
    • pouvoir conféré au chef et conseil afin de pouvoir prendre des décisions officielles sans convoquer de réunion lorsqu'il y a consensus.

  2. Mesures législatives fédérales sur le contrôle des armes à feu - On devrait conférer au gouvernement local naskapi le pouvoir d'offrir des cours de sécurité, de délivrer des permis et d'enregistrer les armes à feu sans frais pour les bénéficiaires naskapis. Le gouvernement fédéral assumerait les coûts administratifs.
  3. Rapport d'enquête de la Commission «Cowie» - Les Cris, les Naskapis et le gouvernement fédéral devraient entamer des discussions sur la mise en application du rapport.
  4. Service de l'Enregistrement - Le Service de l'Enregistrement convient bien aux Naskapis à l'heure actuelle.
  5. Adaptation de l'article 15 de la Convention du Nord-Est québécois à la réalité d'aujourd'hui - Les Naskapis désirent amorcer le processus de mise à jour de l'article 15 de la Convention du Nord-Est québécois (conjointement à l'article 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois). On a demandé à la Commission crie-naskapie d'encourager le gouvernement fédéral à participer au processus.
  6. Révision de l'article 10 de la Convention du Nord-Est québécois - L'article 10, qui porte sur les questions de santé, fait l'objet de négociation avec le gouvernement québécois. Une entente de principe a été conclue et une version mise à jour de l'article 10 est en cours.
  7. Révision de l'article 11 de la Convention du Nord-Est québécois - Des discussions sont en cours entre les Naskapis et le gouvernement québécois afin de mettre à jour l'article 11 (Éducation). Les Naskapis veulent que le gouvernement fédéral soit présent à titre de participant ou d'observateur.
  8. Entente quinquennale sur le financement des immobilisations - L'entente quinquennale actuelle sur le financement des immobilisations avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada expire en 1999. Des pourparlers sont maintenant en cours avec le Ministère afin de passer en revue les ententes.
  9. Contrat avec Transports Canada - Les Naskapis ont un contract avec Transports Canada visant à assurer l'entretien des installations de l'aéroport à Schefferville. En raison de l'efficacité des opérations, ils ont affirmé qu'ils ont enregistré un surplus de 35 000 $.
    Transports Canada semble, quant à lui, vouloir réduire le nouveau contrat (qui entrera en vigueur en juillet 1998) de 35 000 $. Le point de vue des parties diffère sur cette question. Les représentants des Naskapis et de Transports Canada devraient se rencontrer bientôt afin de clarifier la question et de pouvoir résoudre, espérons-le, ce différend.
    La question générale vise le concept du contrat à fournisseur unique relativement à l'appel d'offres et si les contrats à fournisseur unique permettent de faire des profits par rapport à l'efficacité réalisé ou s'ils doivent le faire. Cette question doit être passée en revue et particulièrement à la lumière de l'esprit et de l'intention de la politique d'approvisionnement des Autochtones.
  10. Centre d'accès à Internet pour les Naskapis - Les Naskapis sont heureux de mentionner qu'une subvention de 30 000 $ a été accordée par Industrie Canada, dans le cadre du Programme d'accès aux collectivités, afin de pouvoir établir un centre d'accès à Internet. Il permettra aux membres de la communauté d'accéder à «l'autoroute de l'information» et à des séances de formation.
  11. Transfert des terres de la catégorie I A-N - Le gouvernement fédéral retarde à maintes reprises la mise sur pied des processus techniques internes pour terminer le transfert, ce qui entrave le traitement de plusieurs autres questions.
  12. Changement de nom - En 1996, la bande a approuvé un règlement visant à changer le nom de la bande des Naskapis du Québec en faveur de la Nation Naskapi de Kawawachikamach (en français), de la Naskapi Nation of Kawawachikamach (en anglais) et de Naskapi Eeyouch Kawawachikamach (en naskapi). Le gouvernement fédéral en retarde l'approbation jusqu'au moment du transfert final des terres.
  13. Revendications du Labrador - La Convention du Nord-Est québécois n'a résolu les revendications des Naskapis qu'au Québec. Il reste à régler les revendications au Labrador. On continue de se pencher sur cette question.
  14. Logement - Les Naskapis déclarent que le programme de logement fonctionne bien. Ils ont mis de l'avant plusieurs mesures de gestion novatrices. Ils ont de plus demandé que la Société canadienne d'hypothèque et de logement ainsi que le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada prennent les mesures qui s'imposent afin de s'assurer que les changements relatifs à la politique et aux programmes de logement soient communiqués à un moment plus opportun.

CHAPITRE 10

Questions sur les autres communautés

Whapmagoostui (Poste-de-la-Baleine)

Les Cris de Whapmagoostui ont déclaré à la Commission crie-naskapie que les Inuit du Nord québécois s'adonnent à des activités, telles que l'exploitation d'une pourvoirie et la chasse au caribou à des fins commerciales sur le territoire ancestral cri. Le plan directeur de l'utilisation de la terre préparé par le gouvernement régional de Makavik sur le territoire au nord du 55e parallèle de latitude porte sur le territoire traditionnel des Cris de Whapmagoostui. En vertu de l'article 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, il existe une entente mutuelle entre les Cris et les Inuit sur les secteurs au nord et au sud du 55e parallèle de latitude où ils peuvent exercer respectivement le droit d'exploitation (chasse, pêche et trappage) et s'adonner à des activités s'y rattachant. Les Cris et les Inuit n'ont pas conclu une telle entente.

Chisasibi

Bloc D

Au cours des audiences tenues à Chisasibi, le chef, Charles Bobbish, a soulevé des questions au sujet de la situation du secteur portant le nom de bloc D. Il s'agit de la terre sur laquelle est située la piste d'atterrissage de Chisasibi. La communauté, d'une part, considère la terre comme faisant partie de la catégorie I qui est du ressort de la bande. Le Québec, d'autre part, affirme (sans objection du gouvernement fédéral) qu'il a validement concédé la terre à la Société de développement de la Baie James. La position du chef et conseil semble être appuyée par les faits constatés par les commissaires, notamment :

  • Le paragraphe 5.1.5 de l'article 5 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois stipule «Les terres cédées à des tiers par lettres patentes ou appartenant à des tiers avant la signature de la Convention sont de la catégorie III».
  • La Convention de la Baie James et du Nord québécois a été signée le 11 novembre 1975.
  • La Société de développement de la Baie James fonde sa revendication au bloc D sur les lettres patentes du 28 juin 1979.

Les commissaires recommandent que le gouvernement, en sa qualité de fiduciaire de la nation crie de Chisasibi, particulièrement en ce qui a trait aux droits sur Chisasibi conformément à la Convention de la Baie James et du Nord québécois, prête main forte à Chisasibi pour reconnaître ses droits sur le bloc D.

Radisson

Le chef de Chisasibi s'inquiéte également du sort de l'emplacement près de LG 2, mieux connu comme Radisson, qui a été aménagé comme une communauté permanente, d'où violation de l'esprit et de l'intention de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Il croit que les négociations qui ont mené à l'élaboration de la Convention comprenaient un engagement selon lequel on réduirait au minimum l'entrave à long terme aux poursuites traditionnnelles des Cris sur leur territoire traditionnel. Dans cette optique, il déclare qu'il était convenu que les divers camps de construction notamment seraient temporaires et enlevés dès que l'on aurait terminé le travail. À longue échéance, il a été convenu que seulement quelques établissements permanents seraient créés pour assurer l'exploitation des systèmes hydro-électriques.

Il est évident que l'on prévoyait que Radisson deviendrait une communauté permanente et importante qui dépasse le nombre de personnes minimales nécessaire à l'exploitation hydro-électrique. En fait, on annonce Radisson comme étant un symbole connu et une destination touristique. Les Cris n'ont jamais manifesté leur désaccord au développement sur le territoire en autant qu'ils y participent et qu'ils y consentent.

Waskaganish

Au cours des audiences à Waskaganish, plusieurs questions propres à cette communauté ont été relevées et voici la liste de quelques-unes de ces questions :

  • Conflit d'intérêt - On s'inquiète du fait qu'il existe un «conflit inhérent lorsque des employés [de la bande] sont des membres du Conseil». L'article 68 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec stipule que «tout électeur» est admissible à être élu au Conseil. Quelques exceptions existent et lorsque les amendements généraux sont envisagés, il peut être conseillé d'inclure une exception supplémentaire en vue de reconnaître le droit des conseils, par l'adoption d'un règlement ou l'annonce par les membres de la bande eux-mêmes qui stipuleraient que les personnes employées par la bande sont inadmissibles. L'application de cette disposition ne serait pas obligatoire.
  • Entretiens à huis clos - On a soulevé la question relative à la nécessité de tenir parfois des entretiens à huis clos. Le paragraphe 37(2) de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec indique que «les assemblées du conseil sont publiques». Un amendement à la loi devrait être apporté afin que le conseil puisse se réunir à huis clos pour discuter notamment de questions sur le personnel, de certaines questions financières ou contractuelles, possiblement dans le cas où l'on demande des conseil juridiques.
    Dans l'intervalle, les commissaires estiment que Waskaganish pourrait user de son influence en vertu de l'article 40 de la loi pour créer un comité d'ensemble doté du pouvoir explicite d'envisager des questions précises devant être traitées à huis clos. Ce comité pourrait alors demander des conseils à une rencontre régulière et les membres pourraient les traiter de la manière qui s'impose.
  • Comités du Conseil - On a indiqué que certains changements pourraient être apportés afin de permettre la création de comités du conseil qui seraient dotés de certains pouvoirs délégués limités dans la prise de décisions.
  • Rivage et stabilité du sol - On s'inquiète du fait que le rivage et la stabilité du sol constitue une menace sérieuse à l'intégrité des réseaux d'égout et d'aqueduc et entrave la planification adéquate des nouvelles installations. Il importe que le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada évalue sur le plan technique ces questions et effectue toute mesure d'assainissement qui s'impose.

De nombreuses questions présentées dans l'exposé de Waskaganish ont également été soulevées dans d'autres communautés et font l'objet de mention ailleurs dans le présent rapport.

Eastmain

Eastmain a fait état de nombreuses questions qui suscitent l'intérêt de la plupart des communautés cries et naskapie. Ces questions figurent généralement dans une autre section du présent rapport. Cependant, certaines questions précises visent principalement Eastmain ou s'appliquent précisément à la communauté dont voici la liste :

  • Bureau à l'intention de la bande - Le chef d'Eastmain a signalé que le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada n'est pas disposé à assumer les frais liés à l'établissement d'un nouveau bureau à l'intention de la bande. On assume habituellement ces frais.
  • Équipement lourd - L'équipement lourd servant notamment à l'entretien de la route est désuet et doit être remplacé. Eastmain indique que les fonctionnaires des Affaires indiennes ont demandé que cette question soit transmise au processus Vennat/Moses plutôt qu'elle soit envisagée comme affaire courante.
  • Site d'enfouissement des déchets désuet - On affirme que le site d'enfouissement des déchets doit faire l'objet de remplacement. Dans ce cas également, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada transmet cette question au processus Vennat/Moses.
  • Emploi et approvisionnement à l'échelon local - La bande indique que l'esprit et l'intention des politiques fédérales sur l'emploi et l'approvisionnement des autochtones ne sont pas respectés dans la pratique. Par conséquent, les membres de la communauté n'ont apparemment pas tiré profit des travaux et des contrats à l'échelon local avec l'ampleur devant s'y rattacher.
  • Assainissement sur le plan environnemental - Il semble que les réservoirs d'huile ancienne n'ayant pas servi et les autres débris sur l'emplacement de l'ancienne usine génératrice diesel n'ont pas fait l'objet de nettoyage par le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada. La contamination du sol et de l'eau ainsi que la sécurité des enfants suscitent des inquiétudes.
  • Santé - La poussière abonde à Eastmain en raison de la nature de l'emplacement et du vent. Cette situation a apparemment causé des taux inhabituellement élevés de problèmes respiratoires. Des mesures doivent être prises pour y remédier, y compris notamment l'installation de revêtement au sol, l'ajout de végétation et de coupe-vents.
On remarque la présence grandissante de personnes atteintes de diabète. Eastmain a fait une demande de financement pour mettre sur pied un projet pilote afin de s'attaquer à ce problème précis.

  • Besoins des jeunes - Les troubles ne cessent d'augmenter chez les jeunes. La violence qui règne dans les écoles en est un exemple. On doit pouvoir compter sur des programmes et des installations à l'intention des jeunes.
  • Questions portant sur Transports Canada - La bande a signalé deux importantes questions à régler auprès de Transports Canada/Nav Canada. La première question vise le contrat pour obtenir les services d'un observateur/communicateur à l'aéroport. Il existe un grave conflit à savoir si Transports Canada/Nav Canada peut déduire certains paiements en vertu du contrat en vigueur. D'autre part, on se demande si des redevances devraient être versées relativement au gravier appartenant à Eastmain lorsque l'on doit l'utiliser pour le rechargement de la piste d'atterrissage.

En ce qui concerne ces questions, la Commission crie-naskapie a demandé que des représentants d'Eastmain s'entretiennent avec des hauts fonctionnaires de Transports Canada. En raison de l'échec apparent des discussions précédentes, on recommande que le sous-ministre adjoint y participe. La Commission est disposée à faciliter ces pourparlers et à offrir un suivi au besoin.

Mistissini

  • Pénurie de logements - D'après l'exposé présenté par Mistissini, la communauté est toujours aux prises avec une pénurie de logements, ce qui représente son principal problème. Elle a déployé des efforts considérables dans la construction de nouvelles unités. Malgré tout, la grande pénurie de logements jumelée à l'augmentation croissante des nouvelles familles contribuent à créer un grand besoin de nouvelles habitations.
  • Site Nitchiquon - Une ancienne piste d'atterrissage de Transports Canada et les installations s'y rattachant à Nitchiquon ne sont plus utilisées. Transports Canada est prêt à transférer le site (par l'entremise du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada) à Mistissini qui servira à d'autres fins. Avant que cette situation ne se produise, il faudra évaluer l'état environnemental du site et remédier à toute contamination possible. Transport Canada est disposé à mener une telle évaluation à l'été 1998. Dès que l'évaluation est terminée, des mesures de nettoyage devront être entreprises avant que le site ne puisse servir à d'autres fins à Mistissini.
  • Rôle de médiation de la Commission crie-naskapie - Mistissini, de même que d'autres communautés, a suggéré que la Commission joue un rôle de médiateur. On a demandé expressément que cette participation soit étendue à un rôle de médiation auprès du Québec.
  • Constitution crie - Le conseil de la nation crie de Mistissini a suggéré l'élaboration d'une «constitution crie» à l'intention du gouvernement de la nation crie.

Wemindji

  • Droits d'utilisation de l'eau - Le conseil de Wemindji a rappelé aux commissaires que les droits d'utilisation de l'eau n'ont jamais été négociés ni abandonnés et que ces droits devaient faire l'objet d'étude et de discussion.
  • Violence - On remarque que la violence, en particulier celle relative à l'alcool, est un fléau croissant dans la communauté.
  • Violation du droit de propriété de la part des chasseurs non cris - La violation du droit de propriété de la part des chasseurs non cris qui n'ont obtenu aucune permission de Wemindji de s'adonner à leur activité est un problème croissant qui mérite que l'on s'y attarde. En outre, un non-Autochtone a construit un camp sur un parcours de piégeage sans avoir obtenu la permission d'un maître de trappage ni de Wemindji.

Le fait que les commissaires n'ont pas assisté à de rencontre de la communauté à Wemindji mérite d'être souligné. Ils y participeront dès qu'un financement leur sera accordé.

Waswanipi

  • Besoins spéciaux des aînés - On a observé que les nouveaux styles de vie indiquent souvent que les membres de la famille sont au travail au cours de la journée, d'où l'importance plus grande que jamais de créer des programmes et des installations en faveur des aînés. Des moyens de transport doivent être offerts aux aînés dans des cas non urgents pour leur permettre de se rendre à des rendez-vous chez le médecin.
  • Besoins des jeunes - Les jeunes de Waswanipi représentent une grande partie de la population et leur nombre augmente sans cesse. Il ont besoin non seulement de programmes et d'installations qui leur sont propres, mais des programmes d'études et de formation liés au travail auxquels on doit apporter d'importantes améliorations. Ils doivent particulièrement avoir accès à des cours en informatique et augmenter leurs connaissances en mathématiques et en français. Il faut compter également sur la mise en oeuvre d'importantes mesures visant à améliorer la situation économique des jeunes.
  • Terre - On a admis expressément que la terre traditionnelle est menacée par des pratiques de développement irresponsables, mal planifiées et non contrôlées. On constate l'urgence de compter sur une meilleure participation des Cris dans la planification, la gestion et le contrôle des activités liées aux territoires traditionnaux.
  • Commission crie-naskapie - On devrait doter la Commission crie-naskapie d'un bureau à Waswanipi afin de répondre aux besoins des communautés dans ce secteur.

Il faut souligner que la Commission crie-naskapie n'a pas tenu d'audience à Waswanipi, en raison de circonstances qui ne sont pas de son ressort, au moment de la rédaction du présent rapport. La Commission a convoqué une brève rencontre avec le chef et deux conseillers en novembre 1997 et s'engage à tenir une audience auprès de la communauté dès que possible. Les questions soulevées à ce moment-là seront traitées dans un rapport supplémentaire.

Nemaska

  • Déplacement de Nemaska - On a été obligé de procéder au déplacement de Nemaska en raison du fait que les rivières Nottaway - Broadback - Rupert auraient inondé la communauté de Vieux Poste. Le déplacement a eu de graves répercussions dont les effets sont encore présents et qui suscitent encore bien des inquiétudes. La communauté a mis de l'avant un programme de mieux-être dont le financement du gouvernement est très limité afin de traiter ce problème et bien d'autres.
  • Chemin d'accès - La communauté a versé 3,85 millions de dollars afin de payer un chemin d'accès de 10 km. Il s'agit de frais liés au déplacement qui auraient dû être versés par les instigateurs du déplacement. De plus, aucune aide n'a été offerte pour l'entretien du chemin.
  • Commission crie-naskapie - Comme il est mentionné dans le présent rapport, les participants à toutes les audiences ont demandé que la Commission joue un rôle de médiateur. À Nemaska, on a estimé que la Commission devrait également servir d'intermédiaire entre les entités du gouvernement à l'échelon local et régional.
  • Vieux Poste - Le chef et conseil souhaiteraient que Vieux Poste soit désigné comme lieu historique en raison de ses peintures rupestres et d'autres caractéristiques d'intérêt historique. Nemaska élabore des programmes culturels et traditionnels à Vieux Poste. Le gouvernement québécois veut obtenir des droits de coupe sur le bois d'oeuvre servant à la construction de chalets dans le cadre de programmes à l'intention des jeunes, etc. Ces droits devraient être exclus, compte tenu des circonstances.

CHAPITRE 11
Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec

Processus de consultation sur l'application et la révision de la Loi

La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec exige de la Commission crie-naskapie qu'elle présente un rapport biennal sur la mise en application de la Loi. Dans l'exercice de ses fonctions, la Commission respecte certains principes normatifs visant à assurer une enquête juste et compétente. Elle a mis de l'avant un processus de consultation publique qui respecte toutes les parties visées et a instauré des visites préliminaires à des fins de consultation des conseils de bandes cries et naskapie sur les mesures à prendre afin de rendre ce processus plus significatif et pratique. En général, les conseils de bande veulent que la Comission assure une présence dans les communautés et rencontre leurs membres respectifs. Par conséquent, la Commission s'est rendue à nouveau dans les communautés pour mener des audiences publiques générales.

La recherche de faits représente une partie des procédures générales de la Commission afin de relever et de clarifier les difficultés, les questions et les soucis des bandes cries et naskapie et du gouvernement canadien. La Commission crie-naskapie a également tenu des audiences publiques à Ottawa, en Ontario, visant à être à l'écoute de certains conseils de bande, du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee)/Administration régionale crie et de divers ministères et organismes fédéraux.

Le processus de consultation publique a permis la participation des bandes cries et naskapie suivantes prévues par la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec :

  • Première Nation de Whapmagoostui
  • Nation crie de Chisasibi
  • Première Nation de Waskaganish
  • Nation crie d'Eastmain
  • Première Nation crie de Waswanipi
  • Nation crie de Mistissini
  • Nation crie de Wemindji
  • Première nation de Nemaska
  • Nation naskapie de Kawawachikamach

La nation crie d'Oujé-Bougoumou, qui ne fait pas l'objet d'une constitution de bande en personnes morales en vertu de la Loi, a présenté également ses inquiétudes et intérêts à la Commission.

Washaw Sibi Eeyou, groupe d'environ 150 à 200 Cris qui habitent sur le territoire cri, a fait un exposé devant la Commission crie-naskapie à Waskaganish, au Québec.

Les Cris, les Naskapis et les Washaw Sibi Eeyou comptent environ 13 600 personnes.

Examen et amendement proposés à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec

Selon les Cris et les Naskapis, ils ont exercé leur droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et à leurs terres et continuent de le faire. L'article 7 de la Convention du Nord-Est québécois et l'article 9 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois énoncent partiellement le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale pour les Naskapis et les Cris. Ces articles pertinents des conventions ont mené à la promulgation de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, qui prévoit des gouvernements cris et naskapi locaux et l'administration de leurs terres respectives de la catégorie I pour leurs communautés.

La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est entrée en vigueur en 1984 et n'a jamais fait l'objet de modification. La Commission crie-naskapie a recommandé des amendements à la Loi dans ses rapports biennaux prédédents; toutefois, le gouvernement canadien a choisi de ne pas tenir compte de ces recommandations, qui ont été formulées de concert directement avec les Cris et les Naskapis. Ces peuples ont exprimé leur mécontentement à l'égard du refus du gouvernement canadien de donner suite aux recommandations de la Commission d'une façon qui faciliterait, contribuerait et accroîterait le statut des gouvernements cris et naskapi locaux et leur administration de même que la gestion et le contrôle de leurs terres respectives de la catégorie I. L'inertie et le refus du gouvernement canadien entravent gravement la fonction de la Commission dont le rôle consiste à faire état de la mise en application de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

Les Cris ainsi que les Naskapis ont indiqué la nécessité de revoir de façon approfondie la Loi. Les autorités visées doivent mener cet examen afin de modifier la Loi. D'après les Cris et les Naskapis, la Loi doit faire l'objet d'un amendement afin d'atteindre les principaux objectifs suivants :

  • abattre les barrières ou les obstacles au processus de prise de décisions;
  • améliorer et simplifier le processus d'amendement de la Loi;
  • permettre et améliorer l'exécution de la Loi;
  • tenir compte de la réalité actuelle et de la situation des gouvernements locaux;
  • constituer la nation crie d'Oujé-Bougoumou en tant que bande.

Plus précisément, les Cris et les Naskapis ont suggéré les modifications suivantes à apporter à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec :

Quorums

  • Le pourcentage des électeurs requis pour voter sur certaines questions est trop élevé et devrait être abaissé. Les exigences actuelles entravent le processus de prise de décisions des bandes relativement à l'approbation des règlements administratifs liés aux emprunts, à la chasse, à la pêche, au trappage ainsi qu'aux plans d'utilisation de la terre et des ressources de la part des bandes.

Imposition

  • L'exemption d'imposition stipulée dans les articles 187 et 188 de la Loi devrait être élargie à tous les bénéficiaires cris (et naskapis) de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois.

Police

  • Les dispositions actuelles de la Loi devraient être amendées afin de permettre aux bandes d'établir leur propre service de police. L'amendement devrait permettre aux policiers locaux d'émettre des contraventions plutôt qu'une sommation en vertu du Code criminel.

Pouvoirs de la Commission crie-naskapie

  • La Commission crie-naskapie devrait jouir d'un rôle plus large que le simple fait de dresser un compte rendu. En particulier, la Loi devrait être modifiée afin de lui prêter un rôle d'organisme quasi-judiciaire auquel s'ajouteraient des procédures de formulation de plaintes appropriées afin qu'elle puisse passer en revue l'application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, la Convention du Nord-Est québécois et la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. La Commission devrait être dotée d'un pouvoir de médiation et jouer un rôle dans le règlement de différends. En tant qu'autorité quasi-judiciaire, ses constations seraient obligatoires et ne feraient pas l'objet de simples recommandations auprès de l'autorité visée (gouvernement fédéral, Cris ou Naskapis).

Constitution de la nation crie d'Oujé-Bougoumou en personnes morales

  • La convention Oujé-Bougoumou/Canada fait état qu'il est approprié pour les Cris d'Oujé-Bougoumou d'être reconnus comme bande séparée en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. De plus, le village d'Oujé-Bougoumou est situé sur une terre qui sera désignée comme faisant partie de la catégorie I A conformément à la définition de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Par conséquent, la partie I de la Loi devrait être amendée pour constituer la nation crie d'Oujé-Bougoumou en bande crie conformément à la résolution de la question de transfert de la terre concernant le Québec et Mistissini et à la conclusion de la convention complémentaire (modifiant la Convention de la Baie James et du Nord québécois afin de constituer les Cris d'Oujé-Bougoumou en personnes morales dans la convention).

Dispositions relatives aux amendements

  • La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec devrait prévoir des dispositions qui faciliteraient et simplifieraient le processus d'amendement de certains articles de la Loi.
    De plus, les Cris ainsi que les Naskapis ont réaffirmé leur position que toutes les recommandations relatives aux amendements à la Loi figurant dans les anciens rapports de la Commission crie-naskapie devraient être acceptées par le gouvernement canadien qui y donnerait suite de façon à respecter les gouvernements cris et naskapi locaux et leur administration.
    .

CHAPITRE 12
Rôle et mandat de la Commission crie-naskapie

Au cours de son existence, la Commission crie-naskapie a reçu bon nombre de suggestions de simples citoyens, de chefs et conseils, d'autres institutions des Premières Nations et de tierces parties sur la façon dont son mandat devrait être interprété et revu. Quant au rôle moins officiel de la Commission, pratiquement tout le monde, dont la ministre actuelle, a formulé des suggestions. La ministre Stewart, en outre, a reconnu quelques-unes des limites évidentes et a déclaré que la Commission devrait «faire partie de la vie des communautés» dans un cadre plus large.

L'expérience de la Commission au cours des douze dernières années et demie, d'après les attentes des communautés et des autres parties, permet de jeter les bases de la discussion qui s'ensuit. Cette discussion porte sur quatre volets, soit le mandat existant, le rapport de l'enquête «Cowie», le rôle de médiation et son rôle visant à assurer un suivi des questions soulevées.

Le mandat existant

Les pouvoirs et les fonctions juridiques de la Commission sont énoncés aux articles 151 à 172 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Quelques-unes de ces fonctions sont dignes de mention. En particulier, le paragraphe 165(1) stipule que la Commission a pour mission :

  • d'établir les rapports prévus au paragraphe 171(1);
  • sous réserve des paragraphes (2) et (3), d'enquêter sur les réclamations qui lui sont présentées concernant l'application de la présente loi, notamment l'exercice ou le défaut d'exercice de pouvoirs ou fonctions conférés sous le régime de cette loi.

Le paragraphe 165(1) dresse les activités de base relatives aux fonctions juridiques minimales de la Commission. On a présenté de nombreux arguments (y compris des arguments très valables) selon lesquels la Commission devrait accepter un plus grand rôle. On estime que le fait de n'effectuer que le minimum prévu par la loi est une approche bureaucratique, inappropriée et inacceptable. La Commission respecte ces remarques et souscrit même à la plupart de celles-ci. Avant de s'y attarder, toutefois, il serait peut-être utile de revoir le mandat et le rôle existants de la Commission.

De nombreux chefs et conseils, de simples citoyens et des organismes ont adopté la position selon laquelle la Commission crie-naskapie devrait traiter les questions émanant non seulement de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec mais également de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois. Dans l'enquête «Cowie», on suggère d'apporter des changements législatifs afin que la Commission puisse assumer une fonction explicite et obligatoire s'y rattachant.

Les commissaires conviennent qu'un amendement à la Loi visant à mandater explicitement la Commission à jouer un rôle dans ce domaine serait utile. Il est clair aussi, toutefois, que la législation actuelle prévoit déjà un rôle limité dans ce secteur. Bien que les changements suggérés à la Loi soient appropriés, il incombe actuellement à la Commission de traiter toutes les réclamations qui correspondent à son mandat existant. Dans le cadre de ce mandat, la Commission doit notamment enquêter sur les réclamations visant l'exercice ou le non-exercice des pouvoirs et des fonctions conformément à la Loi. Les pouvoirs et fonctions dont il est question englobent ceux des bandes cries et naskapie, du gouvernement fédéral et des autres parties.

Certains pouvoirs et fonctions des bandes en vertu de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec excèdent l'étendue de la Loi elle-même. En outre, l'article 21(j) indique que la bande a pour mission :

  • d'exercer les pouvoirs et fonctions que les lois fédérales ou leurs règlements ainsi que les Conventions lui confèrent ou conféraient à la bande antérieure.

Les pouvoirs et fonctions conférés ou imposés en vertu d'autres lois ou règlements fédéraux ou d'ententes sont, par conséquent, la responsabilité des bandes conformément à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Si, par exemple, une réclamation est présentée selon laquelle une bande n'exerce pas ses fonctions ni ses pouvoirs comme il est stipulé à l'article 21(j), il incombe à la Commission crie-naskapie de considérer la réclamation au même titre qu'une autre question figurant dans une autre partie de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Un ensemble d'autres instruments juridiques vient à l'esprit, y compris la loi rendant exécutoire les conventions, les conventions proprement dites et d'autres lois.

Le rapport «Cowie»

L'article 172 de la Loi prévoit une enquête sur les pouvoirs, les fonctions et le fonctionnement de la Commission crie-naskapie cinq ans après sa création. Conformément à cette exigence, en 1990, le gouvernement fédéral a nommé des membres à une commission d'enquête qui était composée d'Anthony Price, de Mark Dockstator et d'Ian Cowie (qui a joué le rôle de président). Le 4 avril 1991, cette commission a présenté un rapport long et détaillé comprenant dix pages et demie de recommandations. Bien qu'il soit possible d'être en désaccord avec quelques-unes des recommandations, il est difficile de questionner l'ensemble du rapport et la plupart de ses points particuliers. Il s'agit tout simplement d'un excellent rapport qui est axé sur une recherche approfondie, une analyse indépendante et une consultation globale et on l'a bien accueilli dans les communautés.

À la lumière de ces recommandations, que fait le gouvernement? Eh bien rien du tout. Au cours des audiences tenues en 1998, on a affirmé à maintes reprises à la Commission que le rapport «Cowie» devrait être étudié et que la plupart de ses recommandations devraient être mises de l'avant. Bien que chacune de ces recommendations mérite une attention particulière et que l'on prenne les mesures nécessaires, plusieurs se dinstinguent en raison de leur caractère pertinent par rapport aux principales questions figurant dans le présent rapport. En outre, on s'inquiète de façon généralisée que l'on ne donne pas suite aux recommandations de la Commission et que le gouvernement n'en tienne pas compte dans l'ensemble. Le rapport «Cowie» recommande que la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec soit modifiée afin qu'il existe un renvoi obligatoire aux rapports de la Commission cri e-naskapie au Comité permanent des Affaires autochtones de la Chambre des Communes. Bien qu'aucune mesure n'ait été prise afin d'amender la Loi dans ce sens, la Commission s'est adressée à M. Guy St-Julien, président du Comité, afin que ce dernier puisse tenir compte du rapport de 1998. Nous sommes heureux d'indiquer que M. St-Julien a accepté.

Une autre suggestion très généralisée comme en fait foi une recommandation bien distincte dans le cadre de l'enquête «Cowie» repose sur le fait que la Commission crie-naskapie devrait traiter les questions issues de la mise en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois. Dans ce cas-ci également, le gouvernement n'a pris aucune mesure qui s'impose. La Commission a étudié attentivement la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec en tenant compte de cette question. Comme il est mentionné précédemment, les commissaires ont convenu que les dispositions existantes de la Loi exigent de la Commission qu'elle joue un certain rôle dans ce domaine et lui permettent de le faire.

Un troisième point traité par le rapport «Cowie» porte sur le financement de la Commission crie-naskapie :

  • «Le comité est d'opinion que le budget approuvé a gravement limité l'aptitude de la Commission à s'acquitter pleinement de son mandat original, surtout au niveau local, et qu'il a causé l'abandon ou la dénaturation d'activités particulières.»1

La création de la Commission crie-naskapie découlant d'une loi fédérale permet à la Commission d'être indépendante. Cette indépendance est presqu'entièrement illusoire en raison du contrôle exercé par le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada en lui refusant un financement adéquat afin de lui permettre de remplir son mandat prévu par la loi. L'enquête «Cowie» en fait foi. On relate dans son rapport qu'un avis juridique a été préparé à l'intention du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada et que :

  • «Mais, surtout, l'avis juridique y voyait le meilleur arrangement pour autoriser le «gouvernement à imposer des conditions grâce auxquelles l'accord de financement lui permettrait de contrôler les activités de la Commission».»2

Par conséquent, l'indépendance prévue par le Parlement en faveur de la Commission a été pratiquement neutralisée par le contrôle administratif et financier du Ministère. Ce problème continue de freiner le rôle de la Commission jusqu'à ce jour. Comme en témoigne le rapport «Cowie», il est vrai qu'en 1991 la Commission crie-naskapie n'était pas en mesure de mener à bien ses responsabilités prévues par la loi. Son financement de base au cours de l'exercice 1992-1993 s'élevait à 480 000 $. Aucun changement n'a été apporté dès lors. Afin de pouvoir préparer son rapport à tous les deux ans, la Commission reçoit une somme de 175 000 $.

Le 9 mars 1998, les membres de la Commission ont rencontré l'honorable Jane Stewart, ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada. Bien que la Commission estimait qu'il était inopportun de soulever la question du financement, la gravité de la situation l'a poussée à informer la ministre a) que son financement à long terme doit être suffisant pour lui permettre d'exercer ses fonctions en vertu de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec; b) qu'à moins qu'une somme supplémentaire ne soit versée, le rapport de 1998 ne serait pas conforme à des normes acceptables.

La ministre a répondu que son Ministère serait disposé à discuter du financement pour l'exercice financier 1999-2000. Des discussions sont maintenant en cours. Les commissaires sont optimistes en tenant compte du point de vue de la ministre selon lequel la Commission devrait faire «partie de la vie des communautés», comme il a été précisé précédemment; cette situation aura des répercussions sur le résultat des pourparlers.

Dans le cadre du présent rapport, la Commission crie-naskapie ne dispose pas de ressources adéquates afin de préparer un rapport complet et acceptable qui sera déposé à la Chambre des Communes et au Sénat en vertu de l'article 171 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Dans cette optique, les commissaires croient que la ministre, la Chambre des Communes, le Sénat et le public en général ont droit de connaître de quelle façon le rapport ne répond pas à des normes acceptables.

Trois importants volets accusent un manque de ressources, ce qui a forcé la Commission à compromettre l'utilisation de normes acceptables. Le premier volet porte sur la recherche nécessaire pour valider les divers points présentés par les témoins comparaissant aux audiences. De nombreuses déclarations sont formulées au sujet de la façon dont notamment les chefs et conseils ainsi que les ministères fédéraux exercent leurs responsabilités. Dans chaque cas, on allègue de nombreux «faits» pour étayer de graves plaintes ou d'autres réclamations qui sont présentées. Toute commission qui a une responsabilité prévue par la loi doit vérifier ces allégations avant de tirer une conclusion s'y rattachant.

On prétend que la Commission crie-naskapie devrait tout simplement accepter comme fait ce que quiconque lui présente comme évidence. Cette situation est inacceptable, en particulier si l'on doit présenter des conclusions exactes et crédibles. L'évaluation de la crédibilité des témoins représente un processus approprié devant les tribunaux. Les tribunaux, après tout, peuvent contraindre les personnes à témoigner, ordonner la saisie des moyens de preuve, appliquer des règles très précises relativement aux preuves et punir très sévèrement dans le cas de parjure. La Commission ne possède aucun de ces pouvoirs, donc elle doit vérifier toutes les allégations par ses propres moyens de recherche, en particulier avant de formuler toute conclusion négative tirée de ces allégations. Par conséquent, de nombreuses questions soulevées au cours des audiences ne peuvent être présentées dans le présent rapport. Il s'agit d'une situation nettement insatisfaisante.

En second lieu, les ressources inadéquates au cours des visites dans les communautés ont compromis le travail de la Commission. Celle-ci ne disposait pas de ressources suffisantes pour se rendre dans les communautés assez souvent pour prêter une oreille à tous les principaux groupes désirant lui faire part de leurs commentaires.

Troisièment, les commissaires considèrent ce rapport comme étant inadéquat en ce qui a trait aux conseils juridiques. Plusieurs points relevés au cours des audiences portaient sur des questions d'ordre technique. La Commission ne disposait pas de ressources nécessaires afin d'obtenir de conseils juridiques sur ces questions et n'a par conséquent formulé aucune remarque sur certains de ces points. Cette situation est insatisfaisante.

Rôle de médiation pour la Commission

Dans le passé, on a demandé à la Commission crie-naskapie de jouer un rôle de médiateur de temps à autre. Le rôle de facilitateur du juge Réjean Paul, président de la Commission, a été utile et nettement apprécié dans les discussions qui ont contribué au règlement de nombreuses questions liées au développement de la communauté d'Oujé-Bougoumou. La Commission a également joué un rôle utile à titre d'observateur officiel au cours de l'élection récente d'un chef et conseil. Il s'agit de deux exemples du rôle de la Commission.

Au cours des audiences dans les communautés, on a souvent suggéré que l'on devrait ajouter un rôle de médiateur au mandat officiel prévu par la loi de la Commission crie-naskapie. L'enquête «Cowie» formule la même recommandation. Dans la pratique, comme il a été relevé précédemment, la médiation a été entreprise de façon ponctuelle et elle peut continuer jusqu'à ce que la question soit traitée comme faisant partie du réexamen global de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Dans l'intervalle, la Commission servira de médiateur et utilisera d'autres formes de règlement extrajudiciaire de différends dans la mesure du possible. Cette situation est bien sûr tributaire des coûts impartis séparément du budget actuel de la Commission. Elle a les moyens d'assurer le règlement extrajudiciaire des différends et continue d'élaborer d'autres moyens.

Activités de suivi

On a souvent critiqué la Commission crie-naskapie qui prépare et soumet ses rapports biennaux et puis elle laisse le soin au gouvernement ainsi qu'aux autres parties d'assurer le suivi. Cette approche n'a jamais convenu aux communautés et n'est plus acceptable pour les commissaires. Contrairement à plusieurs autres commissions statutaires, tribunaux et conseils, la Commission ne peut rendre de décisions exécutoires. Si elle le pouvait, il serait approprié de considérer son travail comme complet au moment de la présentation d'un rapport. Le rôle actuel de la Commission consiste à formuler des recommandations. Dans le cadre de ce mandat, il est approprié pour la Commission de prendre les mesures nécessaires afin de veiller à ce que ses recommandations soient portées à l'attention des parties en cause et des organes décisionnels visés. Des progrès ont été réalisés dans ce domaine. Le Comité permanent des Affaires autochtones de la Chambre des Communes a déjà convenu que le rapport de 1998 figurera à son ordre du jour. Les commissaires ont demandé également que les membres du Comité du Sénat sur les Affaires autochtones tiennent compte également du rapport et le sénateur Charlie Watt a accepté.

De plus, on a suggéré que le rapport soit présenté à des rencontres annuelles locales et régionales afin que les questions qui y sont énoncées fassent l'objet d'étude, de discussion et de mise en application, le cas échéant. Il s'agirait d'un mécanisme visant à accroître la responsabilité de la Commission crie-naskapie auprès des communautés. Malheureusement, on ne peut appliquer ce mécanisme, car le budget actuel ne lui permet pas de se déplacer pour assister à ces rencontres.


CHAPITRE 13
Recommandations

Des discussions devraient avoir lieu entre les hauts représentants du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee), des gouvernements locaux cris et naskapi, le gouvernement du Québec ainsi que le gouvernement du Canada afin d'élaborer des paramètres de négociation d'une entente portant sur le futur développement des terres et des ressources des catégories II et III. Une telle entente devrait au moins comprendre les éléments suivants :

Éducation et formation

  • achèvement et mise à jour régulière d'un répertoire sur la formation et les aptitudes des membres des communautés cries et naskapie;
  • nécessité d'englober dans les propositions de développement un énoncé des besoins en matière d'éducation et de formation pour la dotation à court et à long terme du projet;
  • engagement de la part des parties fédérales et provinciales de même que les entités cries et naskapie appropriées d'offrir de la formation sur des emplois précis et des projets, au besoin;
  • engagement dans chaque proposition de projet et conforme aux directives canadiennes sur les droits de la personne visant à offrir de l'emploi aux candidats cris et naskapis qui sont dûment formés.

Infrastructure

  • élaboration à long terme d'un plan renfermant des dates cibles et les ressources financières afin de mettre sur pied une infrastructure correspondant aux nouveaux besoins liés au territoire et à sa croissance économique;
  • plans précis afin de former et d'employer le plus possible des membres des communautés cries et naskapie dans l'élaboration et le maintien de cette infrastructure.

Planification et gestion du développement

  • étude et mise en application (ou modification visant à améliorer, le cas échéant) des mécanismes figurant dans les conventions (ou au moyen des conventions complémentaires) afin de s'assurer que les communautés cries et naskapie représentent des partenaires égaux dans le processus de planification et de gestion de tout le développement effectué sur le territoire.

Partage des gains

  • élaboration d'une législation provisoire afin de s'assurer que les gains issus du développement des terres des catégories II et III sont dorénavant partagés avec les gouvernements cris et naskapi locaux et régionaux ainsi que les autres avantages déterminés par les communautés cries et naskapie.
  • Le ministère de la Justice devrait prévoir des ateliers à l'intention des hauts fonctionnaires afin de les tenir au fait de l'évolution de la législation sur les droits ancestraux et les droits issus de traité de même que des obligations du gouvernement à titre de fiduciaire.
  • Parmi les personnes occupant des postes de directeur ou de sous-ministre, on ne devrait nommer que celles qui possèdent une très bonne connaissance des questions dont elles seront responsables. Dans des circonstances exceptionnelles, certaines personnes nommées peuvent être tenues de suivre avec succès une formation précise et importante au cours des six premiers mois de leur nomination.
  • On devrait mettre sur pied un secrétariat de mise en application de traités totalement indépendant du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada afin que le gouvernement remplisse ses obligations en vertu des traités et des conventions.
  • Une loi sur la mise en application des traités devrait être élaborée en englobant la plupart de la nouvelle loi sur les droits ancestraux et les droits issus de traité de même que la loi fiduciaire en un seul statut qui servirait de guide faisant autorité à l'intention des fonctionnaires du gouvernement dans l'exercice de leurs responsabilités en vertu des divers traités et conventions. Cette nouvelle législation, ou une partie de la législation correspondante, dont une loi de mise en application de traités (dispositions financières) devrait stipuler clairement la façon dont les aspects financiers des traités et conventions devraient être réglés.
  • Une cour supérieur de compétence nationale devrait voir le jour afin de traiter les cas mettant en cause les droits ancestraux et les droits issus de traité. Cette cour serait dotée d'une compétence dans ces secteurs et les cas découlant de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec,la Loi sur les Indiens, la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte et d'autres parties de la loi. De plus, on pourrait lui conférer un pouvoir de juridiction d'appel dans les cas issus de futurs tribunaux des Premières Nations. Les appels provenant de ces tribunaux sur les droits ancestraux et les droits issus de traité seraient entendus par la Cour fédérale d'appel et la Cour suprême du Canada.
  • Les juges de ce tribunal seraient nommés par les Premières Nations et le gouverneur en conseil et le tribunal pourrait être administré par une section de la Cour fédérale du Canada. Après dix ans, on pourrait réévaluer le besoin de disposer de ce tribunal.
  • Un processus de consultation devrait être entrepris par les gouvernements fédéral, cris et naskapi afin de passer en revue la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et d'atteindre les objectifs suivants :

    • abattre les barrières ou les obstacles au processus de prise de décision;
    • améliorer et simplifier le processus d'amendement de la Loi;
    • permettre et améliorer l'exécution de la Loi;
    • tenir compte de la réalité actuelle et de la situation des gouvernements locaux;
    • constituer la nation crie d'Oujé-Bougoumou en tant que bande;
    • améliorer l'efficacité de la Commission crie-naskapie.

  • Le gouvernement canadien ainsi que les administrations cries devraient immédiatement passer en revue l'entente de financement actuelle, dont l'Entente sur le paiement de transfert du financement sur les opérations et l'entretien en tenant compte de la situation actuelle et à venir et des besoins des communautés cries et des gouvernements locaux.
  • Le ministère de la Justice, de concert avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, devrait amender la loi sur le contrôle des armes à feu afin de prévoir la nomination d'agents autochtones affectés aux armes à feu, qui seraient dotés des mêmes pouvoirs et de la même autorité qu'un agent en chef sur les armes à feu, proposée par la loi fédérale. Les peuples cri et naskapi ne devraient pas être assujettis aux droits de permis et d'enregistrement. De plus, les amendements devraient permettre aux gouvernements cris et naskapi locaux d'offrir un cours sur la sécurité des armes à feu et de délivrer des permis sur les armes à feu et des certificats d'enregistrement.
  • Un examen approfondi et significatif de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois devrait être mené par toutes les parties visées. Il faut également établir un processus et un mécanisme qui lieraient toutes les parties afin qu'elles puissent respecter leurs obligations, responsabilités et engagements conformément aux conventions.
  • Les communautés cries et naskapie doivent disposer de ressources fiancières adéquates afin d'offrir efficacement des services de maintien de l'ordre à l'intention de leurs communautés et leurs policiers devraient avoir et exercer leur compétence à l'extérieur des terres de la catégorie I.
  • On devrait accorder aux pointeurs le pouvoir d'agir à titre d'agents de conservation sur tout le territoire.
  • L'administrateur fédéral, les membres fédéraux du Comité fédéral d'examen des répercussions sur l'environnement et le milieu social et les fonctionnaires fédéraux ne devraient pas s'immiscer dans la compétence, le pouvoir de prise de décisions et l'autorité de l'administrateur local de l'environnement. De plus, le gouvernement du Canada devrait respecter ses obligations, ses responsabilités et son rôle conformément à l'article 22 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
  • Les méthodes traditionnelles des Cris et des Naskapis devant les questions juridiques devraient être reconnues. Un examen complet et valable des articles portant sur la justice et la police figurant dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois devrait être effectué afin de faciliter l'établissement et la mise en application de l'appareil judiciaire local et faire régner la justice en bonne et due forme.
  • Les transferts finals des terres de la catégorie I et l'attribution des terres de la catégorie II ne devraient être finalisés qu'après des pourparlers et une entente avec le Grand consei1 des Cris (Eeyou Istchee) et les Premières Nations cries locales relativement aux limitations et aux questions s'y rattachant. Toutefois, les transferts finals des terres de la catégorie I devraient être effectués dès que possible.
  • La bande de 200 pieds le long des rivages des lacs et rivières sur les terres de la catégorie I des Cris devrait être abolie.
  • Les autorités visées (y compris les Cris) devraient procéder à un choix final des terres et à une classification le long des rivages des cours d'eau sur les terres de la catégorie I des Cris.
  • Le statut des revendications des Cris sur les eaux et les lits mettant en cause les îles au large des côtes de la Baie d'Hudson et de la Baie James devrait être résolu dès que possible par des négociations entre les Cris et le Canada.
  • Le gouvernement fédéral devrait accélérer le processus du transfert final des terres de la catégorie I A-N aux Naskapis et l'approbation du changement de nom officiel de la bande.
  • Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait engager des pourparlers avec les Washaw Sibi Eeyou à l'égard de leurs revendications, de leurs droits et de leurs inquiétudes au sujet de leur territoire.
  • Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait amorcer un dialogue avec la nation naskapie afin de résoudre dès que possible les revendications des Naskapis en ce qui a trait au Labrador.
  • Les gouvernements cris locaux et le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) devraient mettre de l'avant un processus visant à clarifier les rôles et responsabilités des entités et des institutions locales et régionales en faveur d'une autonomie gouvernementale des Cris.
  • La constitution officielle des Cris d'Oujé-Bougoumou en personnes morales dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois devrait être terminée.
  • La formule de rajustement dans l'entente actuelle de financement sur les opérations et l'entretien d'Oujé-Bougoumou devrait être revue afin de tenir compte des réalités actuelles et des besoins réels de la communauté.
  • Le gouvernement fédéral devrait participer au processus de mise à jour de l'article 15 de la Convention du Nord-Est québécois et de l'article 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
  • Le gouvernement fédéral devrait participer ou jouer un rôle d'observateur dans l'examen de l'article 11 de la Convention du Nord-Est québécois.
  • RECOMMANDATIONS PROPRES AUX COMMUNAUTÉ

    Chisasibi

  • Le gouvernement fédéral, en tant que fiduciaire de la nation crie de Chisasibi, en particulier en ce qui a trait aux droits de Chisasibi conformément à la Convention de la Baie James et du Nord québécois, devrait aider Chisasibi dans la reconnaissance de ses droits relativement au Bloc D.
  • Eastmain

  • Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada ainsi que le chef et conseil d'Eastmain devraient entamer des pourparlers afin de s'entendre sur les frais à verser pour la création d'un nouveau bureau pour la bande et les frais de remplacement de l'équipement lourd.
  • Un nettoyage sur le plan environnemental des réservoirs d'huile ancienne n'ayant pas servi et des autres débris sur l'emplacement de l'ancienne usine génératrice diesel devrait être assuré par le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada.
  • Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, de concert avec le chef et conseil d'Eastmain, devrait élaborer des plans pour la création d'un nouveau site d'évacuation des déchets.
  • Eastmain, les Services sociaux et de santé des Cris ainsi que la Direction générale des services médicaux du ministère de la Santé devraient conjuguer leurs efforts dès que possible afin de se pencher sur les besoins d'Eastmain en matière de santé, en particulier en ce qui a trait aux problèmes respiratoires et de diabète.
  • Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait s'entretenir avec Eastmain afin de mettre sur pied et de financer des programmes et des installations nécessaires à l'intention des jeunes.
  • Mistissini

  • Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, la Société canadienne d'hypothèques et de logement ainsi que Mistissini devraient commencer à élaborer des plans afin d'éliminer le problème de pénuries de logements et à se fixer un échéancier.
  • Le Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee) et les gouvernements cris locaux ainsi que les communautés devraient amorcer des pourparlers sur l'élaboration d'une constitution crie.
  • Transports Canada devrait terminer l'évaluation environnementale du site de Nitchiquon comme il a été prévu et mener à bien l'assainissement environmental requis.
  • Wemindji

  • Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait se pencher sur les inquiétudes au sujet des droits d'utilisation de l'eau de la communauté et les régler avec le chef et conseil de Wemindji.
  • Un processus devrait être établi afin de traiter les besoins urgents des pointeurs relativement à la violation de leurs parcours de piégeage et des territoires de chasse.
  • Waswanipi

  • Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devrait s'occuper des besoins spéciaux des aînés et des jeunes et un plan d'action devrait être élaboré.
  • Nemaska

  • Nemaska ainsi que le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada devraient entamer des pourparlers afin de régler la revendication non résolue de Nemaska sur la somme de 3,85 millions de dollars pour avoir accès à une route, y compris les immobilisations et l'entretien.
  • Vieux Poste devrait être désigné comme lieu historique en raison de ses peintures rupestres et d'autres caractéristiques d'intérêt historique.
  • Le Québec devrait renoncer aux frais de coupe sur le bois d'oeuvre utilisé dans la construction du site Vieux Poste.

CHAPITRE 14
Conclusion

Le présent rapport de la Commission crie-naskapie porte sur de nombreuses questions. Pour les raisons mentionnées dans d'autres chapitres du présent rapport, la Commission n'a pas été en mesure d'effectuer de façon appropriée une recherche et une analyse des diverses questions soulevées par les communautés. Dans certains cas, aucun commentaire n'a été formulé. Quant à certaines autres situations, il aurait été souhaitable d'approfondir la question. Finalement, la Commission ne peut donner suite à certaines questions sans tout d'abord obtenir et étudier des avis juridiques.

La Commission crie-naskapie envisage toutes les questions et les inquiétudes qui lui ont été adressées comme étant importantes et méritent que l'on s'y attarde. Compte tenu de cette situation, elle prévoit préparer un rapport supplémentaire, dès qu'un financement lui aura été accordé, afin de traiter les questions qui ne figurent pas dans le présent rapport ou qui font l'objet d'une étude sommaire.

En raison des contraintes financières et des délais, la Commission n'a pas été en mesure de tenir des audiences visant en particulier les aînés, les jeunes, les trappeurs et d'autres parties crie et naskapie visées. La Commission crie-naskapie reconnaît le rôle vital et les questions précises de chacun de ces groupes importants. Elle s'engage à rencontrer tous ces groupes dès que possible et à rédiger un rapport supplémentaire portant sur les questions et les inquiétudes s'y rattachant.


[Table des matières] [Lettre à la Ministre] [Remerciements] [Message du président intérimaire] [Introduction] [Chapitre 2 Statut de la Convention BJNQA] [Chapitre 3 Relations fédérales] [Chapitre 4 Questions d'ordre juridictionnel] [Chapitre 5 Questions territoriales] [Chapitre 6 Développement économique] [Chapitre 7 Relations cries locales/régionales] [Chapitre 8 Questions sur les Cris d'Oujé-Bougoumou] [Chapitre 9 Questions d'intérêt particulier pour les Naskapis] [Chapitre 10 Questions sur les autres communautés] [Chapitre 11 Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec] [Chapitre 12 Rôle et mandat de la Commission crie-naskapie] [Chapitre 13 Recommandations] [Chapitre 14 Conclusion]
Début
[Début]